Suzumiya Haruhi (fr) : Tome 1 - chapitre 7

From Baka-Tsuki
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Chapitre 7[edit]

Une soi-disant androïde créé par des aliens. Une soi-disant voyageuse dans le temps. Un soi-disant membre d'une escouade d'ESPers. Chacun d'entre eux m'a apporté la preuve de son identité, je devrais donc peut-être retirer le "soi-disant". Ils se sont rassemblés autour de Haruhi pour trois raisons différentes. Honnêtement, ce n'est pas si mal. Si, en fait ça l'est. Parce qu'il y a toujours une chose que je ne comprends pas.

Pourquoi moi ?

Koizumi a dit que si des aliens, des voyageurs temporels et des ESPers se sont tous rassemblés autour de Haruhi, c'est parce qu'elle l'avait souhaité.

Et moi alors ?

Pourquoi suis-je impliqué dans tout ça ? Je suis seulement un être humain. Cent pour cent normal. Je ne possède pas de souvenirs soudains d'une vie antérieure, ni aucun pouvoir indescriptible. Seulement un lycéen prodigieusement normal.

Mais qui a donc bien pu écrire le scénario de cette histoire ?

Ou alors quelqu'un m'a drogué et tout ceci n'est qu'une hallucination ? Ou peut-être ai-je été touché par une décharge électrique mortelle ? Mais qui diable a bien pu me fourrer dans ce pétrin ?

C'est toi, Haruhi ?



Pas possible...



Je ne sais vraiment pas grand chose.

Pourquoi suis-je si inquiet ? Il semble que toutes les réponses soient détenues par Haruhi. Ce serait plutôt à elle de se faire du souci. Pourquoi faut-il que je sois également frustré pour elle ? Ça n'a aucun sens ! C'est décidé ! Si les choses sont comme Nagato, Koizumi et Asahina-san l'ont dit, alors vous devriez le dire à Haruhi elle-même ! Quoi qu'il advienne du monde après ça, c'est de sa responsabilité ; je n'ai rien à voir avec ça.

Contentez-vous de l'embarquer dans votre manège ! Laissez-moi en dehors de ça !

Alors que les jours s'égrenant nous rapprochaient de l'été, je gravissais la colline en nage, essuyant ma sueur avec ma veste, déserrant ma cravate et ouvrant le troisième bouton de ma chemise. Il faisait déjà une chaleur le matin, et ç'allait devenir infernal vers midi. Tandis que je serrais les dents et grimpais la colline menant au lycée, quelqu'un me tapa sur l'épaule. Alors que je criais « Me touche pas ! Je vais exploser ! » et me retournais, le visage de Taniguchi apparut dans mon champ de vision.

« Yo ! »

Taniguchi, marchant désormais à mes côtés, était lui aussi en sueur. « Ça m'énerve, ma coupe si bien préparée est foutue à cause de toute cette sueur. » Bien qu'il dise ça, il paraissait toujours de bonne humeur.

« Dis, Taniguchi, » le coupai-je alors qu'il s'était lancé dans une description absurde de la vie de son chien, « je suis un lycéen normal, pas vrai ? »

« Quoi ? »

Taniguchi se mit à rire comme s'il avait entendu une très bonne blague.

« Tu devrais peut-être me donner la définition de 'normal'. Si tu veux que j'éclaire ta lanterne. »

« Oh, vraiment ? »

Je regrettai de lui avoir posé cette question.

« Je rigolais, mon pote. Bon, tu m'as demandé si t'étais normal ? Je ne pense pas qu'un lycéen normal irait allonger une fille dans une salle de classe déserte ! »

Bien entendu, Taniguchi n'allait pas oublier un truc pareil.

« Moi aussi je suis un mec. J'aime pas chercher la petite bête, parce qu'au moins je sais bien me tenir. Mais entre toi et moi — tu vois ce que je veux dire, mon sucre d'orge ? »

Pas du tout.

« Comment t'as fait pour être en bon terme avec elle, hein ? Avec Yuki Nagato, la fille classée A- sur ma liste ! »

Nagato vaut A- ? Enfin, là n'est pas le problème.

« Laisse-moi t'expliquer... »

Je suppose que l'esprit de Taniguchi est actuellement rempli de désirs irréalistes et de fantasmes. Par conséquent, je décidai d'utiliser l'explication suivante.

La pauvre Nagato est victime de la déraisonnable occupation de la salle du Club de Littérature par Haruhi. Elle était vraiment embarrassée de ne pas pouvoir tenir les activités de son propre club, c'est pourquoi elle est venue chercher de l'aide auprès de moi. Elle m'a demandé s'il existait un quelconque moyen de pousser Haruhi à abandonner la salle du club de Littérature et aller ailleurs. J'ai été touché par sa sincérité, et j'ai donc décidé d'aider cette pauvre fille, en en discutant avec elle dans un endroit où Haruhi ne l'aurait pas découvert. Pendant que nous étions en train de convenir de ce qu'il fallait faire dans la salle de classe après le départ de Haruhi, Nagato s'est évanouie à la suite d'une crise d'anémie. J'ai réussi à la rattraper avant qu'elle ne tombe par terre, et c'est à ce moment-là que tu as fait irruption dans la pièce. Comme tu le vois, une fois la vérité révélée, tout perd franchement de son intérêt

« Menteur ! »

Il la dédaigna. Bordel ! Je pensais que c'était une version parfaite, saupoudrée d'un soupçon de vérité qui plus est.

« Même si je crois à cette connerie, je continue à penser que t'es pas normal. Tu es quand même parvenu à ce que la presque asociale Yuki Nagato vienne te demander de l'aide, et ça c'est franchement quelque chose. »

Oh, allez. Depuis quand Nagato est devenue célèbre ?

« Avec ça, tu es un sbire de Suzumiya. Si toi tu es un lycéen normal, alors moi je suis aussi normal qu'un prolo. »

Je demandai alors, « Hé, Taniguchi. Tu n'aurais pas des pouvoirs psychiques ? »

« Quoi- ? »

L'air bête qu'il affichait déjà sur son visage se fit encore un peu plus manifeste. Il ressemblait à un nanpa1, le genre dont les jeunes écolières devraient se méfier.

Il déclara : « Je vois, alors même toi tu as plongé dans le poison de Suzumiya... Même si on a pas passé beaucoup de temps ensemble, tu étais vraiment un chic type. T'approche pas trop de moi s'il te plaît ; ça évitera que tu me refiles la maladie de Suzumiya. »

Je lui donnai une petite tape, ce qui déclencha chez lui un rire incontrôlable. Ha, si ce type est un ESPer, moi je suis le Secrétaire général des Nations Unies.



Tandis que j'atteignais les escaliers menant à l'entrée du lycée, j'étais en quelque sorte reconnaissant envers Taniguchi pour avoir eu une conversation avec moi, étant donné que la chaleur s'était adoucie du fait d'avoir parlé avec lui.

Par un temps aussi chaud, même Haruhi ne pouvait que se contenter de gésir épuisée sur son bureau, contemplant tristement les lointaines collines.

« Kyon, je vais entrer en ébullition ! »

Ah vraiment ? Moi aussi.

« Évente-moi avec ton livre. »

« Je préfèrerais m'éventer moi-même plutôt que quelqu'un d'autre. Je n'ai pas suffisamment d'énergie si tôt le matin pour t'aider. »

Haruhi demeura paresseusement étendue sur le bureau, sans son habituelle aura emphatique et éloquente.

« Tu penses que Mikuru-chan devrait porter quoi comme prochain déguisement ? »

Après les costumes de bunny girl et de soubrette, ça pourrait être... attends une minute, il va y avoir un autre costume !?

