Un Simple Sondage - Volume 1

From Baka-Tsuki
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Survey v01 cover.jpg


Avant le début du sondage[edit]

Bien le bonjour. Bienvenue.

Je suis sûr que vous avez tous vos propres raisons d'être venus ici aujourd'hui, mais tâchez d'être patient. Peut-être qu'il vous manque quelques ECTS ou que vous vous êtes un peu trop lâché pendant le week-end d'intégration. Je peux imaginer toute sorte d'explications, mais laissons ça de côté. Ce n'est pas vraiment intéressant.

Quoi que cela ait pu être, tout sera complètement effacé.

Votre suspension sera levée et vous obtiendrez les ECTS qu'il vous faut, alors c'est parfait pour vous.

Hm ?

Vous voulez savoir ce qu'on va faire ?

Ne vous en faites pas. Ce ne sera pas un travail physique comme nettoyer chaque toilette de l'université avec vos langues. Ce sera un sondage. Rien qu'un rapide sondage. Le fait que je vous aie réunis ici dans cet amphi doit vous avoir mis la puce à l'oreille, je vais utiliser un projecteur pour vous montrer diverses choses sur le grand écran derrière moi.

Ce que je vais vous montrer ? Juste quelques courts-métrages.

Bien. Est-ce que tout le monde a reçu sa feuille ? Bon, lisez-la. Vous comprenez maintenant ? Le contenu de cette feuille devrait répondre à toutes vos questions.

Je vais passer plusieurs courts-métrages.

Vous allez devoir classer ces derniers par ordre de préférence.

Il n'y a pas d'égalité possible.

Vous pouvez changer d'ordre autant de fois que vous le voudrez.

Tant qu'à la fin, vous êtes arrivés à classer tous les courts-métrages par ordre de préférence, tout ira bien.

Bien, c'est tout.

Simple, n'est-ce pas ? Cela vous donnera les ECTS suffisants pour valider votre premier semestre, alors ça vaut vraiment le coup.

Et sans plus tarder, commençons.


(Ce sondage requiert la participation du lecteur. N'oubliez pas de prendre un stylo et un papier.)




Fichier 01 : Un virus informatique qui se propage dernièrement[edit]

Alors que je me délectais d'une vidéo de lolcat sur un site d'hébergement de vidéo, un pop-up d'avertissement apparut en bas à gauche sur mon bureau. Il était rouge vif.

Un code malveillant vient d'être détecté.

Veuillez choisir l'action à effectuer.

— Alors j'ai enfin chopé un virus ! Et celui-ci n'a pas été bloqué en chemin. Il a été détecté après avoir infecté mon pc !!

Alors que je criais dans mon étroite chambre, mon uniforme scolaire se balança sur son cintre.

Heureusement, le cœur du système n'avait pas encore été directement impacté. Apparemment, le virus avait été détecté dans mon cache internet. En gros, il s'était perdu en chemin et ne pouvait plus arriver à bon port. J'étais un peu soulagé, mais il restait tout de même possible qu'il arrive à se frayer un chemin jusque dans les répertoires systèmes.

Le mieux à faire semblait de m'en débarrasser au plus vite.

Et donc je plaçai le curseur de ma souris sur le bouton « Supprimer » du pop-up.

— Wahhh !! Attendez, attendez ! Attendez avant de me supprimer !!

— Nwooooooooh! ?! J'ai la tête qui tourne, alors la vision 3D que j'avais éteint a dû subitement se réactiver ! Et c'est un virus autonome kunoichi ou quoi ?!

Alors que j'étais sur le point de le supprimer d'un simple clic, (ce qui semblait être) une fille aux longs cheveux et aux gros seins colla son visage inquiet sur l'écran.

— Non, à la base, j'étais une bonne, mais on m'a transformée en kunoichi quand des gens se sont plaints du fait que ce n'était pas logique d'avoir une bonne comme avatar de virus voleur de données.

— T'étais une bonne ? Alors c'est toi la fameuse voleuse qui a sérieusement menacé les comptes en banque en ligne des gens ? ... Et tu serais la dernière version ?! Il faut que je te zippe et que je t'envoie à une société de sécurité informatique !!

— Gyaaaaaahhh !! Vous archiveriez une si jolie fille et l'enverriez dans un centre de recherche bizarre ?! Avez-vous vraiment une conscience ?! Ayez un peu de compassion ! Épargnez-moi !!

Pendant qu'elle pleurait, la poitrine opulente de la ninja se mit à se balancer de haut en bas de façon inutile. La vision 3D lui rendait parfaitement honneur. Pour être honnête, j'avais le sentiment que le savoir humain avait été utilisé de façon vraiment amusante.

Mais comme vous pouvez en juger de cette conversation, voilà à quoi ressemblent les virus de nos jours.

Les virus ont toujours inclus des pièges pour détourner l'attention de l'infecté. Cela pouvait être des faux mails prétendant contenir des informations importantes, ou être inclus dans un package pratique de logiciels gratuits, etc. Tout comme leurs méthodes pour faire des ravages étaient devenues de plus en plus ingénieuses, leurs façons « d'amuser » avaient également évolué.

Le virus autonome kunoichi claqua ses mains devant sa poitrine et me regarda avec des yeux larmoyants.

— C-C'est vrai que je suis un virus informatique créé des mains d'un programmeur malintentionné, mais... mais ! Je prends peut-être un peu de place et j'ai l'air différente des autres fichiers au moment où on m'enlace ! Et j'ai manifestement l'air de m'ajouter aux fichiers infectés directement dans les dossiers du cœur du système plutôt que dans le BIOS ou dans la base de registre ! Mais est-ce que j'ai vraiment l'air d'être quelqu'un capable de faire des choses aussi viles ?!

— Euh... Plus je t'écoute, et plus je t'imagine comme une fille empotée qui trébuche et s'étale par terre tête la première...!

— Je vous rappelle que j'étais une bonne à la base ! Il se trouve juste que je suis déguisée en kunoichi !! Je suis connue pour avoir beaucoup de fonctionnalités, mais aux résultats infructueux. Ça ne se fait pas de me supprimer juste parce que je suis un virus !! cria le virus autonome kunoichi tout en remuant ses bras vigoureusement devant l'écran.

Tout ce qu'elle disait avait été programmé pour être mignon, mais cela me donnait vraiment le tournis quand elle se mettait à bouger dans tous les sens. C'était le problème avec la vision 3D.

— ... Dans ce cas, qu'est-ce que tu fais sur mon bureau ?

— Laissez-moi rester ici, je vous en prie. Juste ici ! J'ai vraiment peur dehors ! Les systèmes de nettoyage automatique des serveurs modernes sont vraiment trop dangereux ! Je ne ferai rien. Je vais juste m'assoir les mains sur les genoux dans un coin de votre disque dur ! Je ne veux pas disparaaaaaaaaaaaaître !!

— Mh... Mhhh...!!

Le virus informatique se mit à pleurer, me permettant de voir ce que les filles cachent habituellement sous une tonne de maquillage.

Je commençais à avoir de la peine pour elle.

Le fait que je pouvais la tuer d'un simple clic s'ajoutait sûrement au sentiment de culpabilité qui montait en moi.

— Hein ?! N-Non, attends ! Kikukawa-kun de ma classe a vu son compte en banque complètement vidé par un de ces trucs ! C'est une IA qui a été développée dans le but de me faire baisser ma garde !! Je dois pas la laisser me piéger !!

À ce propos, Kikukawa-kun était connu pour avoir l'air à la fois vraiment heureux et abattu quand il était infecté par un virus. C'était peut-être l'état dans lequel devait se trouver un type qui passait son temps à offrir des cadeaux à une fille de cabaret.

— C'est décidé. C'est l'heure de la suppression !!

— C'est décidé ?! Je croyais que les jolies filles, y'avait que ça de vrai ?!

— Je vais te montrer qu'il m'arrive aussi de pouvoir réfléchir avec la partie haute de mon corps !!

— Hein ?! Mais, maître, la vidéo que vous regardez s'appelle peut-être une vidéo de chat, mais elle montre en fait une femme en bikini sexy...

— Gyaaaaaaaaaaaaaahhhhh ?! T'es déjà en train de m'espionneeeeeeeeeeer ?! criai-je alors que la kunoichi se mit à balancer énergiquement ses mains d'avant en arrière, d'arrière en avant.

— N-Non !! dit-elle. Ce n'était pas intentionnel ! C'est moi la victime ici. Dans les bureaux en Occident, rien que le fait d'avoir un fond d'écran avec une fille en maillot de bain suffit à être poursuivi pour harcèlement sexuel. C'est vraiment gênant☆

— Tu dis ça, mais les pop-ups d'avertissement apparaissent à la vitesse de la lumière !! T'es en train d'essayer d'ouvrir un port non autorisé, pas vrai ?!

— Fwahh ! Ça semble toujours arriver à l'insu de mon plein gré !!

— ... Alors t'es le genre de virus qui tente en fait d'aider les gens, mais qui finit par casser toutes les assiettes ?! Ce sont les plus difficiles à gérer ! Quoi que toi, l'IA, veuille faire, les choses iront toujours dans le sens voulu par le codeur !!

— Mais ce n'est pas vraiment de ma faute ! N'est-ce pas ?! Je voulais juste me débarrasser de tout ce pouvoir de destruction pour pouvoir vivre une vie où je n'aurais plus à craindre d'être supprimée !!

— Gh... Ghhh...!! Je ressens de plus en plus de culpabilité !!

— (Sourire)

— Tu viens juste de sourire ! Alors c'est vraiment décidé !!

— Kof, kof ! Ce n'était rien de plus qu'un sourire qui s'est échappé devant votre grande mansuétude, maître !!

Ce qui était advenu à Kikukawa-kun de ma classe me traversa l'esprit. Si ça continuait, le même destin m'attendait ! J'en venais également à comprendre d'où venaient sa vitesse de propagation effarante et ses dégâts ravageurs ! Mais est-ce que ça se faisait vraiment de supprimer le virus d'un simple clic de la souris ?! Que faire ? Comment réagir face à cette crise ?!

— Je...

— Oui ? dit la kunoichi avec une expression mêlant yeux larmoyants et perplexité.

Je continuai d'une petite voix :

— J'ai un compromis. Qu'est-ce que tu dirais si je te mettais dans une zone de quarantaine isolée de l'OS ?

— Si vous sous-entendez un endroit préparé par l'antivirus, il se contentera de m'enchaîner ! Pour faire une analogie, c'est comme si on m'empaillait avant de me poser sur une commode !! Et n'allez pas croire que ça ira juste parce que je ne pourrirai pas !!

— Pourquoi pas une zone de quarantaine préparée par l'OS plutôt que par l'antivirus ?

— Dans ce cas, je ne ferai rien qui puisse affecter quoi que ce soit ! Est-ce que cela vous convient vraiment, maître ?!

— M-Mhhh... J-J'ai pas le choix. Dans une zone de quarantaine, tu ne pourras plus faire de mal.

— Merci !! Merci du fond du cœur !! Youpi ! Maintenant, je ne vais plus avoir à disparaître... J'ai eu un peu peur...

Alors que je regardais le virus informatique s'assoir (en l'air) et frotter ses yeux, je commençai à me dire que j'avais fait une bonne action.

Mais alors...

— Si je peux me permettre.

Une autre fille apparut sur le bureau, poussant le virus informatique hors de l'affichage. Pour être plus précis, elle avait jailli du premier pop-up d'avertissement en bas à gauche.

Avec cette autre fille qui agrippait sa tête d'une main, le visage du virus se mit à se tordre de douleur.

— Gyaaaaaahhhh ?! Maître, qui est cette fille ?!

— C'est évident, non ? Je suis un antivirus de type déléguée de classe !! Le nombre de victimes succombant aux charmes des virus autonomes comme toi ne cesse d'augmenter, alors on m'a forcée à prendre cette apparence, moi aussi. Ahh, que c'est gênant !!

— ... H-Hum, je ne comprends pas bien, dit la kunoichi, soucieuse.

La déléguée de classe croisa les bras ce qui fit remonter inutilement mais aussi fièrement la preuve qu'elle était un mammifère.

— Parce que...

Dans un mouvement en harmonie avec le précédent, elle pointa mon visage du doigt.

— Ces gens n'écoutent que les jolies filles.

Dans un choc coupable, je sursautai.

— Quand je n'étais qu'une horrible fenêtre rectangulaire, ils se pliaient aux quatre volontés du virus portant un sac à dos rouge qui les regardait avec des yeux larmoyants, les mains recouvrant sa bouche. Ils changeaient alors les réglages comme demandé. La seule façon pour moi de rivaliser était de me transformer en une fille encore plus jolie.

La kunoichi paraissait encore plus inquiète.

— Maître... Cela pourrait paraître impoli, mais n'avez-vous pas un QI dans la moyenne ?

— C-Ce n'est pas le moment de s'en faire pour lui, virus !! Tu te tiens face à ton ennemi naturel !!

— Gyaahh !! Maintenant que j'y pense, c'est vrai ! Maître, dépêchez-vous de m'ajouter à la liste des exceptions ! Snif snif !!

— Petite idiote !!

La déléguée de classe ouvrit grand ses yeux.

— Aurais-tu oublié que je suis un programme spécialement conçu pour combattre les virus comme toi ?! Je rassemble constamment des données sur les virus du monde entier alors je suis toujours à jour sur leurs points faibles. Et donc, j'ai le moyen de faire ouvrir les yeux à mon utilisateur de façon tellement mignonne que ton propre côté moe-moe ne sera plus qu'un lointain souvenir !!

— Hein ? Mais dans les light novels, la déléguée de classe n'est jamais un personnage central. Hihi. Elle n'est rien d'autre qu'un personnage secondaire utilisé pour renforcer la position de l'amie d'enfance et des autres personnages importants. Niark niark. Tu n'arrives pas à la cheville d'une bonne transformée en kunoichi.

— Supprimez-la tout de suite !!

— Est-ce que la vérité a éveillé ton côté tyrannique ?!

— J'ai été conçue de façon optimale à partir de statistiques collectées dans le monde entier ! Admire donc, cet imbécile d'utilisateur va succomber à mon charme d'une minute à l'autre !!

— J'ai plutôt l'impression que le maître est en train de détourner le regard de façon gênée. Hihi. On dirait qu'une fille qui ne sait rien faire n'a rien à voir avec une fille populaire.

La déléguée de classe se détourna lentement de la kunoichi qui se moquait d'elle et me fit face.

— ... Utilisateur ?

— H-Hum, j'imagine qu'une bonne suffisamment empotée pour foutre le feu à la maison sans le vouloir pourrait poser problème. Ha ha ha !!

— Maître !! Ne changez pas d'avis selon la personne qui vous dévisage !! Ma vie ou mon âme ou n'importe quoi d'autre reposent sur ces lignes de code !! Vous avez dit que vous étiez prêt à me placer dans une zone de quarantaine de l'OS, alors pourquoi ne pas vous contenter de le faire ?!

— Je m'efforce de vous expliquer qu'il existe des antivirus comme moi justement parce que les zones de quarantaine des OS sont pleines de failles ! C'est parce que les utilisateurs passent leur temps à se faire avoir par ces choses que les infections se propagent et que ma valeur s'écroule ! Reprenez-vous !!

— Argh !! J'en ai assez de tout ça. Il n'y a qu'une seule chose qu'il nous faut mettre au clair !! dit la kunoichi.

— Oui, qui est la plus jolie, le virus ou moi ?!

— Alors ? Laquelle ?!

Allons bon...

Que va-t-il advenir de la sécurité de mon PC ?



Fichier 02 : N'hésitez pas à nous demander conseil (mais appliquez-les à vos risques et périls)[edit]

Ces nouveaux sites spécialisés dans le conseil matrimonial sont devenus très pratiques.

En plus des catégories fixes telles que l'âge ou le métier, on peut également insérer n'importe quel mot-clé voulu pour indiquer les qualités recherchées chez un partenaire.

Elfe, princesse, peau blanche, cheveux blonds, ressemble à une gamine mais est en fait immortelle, parle comme une vieille, un peu imbue d'elle-même, mais fait néanmoins les tâches ménagères, peut utiliser la magie, la sorcellerie, est craquante quand elle est en colère, possède des pouvoirs ultra-puissants qui lui confèrent un contrôle total quant à l'issue de toutes les guerres dans le monde.

— Bah, ça m'étonnerait qu'il y ait le moindre résultat.

Je poussai un soupir tout en sauvegardant le champ « qualités recherchées » avec mon portable. Tout avait commencé après un appel téléphonique de mes parents. Ils m'avaient cassé les pieds pour que je me marie. Pour une raison illogique en rapport avec la fille d'un vieil ami de mon père, il semblait vraisemblable que j'allais prochainement me retrouver contraint de me rendre à une rencontre arrangée.

Quoi qu'il en soit, il me fallait de quoi prouver que je cherchais à me trouver quelqu'un.

