Maria-sama ga Miteru (Français):Volume1 Chapitre5

From Baka-Tsuki
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Une deuxième semaine brûlante[edit]

Partie 1[edit]

Le mercredi suivant, Tsutako alla trouver Yumi pour lui dire que Sachiko était étrange.

- Étrange...?

- Et bien, pas vraiment étrange mais... Elle ne se conduit pas comme d'habitude.

- C'est la même chose.

Le festival de l'école était dans trois jours et la majorité des étudiantes étaient totalement débordées. Cette semaine, les cours avaient été déplacés en matinée, afin de laisser l'après-midi libre pour les clubs, les groupes et les comités. La dernière ligne droite.

Tsutako avait interpellé Yumi dans le couloir.

- Alors, pourquoi est-ce que tu dis ça ?

- Elle ressemble à un chikuwa [1].

- Un chikuwa ?

Tsutako disait habituellement que l'allure de Sachiko était celle d'une princesse fière et hautaine, d'une bougie dure à la mèche droite. Mais, ces temps-ci, Sachiko était plutôt comme un chikuwa évidé, une bougie qui a perdu sa mèche. Elle regarda autour d'elle, soupira et dit :

- Elle est même venue me voir au club de photographie.

Tsutako mordit son mouchoir, frustrée, « Ça ne lui ressemble pas du tout ».

- Quand les choses la concernent, elle est plutôt du genre à demander aux gens de venir la voir plutôt que l’inverse.

- Ça ne dépend pas plutôt des gens et de l’importance de la chose ?

Tsutako voyait toujours les choses d’une façon différente. Mais quoi qu’il en soit, cela voulait dire que Sachiko s’était rendue au club de photographie pour régler quelque chose.

- Et devine ce qu’elle a dit… ? « Si tu veux utiliser la photo de Yumi et moi pour le festival de l’école, tu peux » !

- Sachiko-sama…

Ça, c’était vraiment très bizarre. La Sachiko normale n’aurait jamais permis une telle chose si la personne qui la désirait n’était pas venue lui en parler. Même si elle en entendait parler, si on ne venait pas la voir directement pour lui en parler en face à face, elle ignorait le tout complètement.

- Enfin, bref. C’est à toi. Félicitation.

Tsutako baissa les épaules et tandis quelque chose à Yumi.

- Ah, c’est...

C’était les deux photos qu’elle avait prise lundi dernier, sur lesquels on voyait Sachiko arranger la cravate de Yumi. C’est vrai, c’est ainsi que tout avait commencé.

- Elle a changé. Je me demande ce qu’il lui ait arrivé, dit Tsutako en enjambant des journaux qu'une classe avait renversé en travaillant sur un grand panneau dans le couloir.

Yumi n'était pas aussi sûre d'elle quand il fallait sauter par-dessus des objets, alors elle marcha prudemment sur le côté pour les éviter.

Elle avait l'impression de savoir ce qui lui « était arrivé ».

Si Sachiko était comme un chikuwa ou une bougie sans mèche c’était parce qu'elle avait rencontré Kashiwagi samedi dernier.

- Ah, Yumi-san. On m'a aussi dit pour le club de journal.

- Le club de journal ? Qu'ils ont arrêté de me demander sans cesse une interview ?

- Oui. Apparemment, c'est à cause à Sachiko-sama.

Ce « à cause » semblait de mauvais augure. Qu'avait bien pu faire Sachiko ?

- La semaine dernière, tu étais complètement dépassée, car elles te poursuivaient partout, pas vrai ? Sachiko a du se sentir responsable quand elle a découvert ça, elle est allée parler directement à la responsable du club. Comme elles sont toutes les deux des deuxièmes-années, les négociations ont du être plus simples.

- Je ne pense pas qu’ils arrêteront juste parce que Sachiko leur a demandé.

- Exact. On m’a dit que Sachiko s’était fait interviewer à ta place. À la condition qu’ils arrêtent de te suivre partout.

- Hein… ?!

Elle n’était pas du tout au courant.

Sachiko l'avait protégé complètement à son insu. Même si elles se voyaient tous les jours, elle n'avait rien remarqué.

Tsutako ajouta que le club du journal était resté silencieux car ils avaient maintenant l'histoire entière en leur possession.

- La moitié de l'article est déjà prêt. Le reste dépend que tu acceptes ou non le rosaire de Sachiko-sama avant le festival de l'école. Et que tu sois ou non Cendrilon. Ils attendent la suite.

- Tu es bien au courant.

- Le club du journal est dans la pièce voisine à celle de mon club. Quand je développe mes photos et que je suis seule, je les entends parler, que je le veuille ou non.

- Que tu le veuilles ou non.

- Oui, même si je n'en ai pas envie.

Elles finissèrent de descendre l'escalier en silence et, arrivées au rez-de-chaussée, se séparèrent dans leurs directions respectives.

- Tu n'as pas des fois l'impression que quelque chose est sur le point d'arriver ? demanda Tsutako en pivotant sur elle-même.

- Quelque chose ?

- Tu sais bien. On en parle tout le temps. Une personne sévère devient gentille tout à coup, et puis elle disparait. Et quand tu essayes d'en parler de nouveau, tu te rends compte que ce n'était qu'un souvenir. Quelque chose dans le genre.

- Qu'est-ce que tu dis ?! Ce n'est pas un présage...

Yumi rit. Le club de journal s’était fait moins omniprésent depuis le milieu de la semaine dernière. Sachiko était devenue étrange à partir de samedi, les deux phénomènes n’étaient donc pas liés.

De plus.

Sachiko ne s’enfuirait pas. Yumi lui faisait confiance.

Sachiko ne s'enfuirait jamais. Elle lui avait promis.


Au premier étage de la Demeure des Roses, Sachiko avait tiré une chaise près de la fenêtre et regardait dehors.

Les rideaux de conton ondulaient doucement dans le souffle léger du vent. La brisa faisait aussi bouger les cheveux de Sachiko.