« Pourquoi pas des oreilles de chat ? Ou en infirmière ? Peut-être qu'elle devrait se déguiser en reine cette fois ? »

Des images d'Asahina-san me parcoururent l'esprit : je la voyais rougir furieusement avec son petit visage tremblant en train d'être forcée à enfiler toutes sortes de costumes. Je commence à être pris de vertige. Aah, elle est trop craquante.

Haruhi sembla deviner à quoi je pensais et me lança un regard noir. Elle ramena ensuite ses cheveux derrière ses oreilles.

« T'as l'air d'un idiot » trancha-t-elle.

Hé, c'est pas toi qui as lancé le sujet ? Mais peut-être avait-elle raison, ce n'était donc pas la peine de discuter avec elle.

Alors qu'elle éventait l'encolure de son uniforme avec un cahier, elle s'exclama : « Ooh ! Qu'est-ce que je m'ennuie ! »

La bouche de Haruhi était la réplique parfaite de celle d'un heno-ji2. Elle ressemblait à un personnage de bande dessinée.



Même sous l'intense radiation des rayons du soleil, nous parvînmes à survivre à l'infernal cours d'EPS de l'après-midi. À la fin de la séance, tout le monde se plaignait « Satané Okabe ! Nous faire courir un marathon pendant deux heures entières ! » pendant que nous ôtions nos uniformes de sport, qui n'étaient plus que des monceaux de linge mouillé, dans la salle de classe des 1-6, avant de retourner dans la salle des 1-5.

La plupart des filles s'étaient déjà changées, mais comme la dernière heure était consacrée à la vie de classe, quelques unes appartenant à des clubs sportifs avaient gardé leur tenue de sport pour leurs activités après les cours. Toutefois ce qui me rendait perplexe, c'était pourquoi Haruhi, qui ne faisait partie d'aucun club de sport, portait toujours la sienne.

« Il fait trop chaud ! »

C'est bien ça, c'était la raison.

« Quelle importance ? Je devrai encore me changer une fois dans la salle du club ! Et puis je suis de corvée de nettoyage cette semaine, je peux bouger plus facilement habillée comme ça. »

Haruhi appuya son menton sur sa main et considéra les nuages chargés de pluie se rassemblant à l'extérieur.

« Ce n'est pas une mauvaise idée. »

Porter une tenue de sport comme prochain thème de cosplay n'est pas une mauvaise idée ! Quoi ? 'Cosplay' n'est pas le terme approprié ? Je ne sais pas ce qu'elle fabrique, mais là elle fait de son mieux pour se cosplayer en lycéenne !

« Mais à quoi tu penses, bon sang ? »

L'intuition étonnante de Haruhi me força à me demander si elle pouvait lire dans les pensées.

« Avant que je ne vous rejoigne à la salle du club, je t'interdis de faire quoi que ce soit de bizarre à Mikuru-chan. »

Est-ce que ça veut dire que je pourrai lui faire des choses bizarres une fois que tu seras arrivée ?

Je gardai cette pensée pour moi et levai brusquement les bras en l'air comme un criminel face au revolver du shériff dans un western.




Comme d'habitude, je commençai par frapper et attendis une réponse avant d'entrer. Telle une poupée assise sur une chaise, une adorable soubrette me salua du plus lumineux des sourires, comme un tournesol accueillant le soleil. Ah, je me sens fondre !

Nagato était assise près de la table en train de lire son livre, tel un Camellia3 fleurissant au printemps. Argh, quel genre de comparaison suis-je donc en train de faire ?

« Je vais préparer du thé. »

Revêtant son serre-tête, Asashina-san se dirigea vers la table rouillée et plaça soigneusement les feuilles de thé dans la théière.

J'allai m'asseoir dans le siège de la commandante, me délectant à la vue d'Asahina vaquant à ses occupations, quand je repensai soudain à quelque chose.

Je démarrai en vitesse l'ordinateur et attendis que le disque dur s'amorce. Une fois que l'écran apparut, j'ouvris un dossier et entrai le mot de passe "MIKURU". Comme on pouvait s'y attendre, la vitesse de traitement était incroyable sur ce nouveau modèle sorti tout droit du Club d'Informatique. En un instant, les photos d'Asahina-san en costume de soubrette apparurent à l'écran.

Une fois m'être assuré qu'Asahina-san était occupée à faire son thé, je zoomai plusieurs fois sur une des images.

Cette photo avait été prise lorsque Haruhi avait contraint Asahina-san à adopter des poses sexy. On pouvait voir son séduisant décolleté, et là, sur son aguichant sein gauche, se tenait une petite tache noire. Je sélectionnai alors cette tache et l'agrandis encore plus ; l'image était un peu floue, mais sans aucun doute, il y avait bien un grain de beauté en forme d'étoile.

« C'est donc ça. »

« Tu as trouvé quelque chose ? »

Avant qu'Asahina-san ne posât la tasse de thé sur le bureau, je fermai rapidement tous les fichiers. Je suis plutôt méticuleux quand il vient à s'agir de ce genre de choses. Bien entendu, le temps qu'Asahina-san n'arrivât près de moi, elle ne verrait plus rien à l'écran.

« Hé, c'est quoi ? Qu'est-ce qu'il y a dans le dossier "MIKURU" ? »

Oh non ! Je n'ai pas été assez prudent !

« Pourquoi ce dossier porte mon nom ? Il y a quoi dedans ? Fais-moi voir, allez ! Fais-moi voir ! »

« Euh, ce qu'il y a dedans... hein ? Je me le demande ? Je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit. Ouais, ça doit être ça, il n'y a rien dedans. »

« Et moi je pense le contraire ! »

Asahina-san étendit son bras jovialement et se pencha sur moi pour essayer de s'emparer de la souris dans ma main droite. Compte là-dessus ! Je resserrai ma prise autour de la souris, refusant de la laisser partir. Asahina-san appuya alors son corps frêle sur mon dos, essayant de ramper par-dessus mon épaule. Je pouvais sentir son doux parfum près de mon visage.

« Asahina-san, tu peux me lâcher, s'il te plaît... »

« Allez, juste un coup d'œil ! »

Asahina-san, qui avait placé sa main gauche sur mon épaule tandis qu'elle essayait d'attraper la souris de sa main droite, était désormais entièrement contre moi ; je sentais que la situation allait de mal en pis.

Son adorable rire s'écoula doucement dans mon oreille. Incapable de résister à une telle tentation, ma main lâcha prise, et à ce moment-là...

« À quoi vous jouez tous les deux ? »

Nous nous figeâmes à l'écoute de cette voix glaciale de –273°C4. Haruhi, vêtue de sa tenue de sport, le sac sur le dos, affichait une mine terrifiante comme si elle venait de tomber sur son père en train de violer une jeune fille innocente.

L'instant suivant, la toute confuse Asahina-san commença à bouger. Elle se dégagea maladroitement de mon dos, recula lentement, puis alla s'asseoir doucement sur une chaise tel un robot ASIMO5 dont les batteries auraient été presque déchargées. Son visage blême était à présent au bord des larmes.

Haruhi renâcla et rejoignit le bureau à grand pas en me fixant du regard.

« Alors comme ça, tu es un fétichiste des domestiques ? »

« Tu veux dire quoi par là ? »

« Je vais me changer. »

Fais comme tu veux ! Pour ma part, je vais me contenter de siroter tranquillement le thé qu'Asahina-san a fait pour moi.

« Je viens de dire que j'allai me changer. »

Et alors ?

« DÉGAGE !!! »

Je fus projeté dans le couloir, la porte se refermant bruyamment derrière moi.

« Qu'est-ce qui lui prend ? »

Je n'avais même pas eu le temps de poser ma tasse. J'essuyai avec ma main le thé renversé sur ma chemise puis m'adossai à la porte.

J'ai un sentiment étrange. Il y a quelque chose qui cloche.