Mais je ne comprenais strictement rien à cette histoire de mariage. En fait, je n'avais jamais connu de relations de plus de six mois. Pas une seule fois de toute ma vie. Étant donné l'espérance de vie moyenne dans ce pays, il était loin d'être improbable que même après ma mort, je n'allais laisser derrière moi que ma waifu[1] et quiconque ressentait des sentiments pour moi allait juste continuer à m'aimer. Même après ma mort. Comment étais-je censé imaginer ça ? Est-ce que j'en étais même capable ?

Peut-être que j'étais simplement quelqu'un de malchanceux.

Peut-être bien.

Sûrement.

Enfin, si j'avais vraiment ce désir animal de transmettre mes gênes, je n'avais qu'à me rendre à une banque de sperme. Mon parcours académique était honnête, je travaillais dans une boîte pas mal, et je n'avais aucun souci de santé particulier. Sur cette pensée insouciante, je retournai à mon triste appartement.

— Oh, tu es rentré ! Bon retour chez toi, humain !!

... Quoi ?

Pour une obscure raison, une fille de seulement 1,30 mètres de haut était assise dans ma chambre ! Juste assise là ! C'est important, c'est pour ça que je l'ai répété !! On était entré dans mon appartement par effraction, alors pourquoi est-ce que c'était moi qui étais figé sur place et qui étais traité comme le méchant de service ?! Est-ce que le truc que j'avais vu il y a trois nuits de cela était vraiment un OVNI ? Est-ce que les Men in Black étaient venus me détruire socialement ?!

La petite fille (nom temporaire) tourna autour de moi comme pour m'inspecter tandis que je restais debout figé sur place.

— Hmm. Asiatique, une formation en économie, chevelure noire, corpulence moyenne, en bonne santé. Ces nouveaux sites de recherche en mariage sont vraiment épatants. Ton visage est quelconque et ton aura globale manque d'un petit quelque chose, mais on m'a dit que fermer les yeux sur de petits défauts est la clé d'un mariage réaliste, alors je m'en contenterai !

— Ça se fait vraiment pas de dire ça !!

— Ton appartement est plutôt délabré et l'intérieur est dans un triste état. Sans compter le manque total de goût. ... En deux mots, c'est tout simplement démodé et dégoûtant, mais je m'en contenterai une fois de plus ! Alors ne t'en fais pas !!

— Si t'étais pas une petite fille, t'aurais eu droit à une bonne droite !! ... Une seconde, qu'est-ce que t'as dit ? Des sites de recherche en mariage ???

— Tu t'y es également inscrit. Tu vois ?

La petite fille (nom officiel) me tendit son téléphone portable. Y était affichée la page d'accueil du site en conseil matrimonial que j'avais visité juste avant.

— Toutes les conditions que tu as indiquées me correspondent. On peut appeler ça le couple parfait !!

— Heiiiiiiiin ?! T'es débile ou quoi ? Minute, est-ce que c'est moi le débile qui a saisi toutes ces conditions ridicules ou est-ce que tu es la tarée qui les remplit toutes ?! C-Comme si quelqu'un comme ça existait vraiment !!

— C'est le couple parfait !! cria la petite fille.

Ses oreilles étaient effectivement pointues. Et elles bougeaient légèrement. Alors était-elle une elfe ? Était-elle également immortelle ? Avait-elle des pouvoirs ultrapuissants qui lui conféraient un contrôle total quant à l'issue de toutes les guerres dans le monde ? Non, une seconde ! C'est n'importe quoi !!

— Minute, qu'est-ce qui cloche chez moi ?! Pourquoi est-ce que j'ai demandé quelqu'un qui ressemble à une gamine mais qui parle comme une vieille ?! Même pour rigoler, c'est pas normal ! Est-ce que j'ai vraiment déjà abandonné quelque part au plus profond de mon cœur ?!

— Hum. Jusqu'ici, je n'ai jamais eu la moindre correspondance avec les paramètres que j'avais saisis, mais il semble que mon heure soit enfin arrivée. Je n'ai pas vécu 20 000 ans pour rien.

— J'ai pas la moindre idée de l'espérance de vie d'un elfe, alors je sais pas si c'est du bluff ou pas !! Mais d'abord, pourquoi une elfe utilise un site de recherche en mariage ?! Je vois pas le rapport !!

Elle ne paya aucune attention à mes cris et agita son petit index devant moi.

— Tss, tss. Qu'est-ce que tu racontes ? C'est un intermédiaire utilisé pour former des pactes entre différents mondes. En gros, c'est la version électronique d'un pacte sur parchemin.

— Tu veux parler de ces pactes où l'on vend son âme ?!

— On confond souvent ces pactes avec ça. Franchement, vous autres humains êtes bien trop peureux. Si on n'avait pas changé de format, on aurait eu de gros problèmes sans mariages intermondes.

J'avais une question.

Confus, je clignai des yeux et posai simplement celle-ci de but en blanc.

— En quoi ça serait un problème de ne pas pouvoir épouser d'humains ?

— Il n'y a pas de raison particulière. Mais si je devais en donner une, ce serait qu'il y a beaucoup de pervers dans l'autre monde. Je crois qu'il y a des légendes dans ton pays de femmes de neige qui souhaitent épouser des humains.

— Alors les humains sont populaires ?

— Très. La princesse sirène avec son corps sublime et son bikini en coquillage, mais aussi la déesse amazone des vierges craquent complètement pour les humains.

— Gwoooooooooohhhhhhhhhhhh !!

... Pourquoi ?

Pourquoi n'avais-je pas réfléchi à deux fois avant de saisir ces paramètres sur le site en conseil matrimonial ?! Pourquoi est-ce que je n'avais pas opté pour une fille plus âgée avec des gros lolos ?!

Si je devais terminer avec une fille toute droit sortie d'un conte de fée, j'aurais préféré une fille avec des seins plus gros qu'on ne pourrait jamais en voir dans le monde réel !!

Pendant ce temps, la déplorable planche à pain face à moi se mit à agiter ses petites mains.

— Bon, c'est l'heure du mariage. Allons nous marier maintenant. Nous avons tous deux échangé nos vœux dans le pacte, nous savons que cela correspond à nos objectifs respectifs. Il ne reste donc plus que la cérémonie. C'est toi qui voulais te marier à la base. Il n'est plus possible de faire marche arrière maintenant.

— Épouser une petite fille ?! Maintenant ?! Est-ce que le gouvernement laissera passer ça ? J'ai bien peur que la police ne vienne m'arrêter !! Pire, ça risque même de remonter jusqu'aux oreilles de l'Agence d'investigation de sécurité publique[2] !!

La petite fille me tendit alors une feuille en papier.

— Tadam ! J'ai déjà obtenu une copie de l'acte officiel de mariage.

— Que, comment t'as eu mon sceau ?! T'es entrée dans mon appartement parce que tu le cherchais, c'est ça ?!

— Tu aurais dû voir les regards ahuris des gens de la mairie quand ils ont vérifié la longueur de mes télomères et confirmé mon âge. Leurs yeux se sont encore plus écarquillés quand ils se sont rendus compte que j'avais 20 000 ans.

— Ok, j'ai pigé. Un monde fantastique gravite autour de toi et tu peux déformer la réalité et le bon sens de ce monde...

Et puis, l'humanité n'avait pas encore développé la technologie pour mesurer l'âge de quelqu'un par la longueur des télomères... Du moins, pas que je sache.

Est-ce que ça a vraiment un rapport avec les aliens et les Men in Black finalement ?

Je n'allais tout de même pas terminer avec une jeune épouse qui avait fait tout ce chemin depuis une autre galaxie ou je ne sais quoi pour épouser un terrien via un site en conseil matrimonial, si ?

— On s'en fiche de tout ça, alors allons nous marier maintenant !! Ou plutôt, c'est déjà fait ! On est mariés !! J'imagine que c'est ce qu'on appelle une approbation a posteriori !!

— ... Et ensuite ? Est-ce qu'on va partir en lune de miel sur Mars ?

— Ha ha ha. Je n'attends rien. Hawaï me conviendra parfaitement. Sept nuits et neuf jours sera très bien. On pourra se détendre comme ça.


Sur des considérations partiellement réalistes, mon salaire mensuel se transforma soudainement en une muraille infranchissable.

— Mais tout d'abord, il nous faut une cérémonie. Va m'acheter une alliance. Pour des raisons chronologiques, je me contenterai de ne pas avoir eu de bague de fiançailles, mais il est hors de question de faire une croix sur l'alliance. J'aimerais au moins un diamant de 15 carats.

— Si tu vis dans un monde fantastique, pourquoi tu fais que parler d'argent ?!

En y repensant, je réalisai qu'on a toujours besoin d'argent pour tout dans les RPGs, mais elle était tellement désagréable que j'ai cru pleurer des larmes de sang !

Mais l'elfe posa ses mains sur ses hanches et poussa un léger soupir par le nez.

— Je couvrirai les frais du voyage, alors tu pourrais au moins faire un effort pour la bague.

— Une seconde, t'as l'intention de la faire où cette cérémonie ?


— Dans mon royaume d'Alfheim évidemment.

Elle avait certes l'air perplexe face à ma question, mais cette déclaration fut l'effet d'une bombe pour moi !

— ... J'aurais beau consulter tous les sites de cartographie d'Internet, je crois pas pouvoir trouver un jour où ça se trouve !!

— Évidemment que tu ne le trouveras sur aucune carte qui couvre uniquement cette planète. Ce n'est pas juste sur une autre planète, mais carrément dans un autre monde complètement différent.

— Hein ? Attends, alors, après ça...

On dévisageait l'employé de bureau que j'étais comme si j'étais un peu long à la détente.

— Tu as souhaité épouser la princesse de tout un royaume. Tu ne t'attendais tout de même pas à ce que je vive dans un appartement dans ce monde perdu. Tu vas rejoindre ma famille.

— Waaahhhh !! Je vais me retrouver avec un de ces noms qui sonne incroyablement international comme Gorô Alfinbus ?!

— Si tu as compris, allons à Alfheim maintenant. Oh, c'est vrai. Il semblerait que le temps et l'espace fonctionnent différemment entre nos deux mondes. Il paraît que mettre un pied dans le royaume enchanté rend immortel ou encore que, si on passe une journée là-bas et qu'on revient ici, mille ans se seront écoulés. Mais ne t'en fais pas pour ça.

— Alors c'est un piège à la Ryûgû-jô[3] ?! Minute papillon ! T'arrête pas d'employer des mots doux comme « mariage », mais c'est pas ce qu'on appelle se volatiliser ?!

— Tu en as seulement peur parce que votre culture est si faible. Maintenant, il est temps de nous rendre à Alfheim, le royaume des épées et de la magie !!

— Je veux pas aller dans un monde qui ne laisse pas son mot à un commercial !!


Plus tard, Gorô Alfinbus entra dans l'histoire d'Alfheim comme étant le plus faible des rois comme il ne pouvait utiliser ni d'épée ni de magie, mais il se murmure également qu'aucune guerre n'eut lieu pendant son règne.

Comme on dit...

Les mots sont les plus grands des miracles.



  1. Prononciation japonaise du mot anglais wife (femme/épouse en français). Désigne une fille fictive (issue d'animés, mangas ou jeux vidéo principalement) pour qui un garçon, généralement un otaku, ressent des sentiments amoureux très profonds au point de la considérer comme sa femme.
  2. Agence gouvernementale japonaise qui s'occupe de la sécurité nationale à la fois sur le territoire japonais et à l'étranger. Ses missions sont surtout portées sur le contre-espionnage ce qui implique une certaine discrétion : de ce fait, l'AISP est peu connue du grand public.
  3. Dans la mythologie japonaise, le Ryūgū-jō (竜宮城/龍宮城?) est le palais sous-marin de Ryūjin, le dieu dragon de la mer. Dans une légende, Urashima Tarō visita le Ryūgū-jō pendant sept jours.


Fichier 03 : Par tous les moyens nécessaires[edit]

Sagittaire serait fait pour ce boulot.

Il consistait à trouver le sens derrière les mots Underclaw 52 en faisant parler Ayumi Shiromae.

— ... Tu veux partir ?

— J'ignore où on est. Et il n'y a pas la moindre fenêtre ici. Si on est en Antarctique, ça pourrait poser problème.

— Non, rien à avoir avec un endroit aussi horrible.

— Vous pouvez vraiment dire ça alors que vous m'avez attachée à cette chaise ?

— Mais ces derniers jours t'ont appris que ça n'irait pas plus loin. Je ne peux pas te torturer avec ces outils métalliques posés là. C'est parce que tu sais ça que tu gardes suffisamment ton calme pour me parler sur ce ton.

Ayumi Shiromae était atteinte d'une maladie qui empêchait son sang de coaguler. Même une simple écorchure pouvait devenir mortelle.

Et par conséquent, ils ne pouvaient pas utiliser des méthodes classiques de torture pour la faire parler.

— Vous êtes sûr que vous avez le droit de me dire ça ?

— Je voulais éviter de te le dévoiler, mais je suis sûr que tu t'en doutais déjà.

— Doute et confirmation sont deux choses différentes. Peut-être que c'était une erreur d'admettre ça.

Comme l'un était le ravisseur et l'autre l'otage, ils pouvaient difficilement entretenir une relation amicale.

Il allait faire en sorte qu'elle le haïsse.

Et c'était justement ce qui lui ferait baisser sa garde et ainsi délier la langue d'Ayumi Shiromae.

Qui mieux qu'un expert tel que vous saurait mieux ce qui allait se passer ensuite.

— Underclaw 52.

— Vous m'avez déjà demandé ça, encore et encore. Et je vous ai déjà dit tout ce que je savais. À savoir que je ne sais rien.

— Mais durant nos conversations, tu t'es souvenue du nom de ton chien que tu avais oublié depuis des lustres.

— Je doute qu'il y ait le moindre rapport.

— Je m'en fiche, contente-toi de me dire tout ce que tu sais. Nous déciderons par la suite si c'est important et si c'est un mensonge. Alors dis-nous tout. Tout.

— Vous semblez agité. Je peux sentir l'odeur de quelqu'un qui se trouve dans une impasse.

— J'espère que tu comprends.

— Êtes-vous dans une situation compliquée ?

— Si j'échoue, je serai le suivant sur cette chaise. Et contrairement à toi, ils ne se priveront pas de me torturer. Et puis, ils ne me libèreront pas, même si je leur dis tout ce que je sais.

— Je vois...

— Retournons à nos moutons. Underclaw 52.

— Désolée, mais je ne crois pas pouvoir vous donner la réponse que vous attendez.

L'effet du pont suspendu, le syndrome de Stockholm, le syndrome de Lima. Sagittaire utilisait tous ces changements mentaux dans sa méthode de torture, alors il devrait pouvoir en être capable.

Sans même poser le petit doigt sur elle, il pouvait obtenir l'information de la bouche d'Ayumi Shiromae.

— Je n'ai pas l'autorisation de te détacher, mais je peux te fournir n'importe quel plat si tu le désires.

— Je préférerais une carafe d'eau, pour que ma gorge ne se dessèche pas.

— Je vais y réfléchir, mais je ne pourrais sûrement pas te donner de conteneur potentiellement coupant. J'espère que ça ne te dérange pas si c'est une bouteille d'eau.

— Y a-t-il une signification particulière derrière le nom Sagittaire ?

— Si c'était le cas, je pourrais difficilement te le dire. Il m'arrive de prendre des noms de pierres porte-bonheur ou de fleurs.

— Pourquoi vous voulez savoir ce que signifie Underclaw 52 ?

— J'aimerais déjà savoir quelle valeur se cache derrière. Alors, c'est quoi, Underclaw 52 ?

— J'aimerais bien le savoir. Comme ça, je pourrais rentrer chez moi.

Si Sagittaire échouait, Scorpion allait sûrement prendre sa place.

Je n'allais pas être capable de l'en empêcher.

La spécialité de Scorpion était la torture à base de drogues.

Il était peut-être en mesure d'obtenir l'information, mais le corps d'Ayumi Shiromae n'y survivrait pas. Il y avait même une forte probabilité qu'elle ne meure avant qu'il ne parvienne à ses fins. Si possible, il était préférable que ce soit Sagittaire qui obtienne toutes les informations en rapport à Underclaw 52.

Il ne nous restait que quelques jours. Même si j'en ignorais le nombre exact.

— Qu'est-ce qui vous fait croire qu'une simple lycéenne connait ce secret incroyable ?

— Alors Underclaw 52 est incroyable ? C'est un secret ? Dis-moi tout ce que tu sais.

— Si vous en savez aussi peu, alors comment allez-vous savoir si je mens ou pas ? Et si je vous disais qu'Underclaw 52 est une délicieuse pâtisserie de quartier ?

— C'est Verseau qui est en charge de déterminer la véracité de cette information, pas moi. Alors comme ça, Underclaw 52 est une délicieuse pâtisserie du quartier ?

— C'est bizarre.

— Quoi donc ?

— Je n'arrive pas à comprendre ce que vous cherchez. C'est comme si vous étiez juste en train d'essayer de tuer le temps avec moi ici.

— Je cherche juste à mieux te comprendre.