Elle ne remarqua pas Yumi quand celle-ci rentra dans la salle. Elle resta assise, à regarder dehors, telle une princesse prisonnière d'un donjon.

- Depuis quand es-tu là ?

La princesse se rendit enfin compte de la présence de Yumi.

- Ça fait environ dix minutes.

- Je vois.

- Il n'y a personne d'autre ?

- Ils doivent sûrement être occupé avec leur classe, je pense. Et Shimako ?

- … Au comité pour la protection de l'environnement.

- Ah.

Même les membres de la Demeure des Roses ne consacraient pas tout leur temps libre au conseil des étudiants. Elles faisaient aussi partie de clubs ou de comité dans lesquels elles devaient se rendre de temps en temps.

- Sachiko-sama, vous faites partie d'un club ?

- Non.

Sa réponse était totalement neutre. Cela devait être la conséquence de ces innombrables leçons qu'elle avait du recevoir pendant son enfance. Les deux seules personnes qui n'avait ni club ni comité à rejoindre s'étaient donc réfugiées dans la Demeure des Roses.

Sachiko soupira doucement en regardant par la fenêtre.

Elle doit sûrement penser à Kashiwagi, pensa-t-elle instinctivement.

Une vue aussi misérable n’allait pas à Sachiko. Yumi rassembla son courage et dit :

- Sachiko-sama.

- Oui ?

- Qu’est-ce qui se passe ?

- Se passe… ?

Peut-être voulait-elle faire comme si rien de particulier n'était arrivé. Son visage était étonné, comme si elle ne comprenait pas de quoi elle parlait.

- Vous semblez avoir besoin d’aide.

- Si c’est le cas, tu m’aiderais ?

Son visage était sérieux, Yumi répondit timidement « si c’est en mon pouvoir ».

- Alors, accepte mon rosaire.

- Quoi ?!

- Tu as dit que tu m’aiderais si c’était en ton pouvoir.

Sachiko sortit son rosaire et lui tendit. Il était très beau, très brillant. Mais il ne venait pas seul, elle ne pouvait pas répondre « très bien » et l’accepter.

- Si il y a quelque chose d’autre…

- C’est tout ce que je te demande.

Sans rien ajouter d’autre, elle remit son rosaire dans sa poche. Elle avait juste essayé de tenter sa chance.

- Vous le détestez à ce point ?

Une chose était certaine : sa volonté de donner le rosaire à Yumi n’était pas basée sur l’envie d’en faire sa petite sœur. Si elle réussissait à séduire Yumi avant le festival, elle pouvait échapper au rôle de Cendrillon.

- Bien sûr.

Yumi n’avait pas prononcé le nom de Kashiwagi, mais Sachiko avait compris la signification de sa question et répondit.

- Mais, vous avez déjà dansé avec lui pas mal de fois…

- Ce n’est pas une histoire d’habitude.

Elle parlait comme si elle crachait du venin.

Tout cela ouvrait sur un certain nombre de problèmes. Après tout, le plan de Rosa Gigantea était d’habituer Sachiko aux garçons.

- J’espérais que peut-être les choses s’arrangeraient si je le rencontrais… Mais, ça n’a pas été le cas.

Sachiko soupira une nouvelle fois.

Yumi réfléchissait.

Est-ce que c’était parce que Kashiwagi était un garçon ? Ou est-ce que c’était parce que le garçon était Kashiwagi ?

Cela semblait être la même chose de prime abord, mais elle sentit qu’il y avait une différence.

Sachiko semblait y voir une différence.


≈≈≈≈≈≈


Le temps passa, pressé par les soupirs.

Il y avait encore beaucoup de choses qui restaient à faire et encore d'autres qu'on voulait faire, il n'y avait pas d'autre choix que de s'affairer ça et là avec précipitation pendant les trois derniers jours. Même après avoir reçu leur après-midi libre de l'école, les élèves en voulaient trop et étaient incapables d'utiliser leur temps aussi judicieusement que possible.

Lors de cette dernière ligne droite, Yumi révisa les lignes de Cendrillon chez elle, au lieu de regarder la télévision. Pendant la récréation, elle répétait les pas de danse avec Shimako sur l'herbe.

Elle ne savait pas elle-même pourquoi elle travaillait si dur. Mais, elle était la remplaçante de Cendrillon, elle se sentait obligée de faire de son mieux, en cas d'urgence.

Mais pourquoi était-ce un cas d'urgence ? Les urgences sont rares, elle ne voulait pas y penser.

La date limite se rapprochait de plus en plus.

Partie 2[edit]

- Bien, terminons avec une dernière transformation de Yumi-chan, cria Rosa Chinensis, utilisant son script roulé comme haut-parleur. Je te l'ai déjà dit plusieurs fois, mais c'est vraiment le moment où il faut que tu fasses preuve de technique !

- Oui.

Yumi enfila la robe, fruit de la collaboration entre le club d'invention et le club de couture. Au premier abord, c'était une tenue de servante, des loques couvertes de poussière, mais il y avait en fait un mécanisme spécial qui, après avoir tiré quelques cordelettes, la transformait en une magnifique robe ivoire, du même tissue. Cette tenue était cependant uniquement utilisée lors de la transformation. Pour les scènes de ballet, elle devait mettre un jupon et un justaucorps.

Même à Lillian, le jour qui précédait le festival était un vrai bazar. Les choses commandées qui n'étaient pas encore arrivées, les fautes sur les prospectus, les sièges loués plusieurs fois à des groupes différents,... Les plis des jupes des petits anges n'avaient plus d'importance et les nœuds marins étaient de travers ou à moitié défaits. C'était le jour où les Sœurs essayaient de se montrer le moins possible. Elles ne voulaient pas donner elles aussi un mauvais exemple.

Et même Yumi et le Yamayurikai étaient dans cette situation.