« Oh, j'ai compris. »

D'habitude Haruhi se change au vu et au su de tous dans la salle de classe, mais cette fois-ci elle m'a chassé de la pièce.

Il semblerait qu'elle ait commencé à changer. Peut-être a-t-elle atteint l'âge où elle se met à ressentir de la gêne pour ce genre de chose ? Étant donné que les garçons de la classe 1-5 se précipitent à chaque fois hors de la salle de classe dès que le sonnerie du cours d'EPS retentit, personne n'a vraiment remarqué qu'elle a changé. Ah oui, la personne qui a poussé les mecs à prendre cette habitude avant le sport, Asakura, n'est plus avec nous.

Je restai assis à l'extérieur de la pièce pendant un moment. Le son émit par le glissement des vêtements avait cessé, mais je n'avais toujours pas entendu quelqu'un m'invitant à entrer. C'est pour cela que je m'étais assis et que j'avais patienté pendant dix bonnes minutes.

« Tu peux entrer... »

La faible voix d'Asahina-san me parvint à travers la porte. Tandis que l'irréprochable domestique m'ouvrait la porte, j'aperçus par dessus son épaule Haruhi assise à son bureau l'air sombre, ses jambes blanches sur la table. Elle portait une paire de longues oreilles de lapin sur la tête accompagnées de ce nostalgique costume de bunny girl. Elle n'avait pas pris la peine de mettre ses manchettes ni son nœud papillon, peut-être par manque de courage. Elle ne portait même pas de bas.

« Les bras et le dos ont beau être au frais, ce costume n'aère pas du tout le reste du corps ! »

Cela dit, Haruhi prit sa tasse et but son thé, paraissant l'apprécier, tandis que Nagato poursuivait la lecture son livre.

Étant entouré d'une soubrette et d'une bunny girl, je ne savais pas comment réagir. Si j'exhibais ces deux filles pour attirer des clients, je pourrais certainement me faire un bon paquet de thunes. Alors que j'y réfléchissais...

« Whaou, c'est quoi ça ? »

Koizumi laissa subitement échapper un son étrange alors qu'il nous saluait de son sourire.

« Il y a une fête costumée aujourd'hui ? Pardonnez-moi de ne pas avoir apporté le mien. »

Ne plaisante pas ! Tu rends la situation encore plus compliquée.

« Mikuru-chan, assieds-toi là. »

Haruhi indiqua la chaise en face d'elle. Asahina-san s'assit le dos tourné vers Haruhi. Elle tremblait et paraissait terrifiée. Je me demandai ce que Haruhi s'apprêtait à faire quand je la vis coiffer les cheveux bruns d'Asahina-san en trois nattes.

À première vue, ça ressemblait à la scène réconfortante d'une aînée coiffant sa petite sœur. Cependant, Asahina-san semblait morte de peur tandis que Haruhi affichait une mine maussade. À l'évidence Haruhi souhaitait simplement voir une domestique avec trois nattes.

Je me tournai vers Koizumi, qui observait pendant tout ce temps la scène en souriant, et lui demandai :

« Ça te dit, une partie d'Othello ? »

« Volontiers, je n'y ai pas joué depuis des lustres. »

Pendant que les blancs et les noirs livraient bataille pour le contrôle du plateau (je n'avais jamais pensé que Koizumi, qui avait la capacité de se transformer en une sphère lumineuse, pouvait être aussi mauvais aux jeux de société), Haruhi fit une queue de cheval avec les cheveux d'Asahina-san, puis la défit, puis fit deux couettes, et un chignon...

Chaque fois que Haruhi touchait Asahina-san, celle-ci se mettait à trembler de tout son corps, tandis que Nagato continuait à s'adonner à la lecture de son livre.

Pour ma part, je trouvais de plus en plus difficile de saisir le pourquoi du comment de ce rassemblement.



Eh oui, ce jour-là les activités de la Brigade SOS se déroulèrent paisiblement. Rien de ce qui aurait pu être associé à des aliens appartenant à une autre dimension, des voyageurs temporels venant du futur, des géants bleus, ou des sphères rougeoyantes n'avaient fait leur apparition. Personne n'avait envie de faire quoi que ce soit en particulier, ni ne savait ce qu'il aurait dû faire. Nous nous laissâmes simplement porter par le cours du temps, vivant notre vie de lycéens oisivement. Tout semblait parfaitement normal.

Bien que je fusse insatisfait de cette vie si banale, je m'étais toujours dit « Pourquoi se prendre la tête ? Tu as tellement de temps devant toi. » Et alors j'attendais une fois de plus le lendemain avec impatience.

Malgré cela, j'étais plutôt heureux. Je me rendais sans raison apparente à cette salle de club et observais Asahina-san travailler avec ardeur comme une véritable domestique, Nagato assise impassible telle une statue de Bouddha, Koizumi et son sourire éclatant, et Haruhi et ses sautes d'humeur. Toutes ces choses émettaient une aura d'absolue normalité, néanmoins tout cela faisait dorénavant partie de ma vie de lycéen dont je me contentais invraisemblablement. Même en ayant eu les expériences irréelles d'une camarade de classe essayant de m'assassiner et d'avoir été témoin de l'apparition de monstres féroces dans un monde gris, je n'étais pas certain que ce ne fussent pas le produit de mon imagination, le résultat d'une hypnose, ou même une quelconque hallucination.

J'étais d'une certaine façon toujours en pétard contre Haruhi pour m'avoir traîné dans son club, mais en y réfléchissant bien, c'était seulement grâce à elle que je pouvais tranquillement passer du temps avec des gens aussi intéressants. Mise à part la question du « Pourquoi moi ? », peut-être un jour y aura-t-il d'autres humains normaux comme moi qui voudront rejoindre ce club.

Oui, je me suis penché sur le problème depuis un certain temps déjà.

N'importe qui y aurait pensé, pas vrai ?

Pourtant il y a encore quelqu'un pour qui cette pensée ne l'a jamais effleurée.

C'est exact, ce quelqu'un n'est autre que Haruhi Suzumiya.



Cette nuit-là, après avoir pris mon dîner et un bain, et terminé mes révisions pour le cours d'anglais du lendemain, je jetai un œil à la pendule et découvris qu'il était temps d'aller dormir. Je m'allongeai sur mon lit et ouvris l'épais livre relié que Nagato m'avait fourré dans les bras. Je pensai qu'un peu de lecture ne me ferait pas de mal, et commençai à lire les premières pages avec nonchalance. L'histoire était étonnamment captivante, de sorte que je poursuivis ma lecture page après page. Vous devez vraiment en lire un pour comprendre à quel point un livre peut être agréable. Ce n'est pas si mal de lire après tout !

Cependant il est impossible de terminer un livre aussi épais en une seule nuit, je refermai donc l'ouvrage après avoir lu un très long monologue d'un des protagonistes. Le sommeil me submergea, et après avoir placé le marque-page avec le message de Nagato à l'intérieur du livre, j'éteignis la lumière et rampai sous ma couverture. En quelques minutes, je me retrouvai au pays des rêves.

Savez-vous pourquoi les humains font des rêves ? Le sommeil est divisé en une phase de sommeil à ondes lentes (le SOL, aussi appelé NREM pour non-rapid eye movement, « mouvement non-rapide des yeux ») et une phase de sommeil paradoxal (appelée aussi REM pour rapid eye movement), qui se répètent en cycles périodiques. Le SOL apparait dans les premiers temps qui suivent l'endormissement d'une personne, avec une activité cérébrale très faible pendant cette phase. La phase pendant laquelle le corps est inerte, tandis que le cerveau rentre en activité est appelée le sommeil paradoxale, et c'est lors de cette phase que se produisent la majorité des rêves. Au matin, la durée du sommeil paradoxale aura augmenté à chaque cycle,ce qui signifie que la plupart des gens rêvent jusqu'à ce qu'ils se réveillent.