— Pour votre travail ?

— Il y a une chose que j'aimerais savoir.

— (... Pourquoi vous vous penchez vers mon oreille comme ça ?)


— (... Parce que je ne veux pas que les personnes qui surveillent cette pièce nous entendent.)

— (... Je vois. Alors vous cherchez à me faire croire que vous êtes de mon côté.)

— (... Sais-tu au moins ce qu'est Underclaw 52 ?)


Quand Sagittaire quitta la pièce, il était arrivé à une conclusion.

Il pénétra dans une autre pièce, qui servait à surveiller cette pièce au moyen de caméras haute résolution qui permettaient de contrôler les mouvements des muscles faciaux, le taux de transpiration, et d'autres choses. Une fois à l'intérieur, il pointa sans hésiter son pistolet en direction de son collègue.

— ... Qu'est-ce que tu fous ?

— Ayumi Shiromae sait pour Underclaw 52.

— Et c'est ton job de lui faire cracher le morceau.

— Oui, et j'aimerais éliminer quiconque se dresse sur mon chemin. Ton but, c'est pas d'apprendre ce qu'est Underclaw 52. Tu cherches délibérément à me faire échouer pour que tu puisses charger Scorpion de s'en occuper, pas vrai ? De cette façon, sa violente torture réduira à jamais Ayumi Shiromae au silence.

— Tu t'es vraiment fait avoir ?

— Par quoi ?

— L'effet du pont suspendu, le syndrome de Stockholm, et le syndrome de Lima que tu utilises créent temporairement des liens fictifs entre toi et ta victime. Ce n'est pas une rue à sens unique. Ce que je veux dire, c'est que...

— Utiliser des mots en guise d'armes, c'est mon job.

— Ça s'est retourné contre toi. T'es tombé dans le piège d'Ayumi Shiromae !! Il est pas encore trop tard. Pose ce flingue. Les rôles ont été inversés à un moment ou un autre. C'est la preuve que t'es tombé dans son piège !!

— Si tu dis vrai, alors je devrais pouvoir le vérifier en te faisant parler.


Maintenant.

Qui se tient du côté de la vérité ?



Ficher 04 : Arcane Ninja — Technique Sleep Diver©[edit]

Au final, c'était une guerre technologique.

— K-Kunoichi-chan ? Je ne pense pas que tu puisses voler dans le ciel juste en étant accrochée à un cerf-volant géant.

— T'en fais pas. Tout ira bien, papy ! Regarde ça : Arcane Ninja Iga — Vol en roue libre... dbrblcher ?!

On les qualifiait « d'arcane ninja » ou de « technique ninja », mais au final, les pouvoirs d'un ninja venaient de la technologie. Cela allait de la forme et des matériaux d'un shuriken à la façon de lancer et aux méthodes d'entraînement de celui qui lance le shuriken.

Tout cela a été développé de façon à avoir l'air d'un tour de magie ou d'une technique secrète.

Le statut d'un ninja dépendait directement de ses capacités à reproduire ces choses avec des outils artificiels.

— Arg, ça n'a pas marché...

— Si tu peux tomber d'aussi haut sans te faire quoi que ce soit si ce n'est quelques égratignures et un panty shot, j'ai envie de dire qu'on devrait tous se mettre à tes techniques d'atterrissage.

— Papy, t'as pas de techniques intéressantes sous la main ? Les Kôga ont annoncé sur internet qu'ils avaient mit en pratique une technique de clonage.

— Je mettrais ma main à couper qu'ils en rajoutent. Cela dit, la technologie métamatérielle, c'est vraiment quelque chose.

J'avais essayé de la faire partir avec cette réponse évasive, mais Kunoichi-chan ne bougea pas. Elle devait vraiment rêver de quelque chose d'excitant. Rien de mieux pour la santé de mes yeux que de voir la façon dont certaines parties de son corps se mettent à rebondir.

— J'ai vu ça ! C'est le truc qui dévie les rayons lasers dans tous les sens, pas vrai ?! Les arcanes supérieurs des ninjas Kôga sont vraiment tape-à-l'œil, hein ?!

— Pour moi, les techniques pour frimer tel un oiseau dans une compétition de chant vont à l'encontre de l'objectif même d'un ninja.

— Papy, t'en as pas marre de ressasser des trucs comme optimiser les formes des shurikens ? Tu pourrais pas faire quelque chose avec un peu plus de peps ? De peps !!

— Bah, je crois que j'ai effectivement quelque chose dans ce genre.

— Sérieux ?!

— Ce n'est qu'un prototype par contre. Le voilà ! Arcane Ninja — Technique Sleep Diver !!

— On balance des mots anglais dès le début, je vois, je vois !!

J'avais sorti de la remise un équipement qui ressemblait à une combinaison de plongée. L'intérieur était recouvert d'électrodes.

Kunoichi-chan s'assit en tailleur sur le sol, le regard déçu.

— Ça a vraiment l'air nul.

— Et si je te disais que ça permet de créer artificiellement une expérience extracorporelle ?

— Quoi ?!

— D'abord, l'amplitude des ondes cérébrales est amenée jusqu'à un certain niveau en utilisant les ondes électriques naturelles du corps humain. Ensuite, on force une énorme onde à sortir du corps. Quand celle-ci entre en contact avec les ondes cérébrales, ces dernières finissent par quitter le corps.

— Oh, oh ! E-Et ensuite ?! Papy, qu'est-ce qui se passe pendant cette expérience extracorporelle ?! Ça fait « dorodoron » ?!

— Non, rien d'aussi excitant.

— ... Oh, alors c'est nul. Est-ce que ce truc peut vraiment provoquer une expérience extracorporelle ?

— Au fait, Kunoichi-chan, est-ce que le bain te semblait un peu froid hier soir ?

— On est au beau milieu de l'été. Bien sûr que non.

— Alors mon expérience a été un franc succès.

— Papy !! T'as utilisé l'argent pour tes recherches pour créer un outil pour mater ?!

— Mais espionner sans se faire remarquer, ça fait partie du travail de ninja... bchgrgalgal ?!

C'est alors qu'un email arriva simultanément sur le smartphone de Kunoichi-chan et le mien. Tout le monde au village l'avait vraisemblablement reçu. C'était un email d'urgence qui signalait la présence d'un intrus. Nous n'avions simplement pas de sirène car cela pourrait signifier à l'espion qu'il a été repéré.

— Ils sont là, papy ! C'est les Kôga !!

— Mais je croyais que le village était entouré de multiples capteurs d'ondes lumineuses ?

— C'est cette technique de clonage qui a le vent en poupe en ce moment. Les métamatériaux qui sont utilisés peuvent dévier les rayons laser, alors ils peuvent sûrement passer au travers des capteurs !

Alors que Kunoichi-chan se rua en direction de l'endroit où l'intrus avait été repéré, elle semblait bizarrement de bonne humeur. Je n'avais aucune raison de m'y rendre aussi, mais Kunoichi-chan allait probablement me passer un savon si je bayais aux corneilles.

Nous tombâmes nez-à-nez avec une fille ninja Kôga dans la partie la plus dense de la forêt entourant le village. Je vais l'appeler « fille ninja » pour qu'on ne la confonde pas avec Kunoichi-chan.

— Q-Quoi ?! On dirait qu'une fille aux gros seins est nue sous un imperméable transparent !! C'est ça l'arme secrète des Kôga ?! M-Ma pression sanguiiiiiiiiiiiine !!

Je me tins le nez et m'adossai contre un arbre voisin, tandis que la fille ninja cria dans ma direction avec un visage rouge écarlate.

— C'est pas un Arcane Ninja — Technique de Montée de la Pression Sanguine !! Les effets bronzant des rayons ultraviolets artificiels ont brûlé la métamatière réfléchissante en surface !! Waaahhn !!

— ... M-Maintenant que j'y pense, ces choses qui dévient les rayons laser sont à usage unique.

— Papy, j'ai hacké sa tablette et jeté un œil dans ses parchemins secrets. Cette garce était en train d'essayer de détruire l'Arcane Ninja — Technique Sleep Diver !!


— Nous tentons de développer la même technique au village Kôga, mais la vitesse de développement de ce vieil Iga est tout simplement phénoménale. Lors de la conférence de presse de la dernière Convention des Armes Ninja, nos développeurs se sont complètement ramassés.

Le but de ces conventions était d'organiser des négociations commerciales et de faire pression sur ses adversaires. Sur cette pensée, je réalisai quelque chose.

— Mh ?! Ça me fait penser, les Kôga avaient utilisé ce shuriken que j'avais développé !!

— ... Oh, je m'en rappelle. C'était celui avec une surface rugueuse et variable qui était censée altérer la résistance de l'air. La technologie était tellement spécifique que l'arme aurait immédiatement été identifiée comme un shuriken Iga si elle avait été laissée sur la scène d'un combat, alors les hauts ninjas spécialisés dans le meurtre s'étaient plaint.

— Hein ?!

J'avais entendu parler de ninjas qui limaient volontairement la surface de leur shuriken, mais le fait de l'entendre en face me rendait triste.

Pendant ce temps, la ninja aux gros seins vêtue d'un imperméable pointa fièrement sa poitrine (me causant d'autant plus de problèmes !!).

— Hé hé hé. L'Office des Brevets Ninjas applique la règle du « premier arrivé, premier servi » !! Je me souviens bien que le brevet du shuriken Iga à surface rugueuse a été déposé auprès de l'OBN. Cependant, pendant la validation de ce dernier, les Kôga ont développé leur propre version, ont déposé le brevet qui a été validé le premier !! Autrement dit, notre shuriken est la version officielle !!

— Une seconde. Quelque chose ne colle pas. Oh, c'est vrai. Si je me souviens bien, quand j'ai déposé le brevet, un virus qui s'est introduit dans les serveurs de l'Office des Brevets Ninjas, ainsi qu'un incendie dans les archives papier ont retardé la validation...

— Nyan nyan☆

— C-Comment avez-vous pu...?!

— Qu'est-ce vous racontez ?! Vous autres Iga avez anticipé une partie du développement du mizugumo et avez déposé un brevet sur une pièce maîtresse de nos recherches avant nous ! Nous avons dû passer cinq ans à trouver le moyen de contourner le problème !!

— ... Papy ?

— Gwah ha ha ! Un ninja moderne se doit d'être un expert dans la guerre de l'information !!

— Et c'est pour cette raison que nous devons détruire l'Arcane Ninja — Technique Sleep Diver avant que vous ne puissiez ajouter un © à la fin !!

— Je vois, je vois. Et pendant que nous ne pourrons que constater les dégâts, vous autres Kôga allez terminer vos recherches et soumettre le résultat à l'Office des Brevets Ninjas ? C'est déjà trop tard !! Ça ne marchera plus !!

— N'importe quoi. Nous avons déjà vérifié. Cet arcane n'a pas encore été présenté à l'Office.

— Pas à l'Office japonais, non. Mais qu'en est-il de l'Office bahamien ?!

— Hein...?!

— Leur temps de validation est bien plus court que celui de son homologue japonais, alors je me suis dit qu'il serait plus simple de faire appel à une agence étrangère.

— Que...? Espèce de...! Vous n'avez pas le droit !! L'art ninja fait partie de la culture japonaise !! C'est Cool Japan[1] !! Qu'est-ce qu'on est censé faire si vous commencez à impliquer les Bahamas là-dedans ?!

— Si vous voulez vous plaindre, je vous suggère de porter ça devant les tribunaux bahamiens. Des avocats bahamiens nous représenteront et nous défendront selon les lois bahamiennes dans le langage bahamien. Et vous allez devoir faire le voyage jusqu'à l'autre bout du monde.

— Waaahhn !! Je n'ai jamais quitté la région de Chubu, alors je ne m'en crois pas capable !!

La fille (aux gros seins) nue sous son imperméable se mit à courir à toute vitesse tout en pleurant comme un bébé. Au fait, le village Kôga est dans la région Kinki.

Kunoichi-chan avait été complètement prise par surprise par toute cette discussion, elle avait fini par retrouver ses esprits.

— ... Papy, c'est pas joli de faire pleurer une fille.

— Hein ? Moi, je constate surtout que tu l'as laissée s'enfuir !

— Arg !! Kunoichi-chan fit claquer sa langue et se mit à sa poursuite. Je parie qu'elle a fait exprès de se faire repérer par les capteurs ! En nous faisant croire qu'elle n'arriverait pas à ses fins, on risque d'être un peu plus laxiste dans notre poursuite !!

— Mais l'Arcane Ninja — Technique Sleep Diver n'a pas été endommagé.

— Qu'est-ce qui te fait croire qu'ils en avaient vraiment après ça ? On n'a juste vu les parchemins secrets dans la tablette de la fille ninja Kôga !! Peut-être que c'était juste du bluff !!

Je réalisai qu'elle avait raison.

Mais quelque chose clochait.

— Si elle a pu rentrer sans problème, elle aurait pu en faire de même pour sortir, non ?

— Elle ne peut pas masquer ses empreintes de pas et son odeur, papy. Si on s'était rendu compte qu'elle avait fait quelque chose aux techniques ninjas Iga en cours de développement, ou qu'elle nous avait volé des informations technologiques, on aurait utilisé des chiens et tout ce qu'on a sous la main pour la poursuivre. Mais en nous faisant croire qu'on l'a arrêté avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit, notre poursuite ne sera pas aussi acharnée. Bien que c'est exactement la même tâche, on serait plus insouciants et moins persévérants.

— ... Alors sa déception apparente était fausse ?

— Papy, tu l'as trouvée mœ en fait, pas vrai ? On est très douées pour ce genre de chose, alors reste sur tes gardes. De toute façon, il faut qu'on s'occupe de cette ninja Kôga. C'est la seule façon d'assurer la sécurité de nos secrets.

— Non, attends !!

— Q-Qu'est-ce qu'il y a, papy ?

— C'est le genre de ninja d'élite envoyé en première ligne. Si on arrivait à mettre la main sur son équipement, on pourrait apprendre des choses sur la technologie Kôga. Même si on se retrouvait dans l'incapacité de l'utiliser, on pourrait toujours avoir au moins une meilleure idée de la direction dans laquelle ils orientent leurs développements futurs. Et ainsi, on pourra mettre en place des contremesures « d'avant-garde » pour leur mettre des bâtons dans les roues.

Les nouvelles technologies avaient ouvert de nouvelles voies. Si ces nouvelles voies étaient quelque chose que personne n'avait anticipé, les anciennes méthodes de défense pouvaient s'avérer inoffensives. Ainsi, des sommes colossales d'argent avaient été dépensées pour trouver le chemin menant à ces nouvelles voies afin d'en prendre les avantages à son compte.

Mais si on les prenait de court en scellant ce chemin et en posant des tas de pièges le long de ces nouvelles voies, les Kôga allaient être incapables de récupérer l'argent investi pour y parvenir. Ils allaient se retrouver avec une montagne de dettes. Ce genre de dégâts financiers était le meilleur moyen de remporter une guerre, vous ne trouvez pas ?

— ... Papy, t'es un ninja, toi aussi, non ?

— Eh bien, il est clair que je n'ai rien d'un samouraï qui se bat à la régulière.

— Dans ce cas, tu trouves pas ça illogique qu'un ninja d'élite se balade avec des technologies qu'ils ne veulent pas que les autres découvrent quand ils se rendent dans le village ennemi ?

— C'est pour ça que les Iga et les Kôga ont ce genre d'échange culturel. Et c'est aussi pour ça que j'ai créé des merveilleuses techniques ninjas comme l'Arcane Ninja — Technique Sleep Diver qui te permet — enfin, pas vraiment toi — de se rendre jusqu'aux lignes ennemies sans s'en inquiéter.

— Ok, j'ai compris. J'ai pas envie qu'elle ait le dernier mot. Si elle paie pas les frais, ça serait du gâchis.

— Et puis, il faut que je demande à cette fille nue, à l'imperméable et aux gros seins deux trois choses au sujet de son corps ! C'est le rêve de tout homme !! En fait, ça serait du gâchis de la tuer ! Ça ne serait pas écologique !!

— Ah !! Je suis plus du tout motivée maintenant !!


  1. Politique instaurée par le gouvernement japonais depuis 2002 pour promouvoir la culture japonaise à l'étranger


Fichier 05 : Attention aux nouvelles formes d'escroqueries[edit]

— Est-ce qu'elle est moe ?

— Non ! C'est une garce, elle est pas moe !!

— Euh... Une waifu, c'est pareil qu'une femme, non ?

— Non ! Non !! J'en reviens pas !! Les waifus ont rien à voir avec tes saletés de greluches! En gros, ce sont des demoiselles pures et vierges !!

Le mec blond et le black à coupe afro à la table à côté débattaient chaudement de problèmes semble-t-il environnementaux, mais je n'avais le temps de les écouter.

— Quand t'as redoublé deux fois de suite, je me suis mis à penser que t'étais peut-être bête, mais j'aurais jamais cru que je finirai par te dépasser.