Ne pouvant utiliser le gymnase que de deux heures à quatre heures, elles pressèrent Kashiwagi, qui arriva à deux heures pile, de mettre son costume de prince et en quarante-cinq minutes, elles arrivèrent à répéter la pièce deux fois : une version Sachiko et une version Yumi.

- Quand la fumée est prête, je te fais signe et tu tires les cordelettes, compris ?

Elles avaient préparé la même fumée grise qu'il y aurait à la vraie représentation. Sachiko réussit du premier coup, mais Yumi, elle, du s'y reprendre à cinq fois pour exécuter parfaitement le mécanisme de la transformation.

- Bbibi bobidi bou !

Rei chanta la formule magique, agitant sa baguette. Elle aussi portait un autre costume en dessous de sa cape, celui d'un jeune homme noble qu'elle jouerait lors de la scène suivante comme si de rien n'était.

Rosa Chinensis baissa le script roulé et Yumi tira sur les petites cordes. Yoshino, agenouillée et cachée par la fumée, détacha les cordes sur sa taille.

(Hein ? Yoshino-san ?)

Yumi pencha la tête. C'était le rôle de la Sœur B, c'est à dire quand Yumi était Cendrillon, le rôle de Sachiko. Malgré s'être plainte de devoir s'agenouiller sur le sol, elle avait déjà exécuté cette tâche cinq fois.

Il y eu des applaudissements, et la scène commença petit à petit à se désenfumer.

- Hein...?

La transformation était terminée alors qu'elle était toujours en train de s'interroger. Oui, la robe ivoire était maintenant complètement visible.

- Tu as réussi, Yumi-chan !

Rei lui tapota gentiment l'épaule.

« Si tu t'en sors aussi bien lors de la représentation, on te pardonnera quelques fautes dans tes lignes. »

- Si tu t'en sors aussi bien lors de la représentation, on te pardonnera quelques fautes dans tes lignes.

Rosa Chinensis rit de ces paroles insouciantes.

- Mais je ne m'attendais pas à ce que tu travailles si dur, Yumi-chan. Tu t'es bien rappelée ton texte, également. Je suis pressée de voir ce que demain nous réserve.

Rosa Foetida la complimentait, mais Yumi se hâta de l'interrompre.

- Je suis très reconnaissante de ces paroles, mais la vraie Cendrillon, c'est Sachiko-sama.

- Ah, oui.

Toutes se regardèrent comme si elles l'avaient oublié un moment.

- Sachiko, la Cendrillon traditionnelle ou Yumi, la Cendrillon comique. Par malheur, nous n'aurons l'occasion de n'en voir qu'une seule demain.

- Co-Comique ?

Un gros choc traversa le cerveau de Yumi en une fraction de seconde. Tous ses efforts pour se rapprocher, rien qu'un peu, de la perfection de Sachiko, venaient d’être qualifiés de « comique ».

- Ah, la voilà qui déprime.

- Ah, non. J’ai juste dis juste que vous donniez des impressions différentes.

- Elle est travaille si dur, elle est si mignonne, on dirait la Cendrillon d'un drama.

- Oui ! Yumi-chan ne peut pas ressembler à la Cendrillon de Sachiko. C'est ce qu'on appelle l'individualité.

Ces mots qui étaient un mélange de consolation et d'encouragement redonnèrent le sourire à Yumi. Alors, c'est ainsi... Elle avait l'impression de mieux voir les choses. Les Roses n'attendaient pas de Yumi la perfection. Même si ce qu'elle faisait était léger, c’était ce qui la rendait unique.

En y repensant, cela avait toujours été le cas. Quand Sachiko avait déclaré que Yumi était sa petite sœur, elles s'étaient toujours inquiétées des circonstances que cela entrainait, pas de Yumi elle-même. Yumi avait été la seule à se demander sans cesse si elle était « digne » d'être la petite sœur de Sachiko.

- Au fait, où est le Prince ?

- Il n'est pas en train de se changer ?

Rosa Gigantea lança un regard autour d'elle.

- Sachiko n'est pas là non plus.

- Ah, Sachiko est sortie, elle ne se sentait pas bien. Je lui ai proposé de l'accompagner jusqu'à l'infirmerie, mais elle a m'a dit que ça allait et que je devais m'occuper du costume de Yumi, expliqua Yoshino.

- Oh, et bien, on ira voir comment elle se sent tout à l'heure.

Elles se mirent à tout nettoyer, car l'heure de quitter le gymnase approchait. A trois heures cinquante-cinq, les membres du club de récitation commencèrent à arriver, et Yumi et les autres durent quitter le gymnase en hâte.

Sachiko n'était pas à l'infirmerie. Yumi retourna au gymnase pour vérifier qu'elle n'était pas rester là-bas, mais elle ne vit nulle part signe d'elle.

Quand elle retourna à la Demeure des Roses avec cette nouvelles, les visages des Roses pâlirent. Apparemment, l'uniforme de Kashiwagi était également toujours dans la pièce du rez-de-chaussée qui lui avait servi de vestiaire provisoire ; il n'était pas non plus arrivé.

- Peut-être qu'ils sont ensemble... dit quelqu'un avec anxiété.

- Mais, ils ne sont pas partis en même temps, non ?

- Oui. Sachiko est partie la première.

- Je ne pense pas qu’il y ait quelque chose entre ces deux-là.

Au fur et à mesure des paroles, leur ton se faisait plus apaisé.

- Hum, allons les chercher.

Yumi se leva.

- Peut-être que Sachiko-sama s'est évanouie de fatigue et que Kashiwagi-san s'est perdu.

- Oui, c'est vrai. Tu peux avoir raison, Yumi-chan.

Les Roses se tranquillisèrent rapidement. On demanda à Yoshino de rester à la Demeure, tandis que les autres se sépareraient en trois paires, chacune cherchant dans des lieux différents. Elles devraient toute faire un certain parcours dans les bâtiments du lycée avant de se rejoindre devant la statue de la Vierge Marie. Elles se mettaient en paire qu’une d'entre elle puisse courir chercher de l'aide si quelque chose était arrivé.

