Maria-sama ga Miteru (Français):Volume3 Chapitre5

From Baka-Tsuki
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― Si c'est ainsi que mes sentiments doivent se terminer, alors je ne désirerai jamais une autre personne, jamais.



Au cours de mon seizième hiver.

Je vécus une séparation si douloureuse que mon corps fut comme coupé en deux.



Un bourgeon du printemps[edit]

Partie 1[edit]

J'ai rencontré Shiori pour la première fois un jour de printemps. Un matin où j'étais arrivée à l'école plus tôt que d'habitude.

Pourquoi étais-je arrivée si tôt à l'école ce jour-là, alors que je n'avais rien particulièrement de prévu ? Il n'y a pas de réponse. Franchement, ce matin-là, j'avais juste cru que c'était l'heure de se réveiller, voilà tout. Je m'étais préparée comme tous les matins, alors qu'il était une heure plus tôt ; ce n'est qu'en montant dans le premier train que je compris mon erreur, voyant comme il y avait peu de monde.

Je n'aimais pas plus que ça être à l'heure, je ne regardais donc jamais avec vraiment d'attention l'heure qu'il était. J'étais le genre de personne qui préfèrait arriver en retard à l'école plutôt que d'entendre le réveil sonner tous les matins ; je me retrouvais donc souvent dans ce genre de situation.

En sortant du bus à la gare M de JR, située devant notre école, le lumière du soleil fut aveuglante pour mes yeux endormis.

Me protégeant les yeux de la main, je marchai sous le grand portail. Le ciel bleu éclairait le petit chemin bordé de ginkgo devant moi, doux passage tel la Voie lactée.

(La Voie lactée...)

Ce mot portait en lui un écho légèrement romantique. Je me demande quelles têtes feraient mes camarades de classe si je leur disait cela à voix haute.

- Et bien ! Sei Satou-san la bizarre a elle aussi un côté mignon ?

Mais je n'avais aucune envie de leur faire plaisir.

Rejetant en arrière mes longs cheveux, je murmurai « complètement idiot ».

(Quoi donc ?)

Le réponse la plus juste à cette question était aussi bien « tout » que « moi ».

Ces étudiantes de Lillian aux sourires innocents qui semblaient dire « il n'y a aucun problème dans le monde ».

Ces parents pathétiques qui ne se demandaient jamais s'ils élevaient correctement leurs enfants.

Cette école qui ne me considèrait pas comme une délinquante car j'avais de très bonnes notes.

Moi, qui vivait tous les jours mon quotidien ordinaire alors que tout m'ennuyait.

Tout ça, tout.

Si je ne trouve rien à aimer dans ce monde - pas même moi - le plus gros problème se trouve certainement en moi.

Ce monde existait bien avant ma naissance, tout le monde essaye de faire de sorte qu'il devienne de mieux en mieux. Les gens qui ne peuvent se conformer à ce monde, et bien... portent seul la responsabilité d'être incapable de s'y conformer.

J'avais compris tout cela et je vivais donc sans faire d'histoires. Mais, une adolescente de seize ans comme moi rejette le rôle de la « demoiselle pure ».

Pourquoi devrais-je rire avec tout le monde ?

Pourquoi devrais-je participer à ces conversation dont je n'ai rien à faire ?

Alors, je restais silencieuse.

Je ne peux rien faire. Ici, c'est une prairie remplie d'anges.

La Vierge Marie, qui se tenait à l'intersection du chemin, me regardait comme si j'étais en dieu en colère.

(Vraiment...)

Elle semblait si sereine, si gentille, alors qu'en réalité, elle divisait les étudiantes qui rentraient dans cette école en « bon » ou « mauvais ».

Je fis un pistolet de ma main droite et le pointa vers la statue blanche de Marie. Cette Sainte Vierge, debout devant la petite forêt de verdure, passait chaque seconde à prier pour le bien des étudiantes.

- Amen.

Un « Pan ! » résonna dans mon esprit et je me mis à courir en riant.

Magnifique.