— La ferme !! Qu'est-ce que ça peut te faire si je suis bête ?! Pourquoi j'ai choisi une filière où il n'y a pas de réponses précises avec des matières comme la philo ?!

J'étais coincé en première année depuis tellement d'années consécutives que j'en avais perdu le compte, alors une voisine du genre petite sœur (bien qu'elle ait plus de 20 ans) m'avait emmené dans un bar pour me consoler. ... La fille qui aurait dû être (mais n'était pas) ma kôhai[1] me maltraitait et tout ça additionné, ma fierté en prenait un sacré coup !

— ... Hé hé hé hé. Même si je perds en matière d'ECTS et de niveau scolaire, je reste toujours ton aîné en ce qui concerne les choses de la vie. J'ai vécu beaucoup de choses.

— C'est vrai. Je crois pas que beaucoup de gens aient connu une boucle sans fin. J'ai hâte de recevoir tes conseils avisés.

— Elle est pas sans fin !! Je suis pas en train de me prendre un combo infini en pleine tronche !! Je m'échapperai de cet enfer. Je vais commencer par me rendre dans le bureau du prof de philo et m'incliner devant lui !!

Je frappai à plusieurs reprises avec mon poing sur la table, mais calmai rapidement mes coups parce que le contenu de ma chope de bière était sur le point de se renverser.

— Au fait, qu'est-ce que t'as retiré de tout ce que t'as vécu ?

— Je suis devenu meilleur au lit.

Elle me fusilla du regard.

— ... Genre t'as beaucoup d'expérience en la matière.

— Pardon. Je suis vraiment désolé. J'ai pas l'expérience requise pour soutenir le regard méprisant d'une fille. Je pense pas être capable de supporter le fait d'être traité de pervers par une étudiante.

J'étais telle une limace qu'on arrose de sel.

Mais je ne pouvais pas le supporter.

Je ne voulais pas qu'on me regarde de haut ! Je voulais la surpasser dans au moins un domaine, peu importe lequel !

— Je sais ! Quand on a vécu beaucoup de choses, on se fait pas avoir par les arnaques ! J'ai vu ça à la télé l'autre jour !!

— Si c'était vrai, pourquoi les personnes âgées seraient les cibles prioritaires des arnaques téléphoniques...?

— Tu comprends pas, chère kôhai !!

— Te la pète pas trop. Je suis au-dessus de toi en matière d'année scolaire et de notes. Et moi qui pensais te donner un coup de main pour ton prochain exposé. Tant pis pour toi.

L'expression la plus horrible du monde fit surface sur mon visage.

— ... Hein... Hé hé hé. Tu connais l'arnaque du fumeur du bord de la route, ô grande senpai[2] ?

— C'est quoi ça ?

Elle était du genre petite sœur (malgré le fait qu'elle avait plus de... etc.) mais elle était une étudiante à l'université qui venait de franchir la barrière des 20 ans, alors elle avait essayé de se mettre à boire et fumer « pour l'instant ». Après deux ou trois ans, elle allait sûrement se transformer en farouche opposante anti-tabac.

— Ils ont voté une loi interdisant de fumer dans les rues ici et là, pas vrai ?

— Oui, j'ai vu les panneaux. On doit payer une amende sinon, hein ?

— Oui, mais qui fait payer ces amendes d'après toi ? Un policier ? Ou est-ce qu'on confie ça à un citoyen comme pour le stationnement interdit ?

Comme d'habitude, elle se mit à incliner sa tête dubitativement à ma question.

— Hein ? Maintenant que tu le dis...

— Personne ne sait vraiment bien. Alors il est possible d'arnaquer les gens en approchant un fumeur dans la rue non fumeuse et lui demandant de payer l'amende de quelques milliers de yens. Il risque de s'en rendre compte plus tard, mais la perte était faible, et le fait est qu'il était techniquement en infraction. Pour ces raisons, les chances qu'il essaye de te retrouver sont faibles.

Elle lança un edamame[3] dans sa bouche et saupoudra le plateau d'un peu de sel avec un regard amer.

— Logique... Mais c'est juste quelques milliers de yens.

— La première fois, oui. Mais en recommençant ça plusieurs fois, on peut se faire pas mal. En partant du principe qu'on évite d'arnaquer des yakuzas et autres personnes dangereuses, on peut se faire un bon petit pactole. Contrairement aux arnaques téléphoniques, on n'a pas besoin d'être un beau parleur. Tout ce qui compte, c'est de pas avoir l'air louche.

— J'ai jamais entendu parler de ça. Bah, je fume jamais dehors de toute façon, alors c'est pas mon problème. Mais je vais garder ça dans un coin de ma tête. Merci.

— Fw-Fwooooooooohh !! C'est la première fois qu'on me remercie depuis six mois !!

— ... Tu vas pas me faire croire que les caissiers des supérettes ne le font pas, si ?

— La caissière de la supérette où je vais fait toujours claquer sa langue quand j'entre.

— Tu dégages une telle aura, dis donc !!

Ensuite, on discuta du problème auquel j'allais devoir faire face : me présenter à nouveau et montrer quelques talents caché lors de la fête d'intégration sans que personne ne se doute depuis combien de temps j'étais bloqué en première année, un problème plus gênant allait se poser pour moi pour ceux en troisième et quatrième année alors que les simples première et deuxième me posaient déjà tant de problème, et le plus grave des problèmes était la limite du nombre de fois qu'on pouvait redoubler. Après ça, je me sentais vraiment déprimé, mais c'est alors que la fille de type petite sœur (même si elle... etc.) changea de sujet.

— Au fait.

— Qu'y a-t-il, petite kôhai ?

— ...

— ... Ô grande senpai ?

— Où est-ce que t'as entendu parler de cette arnaque au fumeur ? Sur internet ? Me dis pas que tu t'es toi-même fait avoir.

— Excellente question !!

Je me redressai de la table où je m'étais affalé.

— Une gentille personne que j'ai rencontrée sur un forum a écrit un manuel anti-arnaque ! C'est le livre de survie ultime qui décrit tous les pièges qui courent dans le Japon moderne et il coûte que 1000 yens. Oui, 1000 yens seulement ! Avec juste ce simple livre, on peut se protéger de toutes sortes de crimes. C'était vraiment une affaire !!

— ... Hum. Si tu te souviens bien, j'ai jamais entendu parler de cette arnaque au fumeur.

— Oui, et ?

— Est-ce que cette arnaque existe vraiment ? T'es sûr que c'est pas le livre en lui-même qui est une arnaque et que les informations qu'il renferme sont complètement farfelues ?


  1. Désigne les personnes qui sont dans une classe d'un niveau inférieur à la sienne (dans le cadre de l'école).
  2. Contraire de kôhai.
  3. Préparation de fèves immatures de soja (variété de couleur verte) d'origine japonaise.


Fichier 06 : 385D[edit]

J'ai été conduit ici par un nombre dont je porte la malédiction.

— ... Je ne comprends pas où vous voulez en venir.

— Je ne sais pas non plus très bien moi-même ce qui m'est arrivé.

Je me trouvais dans un petit café indépendant non loin de la station de métro. Je discutais avec le seul autre client qui se trouvait être une femme.

Oui.

J'ignorais ce que cela voulait dire, mais je savais qu'il y avait un sens derrière. Cela en avait toujours été ainsi. Ce n'était qu'une autre étape de cette série d'évènements.

— 385D. Depuis un long moment maintenant, ce nombre gravite autour de moi. La toute première fois, j'avais reçu un mail spam avec ce nombre à l'intérieur. En cherchant le bloc à la colonne 38 et la ligne 5D sur la carte, j'avais trouvé une assiette en plastique. Alors que je déposais mes affaires dans le vestiaire de mon hôtel, je m'étais retrouvé avec le numéro 385. Le D venait du mot « dépôt ». Cela indiquait que mes affaires allaient être traitées de façon plus méticuleuses que pour les autres.

Par la suite, 385D me suivit constamment. Un jour, alors que je tombai sur une bombe à retardement et n'eus pas la moindre idée de quoi faire, je saisis sans réfléchir 385D et la minuterie s'arrêta. Une autre fois, j'utilisais un laser à un angle d'incidence de 38,5 degrés pour de la transmission de données. Le D faisait référence à la longueur d'onde utilisée pour la transmission. D pour « denim ».

— Donc, alors que vous étiez en train de poursuivre 385D ou l'inverse, vous vous êtes retrouvés dans ce café ?

— Je vois que vous ne me croyez pas. Dans ce cas, jetons un œil au numéro de série de cette table, dis-je en pointant la petite étiquette sur le coin de la table.

Il n'était pas nécessaire de le dire à haute voix.

— Il y a écrit 3-85-D.

— C'est 385D. Ce nombre est partout.

J'avais hésité à m'assoir en face d'elle, mais le patron du café me jeta un regard méfiant alors que je me tenais maladroitement debout. Je m'assis rapidement sous la pression de son regard. La femme ne semblait pas particulièrement dérangée par le fait que je m'assis en face d'elle.

— Dites-moi. Qu'avez-vous ? Étant donné tout ce qui m'est arrivé jusqu'ici, je suppose que vous devez avoir un lien avec toute cette histoire de 385D. Ne serait-ce qu'un petit peu. Je voudrais que vous m'expliquiez ce que c'est. Que dois-je faire ensuite ?

— Qu'est-ce qui vous fait croire que j'ai un rapport avec cette histoire ?

— Je vous ai rencontrée alors que je suivais 385D.

— Et si je vous disais que je ne sais rien ? dit-elle doucement.

Sa voix me donnait l'impression qu'elle se serait comportée exactement de la même façon que si elle avait été témoin de la fin du monde.

— Dans ce cas, j'abandonnerai là. Mais je doute que ça se finira ici. Pas après tout ce chemin. Que je le veuille ou pas, 385D me donne toujours la réponse. Je pourrais vraisemblablement réussir l'examen d'entrée d'une université ou ouvrir la porte d'entrée de la Maison Blanche grâce à ce nombre. Ainsi va ma vie depuis ce jour fatidique.

Le regard que me lançait la femme changea légèrement.

Elle sirota un café dont j'ignorais le nom puis déclara :

— Je vois. C'est vraiment intéressant, mais comment êtes-vous tombé sur ce café ? Son adresse n'a rien à voir avec 385D.

— Celui-ci n'était vraiment pas évident. J'ai commencé avec 385 et D. Si on veut utiliser D comme un nombre, il faut passer en base hexadécimale. Ce qui veut dire qu'on ne peut plus non plus considérer 385 comme étant 385. En convertissant 385D en base décimale...

Le visage de la femme ne bougea pas d'un iota pendant que je donnais ma rapide explication. Elle avait dit que c'était intéressant, mais elle ne semblait pas particulièrement intéressée. Enfin, peu importe. Je lui expliquai la méthode de calcul.

— ... Et au final, 385D est devenu 12-9-41 qui se trouve être l'adresse de ce même café. Et le seul et unique client de ce dernier n'est autre que vous, assise à une table dont le numéro de série est 3-85-D.

— Je vois. Il semblerait bien que vous vous soyez retrouvé mêlé à quelque chose de bien étrange. Mais pour moi, j'ai l'impression que ce courrier indésirable devait avoir des intentions peu honnêtes.

— Alors quel est le 385D que vous avez pour moi ? Le savez-vous ?

— J'ai dit que c'était étrange, mais je n'ai jamais dit que 385D était étrange. En fait, le nombre en lui-même n'a aucune importance.

— ...?

Je me tus et la femme continua.

— Je voudrais confirmer quelque chose d'abord. Vous avez bien suivi ce même nombre 385D jusqu'ici, n'est-ce pas ? Ce n'était pas un nombre différent. C'était 385D tout le long. Et c'est la cohérence de ces coïncidences que vous trouvez si bizarre, c'est bien ça ?

— Oui. C'est ce que je me tue à vous expliquer depuis tout à l'heure ! 385D est partout autour de moi !!

— Mais 385D, 3,85D, et 38-5-D sont pour moi des nombres complètement différents.

— Quoi...?

— C'est le cas, non ? Au travail, un salaire de 55 000 yens et un de 5 500 yens sont équivalents pour vous ? Et en laissant de côté 385, qu'est-ce que D ? Le nombre perd tout son sens dès qu'on y ajoute une lettre. Et si vous insistez pour passer en base hexadécimale, cela pourrait marcher, mais on perd alors toute cohérence avec le reste, n'est-ce pas ?

La femme leva son index.

— Ce qui m'a mis la puce à l'oreille, ce fut l'adresse de ce café. Vous avez forcé un nombre qui n'avait clairement rien à voir avec 385D pour qu'il colle avec votre histoire. Vous avez refait vos calculs plusieurs fois pour que tout coïncide. Voilà toute la vérité. Vous n'êtes pas poursuivi par 385D. Quelqu'un vous a influencé à connecter chaque nombre que vous voyez avec 385D.

— Influencé...? Alors 385D n'a jamais vraiment été là...? dis-je d'un air ahuri.

Son index toujours levé, la femme dit :

— Ce que je qualifiais d'étrange était ce « quelque chose » qui vous a enfermé dans une obsession pour 385D. J'ignore ce qu'a derrière la tête la personne qui a fait ça ni comment elle a fait ça, mais si on peut faire coller 385D avec tout et n'importe quoi, alors ça pourrait être utilisé pour monter une secte ou autre. Elle pourrait prétendre que tout dans le monde est lié à « quelque chose » et que tout nos problèmes peuvent être réglés en nous fiant à cette « chose ». Peut-être que vous avez été impliqué dans une sorte d'expérience menée par des gens dangereux.

— Une seconde, c'est bien plus que le fait d'être poursuivi par un nombre. Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce qui m'arrive ? Dans quoi me suis-je retrouvé mêlé ?!

— Écoutez.

La femme se leva un léger sourire aux lèvres.

— Je tuais juste le temps après avoir terminé un « travail ». Je suppose que je pourrais mettre au clair votre histoire de 385D pour tuer plus de temps.

— Comment ça « travail » ? Oh, au fait. Qui êtes-vous au juste ?

— C'est peut-être sous l'influence de 385D que vous êtes allés aussi loin dans la conversation sans même demander ça.

La femme marqua un légère pause.

— Disons que ces « travails » qui semblent me poursuivre ont une signification bien plus profonde qu'un simple nombre.




Fichier 07 : Un confortable cercueil pour vous[edit]

Nous vivions dans un monde où Planète, l'influent magazine de science, avait reconnu l'existence de tout et n'importe quoi, des fées aux loups garous en passant par les zombies et bigfoot. Ce serait mentir si je disais que cela n'avait pas ses avantages.

Par exemple, un fabriquant de cercueil pouvait facilement trouver une clientèle autre que les morts.

Ces clients avaient tendance à venir au beau milieu de la nuit, le seul véritable changement pour moi a été de modifier mes horaires d'ouverture.

— L'extérieur doit être en ébène. Cela va de soi, mais il ne doit pas y avoir la moindre fissure.

Une fille d'une dizaine d'années était assise sur la table.

Elle faisait cependant environ un dixième de la taille d'un humain.

La fée semblait être consciente que c'était malpoli, mais elle était tout bonnement bien trop petite pour pouvoir jeter un œil au plan que j'avais posé sur la table tout en restant assise sur la chaise pliable rouillée. Qui plus est, c'était plutôt la pagaille dans mon bureau et elle refusait de s'assoir près du ventilateur ou de mon chat.

Soit dit en passant, j'ai quelques doutes sur l'âge qu'elle prétendait avoir.

— Il faut qu'il soit entièrement en bois. Je ne veux aucun clou en métal. Et l'usage de colle est hors de question.

— Très bien. Alors vous voudriez quelque chose qui ressemble à du parquet.

— Oui, oui. Du parquet.

Aucun cercueil n'avait encore été construit. La cliente et moi étions en train de vérifier les plans pour nous assurer que tout correspondait à la commande et qu'aucune incompréhension ne subsistait sur l'idée respective que l'on se faisait du produit final.

... Mais fabriquer un cercueil pour quelqu'un de cette taille donnait plus l'impression de fabriquer une boîte à bentô. J'ai cru entendre qu'en fabriquer un à plusieurs tiroirs pouvait par contre ne pas être une mince affaire.

— Recouvrez l'intérieur avec les matériaux à faible résistance que j'ai commandés.

La fille marcha à quatre pattes sur le plan afin de pouvoir tapoter à un endroit pour insister un peu plus.

— Haa. Vous avez dit que vous vouliez un cercueil en guise de lit, alors je me suis dit que vous voudriez peut-être le remplir avec des roses ou autre, commentai-je.

Elle me fusilla du regard.

Étant donné sa taille, cela n'avait que peu d'impact.

— Comment suis-je censée dormir avec ces choses pointues tout autour de moi ? Un allergique à l'ail de mon voisinage se vantait d'avoir un lit fabriqué ici, alors j'ai voulu essayer. Pourquoi voudrais-je des griffures sur tout mon corps ?

— De votre voisinage ? Alors vous êtes une étudiante étrangère venue de Roumanie ?