Yumi, en duo avec Rosa Gigantea, devait chercher dans le gymnase principal, la cours de récréation, le court de tennis et autres endroits sportifs, avant de prendre le chemin de la bibliothèque et revenir à l'intersection de la Vierge.

- Merci pour ton aide tout à l'aide, lui dit doucement Rosa Gigantea, alors qu'elles examinaient un couloir.

- Hein ?

- Tu nous as interrompues au bon moment. Tout le monde se perdait dans des pensées déprimantes.

- Déprimantes...

- Même si nous avons l'air fortes, nous ne sommes que des lycéennes, et nous avons peur aussi parfois. C'est effrayant de réfléchir à ce qui aurait pu arriver. C'est un sentiment dans lequel il ne faut pas trop s'aventurer.

Elle comprenait parfaitement. Elle préférait elle-même ne pas s’impliquer dans les relations entre les filles et garçons. Qui est ton préféré dans ce groupe de musique ou qui trouves-tu mignon comme garçon de l'école voisine, ces questions éveillaient beaucoup de réactions et d'intérêt parmi les étudiantes. Mais, on entendait aussi beaucoup d'histoire de personnes qui déclinaient des demandes par peur de rentrer dans une relation.

Le monde de l'imagination était merveilleux mais la réalité était beaucoup plus crue et effrayante. S'embrasser (et autre), elle préférait ne pas trop penser à ce genre de choses.

Elles obtinrent la permission du club de récitation de vérifier dans les salles de stockage et les vestiaires, mais ne trouvèrent ni Sachiko, ni Kashiwagi. Rosa Gigantea semblait rassurée après avoir examiné la pénombre.

- S’ils ne sont pas là, ils ont du aller ailleurs. Ça veut dire que c'est un endroit où il y a des témoins, vu le monde qu'il y a aujourd'hui.

Il n'y avait pas de lycéennes qui ne connaissaient pas Sachiko. Et Kashiwagi serait rapidement repéré dans une école de filles, surtout qu'il était encore en habit de prince flamboyant.

- Sachiko-sama et le prince ? Oui, nous les avons vus. Ils viennent de passer par là.

La présidente du club de récitation demanda un petit « n'est-ce pas » de confirmation auprès d'une des filles sur la scène.

- Ils étaient ensemble ?

Rosa Gigantea et Yumi saisirent les épaules de la présidente.

- H-hé. Calmez-vous, vous deux.

Elle avait l'air très mal-à-l'aise, et elles retirèrent immédiatement leurs mains. Elle détendit son cou et soupira.

- On ne peut pas dire à proprement parlé qu'ils étaient ensemble. Le prince marchait un peu derrière. Mais ils n’étaient pas loin l'un de l'autre... Nous les avons croisés en venant ici, ils ont du se rendre à un autre bâtiment par ce chemin.

- Merci !

Elles la remercièrent chaleureusement et sortirent avec précipitation du gymnase. Alors qu'elles allaient revenir sur leur pas, Rosa Gigantea s'arrêta.

- Nous venons de là. Si nous ne les avons pas vus, c'est qu'ils n'y sont pas ou plus là.

- Alors, où est-ce qu'on va ?

- Continuons les recherches comme prévu. Même si on ne les trouve pas, quelqu'un d'autre les trouvera.

- ... Mais...

Elle était d'accord avec Rosa Gigantea, mais elle avait envie de trouver Sachiko la première. Elle avait l'impression, qu'ayant trouvé un indice, c'était aussi à elle de mettre la main sur Sachiko en premier.

Rosa Gigantea examina le visage de Yumi.

- Est-ce que tu aimes Sachiko ?

Yumi hocha la tête et Rosa Gigantea lui posa une main sur la tête en murmurant « merci ».

- J'aime aussi Sachiko. Et Rosa Chinensis, Rosa Foetida, Rei, Shimako, Yoshino, elles l'aiment toutes.

Alors, laisse-nous faire. C'est ce que sous-entendait Rosa Gigantea. C'était la meilleure des solutions.

Yumi accepta silencieusement.

Yumi aimait, en commençant par les Roses, toutes les personnes de la Demeure des Roses. Elle pouvait leur faire confiance.

Elles jetèrent un coup d'œil rapide à la cours de récréation en se rendant au court de tennis.

- Mais, pourquoi est-ce que Kashiwagi suivant Sachiko ?

Rosa Gigantea appelait déjà Kashiwagi uniquement par son nom.

- Serait-ce un stalker ?

- Mais, Rosa Gigantea ! Vous aviez dit que vous lui faisiez confiance, n'est-ce pas ? Je ne sais plus quand, mais vous l'avez bien dit ?!

- Oui, je l'ai dit.

Il n'y avait personne sur le court de tennis. Elles regardèrent dans le parking à travers le grillage, mais elles ne virent que la voiture adorée du professeur Matsuyama du département social.

- Pas une confiance absolue, mais j'étais certaine qu'il ne lèverait pas le petit doigt sur la magnifique Sachiko, dit Rosa Gigantea quand elles firent demi-tour.

- Pourquoi ?

- C'est de l'intuition. Nous nous ressemblons.

- Ressembler ?

De nouveau, ces discussions sur des sujets qu'elle ne comprenait pas la rendaient confuse. Il y avait tant de points d'interrogation que flottaient au-dessus de la tête de Yumi que Rosa Gigantea se tourna, sourit et dit « Ce n'est pas grave si tu ne comprends pas ».

- Alors, vous vous êtes trompée ?

- Je ne sais pas. Je suis certaine de ne pas m'être trompé, mais je n'arrive pas du tout à lire en Sachiko.

Elles tournèrent au croisement pour se rendre vers la bibliothèque.

- En Sachiko-sama ?

- Celle-là... Elle pourrait être amoureuse de Kashiwagi.

- Hein ?! Mais, vous aviez dit...!

Pourtant, en plus de sa surprise, une petite voix lui murmura « je le savais ».