Courir à travers ces arbres frais et bourgeonnants était si revigorant. Je voulais toujours faire cela, quand il n'y avait personne dans les environs.

Ce n'était pas le fait que les gens me voient qui me gênaient, mais être réprimandé pour cela... Quelle perte de temps.

Je ne crois pas en la Vierge Marie, je n'ai pas peur du châtiment divin. Jésus de Nazareth et sa mère Marie sont deux personnes réelles qui sont mortes il y a très, très longtemps. Après 2000 ans, même les fantômes doivent être mort d'ennuis.

Et si Marie était vraiment si proche de Dieu, elle était censé sauver les mauvais moutons. Allez, viens, sauve mon âme qui ère sans but !

- Amen !

Je courai en criant ce mot encore et encore.

C'était le milieu du printemps.

Je venais juste de devenir une deuxième-année dans ce lycée.

Je n'avais pas de malheur. Je n'avais juste pas de chaleur. J'errais dans le noir, sur une terre sèche et sauvage.

Je ne savais pas quoi faire.

Je ne savais même pas ce que je voulais faire.

Essoufflée, je m'appuyai contre le mur du sanctuaire. J'avais fini là. Mon inconscient semblait m'avoir faire courir dans le sens opposé à celui des bâtiments de l'école.

Oh et puis... Je vais me reposer pendant une heure - j'entrai dans le sanctuaire.

Après avoir avancé de quelques mètres dans le couloir sombre et silencieux, la première chose qu'on voyait après avoir ouvert la porte épaisse en bois décoré était une statue de Jésus Christ crucifié. À gauche, une statue colorée de la Vierge. À droite, un vitrail plein de couleurs. De longs bancs en bois occupaient chaque côté de la pièce.

Les prières matinales des sœurs devaient être terminées, il n'y avait personne.

Je choisis le deuxième banc en partant du fond et m'allongeai dessus. Des anges étaient peints au plafond. C'était la première fois que je les regardais comme ça, au calme.

Je n'étais pas chrétienne, mais je trouvais que le sanctuaire était un très bel endroit. Je ne détestais pas non plus les temples bouddhique, je devais simplement aimer les architectures religieuses.

J'enveloppai mes épaules de mes bras et fermai les yeux. Cela me calmait. J'avais l'impression d'être devenue une petite boule recouverte d'un bouclier protecteur.

Ne me touchez pas. Oubliez-moi.

Mon corps voulait dormir, mais mon esprit était étonnement actif. Ça ne fait rien. Je roulai sur le côté.

Quelle heure était-il ? Je finis par perdre le compte du temps, sans savoir si j'étais réveillée ou endormie, quand j'entendis soudain quelque chose.

Comme un herbivore qui se repose, mon corps réagit immédiatement, je me redressai d'un bond comme une poupée automate. Peu importe si quelqu'un te voit, me murmura une petite voix dans ma tête.

Apparemment surprise par mon mouvement soudain, la personne qui venait de faire le bruit se tourna - elle était assise sur le banc de devant, au milieu.

Nous n'avions pas remarqué notre présence.

Elle s'était sans doute agenouillée pour prier et je retins ma respiration en la regardant se relever lentement.

La lumière qui traversait les fenêtres l'éclairait au-dessus de l'épaule droite, la faisant paraître blanche, divine.

- ... Gokigenyou.

Souriant, elle s'approcha de moi. Elle portait l'uniforme des lycéennes de l'académie Lillian et ses cheveux lisses lui tombaient dans le dos jusqu'à la taille. Sa peau n'était pas aussi pâle que je l'avais d'abord cru.

- ... Première-année ?

Je devais la regarder comme si je la jugeais.

- Oui. Je ne suis à Lillian que depuis cette année.

Son voix claire était douce.

- Sans doute.

Je ne me rappelais pas tous les visages de cet école, mais je n'aurai sans doute pas oublié le sien si je l'avais déjà vu.

- Ton nom ?

- Shiori Kubo.

Shiori Kubo.