— ... Oh, et n'oubliez pas de recouvrir chaque centimètre du matériau à faible résistance avec de la soie veloutée. Je suis allergique aux produits pétrochimiques. J'aimerais tout autant ne pas finir à l'hôpital après une telle dépense.

— Hum, vous n'allez pas placer de croix géante devant ?

Elle me fusilla une fois de plus du regard.

— Vous avez quelque chose contre moi ?

— Non, c'est juste que les roses et les croix renforcent le côté gothique. Vos habits font très dentelles, alors je me suis dit que...

— Vous êtes en train de mélanger ce que j'aime avec ce que je déteste. Vous vous moquez de moi ?

— ... Vous voulez en plus un équipement audio, n'est-ce pas ?

— Les gens passent la moitié de leurs journées et donc la moitié de leur vie dans leurs rêves, alors autant préparer l'environnement adéquat pour. Vous m'avez mesurée. Je voudrais que les enceintes soient placées juste au niveau de mes oreilles à gauche et à droite. Le revêtement des enceintes doit être en ébène et la membrane en papier. Les composants à l'intérieur importent peu, mais n'oubliez pas que ma peau ne doit être en contact qu'avec des matériaux naturels.

La fille roula de façon à ce que son dos se retrouve contre le plan et plaça ses paumes de chaque côté de sa tête.

— J'imagine que je vais devoir remplir les parois de coton pour l'isolation sonore.

— Non, il y ferait trop chaud.

— Je pourrais y ajouter une petite climatisation... Non, ça ferait un peu too much. Que diriez-vous de liquide refroidissement ? Vous savez, comme celui qu'on utilise pour se mettre sur le front quand on a de la fièvre...

— J'y suis allergique.

— ... Dans ce cas, pourquoi pas un brumisateur automatique ? Mais avec l'équipement audio, cela risque de consommer trop d'électricité. Ça pourrait être difficile d'alimenter tout ça pendant douze heures avec une batterie d'ordinateur portable.

— Je ne veux pas de câble électrique branché à mon cercueil. Et pas de batterie de voiture non plus. Ça manque d'élégance. Quelque chose ne collera pas si la batterie est plus grosse que le cercueil en lui-même.

La fille se releva non sans se plaindre.

Je choisis d'interpréter son attitude comme un signe de confiance en ma capacité à répondre à ses exigences.

— Hum, devrais-je ajouter des panneaux solaires dans ce cas ?

— ... Parce que vous voulez que je laisse mon cercueil sous le soleil ? Je crois que vous avez vraiment quelque chose contre moi. Quel idiot irait mettre son lit dehors ?

— Oui, vous risqueriez d'être attaquée par des corbeaux.

— Je considérerai toute prochaine insulte comme un manque de respect à mon égard.

Une lueur pâle se mit à briller sur la paume de la fille, mais je n'étais pas tout à fait certain des effets que cela pouvait avoir.

— Je crois que je vais devoir mettre en place un système d'alimentation sans fil. Les ondes électromagnétiques ne vous posent aucun problème, n'est-ce pas ?

— Je commence à avoir l'impression que ce cercueil pourrait même fonctionner sur Mars, dit la fille en faisant disparaître la lueur.

— Que voudriez-vous pour la sécurité ?

— Ce n'est pas un problème vu qu'il me suffit simplement de fermer la porte de mon manoir. Par contre, il y a un autre point sur lequel j'aimerais revenir. Vous dites qu'il y aura des roues en-dessous du cercueil.

— C'est pratique quand vous avez besoin de faire le ménage ou si vous voulez réaménager votre chambre, vous ne trouvez pas ?

Pour un humain comme moi, un cercueil de la taille d'une boite de bentô n'était pas grand chose, mais cela pouvait être difficile à déplacer pour quelqu'un d'à peine quinze centimètres de haut. ... Du moins, c'était ce que je pensais.

— S'il est question de sécurité, cela m'inquiète bien plus que tout le reste. Quelqu'un pourrait se servir de ces roues pour transporter le cercueil autre part pendant que je dors à l'intérieur.

— Je croyais que la sécurité n'était pas un problème vu que vous pouviez fermer la porte de votre manoir ?

— Si la moindre inquiétude subsiste, je vais avoir du mal à bien dormir.

— Eh bien, c'est mon travail de faire un cercueil qui corresponde aux souhaits de mon client, donc je vais faire comme vous avez dit.

Vu que c'était de la taille d'une boite de bentô, je ne voyais pas vraiment en quoi la présence ou l'absence de roues pouvait gêner un « grand intrus ».

Peut-être qu'elle avait l'intention de le mettre dans un endroit avec des aimants.

— Une dernière chose, mais cela sera potentiellement ma demande la plus compliquée à satisfaire. Il me faut un système de ventilation. Mais le tout ne doit pas laisser entrer le moindre rayon de lumière. Ça aussi m'empêcherait de bien dormir.

— Écoutez. Ce n'est pas un problème. Vous voyez ces tuyaux en forme de U utilisés en plomberie ? En tordant un tuyau de cette façon, la lumière ne pourra pas entrer, alors ne vous en faites pas.

— Bien, faites comme ça alors.

Hmm.

Mais étant donné la taille, cela allait être compliqué de construire de A à Z. Je décidai qu'il allait être plus rapide d'utiliser des objets courants comme point de départ. Par exemple, je pouvais fabriquer les hauts-parleurs en démontant une petite paire d'écouteurs et remplacer l'extérieur par des matériaux naturels.

Et puis, j'allais avoir besoin d'une hélice pour le tuyau de ventilation, alors un moteur extrêmement petit allait être nécessaire. Si seulement je pouvais mettre la main sur quelque chose de pratique à utiliser pour ça...

— Quoi qu'il en soit, je vous prierais de faire tout votre possible pour que moi, Titania, puisse avoir un sommeil paisible. Gardez à l'esprit que faire ça est indirectement lié à la stabilité de la fragile société humaine.

— On croirait entendre une sorte de roi démoniaque.

— Malheureusement pour vous, ce n'est pas qu'une impression. dit la fille en posant ses mains sur ses hanches d'un air triomphateur.


Huit jours s'étaient écoulés depuis que j'eus surmonté toutes les demandes absurdes de la riche fille égoïste et que j'eus terminé son cercueil sur mesure.

Je me servais de mes produits les plus réussis pour mes publicités, alors j'étais en train d'éditer quelques photos que j'avais prises pour un catalogue. C'est alors qu'un visage familier se présenta au comptoir.

— Comment avez-vous osé me vendre un produit défectueux ?!

— Ceci est l'entrée pour les chats, madame. L'entrée pour les clients est juste à côté...

— Je n'ai pas eu d'autres choix, je n'arrivais pas à l'ouvrir ! Et puis, si ces sales matous ont le droit de l'utiliser, pourquoi pas moi ? Mais peu importe, votre cercueil est défectueux !!

La fille devait se sentir particulièrement humiliée étant donné le visage rouge écarlate qu'elle avait en me criant dessus.

Mis à part ça, je n'avais pas la moindre idée d'en quoi il pouvait être défectueux.

— On ne rembourse plus après huit jours, la prévins-je.

— Vous parlez d'argent ? Mais je m'en fiche de ces bouts de papier !

— Je suis jaloux.

— ... Vous m'avez dit de ne pas m'en faire pour la ventilation.

— Je suis certain qu'elle a été construite de façon à ce qu'aucune lumière ne pénètre à l'intérieur.

— Ce n'est pas le problème ici. Vous avez ajouté une hélice dans le tuyau de ventilation, non ?

— Si je ne l'avais pas fait, l'air n'aurait pas pu entrer.

— Mais pourquoi avez-vous utilisé le même genre de moteur que dans ces outils utilisés par les dentistes pour nettoyer les dents des gens ?! Ce bruit me glace tellement le sang que ça m'empêche de dormir !!



Fichier 08 : La congestion des filons temporelles[edit]

— Dépêchez-vous de payer vos frais de retard de votre location de vidéo. Plus vous trainerez, plus ils grimperont, alors dépêchez-vous de payer.

L'employée à mi-temps qui me parlait au téléphone me méprisait. J'étais occupé à procéder aux dernières vérifications avant de lancer le script, alors il ne fallait pas qu'on me dérange. À cette ère où un ordinateur personnel pouvait intercepter un missile de croisière (en partant du principe que le foyer pouvait d'une façon ou d'une autre mettre la main sur un radar et un missile sol-air à connecter avec le PC en question), cela pouvait sembler incongru pour moi d'écrire mes calculs sur papier, mais les simulations des super-ordinateurs prenaient beaucoup de temps une fois lancées. De ce fait, je voulais m'assurer qu'il n'y avait aucune erreur de calcul avant de lancer la machine.

Cependant, c'était de ma faute si je n'avais pas rendu ma vidéo à temps, alors je ne pouvais pas vraiment me plaindre. Et de toute façon, cela faisait désormais deux semaines que j'étais coincé à peaufiner mes calculs.

— ... Je vois. Alors les frais se sont accumulés depuis la date de retour attendue.

— Arrêtez d'y réfléchir vaguement. Contentez-vous de payer. Vous êtes ingénieur en filons temporels, pas vrai ? Alors vous devez rouler sur l'or. Sinon, vous n'insisteriez pas pour avoir ces disques haute qualité à l'ère de la location par téléchargement.

Les données sur ces disques n'étaient rien d'autres qu'une série de signaux numériques, alors elles pouvaient facilement transiter sur Internet. Cependant, quand la quantité de données était trop importante, les lignes internet pouvaient se retrouver surchargées si plusieurs personnes les utilisaient en même temps. Ainsi, le marché de la vidéo s'était scindé en deux, avec d'un côté la version Internet de faible qualité mais disponible immédiatement, et de l'autre côté la version disque haute qualité d'une résolution immense mais longue à obtenir.

Hélas, j'avais loué une version remasterisée d'un vieux film d'horreur, alors les données en elles-mêmes étaient pleines de parasites.

— C'est juste que je préfère les supports physiques. Je suis plutôt de la vieille école.

— Alors que vous êtes en contact avec des filons temporels qui sont tout ce qu'il y a de plus numériques ?

— Les filons temporels, oui.

On avait créé une machine temporelle avec une facilité déconcertante.

Tout avait commencé avec la découverte d'un certain phénomène lors d'une expérience sur la relation entre vents solaires et aurores. Comme Einstein avait dû se sentir soulagé par les neutrinos, ce phénomène avait dû le rendre perplexe une fois de plus. C'était un phénomène naturel qui était lié à l'identité des OVNIs que les gens prétendaient voir de temps en temps.

Cependant, la machine temporelle prenait la forme d'épais gants couverts de câbles. Ils permettaient de saisir et déplacer des objets « d'une autre époque ». Ils n'étaient rien d'autres qu'une interface. En réalité, on utilisait une certaine amplitude de longueur d'onde pour appliquer une force aux coordonnées de la cible. À une « autre époque », cela devait vraisemblablement être pris pour un poltergeist ou quelque chose du genre.

Ne restait que la question de l'usage à en faire.

À l'heure actuelle, un traité international ne permettait d'altérer l'histoire que « dans l'intérêt général » et il fallait faire attention à ne pas appliquer de trop grand stress à l'histoire.

Cela voulait dire que cela ne pouvait pas être utilisé pour empêcher une grande guerre d'éclater ou encore pour évacuer des gens avant une catastrophe naturelle.

Cependant, cela était également impossible pour d'autres raisons que ce traité.

— Le panel de nos possibilités est restreint. Ce n'est pas simple. Comme on ne peut pas interférer grandement avec l'histoire, le « temps » que l'on peut cibler est limité à quelques points. C'est pour ça qu'on les appelle « filons ».

Je fis tournoyer mon stylo sur mon doigt tout en parlant et je pus entendre la tonalité de la voix de mon interlocutrice s'estomper. C'était exactement comme avec la plupart des étudiants pendant un cours à l'école.

— Hmm... Je serais payée quoi qu'il arrive, alors j'imagine que je peux glander et discuter, dit la fille. Une période qui a déjà été altérée par quelqu'un ne peut plus être modifiée par un autre, pas vrai ? Il parait que c'est pour ça qu'il y a de moins en moins de filons.

— Oui, mais on ne peut pas abandonner les filons temporels pour autant. Après tout, le niveau de ressources disponibles aujourd'hui est vraiment faible. Si on n'interfère pas avec le passé pour diminuer la quantité de ressources utilisées, l'humanité se retrouvera sur la paille en un rien de temps.

Je notai quelques formules, dessinai deux lignes entre elles, recommençai une fois de plus, puis roulai en boule ma feuille et la jetai dans la corbeille. Mon lancer fut d'une grande précision, mais la boule de papier se heurta à une montagne d'autres boules de papier qui dégoulinait de la corbeille. La montagne s'effondra sur le sol.

— La quantité sauvée dans l'histoire apparait tel un filon d'or qui sortirait de nulle part, non ?

C'était exact.

Hélas, les filons temporels n'étaient pas magiques, ils ne pouvaient produire indéfiniment ressources et autres fortunes.

L'opinion public en parlait comme si c'était le cas, mais ce n'était rien de plus que de la manipulation d'informations pour éviter que la panique ne se répande dans la société.

Les tabloïds du dimanche et les forums sur internet n'avaient souvent pas grand chose d'important à dire, mais ils voyaient de temps en temps juste.

— Vous vous demandiez tout à l'heure pourquoi je ne peux pas payer mes frais de retard alors que je m'occupe de filons temporels, non ?

— Théoriquement, je devrais toujours être censée parler de ça.

— Le nombre de filons est de plus en plus réduit. Pour tout vous dire, j'ai du mal à constituer un script qui tient la route.

— Hein ? Le monde va vraiment si mal que ça ? Il y a pourtant pratiquement une quantité inépuisable de temps qui a passé, non ? Il devrait y avoir des tonnes de filons...

— Eh bien, en théorie, c'est vrai. Malheureusement, il existe un problème plus fondamental. Les filons temporels sont en lien étroit avec les ajustements opérés sur l'histoire. On retire le gras et sauve autant de ressources que possible afin qu'on puisse les utiliser dans le futur. Cependant, une fois que l'humanité se retrouve parfaitement optimisée, il n'est plus possible d'en sauver davantage.

— Est-ce que ça va bientôt arriver ? Ça craint.

— Ce n'est pas pour demain, non.

Mais cela allait tout de même arriver bien plus tôt que l'employée à mi-temps le pensait.

— Mais si c'est comme ça, pourquoi ne pas simplement ignorer les filons ? Après tout, on ne peut pas récupérer plus de ressources qu'il n'y en a. Si on n'en récupère pas depuis le passé, l'humanité est fichue. Alors au final, on n'aura pas d'autres choix que de changer les règles sur les altérations de l'histoire, non ? Il faut juste opérer des modifications radicales de l'histoire pour trouver de nouveaux filons, pas vrai ?

— Vous dites ça comme si ces modifications ne vous affecteraient pas.

De toute façon, c'était impossible.

En fait, il y avait bien eu des idiots assez fous pour tenter de défier l'histoire.

— Peu après que la première machine temporelle fut terminée, beaucoup ont été tentés de s'ériger en dieux ou en rois. Il y a eu des recherches sur la fabrication d'une arme temporelle qui pourrait rayer un pays ennemi de l'histoire, ou encore une religion ou une culture. Hélas, toutes ces tentatives ont échoué.

La raison demeurait inconnue.

J'avais mentionné plus tôt que cette machine temporelle était une paire de gants spéciaux qui permettaient de faire bouger des objets tel un poltergeist.

Malheureusement, il y avait des objets qui pouvaient être bougés et d'autres non.

En fait, notre main traversait la plupart des objets quand on essayait de les bouger de force. Il n'y avait aucune corrélation avec la masse ou l'apparence de ces objets. Il y avait même des rapports décrivant avoir seulement pu être capable de bouger une tasse de café sur deux alors qu'elles étaient identiques et posées côte-à-côte. C'était un problème qui hantait tous les scientifiques à travers le monde.

Les hommes ne pouvaient altérer l'histoire de l'humanité qu'en cas d'absolue nécessité.

On appelait ce phénomène le problème de Rebond de la Flèche. Bien qu'un Prix Nobel se verrait presque à coup sûr attribuer à quiconque résoudrait ce problème, peu de recherches y étaient consacrées.

C'est pour cette raison que les ingénieurs comme moi-même orientaient l'essentiel de leurs recherches de façon à trouver le moyen de se faire de l'argent grâce aux petits interstices qui avaient été ouverts.

— Et il existe un autre problème.

J'espérais trouver l'inspiration en parlant, mais c'était sûrement un combat perdu d'avance à partir du moment où je m'étais mis à me reposer sur cette idée.

— Les filons temporels sont déjà en nombre très limité, mais ce n'est pas la seule contrainte.

— Hein ? Quoi donc ?

— On peut savoir quand l'histoire a été altérée. Quand on change l'histoire via les filons temporels, on peut le voir comme une mine d'or apparaissant subitement à notre époque. Nous sommes donc parfaitement conscients que la mine en question n'existait pas avant.