- Je vois. Toi aussi, tu pensais cela.

Rosa Gigantea était très douée pour comprendre les autres, et sans que Yumi n’ait quoi que ce soit à dire, elle comprit.

- Dernièrement, Sachiko-sama regarde dans le vide. Et elle soupire. Ça semble correspondre tout à fait aux symptômes de la maladie d'amour dont j'entends sans arrêt parler.

- Maladie d'amour... Je ne pense pas que ce soit tout à fait ça.

D'habitude, quand on ressentait ce genre de chose, on était tout de même légèrement heureux. Mais, dans le cas de Sachiko, ce n'était que de la mélancolie, elle ne ressemblait pas à une jeune fille amoureuse. Yumi n'était pas douée en problèmes amoureux, elle se contenta donc d'écouter et d'accepter comme telles les explications de Rosa Gigantea.

Elles arrivèrent au croisement de la Vierge Marie. Les deux autres groupes étaient censés se retrouver dans ce petit jardin à côté.

Finalement, Yumi et Rosa Gigantea n'avait trouvé ni Sachiko, ni Kashiwagi. Quand tout à coup...

- Ça suffit ! Lâche-moi !

Elles entendirent un cri.

- Sachiko-sama ?!

- Sachiko !

Yumi et Rosa Gigantea se mirent à courir.

Partie 3[edit]

Yumi et Rosa Gigantea étaient si absorbées par ce qu'elles faisaient qu'elles oublièrent complètement qu’elles étaient en train de courir dans l'allée aux ginkgos, elles écrasèrent les noix sans faire attention. Comme elles avaient parcouru les bâtiments de l'école et le gymnase et étaient sorties directement, elles portaient encore leurs chaussures d'intérieur.

Elles arrivèrent à leur but et virent Kashiwagi qui tenait le poignet de Sachiko.

- Espèce de... Kashiwagi, tu étais un traitre ... !

(Hein...? Heeiiiiin !!)

Même Yumi comprenait le sens d'un tel mot. Kashiwagi était égocentrique, peu lui importait que l'adversaire soit un homme ou une femme. Qu’il était un lâche, plutôt qu'égocentrique.

- Rosa Gigantea, j'apprécierai que vous ne disiez pas de telles choses. Cela pourrait créer des malentendus.

Même dans une telle situation, Suguru Kashiwagi était calme et coulant.

- Et cette main, qu'est-ce que ça veut dire ? Lâche Sachiko !

Ses mots s’embrouillaient. Rosa Gigantea était si en colère qu'elle n'arrivait pas à rester claire.

- Je peux la lâcher, mais elle va sûrement s'enfuir.

- C'est toi qui devrait fuir. Nous sommes peut-être des filles, mais nous sommes nombreuses, tu n'arrivas pas à t'échapper.

À ce moment arrivèrent Rosa Chinensis, Rei, Rosa Foetida et Shimako. Sachiko fit un grand geste du bras et parvint à faire lâcher prise à Kashiwagi.

- Sachiko, est-ce que ça va ?

Sachiko hocha la tête lentement.

- Nous attendons des explications, Kashiwagi-san.

Rosa Chinensis fit un pas en avant. Comme si c'était un sorte de signal, le cercle qui entourait Kashiwagi se resserra.

- Je suis surprise que tu ais eu l’audace d’un tel comportement devant la Vierge Marie.

- Il n'y a pas à attendre des explications. Nous devrions l'emmener à la police pour abus sexuel.

- Je suis d'accord. S'il veut s'excuser, il le fera au commissariat.

Même Kashiwagi, toujours si sûr de lui, semblait perdu, entouré de tant de lycéennes en colère.

- Attendez. Écoutez-moi !

Il agita les mains, incitant le calme à se faire.

- Il n'y a pas à débattre. Yumi-chan, va appeler la police, dit Rosa Gigantea.

- Oui !

Mais alors qu'elle allait faire demi-tour, Yumi s'arrêta.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Dépêche-toi.

- Je ne peux, je... Sachiko-sama ne veut pas…

- Hein ?

Tous les regards tournés vers Kashiwagi changèrent de cible pour se poser sur Sachiko. Yumi marcha jusqu'à elle et demanda :

- Vous préférez que Kashiwagi n'aille pas à la police, n'est-ce pas ?

- Pourquoi est-ce que tu dis ça ?

Sachiko releva lentement la tête et regarda Yumi dans les yeux avec curiosité.

- Ça... se voit sur votre visage.

- Tu me comprends bien.

- ... Oui. Je ne sais pas très bien pourquoi.

- Je vois.

Elle hocha la tête, et se tourna vers les jeunes filles.

- Je m'excuse auprès de tout le monde pour vous avoir inquiété. Kashiwagi ne voulait rien me faire, pardonnez-lui.

Puis, elle s'inclina profondément.

- Sachiko !

- Sachiko-sama !

Elles ne s'attendaient pas à ce que Sachiko, qui avait essayé avec tant d'efforts de se libérer de Kashiwagi, allait ainsi le défendre. À part Kashiwagi et Yumi, toutes s'exclamèrent de surprise.

- Mais, nous t'avons vu qui essayait de te libérer quand il t'a attrapé le poignet !

Bien sûr, toutes attendaient maintenant une explication de Sachiko. Kashiwagi, lui, arrangeait sa collerette en dentelle, aux ornementations dorées.

- Nous parlions tout à fait normalement au début. Mais nous avons commencé à nous disputer, et tout le monde est arrivé, expliqua Sachiko.

Personne cependant ne semblait apaisé. Yumi leva la main.

- De quoi parliez-vous ? Ou plus important, pourquoi êtes-vous allé jusqu'ici pour parler ? Vous ne vouliez pas qu'on vous voit ? Qu'est-ce qu'il y a entre vous deux ?

Rosa Gigantea semblait énervée.

- Dis-leur, dit Kashiwagi, tout à coup.

Évidemment, il s'adressait à Sachiko.