Je gravai ce nom dans mon cœur. Ce n'était qu'un nom, mais il était curieux de voir qu'il était devenu si spécial par le simple fait qu'il lui appartienne.

Je me fichais totalement des gens habituellement, mais quand cela concernait une première-année du nom de Shiori Kubo, j'étais incroyablement curieuse. Alors, je laissai libre court à mes sentiments. En plus de son nom, je lui demandai sa classe, le nom du collège où elle était allée, où elle vivait, tant de questions impolies.

Tout d'abord, Shiori sembla très surprise. Mais comme mes questions étaient faites que de curiosité et non de critique, elle répondit poliment à chacune d'entre elles.

Shiori venait d'un collège de Nagasaki qui l'avait recommandé à Lillian. Son absence d'accent venait du fait qu'elle était originaire de Tokyo. Ses parents étaient morts dans un accident de voiture quand elle était en 4ème. Son oncle s'était occupé d'elle à Nagasaki, et maintenant que le cycle d'éducation obligatoire était terminé, elle avait décidé de retourner à ses racines. Elle n'avait pas de parents à Tokyo, elle vivait donc dans les dortoirs de l'école.

Shiori parlait sans honte de ces tragiques quinze années. Elle m'émut profondément. Sa tolérance pour cette élève rude d'une classe supérieure qu'elle rencontrait pour la première fois et sa bonne volonté à m'accepter, me stupéfia.

Elle était mature et il semblait que même moi, toute étrange et pleine d'épines que j'étais, pouvait tenir sa main sans qu'elle, divine, n'en subisse d'égratignures.

- Est-ce que c'est tout ?

Après un moment de silence, Shiori regarda sa montre et parla.

- Je dois y aller.

J'étais en plein conflit, entre le désir de rester ici et la réalisation que la situation devenait étrange. Je hochai la tête. Mon cœur se serra incroyablement fort quand je fis ce mouvement.

- Je suis désolée d'avoir pris de ton temps.

- Ne t'inquiète pas, j'y suis habituée.

Les étudiantes nouvellement transférées étaient souvent questionnées de la sorte ; elle sourit, sans une once de méchanceté.

- Oh, je m'appelle...

- Je sais. Rosa Gigantea en bouton, Sei Satou-sama.

- Que...?

- Tu as été présenté pendant la cérémonie d'accueil aux première-années.

Après cette réponse, Shiori baissa poliment la tête et sortit du sanctuaire. Maintenant qu'elle n'était plus là, celui-ci semblait avoir perdu un peu de sa magnificence.

Partie 2[edit]

Je suis plus connue que je ne le pensais.

Shiori me connaissait grâce à la cérémonie d'accueil aux première-années organisée par le Yamayurikai. Je me rappelais avoir été forcé d'y participer par ma Sœur, Rosa Gigantea ; c'était loin d'être amusant mais je ne pouvais y échapper. Je me rappelais juste m'être assise sans rien faire pendant un long moment.

Si j'avais prêté attention, aurais-je trouvé Shiori parmi la foule ?

La réponse était oui, bien sûr. Peu importe le nombre de personnes qu'il y aurait eu, il n'y avait qu'une seule Shiori, elle se serait sans aucun doute démarquée des autres, elle était si unique.

- Shiori Kubo ?

Youko Mizuno eut l'air surpris.

- Qu-Quoi ?

- … Non, c'est la première fois que tu prononces le nom de quelqu'un. Je suis surprise, c'est tout.

Après l'école, je m'étais rendue à la Demeure des Roses pour la première fois depuis longtemps et voici la réponse que j'y reçu. Youko, une élève très gentille et très sérieuse, finit de lire un document et ajouta « alors ? ».

- Rien. Je l'ai croisé ce matin, c'est tout. J'ai appris qu'elle était dans la même classe que ta sœur, je me demandais si tu avais entendu des rumeurs sur elle ou des choses de ce genre.

- Dans la classe de Sachiko...?