— Mais c'est évident, ça. On a ces verrous de sécurité qui permettent d'éviter de se retrouver coincés dans des changements historiques indésirables. Des scientifiques ont reçu des Prix Nobel à ce sujet il y a quelques dizaines d'années, non ?

— À la base, ça avait la forme d'un polygraphe. Le moindre changement dans le champ magnétique était capturé et dessiné par une courbe. Puis, ces courbes étaient transformées en données qui étaient par la suite automatiquement transférées dans des disques durs afin de faciliter la recherche. De nos jours, on a enfin fini par les implanter directement dans la tête des gens dans un état que l'on nomme communément les « souvenirs ». Nous n'avons plus besoin de parcourir des bases de données à la recherche de ce qui a été oublié.

— Ça a l'air super cool tout ça. On dirait que c'est une victoire pour l'humanité.

— Oui, si on l'oppose à la course du temps. Hélas, on tente d'utiliser ces changements temporels pour créer des ressources afin de maintenir sous perfusion notre société mourrante.

Je soupirai.

J'avais arrêté de fumer, mais je sentais qu'il y avait quelque chose de nocif dans mon haleine.

— Pour tout vous dire, on se retrouve petit à petit dans l'incapacité d'altérer le temps comme on le voudrait. La quantité d'objets et d'informations qui se retrouvent inchangées par des altérations de l'histoire a dépassé un certain niveau. Si cette quantité continue de croitre, l'histoire ne changera plus même en appliquant un certain stimulus aux filons temporels. C'est comme une barre d'armature. On a inséré une épaisse barre d'armature dans une plaque en caoutchouc qu'on doit plier à mains nues. Et on continue d'en insérer encore et encore.

Le nombre décroissant de filons temporels était déjà un problème en soi.

Mais maintenant, l'histoire avait commencé à s'endurcir et nos stimulus s'étaient mis à perdre en efficacité.

— Si on ne peut plus altérer le temps comme on le souhaite, ça veut dire qu'on ne peut plus utiliser les filons pour augmenter nos ressources ?

— Oui. Une période de guerre pour le peu de ressources restantes se murmure depuis des lustres.

On était vraiment dans une impasse.

Les ressources présentes et futures étaient complètement épuisées et maintenant, on dilapidait même celles du passé.

— Ça craint.

— Oui, vraiment.

— Du coup, il faudrait quelqu'un qui altère l'histoire pour arrêter les gens et organismes qui ont gâché les filons du passé, non ?

— Vous comprenez vite. Et c'est exactement ce sur quoi je travaille en ce moment. Cela revient exactement à procurer des ressources à notre monde futur en forçant les entreprises pollueuses qui utilisaient des tonnes de pétrole et qui rejetaient des gaz à effet de serre dans l'air à adopter une politique écologique. Malheureusement, la ressource en question ici n'est pas du pétrole ou de la terre rare, mais le temps lui-même.

— Alors vous allez devoir travailler dur, M. l'ingénieur.

— C'est ce que je fais.

— Mais vous devez toujours payer pour ce disque.

— Je vais y travailler aussi.

J'avais donné une réponse simple, mais je pensais autre chose dans mon cœur.

... Est-ce je vais vraiment pouvoir y arriver ?

Pour gagner du temps, il me fallait manipuler ceux qui manipulaient le temps. Plus j'y songeais, plus j'avais l'impression de tourner en rond. C'était comme si on utilisait l'énergie générée par une centrale thermique pour faire tourner les turbines d'une centrale hydroélectrique. Si je ne faisais pas gaffe, je risquais de provoquer une perte d'énergie ce qui nous laisserait encore moins de temps. En fait, faire ça normalement reviendrait exactement au même. C'était exactement pour ça que je cherchais désespéremment à terminer ce maudit script, mais je n'y arrivais pas. Les ingénieurs du monde entier se triturraient le cerveau sur les mêmes équations. Si quelqu'un trouvait la solution, il aurait déjà tenu une conférence de presse avec un visage triomphant.

Et il y avait un autre gros problème.

Ça me turlupinait, mais le fait est que j'avais contracté des frais de retard colossaux.

Après tout, nos calculs concluaient tous que les filons temporels allaient atteindre leur limite d'ici une semaine. Il nous fallait trouver la solution avant ça.


Fichier 09 : Même les affaires de l'Enfer se règlent avec de l'argent ?[edit]

Grâce aux diverses fonctionnalités d'un smartphone moderne, j'avais fait sortir une magnifique fille fantôme issue d'un film d'horreur 3D à la lumière du jour (pour que son existence soit un peu plus visible, on pourrait gagner beaucoup de points en enlevant tout un tas de choses diverses et variées en un temps limité). C'est alors qu'une lycéenne non loin m'interpella.

Cependant, sa voix m'arrivait d'une direction un poil étrange.

Pour être précis, elle provenait de diagonalement vers le haut.

— Hé.

— Une seconde, je crois que je viens juste de trouver le truc pour passer au niveau 4. Je sais ! Si on vire le type sur le côté dans la photo de groupe, on peut voir les cuisses de la fille fantôme en yukata !!

— Hého !! cria quelqu'un qui flottait en l'air.

Hmm. J'étais parti du principe qu'elle allait paniquer un peu plus que ça, alors j'avais téléchargé une appli pour tuer le temps, mais elle avait repris ses esprits à une vitesse phénoménale.

J'étais moi-même impressionné par le fait qu'elle avait accepté cette explication aussi rapidement.

— J'ai compris que j'étais un fantôme.

Elle s'assit en tailleur tout en flottant la tête vers le bas. Comme elle était trop haut, je ne pouvais pas du tout voir sa culotte. En y repensant, les uniformes scolaires semblaient éternels, alors que les survêtements de sport et les maillots de bain étaient revus assez souvent.

— Mais où suis-je ? Au paradis ? En enfer ? On se croirait dans un temple bouddhique.

C'était peut-être parce que j'étais vêtu comme un moine bouddhiste.

Cependant, ceci n'était pas un temple.

— C'est un hall funéraire. Ou plus précisément, c'en était un. C'est une institution typique qui s'occupe des morts ordinaires dans une ville banale. Un endroit qui remplit cette condition était nécessaire.

— Dans quel but ?

— Pour en faire un enfer privé.

J'avais donné une réponse simple.

Malheureusement, elle était peut-être un peu trop simple. Les sourcils de la fille se froncèrent vers le haut tandis qu'elle continua à flotter la tête vers le bas.

— En gros, il y a tellement de gens mauvais ces jours-ci que l'enfer est rempli à craquer. Avant que le système ne s'effondre, il a fallu diviser le travail pour alléger la charge. Et cela passa par la création d'enfers privés à partir de morceaux du monde humain. ... Vois ça comme une prison qui serait sous-traitée par le secteur privé comme c'est le cas dans certains pays.

La fille réagit nerveusement au son des mots « enfer » et « prison ».

Bien. Voilà ce que j'attendais.

— Alors vous sous-entendez que mon âme était censée aller en enfer ?! Je n'ai jamais rien fait de mal !!

— Le bouddhisme n'est pas une religion qui tolère le suicide. Le concept de seppuku induit souvent les gens en erreur. Qui plus est, tu es mineure. Connais-tu le Sai no Kawara ? C'est l'endroit où les enfants qui meurent tôt et qui ont fait pleurer leur parent sont battus par un démon.

— ... Qu'est-ce que je suis censée faire ici ?

— Je t'expliquerai la punition qui t'attend plus tard, mais pour l'instant, contente-toi de posséder un yorishiro[1]. Les enfers privés ont beau avoir été coupés du monde humain, ils en font toujours partie intégrante. Il ne serait pas bon pour une âme nue de rester ici trop longtemps.

— Un yorishiro ? Et en langage du 21e siècle, ça donne quoi ?

— Une poupée japonaise a été préparée en se basant sur les informations de ton corps quand tu étais encore en vie. Contente-toi de t'y glisser.

La fille cria comme si tous les poils de son corps s'étaient hérissés.

— Non !! Une poupée japonaise combinée à une jolie fantôme, ça semble tout droit sorti d'un film d'horreur ! Quelque chose me dit que mes cheveux vont pousser vraiment très longs !!

— Ne va pas te qualifier de jolie. Mais si tu refuses d'utiliser la poupée, il ne reste plus que le dakimakura[2] dans l'armoire...

— Saaaaaaaale moine de mes deux !! Aaaaahhhhhhhhhhhhh !!

Toujours en criant, la fille plongea dans la poupée japonaise. Puis, elle sembla réussir à s'y attacher. La poupée ne bougea pas d'elle-même. Plutôt, le corps physique de la fille se régénéra sur la poupée. Cette dernière était tel le cœur de son corps physique. Grosso modo, elle était devenue un fantôme que l'on pouvait toucher.

Une fois le processus terminé, elle ressemblait à s'y méprendre à une fille de taille normale vêtue d'un uniforme scolaire.

C'est pour cette raison que cela importait peu qu'elle choisisse la poupée japonaise ou le dakimakura.

— Bon !! J'y suis !! Qu'est-ce que je suis censée faire dans cet enfer privé ?

— Tu n'as qu'à voir ça comme un séjour dans une famille d'accueil qui repose sur un système de points. Ce n'est pas parce que ça s'appelle l'enfer que ça va finir en bain de sang.

Visiblement intriguée, la fille demanda :

— C'est quoi ces points ?

— Ta punition arrivera par mail tous les jours. Il existe différents types de cartes. Avec une certaine combinaison d'entre elles, tu peux atteindre ton quota de points pour la journée. Après avoir travaillé le temps pour lequel tu as été condamné à rester ici, tu obtiendras le droit d'être réincarnée. Ainsi, tu renaîtras dans le corps d'un bébé dans le monde humain.

— Je ne peux pas aller au paradis ?

— Y aller en venant tout droit de l'enfer relèverait d'un miracle bouddhaesque. Ne t'attends pas à pareille chose avec le banal moine que je suis. Si tu veux aller au paradis, vis ta vie comme il faut dans ta prochaine vie.

— Hmm. Eh bien, il y a encore plein de choses que je voulais essayer, alors ça me va d'être réincarnée. Quoi qu'il en soit, qu'est-ce que je vais devoir faire pour atteindre le quota quotidien ?

Je pointai du doigt l'écran d'un ordinateur portable et la fille se figea sur place après y avoir jeté un œil.

100 fessées.

30 points (sur un objectif de 5000 par jour).

— C'est. Quoi. Ce. Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinzzzzz ?!

— Ha ha ha. Tu avais oublié que c'est l'enfer ici ? Enfin, un enfer privé. Et c'est moi qui joue le rôle du méchant démon qui te tourmente. On peut dire que je suis invincible face aux esprits. Si tu tentes de t'en prendre physiquement à ma personne, tu te heurteras à un mur invisible qui te fera tournoyer de façon à ce que je puisse voir ta culotte.

La fille s'agrippa machinalement à sa jupe. Bien entendu, les vêtements étaient également partie intégrante de son corps spirituel, alors elle n'avait pas vraiment besoin d'utiliser ses mains pour le faire.

— Grrr ! Sous-estimez pas une ado !! On a un cœur si sensible qu'on pourrait mourir si jamais un ballon venait à interrompre notre déclaration d'amour !!

La fille utilisa le corps physique qu'elle avait fini par obtenir pour frapper le tatami.

Mais...

— Dans ce cas, tu vas devoir t'assoir à genoux tout en devant supporter des pierres lourdes sur tes jambes.

— Les deux options sont trop extrêmes !! Il n'y a pas quelque chose du même niveau que se tenir debout dans le couloir en tenant des seaux remplis d'eau ?!

— ... Malheureusement, si tu n'atteins pas le quota, un véritable démon de l'enfer viendra ici. La punition serait alors quelque chose qui dépasse l'imagination. Après tout, ils découpent avec leurs épées et brûlent tout sans se soucier de quoi que ce soit. Je suis sûr que tu as déjà vu ces peintures qui représentent l'enfer dans un livre d'histoire ou autre.

— Arg...!!

— Bah, tout est histoire de karma. C'est la base de tout. Je dirais que tu as dû faire de bonnes choses aussi vu que tu peux choisir ta punition pour effacer tes pêchés. Si tu comprends, tends tes fesses.

La fille me fusilla du regard et dit : — Est-ce que je peux vous poser une question ?

— À toi de décider. Et cela vaut autant pour la possibilité de demander et le nombre de questions que tu peux poser.

— Pourquoi vous dirigez un truc aussi horrible qu'un enfer privé ?

Était-ce vraiment quelque chose d'intéressant ?

Pour moi, il n'y avait qu'une seule réponse possible.

— Je n'ai aucun talent particulier. Je suis incapable de laver le corps des morts de leurs pêchés en mettant en place une barrière et en criant « Allez-vous-en, esprits du mal ! », alors j'en suis réduit à devoir gagner mes points de façon moins orthodoxe pour aller au paradis.

— Je croyais qu'on allait naturellement au paradis si on vivait une vie pure et juste ? Si vous vous retrouvez à avoir recours à une méthode pareille, c'est que vous êtes un type déguisé en prêtre qui a dû faire des choses vraiment pas très catholiques de son vivant ! Et je suis emprisonnée par ce même type ! Waouh, j'ai vraiment pas de bol !!

— Dans le bouddhisme, nous n'avons pas le droit de manger de viande, ni même de poisson. Et toute relation amoureuse est également proscrite. La ligne séparant le paradis de l'enfer est tellement fine qu'on finit par tomber de l'autre côté sans même s'en rendre compte. Dans notre société actuelle, vivre une vie normale signifie commettre des petits pêchés s'accumulant jour après jour. C'est juste que la plupart des personnes ne s'en rende même pas compte.

En entendant ça, la fille ne put que se murer dans le silence.

De ce que j'avais pu voir dans les données concernant sa vie, son plat préféré était les hamburgers géants.

Qui plus est, il y avait fort à parier qu'elle avait tenté de s'adonner à l'amour. Et les adolescentes sont du genre à réfléchir de façon vive à ce genre de choses, et non vaguement.

— Quoi qu'il en soit, après être passée par à une version douce des tortures de l'enfer, tu auras gagné ton laissez-passer pour la route de la réincarnation. Et moi, j'aurais fait un pas de plus vers le remboursement de la dette que j'ai contractée. Tu vois, tout le monde y trouve son compte.

— Kh... M-Mais...

— Oh, ne t'en fais pas. Simplement te toucher les fesses ne s'additionnera pas à mes pêchés sexuels.

— Ça m'énerve encore plus !!

Si on ne s'y mettait pas rapidement, on n'était pas sorti de l'auberge.

La fille semblait l'avoir compris, elle aussi. Elle se mit lentement à quatre pattes, mais alors...

— Ah !! Une seconde !!

— Qu'y a-t-il encore ?

— Vous avez dit que je m'étais suicidée, non ? Mais ça me dit rien du tout !!

— Bah, le subconscient des humains a tendance à altérer leur mémoire. La mort survient quand on dépasse les limites de la biologie. Un souvenir de ce moment détruirait ta personnalité.

Le visage arboré par la fille montrait qu'elle n'était manifestement pas convaincue.

Elle croisa les bras et dit :

— Alors comment et pourquoi je suis morte ?

— Tu as sauté du haut d'une chute d'eau célèbre pour ses suicides. La raison était quelque chose en rapport avec un amour qui a mal tourné. Tu vois Yamada-kun de ta classe ? Le beau gosse de l'équipe de foot. Tu lui as déclaré ton amour et il t'a repoussée.

— Une petite seconde. Je me rappelle peut-être pas du moment où je suis morte, mais pour ce qui est de l'école, je me souviens très bien. Et je vois pas du tout qui est ce Yamada !!

— Ah ? dis-je confusément.

La fille commença à crier de désespoir.

— Je connais pas de Yamada !! J'échange pas de mails avec tout le monde dans ma classe. Et même si ce Yamada était dans ma classe, jamais je serais tombée amoureuse de lui !!

— ... Qu'est-ce qui se passe ?

Ma question ne trouva que plus de questions en retour.

— Hé, une minute. Est-ce que je me suis vraiment suicidée ? Où avez-vous obtenu la raison de mon suicide ? Si c'était une lettre d'adieu, est-ce que vous êtes sûr qu'elle est de moi ? Si c'est des gens de mon entourage qui vous l'ont raconté, est-ce que ça a plus de valeur que de simples commérages ?

— ...

— Ne détournez pas le regard !! Ç-Ça devient de plus en plus louche, cette histoire. Si c'était un meurtre et non un suicide, qu'est-ce que je fais ici ? La pauvre victime est sur le point de prendre une fessée pour des pêchés non prouvés !

— E-Eh bien, tel est le jugement qui a été prononcé à ton égard, alors contentons-nous de nous y tenir... d'accord ?

— Allez vérifier.

— ... Sérieusement ?

— Allez vérifier !! S'il s'avère que vous avez battu une âme pure accusée à tort, vous n'allez pas vraiment gagner de points pour aller au paradis, pas vrai ?! Alors allez tirer cette histoire au clair !!