Je rêve chaque nuit, mais j'ai l'habitude de me réveiller tard à chaque fois, et je suis tellement à la bourre pour aller à l'école que j'en oublie habituellement ce dont j'ai rêvé. Pourtant il m'arrive quelques fois de me rappeler soudainement un long rêve oublié que j'avais eu des années auparavant. La mémoire humaine est structurée d'une façon vraiment surprenante.

Bon, assez parlé. En réalité, j'en ai rien à cirer.

Je sentis quelqu'un me gifler le visage. Dégage ! Je suis crevé ! Laisse mes rêves tranquilles !

« ... Kyon. »

Le réveil n'avait même pas encore sonné. Même s'il l'avait fait, je l'aurais éteint aussitôt, et il restait toujours un peu de temps avant que ma mère n'envoyât ma sœur me tirer hors du lit.

« Allez, réveille-toi. »

Nan ! Je veux dormir encore un peu. Je n'ai pas de temps pour des rêves bizarres.

« J'ai dit réveille-toi ! Tu m'entends ? »

Les mains enroulées autour de mon cou étaient à présent en train de me secouer sans relâche. Je finis par ouvrir les yeux quand je sentis l'arrière de mon crâne cogner contre une surface dure.

Un surface dure ?

Je me redressai, l'air confus. Haruhi était penchée sur moi et se recula pour éviter que l'on ne se cogne la tête.

« T'es enfin réveillé ? »

Accroupie à mes côtés se tenait Haruhi en uniforme scolaire. Son visage blême affichait une mine anxieuse.

« Tu sais où on est ? »

Bien sûr que je le sais ; nous sommes au Lycée Nord, notre école, et présentement nous sommes près des escaliers en face des casiers à chaussures à l'entrée du bâtiment. Il n'y avait aucune lumière d'allumée, et l'école nous apparaissait grise dans le nuit...

Non, quelque chose clochait.

Il n'y avait pas de voute céleste.

Juste un vaste horizon gris. Un ciel monotone. Il n'y avait ni lune ni étoiles, pas même un simple nuage. Seulement un ciel aussi gris que les murs de béton.

Le monde est plongé dans le silence et l'obscurité.

C'est un Espace Clos.

Je me levai lentement. Je fus surpris de voir que je ne portais pas mon pyjama, mais mon uniforme scolaire.

« Quand je me suis réveillée, je me suis retrouvée ici, et tu étais à côté de moi. Qu'est-ce qui se passe ici ? Pourquoi on est à l'école ? »

Haruhi me posa des questions d'une voix anormalement faible. Je ne lui répondis pas tout de suite, mais étendis plutôt les bras pour retrouver mes sensations. À en juger par la douleur que je ressentis en pinçant le dos de ma main et par le contact de mon uniforme sur mon corps, ça n'avait pas l'air d'un rêve. J'arrachai deux de mes cheveux. Je me rendis compte que ça faisait vraiment mal.

« Haruhi, on est les seuls ici ? »

« Ouais, j'étais supposée être endormie sous ma couverture. Pourquoi on est apparu là ? Et le ciel paraît bizarre... »

« Tu as vu Koizumi ? »

« Non... pourquoi tu parles de lui ? »

« Pour rien, simple question. »

Si cet Espace Clos avait été créé par une commotion dans la faille dimensionnelle ou par des facteurs externes, des géants de lumières ainsi que Koizumi auraient également dû être présents.

« Quoi qu'il en soit, sortons de l'école. On rencontrera peut-être quelqu'un. »

« Comment ça se fait que tu n'aies pas du tout l'air inquiet ? »

Je le suis assurément, surtout de ta présence ici. N'est-ce pas un terrain de jeu pour les géants que tu génères ? Ou bien suis-je seulement hypersensible et en train de rêver de tout ça ? Seul avec Haruhi dans un monde vide... Si Sigmund Freud était là, il aurait pu analyser tout ça pour moi !

Je restais à distance de Haruhi alors que nous nous dirigions vers l'entrée de l'école, quand nous fûmes bloqués par un mur invisible. Je me souviens encore de l'aspect élastique de ce mur. On pouvait l'enfoncer un tout petit peu, mais peu après un autre mur encore plus solide bloquait toute tentative de pénétrer plus profondément.

« ... Qu'est-ce que c'est ? »

Haruhi tendit les bras et essaya de pousser ce mur invisible, tout en posant la question les yeux grand ouverts. Je cheminai le long de la piste d'athlétisme et suivis le mur.

Il semblerait que nous soyons piégés à l'intérieur de l'école.

« Il n'y a apparemment aucun moyen de sortir d'ici. »

Je ne ressentais aucune brise. C'était comme si l'air lui-même avait cessé de se mouvoir.

« Essayons par l'entrée de derrière ! »

« Ah oui, est-ce qu'il y aurait un moyen de contacter quelqu'un ? Il faut trouver un téléphone. Je n'ai pas apporté mon portable. »

S'il s'agissait de l'Espace Clos dont Koizumi m'avait parlé, alors trouver un téléphone serait inutile. Malgré cela, nous décidâmes quand même de rentrer dans l'établissement pour jeter un œil. Il devrait y en avoir un dans la salle des professeurs.

Le lycée avait un air angoissant dans l'obscurité avec toutes les lampes éteintes. Nous passâmes devant les casiers à chaussures et entrâmes silencieusement dans le bâtiment. En chemin, nous allumâmes la lumière au rez-de-chaussée, et les plafonniers s'illuminèrent aussitôt. Bien qu'il s'agît de froides lumières artificielles, elles étaient suffisantes pour susciter un soupir de soulagement chez Haruhi et moi.

Après s'être assuré qu'il n'y avait personne dans les salles de classe du rez-de-chaussée, nous nous dirigeâmes vers la salle des professeurs. Naturellement, la porte était verrouillée, je m'emparai alors d'un extincteur à proximité, brisai la vitre et pénétrai par là.

« ... Ça n'a pas l'air de fonctionner. »

Haruhi porta le combiné à son oreille, mais n'entendit rien. Elle tenta de composer quelques numéros, en vain.

Nous quittâmes la salle des professeurs, en allumant toutes les lampes sur notre passage, et montâmes les escaliers, après que Haruhi eut suggéré de retourner dans notre salle de classe. Puisque les classes des premières années se situaient au dernier étage, peut-être aurions-nous pu comprendre quelque chose en surplombant les alentours.

Haruhi ne cessa de s'accrocher à ma veste tandis que nous parcourrions le couloir. Ne compte pas sur moi ; je ne possède aucun pouvoir surnaturel. Si tu as si peur, accroche-toi à mon bras ! Ça aura l'air plus naturel comme ça !

« Idiot. »

Haruhi me fusilla du regard, mais ses doigts ne lâchèrent pas prise.

Rien n'avait changé dans notre salle de classe ; elle était telle que nous l'avions laissée après les cours.

« ... Kyon, regarde... »

Haruhi se tut après s'être approchée des fenêtres. Je m'avançai auprès d'elle et examinai la situation.

Un monde gris foncé s'étendait tout autour de nous. En le contemplant du troisième étage au sommet de la colline, je parvenais même à distinguer l'horizon au-delà du rivage. Tout n'était que ténèbres dans le panorama, sans aucune lumière. C'était comme la fin du monde.

« Quel est cet endroit... »

Ce n'était pas la population toute entière qui avait disparue, mais plutôt nous. Il semblait que nous fussions tombés dans cet Espace Clos par accident.

« Je me sens mal » murmura Haruhi en touchant son épaule.