- Notre conversation a été découverte, c'est vrai que je t'ai pris le poignet. Si elles disent que c'est un abus, elles ont sûrement raison. Mais, je suis certain que nous préférons tous les deux ne pas aller au commissariat. Je préfèrerai que tout soit réglé rapidement et sans encombre. Et pour ça, il va falloir tout leur expliquer pour qu'elles se calment. Tu n'es pas d'accord ?

Qu'est-ce qu'il veut dire ? pensa Yumi.

- Si tu t'occupes de ça, je n'aurais pas à aller à la police et nous pourrons sans problème faire la pièce demain.

Ce qu'il disait était plein de mystères, mais sa confiance en soi excessive commençait à devenir irritante.

(Sachiko, si tu ne veux rien dire, ne dis rien. Tu comptes beaucoup plus pour nous que Kashiwagi.)

Elle ne savait pas ce que ce « dis-leur » signifiait, mais Kashiwagi pouvait bien le dire lui-même s'il le voulait. Si le fait qu'il le dise pouvait blesser Sachiko, cela aurait le même résultat qu'elle le dise aussi.

- ... Tu as raison.

Sachiko regarda Kashiwagi.

- C'est le mieux pour nous deux.

Elle avait les mêmes yeux qu'un mort. Ou peut-être, les yeux d'une poupée. Ils ne reflétaient pas Kashiwagi, qui était juste devant elle, mais semblaient au contraire très, très loin.

- Il... Suguru Kashiwagi-san est mon cousin.

- C-Cousin ?!

Tout le monde écarquilla les yeux en apprenant cette relation. Elles ne s'y attendaient pas du tout.

- De la même famille ?

- Oui.

Le fils de la grande sœur du père de Sachiko était Kashiwagi, expliqua-t-elle. Mais, pourquoi avoir caché cette relation tout ce temps ? Tous ces soupirs étaient déplacés, s'ils étaient juste parents.

- Il n'y a pas que ça, continua Sachiko. Il est aussi mon fiancé.

- ...?!

Tout le monde resta sans voix. Jeunes filles divines ou non, quand la surprise les prenait, elles restaient debout sans rien dire, bouche grande ouverte.

Et pour Yumi.

- F-Fi...

Elle essayait de se souvenir du sens de ce mot. C'était bien ceux qui se promettaient de se marier, mais peut-être qu'il signifiait aussi autre chose.

(Comme... quelqu’un qui apporterait le malheur ou la ruine ou quelque chose dans ce genre ? Non, ça ne peut pas être ça alors... Sachiko et Kashiwagi vont se marier plus tard. Ça veut dire qu'ils sont amoureux ?!)

Et de nouveau, toutes ses émotions apparurent tour à tour sur son visage.

- Voilà pourquoi il serait un peu dérangeant de mêler la police à tout ça. Nous allons nous marier, j'ai le droit de lui tenir le poignet.

Kashiwagi saisit la main de Sachiko.

- Je peux poser ma main sur son épaule.

Tout en parlant, il posa sa main sur son épaule. La main si rafraichissante de Kashiwagi semblait maintenant totalement impure à Yumi.

- Et l'embrasser.

(Arrête... !!)

Ne touche plus Sachiko, pensa Yumi.

S'il la touche, Sachiko va être souillée.

Maintenant elle les comprenait. Les sentiments de Sachiko.

Kashiwagi rapprocha son visage de celui de Sachiko.

Elle ne détestait pas les hommes. Elle détestait Kashiwagi. Et alors qu'elle songeait cela, Kashiwagi rapprocha son visage de celui de Sachiko.

(Ahh !!)

Yumi se couvrit les yeux de ses mains.

PAAAAF.

Le violent son d'un coup résonna entre les arbres ginkgos.

- Arrête de t'emballer !

Cela ne dura pas très longtemps, mais avec l’écho, il sembla que tout allait au ralenti.

Kashiwagi recula, une main sur sa joue. Sachiko tenait son poignet droit dans sa main gauche.

Sachiko vient sûrement de le frapper, pensa Yumi.

Mais alors, Sachiko...

- Sacchan !

La voix de Kashiwagi ramena Yumi à la réalité. Sachiko était déjà bien loin, courant en direction de l'auditorium.

Yumi partir à leur poursuite. Kashiwagi avait fait un départ en flèche, mais elle le rattrapa quand il glissa sur une noix de ginkgo. Elle se sentit légèrement désolée pour lui, mais elle poussant son épaule pour le faire complètement tomber par terre.

- Désolé, mais tu ne régleras rien !

C'était sa meilleure réplique, de toute sa vie. Probablement parce qu'elle le pensait du fond du cœur, elle ne jouait plus.


≈≈≈≈≈≈


Quand Yumi disparu elle aussi au loin, courant après Sachiko, Rosa Chinensis saisit l'épaule de Kashiwagi qui essayait de relever.

- Je m'excuse pour son comportement. Mais tu as du jus de ginkgo sur ton costume, et tu sais que ça sent fort ? J'aimerais l'enlever le plus rapidement possible, j'apprécierai que tu nous accompagnes jusqu'à la Demeure des Roses. De plus, nous devons parler de demain.

Apparemment, Kashiwagi perdit toute envie de continuer à poursuivre Sachiko après avoir entendu cela.

Partie 4[edit]

Un peu en diagonal à côté de l'auditorium, sur le chemin vers le gymnase secondaire. Peu importe sa location exacte, une vieille serre était construite dans cet endroit obscur.

Il n'y avait pas de club de jardinage, mais quelqu'un dont l’identité restait un mystère semblait s'occuper des plantes à l'intérieur. Il y a deux ans, on avait construit une nouvelle serre ans pour les cours, loin de celle-ci ; les professeurs s'en occupaient et venaient rarement ici. Elle était vieille, légèrement branlante, même les étudiants ne s’y rendaient pas. Mais, personne ne l'avait détruit car chaque année, on trouvait des fans qui s'en occupaient avec soin, et comme Lillian ne manquait pas d'espace, rien ne poussait à s'en débarrasser rapidement.