— Je veux bien, mais il y a ce quota de punitions que je dois respecter et tu es ma toute première prisonnière. Si je ne montre pas que je sais tenir comme il faut mon enfer privé, on risque de me le retirer...

— Allez. Tirer. Au. Clair. Cette. Histoiiiiiiiiiiiiiiiiire !!


  1. Littéralement, « substitut d'approche ». Dans la terminologie shinto, un yorishiro est un objet capable d'attirer les esprits, leur donnant un espace physique à occuper durant les cérémonies religieuses.
  2. Genre de polochon inventé au Japon, large comme un oreiller commun, mais long d'environ 1,50 mètres. À l'origine utilisé à des fins orthopédiques, il est plus connu en Occident pour son côté érotique (jouet sexuel).


Fichier 10 : Le destin prend la forme d'une flèche[edit]

Grâce à des extraterrestres venus d'une autre galaxie utilisant un moyen pour « voyager dans le temps » qui dépassait l'entendement humain, l'existence du destin fut prouvée. Cette découverte fut naturellement transformée en divers objets de toutes sortes et des pages traitant du destin virent le jour dans un coin des sites d'informations à côté de la prévision météo.

Et à cause de ça, mon amour à sens unique était réduit à néant.

La principale cause de tout ça était les implants qu'on avait achetés qui utilisaient toutes ces informations pour générer des flèches de diverses couleurs sur le sol.

Le rose signifiait une comédie romantique, le noir l'horreur, rouge l'action, et le bleu le suspense. À chaque fois qu'on s'approchait d'un carrefour, ces flèches apparaissaient. Quand on en choisissait une, notre vie allait naturellement se diriger vers une histoire du genre défini par la couleur. Tel était un des avantages de l'existence du destin.

Ça pourrait paraître pratique, hein ?

Mais ce n'était pas le cas.

Par exemple, ma senpai au corps sublime pour qui j'avais des sentiments se tenait encore un peu plus loin de moi.

— Hé, Kudô-kun. Désolée, mais tu pourrais m'aider à transporter ça ? Je te paierai un café après les cours si tu fais ça pour moi.

— Je peux pas, senpai ! La flèche qui pointe dans cette direction est de couleur noire très, très foncée !! C'est le noir de l'horreur ultime !!

Ma senpai fit une mine dubitative et serra ce qu'elle tenait dans ces bras comme pour écraser les deux gros trucs derrière.

— ... Bizarre. La mienne est rose fluorescente.

— Ça veut dire que y'a que toi qui en profiteras ! Noooon !!

— Mais Kudô-kun, le lycée est dans cette direction. De toute façon, il faut que tu viennes vers moi.

— Y a-t-il quelque chose à l'école ?!

Oui.

Quand il y avait un endroit en particulier où l'on veut aller ou une personne que l'on veut rencontrer, ces flèches pouvaient vraiment être dangereuses. Elles n'indiquaient pas que de bonnes choses. Elles étaient tout particulièrement bonnes pour indiquer des tragédies inévitables !

À ce sujet...

— Senpai, pourquoi tous les chemins qui mènent à toi sont noires ? Et pas qu'aujourd'hui. C'est toujours comme ça.

— Celles qui mènent à toi sont pratiquement toujours des roses comédie romantique.

— Elles ne changent jamais de couleur ?

— Un jour, elle était d'une couleur très, très vive, à en rougir... Mais pour une raison obscure, tu as déguerpi en courant tout en criant un truc au sujet d'une horreur bizarre ce jour-là. Je n'ai jamais réussi à obtenir le fin mot de l'histoire.

— ... Tu parles du jour où on s'est croisés dans l'infirmerie ?

— Oui, c'est la fois où l'infirmière n'était pas là pour je ne sais quelle raison et où tous les lits étaient libres. Et aussi, je m’étais sentie mal après avoir eu une crampe pendant le cours de natation, alors j'étais en maillot de bain.

— Nnnnnnnn !!

— Attends, Kudô-kun !! Si tu te mets à te cogner la tête contre le garde-fou, ça va vraiment finir en horreur !!

Je mourrais vraiment d'envie de maudire le destin. Est-ce que ça voulait dire que j'avais manqué l'occasion de faire vous-savez-quoi avec une des plus belles filles que la Terre ait jamais portée, mais que je m'étais enfui sans demander mon reste de mon propre chef ?!

— Mais tu sais, Kudô-kun.

— Oui, senpai ?

— Je pense vraiment qu'on serait mieux sans ce truc que nous ont donné les aliens. Tu penses pas ?

J'acquiesçai sans retenue.

Après tout, je voulais faire vous-savez-quoi ! Je voulais pas d'horreur, moi !!

— ... Et donc, je me disais qu'on pourrait tester un truc.

— Quoi donc ?

— Résister aux flèches du destin, dit ma senpai avec un sourire.

C'était une idée séduisante. Et donc, tel était le sujet d'un bon roman de fiction moderne.

Mais...

— Cette idée est suffisamment séduisante pour avoir pu se faire une place au soleil dans le monde du divertissement, mais c'est surtout à cause de son incroyable difficulté, senpai. Les hommes adorent les histoires qui les laissent faire indirectement ce qu'ils ne peuvent pas faire eux-mêmes.

— De mon avis, t'es déjà sous le contrôle des flèches si tu penses ça.

Ma senpai agita légèrement son index avec ce qu'elle tenait toujours dans ses bras.

— Bien entendu, le destin en lui-même n'a pas la volonté de nous contrôler. C'est juste un phénomène. Quand on s'engage dans la voie de l'horreur, on se prépare inconsciemment à y faire face. Prends les films par exemple. Si tu vas voir un film en étant convaincu qu'il sera nul et que donc tu t'imagines déjà tous les défauts qu'il pourrait avoir, tu ne peux pas profiter pleinement du film, non ? C'est la même chose ici. Il pourrait très bien y avoir des situations de comédie romantique au bout des chemins noirs. Mais notre propre raison se refuse de choisir ça. C'est pour ça qu'on finit par croire que seule l'horreur se trouve au bout des chemins noirs. Qu'est-ce que t'en penses ?

— Maintenant que tu le dis...

Que la flèche indique l'horreur, la comédie romantique, l'action, ou le suspense, il est sûr que la personne qui voit ce qu'il y a au bout pourra l'interpréter comme ça lui chante.

Comme trouver une petite scène harmonieuse et réconfortante pendant un film d'horreur.

Comme trouver une scène d'action courte mais mémorable dans un film à suspense.

Quand j'y repensais, quelle était la signification des flèches roses et noires ? Qui avait décidé de leur signification ?

Dans l'absolu, croiser la senpai que j'aime sur le chemin de l'école et marcher avec elle ressemblait plus qu'assez à une comédie romantique pour moi. Non, je ne pouvais pas en parler de cette façon. Quand j'étais avec elle, un quelque chose qui ne pouvait être catalogué dans aucun genre faisait irruption dans mon cœur. C'était ma propre couleur. Une simple couleur qu'aucun mot ne pourrait décrire de façon précise se trouvait là.

Et pourtant.

Pourquoi est-ce que je devais appeler ce noir sombre l'horreur ?

Qu'est-ce qui m'avait poussé à croire ça ce fameux jour ?

— Est-ce que tu es prêt à surmonter ça ? me demanda ma senpai.

Elle posa son sac par terre et tendit lentement son bras souple dans ma direction.

— Je veux ignorer ces flèches et suivre mon propre chemin. Et toi ?

— ...

Aucune réponse n'était nécessaire.

Je me contentai d'acquiescer, pris la main de ma senpai, et m'engageai dans la route indiquée par la flèche noire.

Un sourire s'esquissa sur les lèvres de ma senpai, un sourire que je n'avais encore jamais vu avant.

Notre chemin était décidé.

Nous allions surmonter le destin.


Et exactement comme l'avait prédit la flèche noire, une étrange sorte d'horreur qui puait le fer rouillé se trouva au bout.

Mais ce fut amusant.

Quand j'étais avec cette senpai, j'avais l'impression que rien ne pouvait m'abattre, quoi qu'il arrive !!



Fichier 11 : Une fille en guise de garantie pour un prêt non remboursé[edit]

Une fille aux splendides cheveux bouclés se mit à parler tout en étant assise sous un kotatsu dans mon studio délabré de 7,5 mètres carrés.

— Horrible. Cette nourriture est si... si sommaire !! Aah ! Je n'arrive pas à croire qu'on me force à mettre ça dans ma bouche ! Tu dois vraiment être une brute sans cœur si tu prends plaisir à me voir souiller mon corps de la sorte !! Sale pervers !!

— C'est tout ce que t'as à dire à la personne qui t'a préparé de quoi manger ?! En fait, le truc qui cloche vraiment, c'est le fait que je me retrouve à devoir payer de ma propre poche la nourriture d'une fille qui sert de collatéral pour un prêt non remboursé !!

Un jour, cette fille avait fait irruption à la porte de mon appartement avec un formulaire de prêt dans les mains.

J'avais eu peur que ce soit une arnaque ou quelque chose du genre, mais il s'avéra que les positions de payeur et emprunteur s'étaient inversées. Autrement dit, elle était venue dans mon appartement en guise de collatéral pour un prêt non remboursé.

— Mais pourquoi mon grand-père a prêté de l'argent à un inconnu...?

— On l'avait complètement oublié, mais il s'avère qu'on avait emprunté pas loin de dix millions de yens il y a 50 ans. En tenant compte de l'inflation, cela vaudrait dix fois cette somme aujourd'hui. Qui plus est, à cette époque, il n'y avait pas vraiment de contrôle sur les prêts, alors l'intérêt était au taux ridicule de 10% pour dix jours.

— Et c'est pour ça que la fille d'un président d'un grand conglomérat s'est pointée dans mon petit appart' d'étudiant ?

Elle portait effectivement une robe.

Elle était effectivement une princesse.

Elle dégageait une aura telle qu'on avait du mal à croire qu'elle était issue de la société moderne, et pourtant, elle engloutissait du riz dans un bol à 100 yens.

— À cette époque-là, les lois sur les prêts n'existaient pas encore, mais comme le contrat avait été signé avant, on n'a pas eu le choix.

— (... Je parie que papi a pas pu se retenir d'ajouter ces clauses à la dernière minute.)

— Tu as dit quelque chose ?

— Non.

— Quoi qu'il en soit, retournons à nos moutons ! Ce riz !! Il n'y a pas de mot assez fort pour décrire à quel point il est mauvais !! Quelqu'un qui mange ça tous les jours ne peut pas avoir toute sa tête, mais il n'y a rien que je puisse y faire, alors un autre bol !!

— Tes paroles sont tellement alambiquées que ça dépasse le cadre de la tsundere là !!

Je remplis son bol à 100 yens qui était en plus ébréché avec du riz blanc et le tendis à la princesse. Elle se mit aussitôt à se plaindre à nouveau.

— Dès que cette torture que tu nommes repas sera terminée, j'ai besoin que tu m'emmènes dans un magasin de meubles d'importation. Nous allons avoir besoin du strict minimum nécessaire pour vivre comme des êtres humains.

— Non !! C'est toi qui as une dette envers moi, alors pourquoi est-ce que je devrais me ruiner pour toi ?!

— Qu'est-ce que tu racontes ? Comment suis-je censée m'habiller ? Quand est-ce que tu vas préparer une voiture avec chauffeur ? Oh, et j'aimerais bien avoir un chien.

— T'as jamais entendu parler des LOHAS[1] ?!

On voyait souvent des filles qui se retrouvaient comme collatéraux de prêts dans les séries télés, mais est-ce que j'avais vraiment quelque chose à y gagner, moi ?

Le processus de pensée « Hé hé hé. Je vais lui faire ceci et cela. » n'était pas près d'arriver à moins qu'elle fusse vraiment attirante. Cette princesse qui se goinfrait actuellement avec du riz blanc d'un air ronchon était certes très jolie... mais... comment dire ? Elle n'avait aucun côté aguicheur. De la même façon que personne n'aurait une érection en regardant la Mona Lisa, il y avait une différence entre beauté et érotisme.

Alors que me restait-il ?

D'un point de vue purement pécunier, avait-elle quelque chose de plus qu'une fille normale par rapport à ce qu'elle pouvait faire comme petit boulot ?

Et c'était une princesse.

Je doutais qu'elle pût être capable de faire un truc aussi simple qu'arracher les mauvaises herbes, alors un petit boulot, n'en parlons pas. Comment était-ce censé être d'une quelconque valeur ajoutée à ma vie ?

— Hé, princesse. Qu'est-ce que tu vas faire à partir de maintenant ? Tu sais, pour l'école et tout.

— Imbécile, est-ce que la question se pose vraiment ?! Tu tiens la vie de ce pauvre petit oiseau en cage entre tes mains. Ce qui signifie que tu dois prendre tes responsabilités et m'envoyer dans une prestigieuse école pour fille, m'ouvrir les portes d'une prestigieuse université, et enfin t'assurer que j'entre dans une prestigieuse entreprise.

— Je dois faire tout ça ?! Ta famille possède un immense conglomérat. Tu peux pas simplement entrer dans une de leurs filiales ?! Je suis sûr que tu peux le faire dès maintenant !! J'ai entendu dire que même des collégiens travaillaient dans une start-up du président !!

— À partir du moment où j'ai été choisie pour être collatéral de ce prêt, mes liens avec le conglomérat ont été rompus. C'est à toi que j'appartiens maintenant.

Son ancienne vie devait lui manquer parce que la princesse semblait un peu abattue.

Mais est-ce que c'était vrai ?

J'étais presque sûr d'avoir aperçu quelque chose briller sur le toit du bâtiment en face du balcon. C'était pas des jumelles ou la lunette d'un sniper, pas vrai ?!

C'est alors que la sonnette d'entrée retentit.

En entendant ça, la princesse dit :

— Va voir qui c'est, laquais.

— C'est toi qui as une dette envers moi !!

Sur cette pathétique remarque, je me dirigeai vers la porte d'entrée. Quand je l'ouvris, je me retrouvai face à une autre fille étrange.

Elle avait également les cheveux bouclés, mais on pouvait y voir les restes d'anciennes nattes.

Et elle était petite.

— Nyah ha ha !! Alors c'est la Sargasse< !--Pas compris la référence. Nom d'une zone de l'océan Atlantique Nord qui a la particularité d'être très calme--> où ma chère soeur a échoué après avoir longtemps dérivé !! C'est encore pire que ce qu'on m'a raconté !!

— C'est si soudain que je ne comprends rien à ce qui se passe !!

— ... C'est ma petite sœur. Qu'est-ce que tu fais ici ?

— J'étais juste venue te dire à quel point ça fait du bien après toutes ces années de mise à l'écart de l'héritage parce que j'étais issue d'une mère différente et que j'étais plus jeune !! Au fait, le pauvre étudiant, là.

La princesse (deuxième lignée) posa ses mains sur ses hanches, bomba le torse tellement fort que je crus un instant qu'elle allait s'envoler, et se mit à sourire.

— Quoi ?

— On dirait que tu vas bientôt te retrouver sur la paille à cause de ma sœur. Qu'est-ce que tu dirais si je payais à ta place ?

— Mh ?! Ne fais pas ça, laquais !! Elle essaye indirectement de prendre le contrôle sur moi en te contraignant financièrement !! Ne cède pas à la tentation !!

— Nyah haha !! C'est trop tard, ma chère sœur !! L'argent contrôle tout. Je pense que je te ferai enfiler un uniforme de bonniche et tu devras jouer avec moi !!

Sa demande fit surgir une surprenante facette mignonne enfouie au plus profond d'elle, mais sa grande sœur n'en avait que faire. Au lieu de ça, elle rétorqua avec un commentaire froid tout en versant sa soupe miso sur son riz blanc.

— ... Vu que, comme moi, tu fais partie du conglomérat, tu es également dans la liste des collatéraux du prêt, non ?

— ...

— ...

— ...

Et ainsi...

— D-Dans ce cas, je suppose qu'une présentation en bonne et due forme s'impose, pauvre étudiant.

— Nooooooooooooooooooooon !! J'ai rien à gagner de tout ça !!


  1. Acronyme de Lifestyles of Health and Sustainability, qui signifie modes de vie pour la santé et la durabilité. C'est le nom d'un segment de population japonaise et américaine pour désigner une niche de consommateurs qui s'intéressent de près à l'environnement, le développement durable, la cohésion sociale et la santé.



Fichier 12 : Un Père Noël entraîné pour être un gentleman cambrioleur[edit]

Le Père Noël existait.

Et il était tout proche.

— Voici vos chasu-men[1] ! Oh, ne seriez-vous pas le Père Noël par hasard ? Votre costume est tout rouge.

Et c'était pourtant un restaurant chinois dont le sol était tout collant !!

— (Chut ! C'est interdit, ma bonne dame ! Il y a une loi qui dit que les enfants qui découvrent l'identité du Père Noël n'auront pas de cadeaux ! Alors si vous pouviez éviter de dire ça tout haut !!)