Ne sachant pas à quel autre endroit nous rendre, nous retournâmes à la salle du club où nous avions passé notre après-midi un peu plus tôt. Comme j'avais au préalable volé la clé dans la salle des professeurs, nous fûmes capables d'ouvrir la porte et d'entrer.

Nous poussâmes tous les deux un soupir de soulagement en nous retrouvant dans une pièce familière et bien éclairée.

Nous allumâmes la radio, mais rien ne s'en échappa, pas même des parasites. La salle était si silencieuse que la seule chose que l'on pouvait entendre était le son que je produisais en préparant du thé. Je n'avais pas vraiment envie de changer les feuilles de thé, c'est pourquoi j'infusai les feuilles usagées complètement délavées. Haruhi se tenait debout à côté de moi, observant intensément le monde gris en dehors.

« Tu veux du thé ? »

« Non. »

Je pris ma tasse, attrapai une chaise et m'assis. Je bus une petite gorgée. Y'a pas, le thé d'Asahina-san est largement meilleur que ça.

« Mais qu'est-ce qui se passe ici !? Je pige rien ! Où on est ? Pourquoi je suis là ? »

Haruhi était devant la fenêtre, le regard fixé vers l'extérieur ; sa silhouette paraissait vraiment frêle.

« Et pourquoi, de toutes les personnes de ce monde, il a fallu que ce soit avec toi ? »

« Comment voudrais-tu que je le sache !? »

À cette réponse, Haruhi se contenta de repousser ses cheveux en me faisant les gros yeux.

« Je vais jeter un œil dehors » dit-elle avant de se diriger vers la porte. Au moment où je m'apprêtais à me lever moi aussi...

« Tu restes ici, je reviens tout de suite. »

Aussitôt dit, elle quitta la pièce. Cette façon de faire, c'est du Haruhi tout craché ! Tandis que je sirotais mon thé insipide en écoutant les pas énergiques de Haruhi s'estomper, cette chose apparut.

Il s'agissait d'une petite sphère rougeoyante. D'abord de la taille d'une balle de ping-pong, la sphère grossit lentement, brillant comme une luciole avant de finalement prendre forme humaine.

« C'est toi, Koizumi ? »

Devant moi se tenait un humanoïde rutilant, mais je ne parvenais pas à distinguer clairement l'apparence de Koizumi, dont ses yeux, son nez et sa bouche.

« Salut ! » Une voix détendue émana du sujet flamboyant.

« T'en as mis du temps ! Je pensais que tu serais apparu dans ta forme humaine... »

« Je sais. C'est pourquoi je vais aussi te l'expliquer. Il y a une raison précise au fait que j'ai tant de retard. Pour être honnête : c'est un cas d'urgence ! » La lueur écarlate tremblota quelque peu. « S'il s'était agi d'un Espace Clos normal, j'aurais pu y pénétrer facilement, mais pas cette fois. J'ai été obligé d'apparaître sous cette forme incomplète, et comme j'ai eu besoin de l'aide de mes compagnons pour pouvoir entrer ici, je ne peux même pas rester dans cet état trop longtemps. Nos pouvoirs sont en train de disparaître peu à peu alors que nous parlons. »

« Mais qu'est-ce qui se passe ? Il n'y a que Haruhi et moi ici ? »

« Oui » répondit Koizumi.

« Cela signifie que ce que nous redoutions est finalement arrivé. Suzumiya-san s'est lassée de ce monde, et elle a décidé d'en créer un nouveau. »

« ... »

« Nos supérieurs sont à présent dans une panique totale. Personne ne sait ce qu'il va advenir du monde lorsque son dieu aura disparu. Même s'il est possible qu'il survive tant que Suzumiya-san décide d'avoir pitié de lui, il peut aussi très bien se volatiliser en un instant. »

« Qu'est-ce que tu essayes de me dire...? »

« En d'autres termes, » la lueur rougeoyante vacillait désormais telle une flamme, « toi et Suzumiya-san avez actuellement disparu de notre dimension. Ce monde-là n'est pas un Espace Clos mais plutôt une réalité flambant neuve créée par Suzumiya-san. Les Espaces Clos que nous avons vus auparavant n'étaient probablement que des essais avant qu'elle ne décide de recréer le monde pour de vrai. »

Très drôle, mais je ne sais pas comment je dois rire. Ha ha ha.

« Je ne plaisante pas. Ce monde est probablement celui qui se rapproche le plus de ce que désire Suzumiya-san. Nous ne sommes toujours pas certains de quel genre de monde elle a envie, mais nous devrions bientôt avoir une réponse. »

« Laissons ça de côté, le vrai problème, c'est pourquoi je suis là ? »

« Tu ne comprends vraiment pas ? Tu es la personne choisie par Suzumiya-san. Tu es la seule personne de notre monde avec laquelle Suzumiya-san souhaite vivre. Je pensais que tu l'avais compris depuis le temps. » La lumière entourant Koizumi scintillait à présent comme une lampe de poche dont les piles s'épuiseraient, son éclat diminuant distinctement. « J'atteins ma limite. À ce rythme-là, je ne vais plus jamais être capable de te revoir ; d'un autre côté, je suis en quelque sorte soulagé de ne plus avoir à aller à la chasse aux Avatars. »

« Je dois vivre seul avec Haruhi dans ce monde grisâtre ? »

« Vous deux êtes comme Adam et Ève. Si vous vous reproduisez suffisamment, tout devrait bien se passer, non ? »

« ... Ferme-la ou je t'éclate. »

« Je plaisante. Sur l'heure cet état d'enfermement n'est probablement que temporaire, mais d'ici peu cela deviendra similaire au monde tel que tu le connais. Cependant ce monde sera complètement différent de celui d'où nous venons. Dorénavant, cette réalité peut être considérée comme le monde réel, alors que l'original doit être envisagé en tant qu'Espace Clos. Quant aux différences entre les deux mondes, malheureusement nous n'en savons rien. Si j'ai la chance de renaître dans la nouvelle réalité, je compte sur toi pour me faire visiter. »

À ce moment-là, Koizumi l'objet humanoïde lumineux se mit doucement à se désintégrer puis, telle une étoile manquant de combustible, reprit sa taille originale de balle de ping-pong.

« On ne peut plus retourner dans le monde original ? »

« Du moment que Haruhi le souhaite, c'est toujours possible. Je t'aurais seulement connu pendant une courte durée ; c'est franchement dommage, mais j'ai apprécié les moments passés en compagnie de la Brigade SOS... Ah oui, j'ai failli oublié, je dois te transmettre les messages de Mikuru Asahina et de Yuki Nagato. »

Et Koizumi me laissa ce message avant de complètement disparaître :

« Mikuru Asahina m'a demandé de te présenter des excuses à sa place : elle a dit, "Je suis désolée, tout est de ma faute." Et aussi, Yuki Nagato m'a dit de te dire "Rappelle-toi d'allumer l'ordinateur." »

Après avoir fait la commission, il disparut comme la flamme d'une bougie soufflée par le vent.

Je ne sais pas pourquoi Asahina-san avait dû présenter ses excuses. M'avait-elle fait du tort ? Mais je décidai de ne pas réfléchir à ça tout de suite ; je suivis plutôt la demande de Nagato et allumai l'ordinateur. Après un bip du disque dur, le logo du système d'exploitation devrait commencer à apparaître à l'écran... C'est étrange, pourquoi rien ne s'affiche ? L'écran du système d'exploitation qui était sensé apparaître après seulement quelques secondes ne s'était pas affiché ; le moniteur était complètement noir, avec juste un curseur de texte clignotant dans le coin en haut à gauche de l'écran. C'est alors que le curseur se mit à se déplacer sans un bruit, et une ligne de mots froids apparut.

   YUKI.N > Peux-tu lire ceci ? 