Elle ne semblait rien se rappeler. Je pensais qu'il y avait peut-être quelques informations qui trainaient à son sujet, à cause de l'impression si forte qu'elle m'avait laissé, mais apparemment, ce n'était pas le cas.

- Ça ne fait rien si tu ne sais pas.

Je me levais pour partir, mais Youko m'agrippa le bras.

- Comme tu es là, reste un peu. Il faut que je te parle un peu de ta position, tu ne sembles pas comprendre tes responsabilités en tant que bouton.

Mais Youko ici-présente, semblait elle très bien les comprendre. Mon départ ne devrait pas lui poser de problèmes, pensais-je intérieurement.

- Je ne suis pas devenue un bouton parce que je le voulais.

- Mais tu as accepté, en devenant la sœur de Rosa Gigantea, non ?

- Ce n'était pas Rosa Gigantea alors.

- Tu chipotes. J'ai mal à la tête quand je pense à l'année prochaine.

Youko posa une main sur son front et soupira.

Bien sûr. À part elle, on ne pouvait compter sur aucun autre bouton.

Eriko, Rosa Foetida en bouton, faisait ce qu'il fallait, mais avec un air d'ennui qui ne la quittait jamais. Et je séchais sans arrêt. Quand nous trois perdront le « en bouton » de nos titre, le Yamayurikai aura du soucis à se faire.

Mais ça ne faisait rien. Car moi aussi, ma tête me faisait mal quand je pensais à l'année prochaine.

- Quoi qu'il en soit, reste un peu, au moins jusqu'à ce que quelqu'un arrive.

Youko ne lâcha pas mon bras.

- Si je pars, ça ne sera pas de ta responsabilité.

- Je ne veux pas que tu t'en ailles, alors que je suis toute seule.

- Hum.

Je m'assis sur une chaise. Pas pour Youko, mais parce que rester debout commençait à être fatiguant. Youko, elle, dit « merci » et s'absorba de nouveau dans ses documents.

Cinq minutes plus tard, j'entendis le bruit de craquement que faisait quelqu'un qui montait l'escalier.

- Ouah, quel miracle !

Ma Sœur, Rosa Gigantea, pénétra dans la pièce avec la sœur de Youko, Sachiko Ogasawara.

Oui, c'était bien une vue plutôt rare. Ma Sœur marchait en tirant Sachiko par la main comme si c'était une poupée.

- Nous nous sommes croisées dans le couloir, alors nous sommes venues ensemble. Sachiko-chan ressemble tellement à une poupée japonaise, je ne peux pas m'empêcher de vouloir être à ses côtés.

Comme le disait ma Sœur, Sachiko était incroyablement belle. J'avais entendu parler d'elle avant d'entrer au lycée, elle avait un an de moins que moi. En fait, je l'avais juste déjà vu, sans jamais avoir essayé de lui adresser la parole.

Elle était une personnalité très connue dans l'école grâce à sa beauté et son statut de fille de riche famille. Quand Youko avait fait de Sachiko sa sœur, je m'étais demandé pourquoi elle s'était embarassé d'une personne aussi embêtante qu'elle. Mais il était évident que c'était parce que si Youko ne le faisait pas, personne d'autre n'aurait le courage de le faire.

- Tu me vois désolé de te montrer mon visage d'européenne, Sœur.

- Oh, tu boudes ? Espèce d'idiote, ton visage est ton visage, je t'ai choisi pour ça, tu le sais bien.

- Désolé. Et merci.

J'étais satisfaite. J'aimais entendre ma Sœur dire « je t'ai choisi pour ton visage ». On ne pouvait jamais savoir à quoi ressemblait vraiment quelqu'un de l'intérieur. Un compliment est beaucoup plus crédible quand il porte sur l'apparence extérieure.

- Assis-toi.

Sachiko s'assit à côté de Youko. Je changeai de siège pour être à côté de ma Sœur. Je n'aimais pas les atmosphères intimes, mais je ne détestais pas la Demeure des Roses. Sans doute le savait-elle, car ma Sœur ne me disait jamais de venir aux réunions ou prendre le thé avec elles. Je venais si je voulais, je ne venais pas si je ne voulais pas. Elle savait qu'il ne servait à rien d'insister.