Sachiko était dans cette serre.

- Qui est là ? demanda une voix quand elle ouvrit la porte.

- C'est Yumi.

- ... D'accord.

Yumi interpréta cette réponse comme une invitation à rentrer et pénétra à l'intérieur.

C’était la première fois qu’elle rentrait dans cette serre et elle fut surprise de voir qu’en dépit d’être plus petite qu’elle ne le pensait, elle était très ordonnée et pleine. C’était un endroit deux fois plus petit qu’une salle de classe, mais les pots et les plantes étaient entassés sur des tables et des étagères.

Le soleil couchant chauffait la pièce.

Elle évita les pots pendus au plafond et avança vers l’avant. Quelques carrelages ici et là avaient été fendus et des plantes poussaient directement sur le sol.

Sachiko était assise dans un coin à l’extrémité de la serre.

- Désolé de prendre ta place.

Yumi déplaça la plante en pot qui était juste à côté de Sachiko et s’assit à cet endroit. Sachiko ne dit rien ni ne fit un geste pour l’arrêta, se contentant de la regarder.

Peut-être que Sachiko venait ici souvent. Ou peut-être était-ce la première fois. Quoi qu’il en soit, comme toutes les élèves étaient actuellement serrées dans les bâtiments de l’école, un endroit silencieux comme celui-ci était d’une commodité extrême.

Maintenant que la partie de cache-cache était terminée, qu’elle avait trouvé Sachiko, Yumi ne savait plus très bien que faire. Même si elle avait dit que Kashiwagi ne réglerait rien, elle ne savait pas non plus si elle était capable de faire quelque chose.

Elle était au côté de Sachiko. Alors qu’elle se demandait si c’était assez…

- Reste, murmura Sachiko. Reste ici.

Puis, un doux poids se posa sur l’épaule droite de Yumi. Cela lui prit un moment pour réaliser que Sachiko avait posé son front contre son épaule et pleurait.

Au début, elle avait cru que Sachiko tremblait juste. Mais elle entendit des hoquets et, incapable de se retenir, Yumi enlaça Sachiko, qui la serra contre elle en retour en continuant de pleurer. Yumi resta silencieuse, caressant doucement le dos de Sachiko comme si c’était celui d’un petit enfant. Elle ne savait pas pourquoi Sachiko pleurait, mais elle était certaine que pleurer était la première des choses dont Sachiko devait se débarrasser.

Petit à petit, la respiration de Sachiko se calma, montrant qu’elle avait fini de pleurer, mais elles continuèrent encore un moment de se serrer l’une contre l’autre.

- Sachiko-sama.

- …Hmm ?

- S’il vous plait, donnez-moi votre rosaire.

Après un petit moment de silence, Sachiko répondit simplement « Non ».

- Pourquoi ?! demanda Yumi en la lâchant.

- J’ai changé d’avis maintenant.

Les yeux de Sachiko ressemblaient à ceux d’un petit lapin, mais elle souriait. Peut-être se sentait-elle mieux maintenant qu’elle avait pleuré et était redevenue la Sachiko normale et fière.

- Même s’il est mon fiancé, c’est quelque chose que seuls mes parents ont décidé. Pff… Notre lignée va être de plus en plus emmêlée.

Sachiko se leva du rebord où elle était assise et marcha jusqu’à la fontaine d’eau. Puis, elle tourna le robinet et se leva le visage des deux mains avec l’eau qui coulait en gros bouillons.

- Mais, Sachiko-sama. Vous aimez Kashiwagi-san, n’est-ce pas ?

Sachiko leva les yeux et dit : « c’était il y a longtemps ».

Plutôt que de remettre dans une de ses poches le mouchoir qu’elle venait d’utiliser pour se sécher les mains, elle le mit à sécher sur une fenêtre relativement propre, avant de retourner s’asseoir à côté de Yumi.

- Il... Suguru-san n'est pas une mauvaise personne. Mais il ne pense qu'à lui et il ne s'en rend même pas compte. Il ne comprend pas du tout ce que les autres peuvent ressentir et ne s'en préoccupe d'ailleurs pas. Quand il blesse quelqu'un, il ne sait pas pourquoi, il ne se doute même pas en être la cause. Tous les hommes de ma famille sont comme ça.

Sachiko ajouta que le fait qu'ils n'aient pas de mauvaises intentions était le plus troublant.

Je vois, pensa Yumi, personne n'est parfait dans ce monde.

- C'est pour cette raison que vous ne l'aimez pas ? Parce qu'il est égoïste ?

- Hmm. Pas exactement, en partie seulement. Il n'aime que les garçons. Et pourtant, il veut m'épouser.

Sachiko était fille unique, elle devait être utilisée dans un mariage arrangé, de préférence avec un homme qui pourrait continuer de gérer le groupe Ogasawara. Son cousin, Kashiwagi, semblait convenir parfaitement et leurs parents s'étaient mis d'accord pour ce mariage.

- Mais, ce sont des compagnies publiques. Il n'y avait pas à chercher un successeur de force pour le groupe Ogasawara.

Apparemment, son grand-père était borné, né dans l'esprit de Meiji et obsédé par le maintien de sa compagnie. Dans ce cas, il aurait pu simplement adopter Kashiwagi et l'autoriser à hériter de l'entreprise, mais il aimait aussi beaucoup son unique petite fille et souhaitait que ça soit elle qui hérite de tout.

- Sais-tu ce qu'a dit Suguru-san quand il est venu pour ma cérémonie d'entrée au lycée ? Nous nous ressemblons, notre mariage réussira. Pour cela, nous devons vivre libre l'un de l'autre, sans interférer. Quand je lui ai demandé « Qu'est-ce que tu veux dire par là ? », il m'a répondit « Je suis désolé de te dire ça, mais je n'aime que les garçons ». Il m'a dit que je pouvais tomber amoureuse de quelqu'un d'autre et porter son enfant. Il donnerait tout à mon enfant, en tant que futur héritier du groupe Ogasawara. Ils seront du même sang après tout, il serait capable de l'aimer comme si c'était son propre enfant... Mais, à quoi est-ce qu'il pensait ? Dire en riant ce genre de chose.