Je fus abasourdi pendant un moment, puis je rapprochai le clavier vers moi et commençai à taper.

   "Oui."
   YUKI.N > Actuellement je n'ai pas encore complètement perdu le contact 
   avec le monde dans lequel tu es.
   Mais ce n'est qu'une question de temps, étant donné que la déconnexion
   devrait survenir très bientôt.
   Si c'est le cas, ce sera notre dernière conversation.
   "Que dois-je faire ?"
   YUKI.N > Je ne sais pas non plus. L'éruption anormale de données a totalement disparu ici.
   L'Entité Consciente d'Intégration des Données est très déconcertée par tout ça,
   parce qu'ils vont perdre la possibilité d'évoluer.
   "Qu'entends-tu par la possibilité d'évoluer ? De quelle manière Haruhi est-elle 
   en train de changer ?"
   YUKI.N > Avoir une forte acuité sensorielle (*) signifie être capable de traiter 
   des informations avec rapidité et précision.
   Les formes de vie organiques conscientes sont limitées par l'excès de flux de 
   données imprécises et confuses causés par leur enveloppe physique (*), et sont
   incapables de traiter les informations avec rapidité et précision. 
   C'est pourquoi après avoir évolué jusqu'à un certain stade, les formes de vie
   organiques vont cesser de se développer.
   "Il est possible d'évoluer même sans enveloppe physique ?
   YUKI.N > L'Entité Consciente d'Intégration des Données s'est aussi formée à 
   partir de données.
   Eux aussi croyaient que leur capacité à traiter les données se développerait
   indéfiniment jusqu'à une surchauffe de l'univers lui-même. Mais ils avaient tort.
   À l'instar de l'univers, leur évolution a aussi une limite, 
   au moins pour les entités conscientes comptant sur des données pour survivre.
   "Et pour ce qui est de Suzumiya ?"
   YUKI.N > Haruhi Suzumiya possède l'aptitude à créer une quantité massive de 
   données à partir de rien.
   C'est une capacité que ne possède pas l'Entité Consciente d'Intégration des Données.
   Elle peut libérer une quantité de données qui ne peut être traitée par un être humain,
   une simple forme de vie organique, dans toute sa vie. L'Entité Consciente d'Intégration 
   des Données croit que si cette capacité de création de données est analysée, ils 
   pourront alors trouver des indices les menant à l'auto-évolution.

Le curseur clignota momentanément. Nagato était peut-être en train d'hésiter quant au terme à utiliser. La seconde suivante, les mots jaillirent comme un torrent.

   YUKI.N > Je mise tout sur toi.
   "Miser sur moi pour quoi ?"
   YUKI.N > J'espère que vous parviendrez tous les deux à revenir dans ce monde.
   Haruhi Suzumiya est un sujet d'observation important,
   un trésor considérable qui n'apparaitra peut-être qu'une seule fois dans tout l'univers.
   D'autre part, je souhaite moi aussi votre retour.

La luminosité des mots commença de perdre de son intensité alors que l'alimentation électrique faiblissait. Le curseur continua de révéler les mots.

   YUKI.N > On se reverra à la bibliothèque

Les caractères s'assombrirent encore plus ; même la tentative d'ajuster la luminosité de l'écran n'apporta aucune amélioration. En dernier ressort, Nagato tapa les mots suivants.

   YUKI.N > la belle au bois dormant




Brr Le bruit émis par le démarrage du disque dur me fit sursauter. La diode du processeur clignota, et la marque du système d'exploitation bien familier apparut à l'écran. Le bruit du ventilateur de l'unité centrale était l'unique son perceptible dans ce monde.

« Qu'est-ce que je dois faire ? Koizumi ! Nagato ! »

Je soupirai profondément et tournai la tête d'un air abattu en direction de la fenêtre.



Une lumière bleutée brilla à l'extérieur.



Un géant de lumière se tenait à présent dans la cour du lycée. Il était si proche qu'on aurait dit un immense mur bleu.

Haruhi se rua dans la pièce.

« Kyon ! Y a un truc qui est apparu ! »

Haruhi se rendit compte qu'elle allait me rentrer dedans et stoppa brusquement sa course pour venir se placer à mes côtés.

« C'est quoi ? C'est gigantesque ! Tu crois que c'est un monstre ? Ça n'a pas l'air d'être une illusion. »

Haruhi avait l'air particulièrement excitée. Son inquiétude cafardeuse d'il y avait peu s'était évaporée. À présent, ses yeux chatoyaient d'enthousiasme. On ne pouvait déceler aucune crainte en eux.

« Tu crois que c'est un alien ? Ou alors ça pourrait être une arme secrète conçue par une civilisation antique, émergeant de sa longue torpeur ? C'est ce truc qui nous empêche de sortir de l'école ? »

Le mur bleu se déplaça. L'image du géant détruisant les bâtiments sans aucun effort me revint soudain en mémoire. J'attrapai en hâte la main de Haruhi et me précipitai hors de la salle du club.

« Hé ! Attends, qu'est-ce que tu fais !? »

À l'instant où nous nous ruâmes dans le couloir, manquant de peu de nous affaler, une forte secousse vibra dans l'air ; je plaquai vivement Haruhi sur le sol et la protégeai avec mon corps. Le bâtiment des clubs trembla violemment. Le bruit et les vibrations d'un objet lourd et solide fracassant le sol parvint à mes oreilles. À partir de là je compris que la cible du géant n'était pas ce bâtiment mais plutôt celui d'en face qui hébergeait les salles de classe.

Je saisis Haruhi, tellement abasourdie que sa bouche s'ouvrait et se fermait comme celle d'un poisson rouge, et me mis à courir. Curieusement, Haruhi me suivit avec docilité et courut avec moi.

Mes mains commençaient à être moites. Celles de Haruhi également.

Les vieux bâtiments abritant les clubs étaient dépourvus de poussière. Ayant recours à toutes mes forces, je me précipitai accompagné de Haruhi en direction des escaliers. On pouvait entendre l'écho du géant causant toujours plus de ravages.

Je dévalai les marches en sentant la chaleur corporelle de Haruhi transmise à travers les paumes de nos mains. Après avoir traversé la cour, nous parcourûmes la pente menant à la piste d'athlétisme. À ce moment-là, je jetai un bref coup d'œil à Haruhi. Je pouvais me tromper, mais elle me paraissait franchement enchantée. C'était comme voir une gamine se lever le matin du jour de Noël et découvrir que les cadeaux qu'elle avait convoités depuis tout ce temps étaient désormais au pied de son lit.

Après s'être suffisamment éloigné des bâtiments de l'école, nous nous retournâmes et levâmes les yeux, pour découvrir combien le géant était immense. Celui que Koizumi m'avait montré dans l'Espace Clos était aussi gigantesque que celui-là, avoisinant la taille d'un immeuble.

Le géant leva la main, et le lycée s'effondra. Comme l'édifice de trois étages avait déjà été éventré par un coup antérieur, il s'écroula sans difficultés. Les débris retombèrent et se répandirent dans toutes les directions, accompagnés du bruit assourdissant alors provoqué.

Nous courûmes frénétiqument jusqu'au centre de la piste d'athlétisme de deux cent mètres avant de stopper. Un invraisemblable géant bleu était à présent apparu dans la pénombre monotone de l'école.

Si tu veux prendre des photos, tu devrais photographier ça, et non pas le président du Club Informatique en train de caresser la poitrine d'Asahina-san, et certainement pas Asahina-san vêtue de toutes sortes de costumes. Le site internet devrait vraiment proposer des photos comme ce que nous voyons maintenant !