Oui. Ma Sœur savait comment s'y prendre avec moi.

À mon entrée au lycée, beaucoup de personnes m'avaient demandé de devenir leur sœur, mais j'avais refusé catégoriquement. Je voulais être seule, mais les gens me disait sans cesse de choisir une Sœur. Quand je commençais à trouver tout cela extrêmement ennuyeux, Rosa Gigantea était apparue.

Elle me dit qu'elle aimait mon visage. « Je veux le voir, alors sois à mes côtés ». Ce fut tout mais je décidai de devenir sa sœur.

Je me sentais beaucoup plus à l'aise quand on me disait ce qu'on aimait chez moi.

Voilà pourquoi je venais parfois m'assoir à la Demeure des Roses pour lui faire plaisir. Je n'aimais pas les réunions, je me contentais de faire semblant d'écouter.

Les voix de Youko, de Sachiko et de ma sœur s'affaiblirent, devenant un simple bruit de fond ; je me mis à chanter silencieusement « l'esprit de la Vierge Marie ». C'était la première chanson qui me venait de me traverser la tête. Je ne l'aimais pas spécialement, j'aurai aussi bien pu chanter une ballade japonaise contemporaine.

Je n'aimais pas les conversations des filles de mon âge. Je passais mon temps pendant les intercours à lire des romans. Je savais que j'étais une énigme pour ma classe.

Rosa Chinensis et Rosa Foetida arrivèrent, et la réunion commença. « L'esprit de la Sainte Vierge » se termina sur ce bon timing et je me mis à penser à cette fille que j'avais rencontré ce matin au sanctuaire.

Shiori Kubo.

Comme l'avait dit Youko, il était surprenant que je m'intéresse à quelqu'un.

Partie 3[edit]

Mon agressivité me surprit.

Tout d'abord, je décidai de me lever tôt le lendemain et d'attendre Shiori devant le portail de l'école. Shiori devait passer par cette entrée si elle prenait le bus de la gare M. J'avais choisi cet endroit plutôt que la gare ou l'arrêt de bus car c'était le plus simple pour ne pas la louper.

J'étais comme une enfant, je le savais. Remplie de l'espoir de la voir passer par ce portail, comme si c'était par un heureux hasard. La possibilité qu'elle puisse aller à l'école avec une amie ou qu'elle me rejette ne me traversa jamais l'esprit.

Finalement, l'espoir tant attendu ne se réalisa pas. Shiori ne marcha pas sous le portail.

Les vagues d'uniformes noires se firent de plus en plus faibles. J'en oubliai même de courir jusqu'aux bâtiments de l'école, me contentant de regarder d'un air absent le gardien fermer les deux portes.

J'avais perdu confiance en moi, ne pensant même pas à la possibilité qu'elle ait pu être en retard ou soit absente aujourd'hui. Existe-t-elle vraiment ? Youko ne semblait pas connaitre ce nom, nous avions été seules à ce moment-là dans le sanctuaire, rien ne prouvait que Shiori Kubo soit vraiment une première-année. Étrangement, l'idée qu'elle soit une existence d'un autre monde lui allait bien.


A l'heure du déjeuner, je vins jeter un coup d'œil dans la salle de classe des première-années de pin. Celles-ci semblaient avoir l'habitude de voir des deuxième-années, la classe en était actuellement pleine, et personne ne s'en souciait outre mesure.

- Que se passe-t-il, Sei-sama ?

Sachiko m'interpella par derrière. Apparemment, elle n'était pas dans sa salle de classe quand j'étais arrivée.

- Shiori Kubo est dans ta classe ?

Je ne pus m'empêcher de demander une confirmation.

- Oui.

Sachiko pencha la tête sur le côté, se demandant pourquoi je posais une telle question.

- Elle est absente aujourd'hui ?

J'avais confirmé son existence, mais je ne la voyais toujours pas dans la salle de classe.

- Non.