- Un lycéen de seize ans qui dit ça à une fille d'un an de moins que lui...

- Toutes les gentillesses passées n'ont fait qu'amplifier la haine. À cause de lui, ma haine des hommes n'a fait qu’empirer...

Elle essayait de plaisanter, sans y parvenir.

Car Sachiko aimait vraiment Kashiwagi.

Avant qu'elle ait pu dire à la personne qu'elle aimait « je t'aime », ils étaient tous les deux devenus prisonnier d'un mariage arrangé. Si dur que ça soit, tous ses espoirs d'avoir un jour une douce relation amoureuse s'étaient écroulés. À l'âge de 15 ans.

N'importe qui aurait réagit de la même façon. Les hommes sont des idiots !

- Mais, pourquoi n'avez-vous pas annulé le mariage ?

- Nous nous évitons depuis un an et demi, nous n’avons jamais eu la chance d'en parler. Mais, ça a été une bonne opportunité. Il s'est énervé quand je lui ai dit.

- Devant la Vierge Marie !

Tout se mettait en place.

- C'est cela.

Elle connaissait le reste.

On avait cru que Kashiwagi était en train de l’agresser, Sachiko avait annoncé qu’ils étaient fiancés, Kashiwagi était allé trop loin et avait récolté un coup, Sachiko s’était enfuis après l’avoir frappé et Yumi lui avait couru après jusqu’ici.

- Il ne sait pas que je l’aimais avant. Alors, il est allé trop loin.

- Trop loin ?

Comme Rosa Gigantea semblait avoir compris qu’il était homosexuel, il avait essayé de détruire tous les soupçons. Il pensait que Sachiko accepterait de l’aider en acceptant un baiser. Mais, il s’était trompé. Il avait sous-estimé Sachiko.

Sachiko avait eu raison. Elle ne pouvait pas danser avec bonheur avec un tel partenaire. Yumi comprenait enfin pourquoi il n’était pas étonnant que Sachiko avait essayé tout ce temps de s’échapper de la danse.

- Merci de m’avoir écouté, dit Sachiko en se levant du rebord.

- Hein ?

- C’est comme une confession. Je me sentais mal car je ne pouvais en parler à personne. Mais maintenant, je vais bien.

Elle ajouta qu’elle se sentait maintenant beaucoup mieux.

- Mais, Sachiko-sama !

La situation n’avait en rien changé. Même Yumi la comique ne pouvait pas dédramatiser quelque chose comme ça.

Mais que pouvait-elle faire ? Que pouvait-elle faire pour aider Sachiko ?

- S’il vous plait, donnez-moi votre rosaire, demanda une nouvelle fois Yumi.

Il restait encore du temps. Si Sachiko hochait la tête en acceptation, les Roses seraient d’accord. On était encore samedi.

Mais Sachiko sourit et secoua la tête.

- Yumi, tu veux jouer Cendrillon à cause de ce que je suis en train de traverser. Mais je refuse. Je veux être Cendrillon maintenant.

Sachiko s’approcha du visage de Yumi et lui caressa les joues.

- Je n’ai fais que m’enfuir. La seule façon que j’ai de régler toute cette histoire est de jouer la pièce demain. Si je peux danser sur la scène avec lui à mes côtés, tout retournera au calme. Laisse-moi me battre. Je n’ai plus envie de m’enfuir.

- Sachiko-sama…

- On rentre ?

Yumi ne put rien dire. Elle hocha simplement la tête et se leva du rebord.

Sachiko plia avec soin le mouchoir séché à la lumière du soleil et le mit dans sa poche. Les larmes et l’humidité du mouchoir semblait s’être envolé quelque part. Certainement encore dans la serre, mais invisible.

Alors qu’elles avançaient vers la sortir, Sachiko s’arrêta soudain à mi-chemin.

- Tu as vu ? La moitié de ces fleurs de cette serre sont des roses.

- Ah, vraiment ?

Beaucoup n’avaient pas encore éclot, alors elle n’avait pas remarqué. Mais, quand elle s’arrêta pour les regarder avec attention, elle remarqua en effet des feuilles typiques de la famille des roses et que la plupart des fleurs étaient des roses. Les roses florissaient même en automne.

- Elles sont toutes différentes.

C’était vraiment impressionnant.

Des roses des champs, des roses des vignes, même des roses qui semblaient être de type horticole. La forme et la couleur changeaient.

- C’est une Rosa Chinensis.

Sachiko pointa son index sur une fleur juste devant elles.

- C’est… ?

La tige était fine, mais elle semblait forte à voir la façon dont elle s’élançait hors du sol. Plusieurs fleurs écarlates étaient ouvertes et une autre armée d’écarlate dormait encore en réserve.

- Elle fleurit à chaque saison, dit Sachiko avec fierté. Souviens-toi de cette fleur.

Elles marchèrent dans la pénombre entre les bâtiments de l’école. Elles prirent un raccourci derrière l’administration et retournèrent à la Demeure des Roses où une lumière brillante les attendait au premier étage.

Un message collé à la porte leur était adressé.

« Le visiteur est rentré chez lui. Faites bien attention à nettoyer vos chaussures d’intérieur avant de rentrer. Il est interdit de faire entrer l’odeur des ginkgo → »

Sous la flèche, il y avait deux chiffons mouillés, essorés et qui pendaient sur le côté d'un seau. Elles se regardèrent et nettoyèrent avec soin la sève de ginkgo collée à leurs chaussures avant de rentrer.

Sans qu’on sache pourquoi, cette nouvelle saison semblait très douce.

Nous sommes rentrées, aurait-elle voulu dire.


  1. Produit japonais fait principalement de surimi, en forme de tube évidé. Image.