Tandis que je pensais à ça, Haruhi me dit précipitamment à l'oreille :

« Tu crois qu'il va nous attaquer ? Je crois pas qu'il soit méchant, t'en penses quoi ? »

« J'en sais rien. »

Tout en répondant à Haruhi, je repensais à ce dont Koizumi m'avait parlé quand il m'avait emmené dans cet Espace Clos. Si on laisse ces "Avatars" poursuivre leur saccage, alors après la destruction, l'Espace Clos remplacera le monde réel, ce qui signifie que ce monde gris supplantera le monde duquel nous provenons, et alors...

Qu'adviendra-t-il de notre monde ?

Si l'on en croit ce que Koizumi m'a dit, Haruhi serait en train de créer un monde flambant neuf. Est-ce que les Asahina et Nagato que je connais feront parti de cette nouvelle réalité ? Ou bien s'agira-t-il d'un monde surréel où ces "Avatars" déambuleront librement, et où les aliens, les voyageurs temporels et les espers deviendront monnaie courante ?

Si le monde évolue vraiment comme tel, quel rôle vais-je y jouer ?

Argh, oubliez ça, ça ne sert à rien d'essayer de réfléchir d'avantage, parce que je ne vois pas. Je ne vois pas ce que Haruhi a en tête, et je ne possède aucun pouvoir télépathique me permettant de lire les pensées des autres.

À cet instant, j'entendis Haruhi me parler :

« Qu'est-ce qui se passe ici exactement ? Que ce soit ce monde ou ce géant, tout est si bizarre ! »

Tout ça c'est toi qui l'a engendré, ma petite ! Ce serait plutôt à moi de demander, pourquoi tu m'as entrainé là-dedans !? Adam et Eve ? C'est vraiment absurde ! Jamais je ne croirai à une histoire aussi minable ! Jamais !

« Tu ne voudrais pas revenir dans notre monde ? » demandai-je calmement.

« Qu'est-ce que t'as dit ? »

Haruhi se tourna vers moi. Son visage était d'une douce blancheur même au milieu de la grisaille de ce monde, et ses yeux scintillants s'étaient à présent voilés.

« On ne peut pas rester ici éternellement ! Il n'y a pas un seul magasin, donc aucun endroit pour trouver à manger quand on en aura besoin. En plus, l'école est entourée par un mur invisible : il n'y a aucun moyen de sortir d'ici. À ce rythme, on va mourir de faim. »

« Hmm, c'est bizarre, mais je m'en fiche. Les choses vont finir par s'arranger. Pour je ne sais quelle raison, je me sens super bien. »

« Qu'est-ce que tu fais de la Brigade SOS alors ? Tu as fondé ce club ! Tu vas tout simplement le laisser tomber ? »

« J'en ai franchement plus rien à cirer, parce que je suis déjà en train de vivre une expérience sensationnelle ; plus besoin de partir à la recherche d'évènements mystérieux. »

« Mais je veux y retourner, moi. »

Le géant interrompit momentanément sa destruction de l'école.

« Avant de nous retrouver dans cette situation inhabituelle, je n'avais jamais réalisé à quel point j'aimais ma vie telle qu'elle était. Là-bas, j'ai cet idiot de Taniguchi, Kunikida, Koizumi, Nagato, et Asahina-san, et même l'introuvable Asakura. »

« ... De quoi tu parles ? »

« J'ai vraiment envie de les revoir. Il y a tellement de choses que j'ai envie de leur dire. »

Haruhi baissa la tête, puis reprit après un moment :

« Nous les reverrons ; ce monde ne sera pas éternellement plongé dans les ténèbres. Demain matin, le soleil se lèvera. J'en suis sûre. »

« Ça ne marche pas comme ça. Ce monde n'est pas ce que tu crois qu'il est. Je veux sincèrement les revoir dans le monde réel. »

« Je vois pas de quoi tu parles. »

Haruhi me lança un regard menaçant, comme un enfant qui aurait vu son précieux cadeau lui être arraché des mains, révélant sa colère et son chagrin.

« Tu n'es pas dégoûté et fatigué de ce monde barbant, toi ? Il est tellement normal qu'il ne s'y passe rien de spécial du tout. Tu n'as pas envie toi aussi de vivre des choses intéressantes ? »

« C'est ce que je croyais avant. »

Le géant se remit à bouger. Il balaya les parties encore debout du bâtiment puis prit la direction de la cour. Au passage, il faucha entièrement la galerie du lycée avec son bras, pour ensuite donner un énorme coup de pied dans le bâtiment des clubs. Notre lycée se fait petit à petit aplatir, y compris notre salle de club.

Je jetai un coup d'œil par dessus l'épaule de Haruhi et fut stupéfait de découvrir d'autres murs bleus scintillants aux alentours. Un, deux, trois... arrivé à cinq, je décidai d'arrêter de compter.

En l'absence des sphères rougeoyantes sur leur chemin, les géants de lumière avaient entrepris la destruction de ce monde terne sur-le-champ. Je ne vois pas ce qu'il y a de si intéressant dans tout cette dévastation. Chaque fois qu'ils bougeaient leurs bras et leurs jambes, tout ce qui était à portée disparaissait instantanément.

Peu de temps après, la moitié de l'école avait disparu.

Je ne parvenais pas à dire de quelle taille était cet Espace Clos, et je ne savais pas si cette dimension allait s'étendre pour devenir une nouvelle réalité. À cet instant, ma tête était bourrée d'incertitudes. Si à ce moment-là, un vieil ivrogne assis à côté de moi dans un train m'avait dit "Laisse-moi te dire un truc, mais ne le raconte à personne ! En fait je suis un alien ", je l'aurais cru direct. Parce que le nombre d'évènements mystérieux dont j'ai fait l'expérience a désormais triplé comparé à un mois auparavant.

Qu'est-ce que je pouvais faire exactement ? Si ç'avait été un mois plus tôt, peut-être n'aurais-je rien trouvé, mais sur l'heure je pensais en être capable. Parce que j'avais déjà reçu quelques indices.

Une fois décidé, je déclarai ceci :

« Haruhi, ces derniers jours, j'ai vécu des choses passionnantes. Bien que tu ne sois pas au courant, il y a toutes sortes de gens qui se font du souci pour toi. Il n'est pas ridicule de dire que le monde gravite littéralement autour de toi. Ils pensent tous que tu es une personne très spéciale, et ils ont tenté de confirmer leurs certitudes en agissant. Tu ne le sais probablement pas, mais le monde prend une direction très intéressante. »

Alors que j'agrippai l'épaule de Haruhi, je me rendis compte que je tenais toujours sa main, pendant qu'elle me regardait avec un air qui disait "Qu'est-ce qui t'arrive ?"

Elle détourna alors son regard de moi et le dirigea vers les géants bleus ravageurs, affichant une expression pragmatique.

En contemplant son visage juvénile et délicat, je me souvins du "potentiel d'évolution" de Nagato, de la "distorsion temporelle" d'Asahina-san, ainsi que d'Itsuki la considérant comme un "Dieu". Mais en ce qui me concerne, que représente-t-elle pour moi ? Comment dois-je la considérer ?

Haruhi est Haruhi, que dire de plus ? Je n'avais cependant pas l'intention de me contenter de cette réponse. Du moins, je n'en avais pas de définitive. Je savais qu'on en arriverait là, pas vrai ? Si vous aviez pointé du doigt la lycéenne assise derrière moi et demandé "Qu'est-ce qu'elle représente pour toi ?", que pensez-vous que j'aurais répondu ? ... Ah, désolé. Je tourne en rond encore une fois ! Pour moi, Haruhi n'est pas seulement une camarade de classe ordinaire, et certainement pas un "potentiel d'évolution", une "distorsion temporelle" ou même "Dieu".

Le géant se tourna en direction du terrain. Il n'était pas supposé avoir d'yeux, et pourtant je pouvais distinctement sentir son regard. Il fit un pas dans notre direction. Ce simple pas couvrait probablement plusieurs mètres, sans quoi il n'aurait pas réduit la distance nous séparant aussi vite en marchant si lentement !