- Elle était en retard ?

- Elle était là quand les cours ont commencé. Et...

Sachiko répondit à ma prochaine question.

- Je pense qu'elle est sûrement au sanctuaire en ce moment.

- Au sanctuaire...

- C'est une chrétienne très pratiquante. Elle prie toujours le matin.

Cela expliquait tout.

Shiori était arrivée à l'école avant moi et priait, alors que je l'attendais devant le portail.

Même si c'est là-bas que je l'avais rencontré hier, je ne m'étais même pas demandé ce qu'elle y faisait à cette heure de la journée. C'est vrai qu'elle n'était sûrement pas venue comme moi dormir...

Quand Sachiko me dit que Shiori était une chrétienne fervente, je ne pus m'empêcher de hocher la tête. Cette pureté que j'avais vu chez elle était sans doute sa foi.

- Tu veux que j'aille lui dire que Rosa Gigantea en bouton la cherche ?

- Ça ne sera pas nécessaire.

- Tu vas au sanctuaire, alors.

- Je ne pense pas.

Je fis demi-tour sans la remercier. Ce n'était pas de sa faute. Elle avait vu juste, sans mauvaise intention. Je le savais, mais je me sentais mal à l'aise de voir que mon affection pour Shiori avait été perçu si vite par cette jeune Sachiko.

Après être retournée dans ma salle de classe, je me plongeai une nouvelle fois dans mes pensées et changeai de d'avis. Il était stupide de ne pas aller au sanctuaire car Sachiko avait dit cela et je ne voulais pas rester dans cette bruytante salle de classe.

Il fallait que je sorte respirer un grand bol d'air. Je sortis par la sortie de secours, ordinairement interdite. Les jeunes feuilles étaient toutes vertes dans la lumière du jour et leur beauté étincelante était si plaisante à l'œil que les cours en paraissaient totalement mornes.

J'aurais du emmener un livre. Je voulais sécher les cours, il était magnifique de m'imaginer allonger sous ce soleil.

Consciemment, ou inconsciemment, mes jambes me dirigèrent vers l'est. Peut-être pourrais-je voir Shiori. Mais, tant pis si ce n'était pas le cas. Je ne savais pas ce que je dirais si je la voyais.

Mon envie, à ce moment, était seulement d'admirer Shiori de loin. Si je pouvais l'observer sans qu'elle ne s'en rende compte...

Je levai la tête et fermai les yeux. J'avais l'impression de fondre dans ce paysage de verdure. J'étais herbe, feuille à peine née, vent qui soufflait à travers eux. Je voulais disparaitre, comme cela. Je voulais que Sei Satou s'efface de ce monde, et que personne ne se souvienne qu'elle ait été là.

Quand je rouvris les yeux, comme par miracle, Shiori était là. Elle marchait à dix mètres de moi et s'arrêta à un pas de moi.

- Gokigenyou, Rosa Gigantea en bouton.

Elle était devant moi, comme si c'était la chose la plus normale du monde. Je ne pouvais m'empêcher de penser qu'elle était l'extrême opposé de moi, aimé et accepté par le monde entier. Peut-être était-ce pour cette raison qu'elle m'attirait.

- Je suis venue te voir.

Je voulais être sauvé par Shiori. Qu'elle purifie mon âme non-conforme, qu'elle me rende à la normalité.

- Je voulais te voir. Ça te dérange ?

Je me répétais. Je la suppliais presque, avec une expression sur le visage que même ma mère n'avait jamais vu. J'avais enlevé l'armure qui recouvrait mon âme, qui me protégeait. Je ne pouvais rien faire si j'étais rejetée. J'avais trouvé quelque chose en Shiori pour lequel j'étais prête à tout risquer.

- Comment pourrais-je dire une chose pareille ?

Shiori répondit de sa voix calme, aussi claire qu'un lac de cristal.

- Moi aussi, je voulais te voir.

Je me mis à pleurer, me surprenant de ma propre honnêteté. Je voulais remercier Dieu de m'avoir donné Shiori.