J'ai compris ! Asahina-san n'avait-elle pas dit quelque chose à ce propos ? Cette prédiction ! Et le dernier message de Nagato. Blanche Neige et la Belle au Bois Dormant. Je vous en prie. Même moi je sais ce que ça signifie ! Quel est le point commun entre ces deux histoires ? Dans notre situation désespérée, la réponse était pratiquement criée à tue-tête.

Merde ! C'est honteux.

C'est franchement honteux ! Asahina-san, Nagato. Jamais je n'accepterai un tel développement ! Jamais !

Mon côté rationnel insistait sur ce point. Mais les humains n'avaient jamais été une forme de vie se basant uniquement sur la raison pour survivre. Peut-être avaient-ils besoin d'un soupçon de ce que Nagato appelait des "données confuses". Je relâchai la main de Haruhi, aggripai son épaule, et la tournai vers moi.

« Quoi encore... »

« Tu sais, je te trouve très attirante avec une queue de cheval. »

« Quoi ? »

« Je sais plus depuis quand, mais je n'arrête pas de penser à toi avec une queue de cheval. Je trouve que c'est ce qui te vas le mieux. »

« Qu'est-ce qui te prend ? »

J'ignorai ses protestations et déposai un baiser sur ses lèvres... Je saisis sa main et la tins très fort, ne désirant encore pas la laisser partir.

Ses yeux noirs me resistaient. J'ignorai ses protestations et déposai un baiser sur ses lèvres. Il est commun de fermer les yeux dans ce genre de situation, je fermai donc les miens. De ce fait, je ne pouvais discerner la réaction de Haruhi. Le choc lui avait-il fait écarquiller les yeux ? Ou les avait-elle aussi fermés ? Ou bien avait-elle essayé de lever la main pour me gifler ? Mais même si elle m'avait mis une claque, je pensais que ça n'aurait pas eu d'importance. Tu parles ! Si n'importe qui d'autre avait fait ça à Haruhi, il aurait su ce que je ressentais à ce moment-là. Je saisis sa main et la tins très fort, ne désirant pas encore la laisser partir.

Je parvenais encore à distinguer le grondement lointain ; le géant semblait toujours en train de détruire le campus. Juste au moment où je pensai à ça, je perdis soudainement l'équilibre et tombai vers le bas, puis tout devint sens dessus dessous. Il y eut un violent choc sur mon flanc gauche. Peu importe ce que j'avais fait, je n'avais pas réussi à garder l'équilibre. Quand j'essayai de me relever et ouvris les yeux, je découvris un plafond familier au dessus de ma tête et fus stupéfait.



J'étais dans ma chambre, et me retournant, je réalisai que j'étais tombé de mon lit. Bien entendu, je portais mon pyjama. La moitié de la couverture chiffonée traînait sur le sol. Je me frottai l'arrière du crâne, la bouche ouverte comme un imbécile.

Il me fallut un peu de temps avant que je puisse penser à nouveau.

À moitié endormi, je me levai doucement, ouvris la fenêtre, et regardai à l'extérieur. Je vis quelques étoiles scintillantes et la lumière des réverbères. Je vérifiai qu'il y avait bien de la lumière provenant des fenêtres alentours ainsi que des silhouettes occasionnelles se mouvant derrière certaines.

Était-ce un rêve ? Venais-je donc de rêver de tout ça ?

J'avais fait un rêve où je m'étais retrouvé dans un monde surréel avec une fille que je connaissais, pour finir par l'embrasser ! Un rêve si facile à interprêter que même Sigmund Freud en aurait hurlé de rire.

Argh, j'ai vraiment envie de me pendre, là.

Je devrais peut-être me sentir reconnaissant envers ce pays qui a interdit les armes à feu, sans quoi j'aurais attrapé un flingue automatique et l'aurais pointé sur ma tempe sans hésitation. Si ç'avait été avec Asahina, j'aurais au moins pu en tirer un genre d'analyse approfondie de ma personnalité, mais il avait fallu que je rêve de moi embrassant Haruhi, comme par hasard ! Mais à quoi pouvait bien penser mon subconscient !?

Je m'assis péniblement par terre et pris ma tête dans la main, en pensant : si tout ça n'avait été qu'un rêve, pourquoi cela m'avait-il paru si réel ? La moiteur de sa main droite, et la chaleur laissée sur mes lèvres...

... Est-ce que... Est-ce que ça signifie que ce monde-là n'est plus l'original ? S'agit-il d'un nouveau monde flambant neuf créé par Haruhi ? Existe-t-il un moyen de m'en assurer ?

Non, pas que je sache. Ou plutôt, je ne voulais pas cogiter sur un problème pareil. Si je devais admettre que tout cela n'était qu'un rêve dû à un dysfonctionnement de mon cerveau, alors j'aurais plutôt préféré croire que le monde avait été détruit. D'ailleurs, je refuse de le reconnaître.

Je jetai un coup d'œil à mon réveil. Deux heures et demi du matin.

... Je vais me recoucher.

Je tirai la couverture au-dessus de ma tête, invitant mon esprit déjà clair à me gratifier d'un profond sommeil.



Je n'ai pas pu dormir.

Voilà pourquoi je suis tellement épuisé ce matin, au point de quasiment avoir besoin de ramper pour gravir la colline. Ça me tue, pour être honnête. Je suis content de ne pas avoir rencontré Taniguchi en chemin, sans quoi j'aurais été contraint de l'écouter jacasser encore et encore. Le soleil continuait de libérer la chaleur de son inépuisable fusion nucléaire. M. Soleil, je vous en supplie, ne pouvez-vous pas faire une pause de temps en temps ? Je vais finir par mourir rôti !

Refusant de venir quand j'avais besoin de lui, le marchand de sable tournait à présent autour de ma tête au moment où je le désirais le moins. Si ça continue comme ça, je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir rester éveillé pendant la première heure de cours.

Quand j'aperçus le lycée, je m'arrêtai et jetai un œil au bâtiment miteux de trois étages. Les lycéens en sueur grouillaient à l'entrée tel un groupe de fourmis.

Je traînai les pieds jusqu'en haut des escaliers, puis jusque dans la familière salle de classe 1-5, m'immobilisant à trois pas de la fenêtre.

Là, assise dans le fond près de la fenêtre, je vis le dos de la tête de Haruhi. Comment dire ? Elle avait comme d'habitude le menton posé sur ses mains et regardait par la fenêtre avec une expression figée.

Dans son dos, je pouvais voir une petite queue joignant ses cheveux et retombant sur son épaule. Ses cheveux étaient un brin trop courts pour faire une queue de cheval, du coup il était possible qu'elle se soit contentée d'attacher ça au hasard ?

« Yo, comment ça va ? »

Je déposai mon sac sur le bureau.

« Épouvantable ! J'ai fait un cauchemar horrible cette nuit. » dit calmement Haruhi.

Hé, en réalité tu as vécu quelque chose d'incroyable cette nuit !

« Du coup j'ai pas pu fermer l'œil de la nuit. Je voulais rester chez moi, mais mon taux d'assiduité aurait été trop bas. »

« Je vois. »

Je pris place sur ma chaise peu confortable et étudiai le visage de Haruhi. Sa chevelure en cachait le profil jusqu'en dessous de son oreille, de telle sorte que je ne pouvais clairement voir son expression. Dans tous les cas, elle était de mauvaise humeur. Son attitude me révélait au moins ça.

« Dis, Haruhi. »

« Quoi ? »

Je dis à Haruhi, dont les yeux étaient toujours tournés vers l'extérieur :

« Ça te va bien cette queue de cheval. »



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