Je jetai frénétiquement un œil autour de moi, mais c'était l'heure du déjeuner un jour de semaine, il n'y avait pas le moindre enfant dans le restaurant. Tous les bons enfants étaient à l'école. Les seuls clients étaient une paire d'étrangers bien bâtis.

— C'est quoi ça ?

— C'est un poster de bain.

— Hein... Pourquoi t'emmènes ça avec toi aux toilettes ?

— Hé ! Ça se fait pas de demander ça, enfoiré !!

Ils parlaient en anglais, mais de ce que j'avais pu comprendre de leur échange, ils n'avaient pas entendu ce qui avait été dit de ce côté-ci.

La vieille dame paraissait perplexe.

— Pourquoi existe-t-il une loi pareille ?

— Ce n'est pas moi qui en suis à l'origine, alors je n'en ai aucune idée. Après tout, il y a des millions de Pères Noël à travers le monde. Bon, à table maintenant.

— Eh bien, c'est une bonne chose d'avoir des rêves, alors bon courage pour la suite.

Au moment même où la vieille dame partit avec un sourire, mon portable se mit à vibrer. Tout en engloutissant mes nouilles, j'utilisai ma main gauche pour regarder ma boite mail.

(... Merde, je savais que ça allait finir comme ça.)

Après avoir fini mes chasu-men, je sortis du restaurant chinois. Une voiture de sport rouge vif s'arrêta juste devant. Il allait sans dire que c'était la couleur du Père Noël. Enfin, je ne pouvais pas nier qu'une certaine célèbre marque de boisson gazeuse y était pour quelque chose. Mais laissons ça de côté, voulez-vous...

— Droitia, Gaucheue. ... Pourquoi on a une voiture deux places alors qu'on est trois ?

— Les rennes vont toujours par groupe de deux, alors on n'y peut rien.

— Et le Père Noël est censé s'asseoir à l'arrière, alors on n'y peut rien.

— Continuez comme ça, et je vous fous un mord dans la bouche avant de vous balancer un bon coup de fouet.

Les deux effrontées étaient toutes les deux de jolies filles avec de longs cheveux blonds. Elles n'étaient pas jumelles. Tous les rennes modernes étaient comme ça. Elles portaient des fourrures brun clair et des colliers avec des clochettes attachées. Au final, on avait l'impression que les costumes de mes partenaires avaient coûté plus cher que mon propre costume de Père Noël.

Comme je n'avais pas le choix, je me glissai dans le coffre.

— J'ai lu le mail. Ça veut dire que les parents de Mimi Shindô ont refusé.

— Oui, mais ce n'était pas pour des raisons religieuses.

— Plus précisément, la mère était prête à coopérer, mais le père s'est fâché sans qu'on sache pourquoi.

Je fis claquer ma langue.

— Alors c'est du deux contre un si on compte Mimi-chan. Continuez.

En entendant ma voix ronchonne, Droitia fit pratiquement un bond de joie du siège passager.

— C'est parti alors ! Si le papa déteste le Père Noël, ça a dû être dur pour la petite Mimi-chan qui n'a pas eu de cadeaux pendant des années. Il faut qu'on lui donne quelque chose qui vaut la peine de se lever le 25 !!

Contrairement à elle, Gaucheue tapota avec irritation avec son index gauche sur le volant et fit part de ses inquiétudes :

— Mais, Père Noël, c'est la maison du président de Peach Software, une multinationale. Les mesures de contre-espionnage sont sûrement les meilleures du pays. Comment est-ce qu'on va faire pour entrer ?

En gros, le Père Noël allait dans les maisons de tous les enfants qui désiraient sa visite.

Cependant, il y avait certaines maisons où il était difficile de délivrer les cadeaux pour une raison ou une autre.

On faisait appel à nous pour ces cas-là.

Ces derniers nécessitaient le concours d'un Père Noël qui a subi l'entraînement d'un gentleman cambrioleur.

— Droitia, as-tu pu mettre la main sur les plans du manoir ? demandai-je, mais le renne qui manipulait une tablette tactile avec son index secoua la tête.

— Les données ont été supprimées du système de la société de construction.

— Essaye voir du côté de leur société de publicité. Si je ne me trompe pas, des images de ce manoir quand il était encore en construction ont été utilisées pour une publicité à la télé. Seules une douzaine de secondes ont été utilisées, mais elles couvraient plusieurs semaines de travail. La pub montrait la construction du manoir en accéléré.

— Je vois. ... Oh, la voilà. On dirait que je vais pouvoir reconstruire les plans à partir de ces images.

— Bien, bien. Gaucheue, comment s'est déroulé l'enquête ?

— Mimi-chan veut un de ces ours en peluche qui bougent grâce à une IA. Elle l'a écrit dans une de ces listes de Noël qui sont envoyées au Vatican. Je l'ai déjà acheté.

— Ok. Ne reste donc plus que la sécurité.

Peach Software ne faisait pas sous-traiter sa sécurité par une société externe. À la place, le groupe avait racheté une société de sécurité entière pour protéger les secrets de la multinationale selon un cahier des charges unique au monde. Naturellement, ils étaient très bien entraînés. Comme la société était chargée de développer des logiciels militaires, ils avaient dû faire face à des espions étrangers déguisés en espions industriels pour l'occasion. J'avais entendu dire que les gardes s'en étaient plus qu'occupés.

Autrement dit, ce n'était pas à la portée de n'importe quel Père Noël.

Il y avait une bonne raison pour laquelle Mimi-chan n'avait pas pu avoir de cadeaux avant.

— J'ai pu obtenir l'emplacement des caméras et des capteurs grâce au plan du manoir, mais je ne suis pas en mesure de « voir » où sont les gardes de chair et de sang. Et je doute que ces données soient faciles à obtenir.

On allait s'attaquer à un adversaire de ce calibre sans entraînement.

Cela n'allait sûrement pas être une partie de plaisir.

— C'est dangereux. Si ça se termine en confrontation directe, ça sera perdu d'avance.

Malgré ce qu'elle avait dit, Droitia semblait beaucoup s'amuser.

Je répondis calmement au renne en mini-jupe pour la ramener sur Terre.

— J'ai jamais entendu parler d'un Père Noël qui passe en force par la porte d'entrée. On va se faufiler pendant la nuit.


— Si la mère est prête à coopérer, pourquoi ne pas essayer de la contacter ?

— Tu crois vraiment que le vieil homme nous laissera faire ? Il arrête pas de se vanter des parts de marché écrasantes qu'ont son navigateur internet et son smartphone. En fait, c'est lui qui a conçu la tablette que tu utilises. Tu crois pas qu'il pourrait intercepter nos tentatives de prise de contact ?

— C'est ça ! dis-je en claquant des doigts. On va contacter la maman tout en sachant que le vieux va intercepter la communication. Si on leur donne une fausse route d'infiltration, les gardes vont se concentrer sur cette zone.

— Dans ce cas, pourquoi ne pas directement envoyer une carte qui annonce ce qu'on va faire ? Ou plutôt, pourquoi pas 50 ou 100 d'entre elles. Même s'il sait que la plupart sont fausses, il va être contraint de placer un certain niveau de sécurité sur chacune des routes. Et ainsi, il y aura moins de gardes là où on doit aller.

— Tant qu'à bluffer, autant y aller franco, non ? Comme envoyer le cadeau grâce à une petite fusée qui passera par la fenêtre. De cette façon, ils vont aussi devoir surveiller ce qui se passe en dehors du manoir.

Telles étaient les méthodes qu'un Père Noël pouvait être amené à utiliser pour arriver à ses fins.

Nous étions les représentants des miracles, mais ce que nous avions fait était finalement très terre-à-terre.

— Ok, encore trois jours...

— Hihihi. Ça va vraiment être chaud, hein ?

— Ça va être aussi dur que quand on a dû s'introduire dans la résidence du président de ce pays d'Europe, je dirais.

— C'est pas ce que je voulais dire.

— ?

— ?

— Sauf surprise, on n'aura pas de Noël enneigé.

Notre cible était ce manoir imprenable.

Il était protégé par une unité privée de gardes de sécurité qui ferait même pâlir les services d'intelligence de l'armée. Ce boulot était vraiment loin d'être une mince affaire et il était tout à fait possible qu'on se fasse tuer.

Mais autant y aller.

Ce n'était pas le boulot du Père Noël de faire des calculs sur les risques et les rendements. On allait juste rendre une petite visite nocturne pour délivrer des cadeaux aux enfants qui les désiraient.


Les voix des enfants rentrant à la maison pouvaient être perçus dans la rue éclairée par le crépuscule.

— Qu'est-ce que t'as demandé au Père Noël ?

— Des jeux ! La nouvelle console 3D !!

— J'ai demandé une tenue de baseball !!

— Attends. Est-ce qu'on est vraiment censés en parler avant de les recevoir ?

Avec le contenu de leurs cartables faisant des bruits sourds, les enfants couraient le long de la grande rue, souriant à la vue de toutes les lumières décoratives.

Une fille parmi eux était restée en arrière.

Alors qu'elle se tenait debout, elle regardait en direction du ciel nuageux.

— Je me demande s'il va venir cette année...

(On va tout faire pour.)

Le Père Noël et ses rennes qui passèrent à côté d'elle dans la rue jurèrent ça dans leur cœur.

Tant que les enfants feront ce genre de demandes gauches...

Tant qu'ils désireront se lever le jour de Noël avec un sourire...

Un véritable Père Noël tout droit venu de Norvège déjouera n'importe quel système de sécurité pour s'introduire dans ce manoir.


  1. Variété de ramens.


Mi-parcours et courte pause[edit]

Une brève annonce.

J'espère que le sondage se déroule bien pour tout le monde.

Si pour une raison ou une autre vous ne participez pas encore au sondage, dépêchez-vous de vous y mettre.

Maintenant, après une courte pause, j'aimerais que nous continuions le sondage.



Fichier 13 : Pourquoi ne pas essayer d'y jeter un œil ?[edit]

Nous vivions à une époque où l'on pouvait jeter un œil dans l'enfer.

Le créateur de cette technologie avait à la base l'intention de voir le paradis, mais les théologistes du monde entier se sont farouchement opposés à cette idée. Ils prétendaient que seuls ceux qui étaient passés par le processus normal avaient le droit de regarder le paradis.

Certains d'entre eux étaient d'avis que voir l'enfer ne posait pas de problème, et au final, il a été donné la permission de voir l'enfer en partant du principe que voir à quel point cet endroit était horrible allait faire changer d'avis les gens sur leur mode de vie. Certains suggérèrent que cette technologie soit officiellement reconnue comme programme éducatif.

... Mais tout ne se déroula pas exactement comme prévu.

— Allô ? Ashtart ?

Alors que j'utilisais une console de jeu portable dans le coin WIFI gratuit d'un fast food, la voix d'une femme s'échappa de l'écran.

Mais ce n'était pas une voix humaine.

— Qu'y a-t-il, mon garçon ? C'est vraiment pénible d'être épiée par les humains via ces consoles de jeu portables. Montrer sciemment et être épiée n'ont rien à voir.

— Ashtart, on m'a dit que l'enfer était un endroit horrible et terrifiant. Mais de ce que j'ai pu en voir, tout le monde a l'air si détendu.

— Pourquoi tu crois que l'enfer existe ?

— ?

— Pour quelle raison à ton avis ?

— Pour s'occuper des gens qui ont fait des choses mauvaises ?

— Exactement. Mais c'est Dieu qui en a décidé ainsi. Il y a toute sorte de démons, mais Dieu a donné la permission à ma faction d'embêter les humains. Va faire des recherches sur un démon nommé Mastema si ça t'intéresse.

— Mais, Ashtart, tu fais rien aux humains. Avec ce maillot de bain, on croirait plutôt que t'es en vacances.

Elle avait de longs cheveux rouges et une peau blanche comme neige. Elle avait ce qu'on pourrait communément qualifier de « corps de rêve », mais avec des cornes et des ailes de chauve-souris. La façon dont sa queue bougeait de gauche à droite me donnait envie de tirer dessus.

— C'est parce que c'est trop relou.

Tout en étant allongée sur une chaise longue, Ashtart fit gigoter ses hanches d'avant en arrière.

— Avec l'image que les humains se font des démons et les épreuves que Dieu nous a demandées de faire passer aux humains, c'est juste qu'on a l'impression qu'on nous en demande trop. Mais on est des démons. Notre crédo, c'est de faire le contraire de tout ce qu'on nous demande de faire.

— Hm ? Hmm ???

Alors que je mangeais mes frites le regard perplexe, Ashtart leva légèrement son index.

— L'enfer serait un endroit horrible si les démons faisaient correctement leur boulot. Mais les démons sont pas du genre à travailler sérieusement. Si on multiplie un nombre négatif par un autre nombre négatif, qu'est-ce qu'on obtient ? Un nombre positif !! En gros, l'enfer est devenu un complexe paradisiaque sans égal parce qu'il est géré par des démons pas du tout motivés !!

Ashtart avait l'air très sûre d'elle, mais c'était quoi cette histoire de multiplication de nombres négatifs ? Si on a quatre boites contenant chacune trois pommes, on a donc au final 3 x 4 = 12 pommes au total. J'ai appris ça à l'école... mais si on perd quatre boites de « trois choses manquantes » on en obtient... plus ???? Cela devait relever du domaine de la philosophie. Les démons pensent vraiment à des choses bizarres.

— Oh, on t'a pas encore appris la multiplication de nombres négatifs ?

— Alors le paradis n'est pas un endroit bien ?

— Les anges sont très sérieux, alors je suis sûre que c'est un endroit cool. Après tout, un nombre positif multiplié par un autre nombre positif, ça donne toujours un nombre positif. Mais juste parce que le paradis est un endroit bien, ça veut pas dire que l'enfer doit être son exact opposé. C'est un endroit très sympa aussi. Mais si les gens savaient ça, ils ne se donneraient plus la peine de tout faire pour aller au paradis, alors on a dû garder ça secret. Mais à cause de votre nouvelle technologie, tout le monde le sait maintenant !!

Ashtart tira la langue et se gratta la tête alors que j'acquiesçais.

— C'est bizarre.

— En effet. Pour une raison ou une autre, vous autres humains vous êtes rentrés dans la tête que les démons en avaient après vos âmes ou quelque chose du genre, mais les gens mauvais tombent déjà automatiquement en enfer à leur mort, alors on n'a pas vraiment de raison d'aller dans le monde des humains. Et puis, à ton avis, pour quelle raison on devrait faire ce qu'on nous dit d'être et faire le mal comme on nous l'a demandé ? Nous autres démons n'existons que pour décevoir Dieu qui nous a donné cette raison de vivre.

— Alors parce qu'on attend de vous que vous fassiez le mal, vous ne le faites pas ?

— Exactement. Et on n’a aucune envie d'être à la hauteur des attentes de ces théologues qui croient qu'on fait le mal.

Ashtart sirota un liquide bleu qui était contenu dans un verre avec une paille.

— Tout ce que je veux, c'est glander, alors je m'en fiche pas mal, mais si on me demandait où aller entre l'enfer et le paradis, je dirais l'enfer je suppose. Les deux sont des endroits sympas, mais le paradis est intransigeant avec l'honnêteté et l'intégrité. On peut pas vivre dans le luxe. L'enfer est plus cool parce que t'as pas à t'en faire pour ce genre de choses. Si t'as envie de faire un truc, tu le fais, c'est tout. Sérieux, je comprends pas pourquoi cet idiot de Satan tente de revenir au paradis. Y a quoi de mal à être en enfer ? Il fait beau et chaud ici.

— Ça a l'air cool, Ashtart.

— Pourquoi ne pas faire un petit voyage de trois jours en enfer pour tester ça toi-même ?

— Je peux ?

— Mais bien sûr. Je t'avais pas dit ? Tout est super cool ici. Personne n'est motivé. Le paradis est peut-être super carré sur les qualifications et la discipline, mais on s'en tape complètement ici en enfer. Si tu veux venir, viens. Tu pourras voir quel goût à cette boisson. Je vais te donner un billet pour l'enfer.

Au moment où Ashtart dit ça, la LED de ma console portable se mit à briller. Elle m'informait de l'arrivée d'un mail. C'était sûrement le billet qu'Ashtart avait mentionné.

J'étais sur le point de cliquer sur l'écran afin de pouvoir aller m'amuser quand...

— Hein ?

— Que se passe-t-il, mon garçon ?

— J'ai un appel entrant.

— ... Les consoles de nos jours sont vraiment pratiques.

À la seconde même où j'appuyai sur le bouton, une voix féminine inconnue me cria dessus.

— Arrêêêêêêêêêêêêêêêêteeeeeeezzz !!

— Nyahh ?!

— Tss. C'est la voix de Gabriel, ça, non ?! Ça peut être qu'elle. C'est le seule ange féminin.

J'étais pratiquement tombé de ma chaise, mais la voix féminine continua de me crier dessus à travers le combiné du téléphone.

— Âme innocente !! Pour certaines raisons, je ne peux vous rendre visite, mais je peux néanmoins vous sermonner. Ne vous rendez pas en enfer sans réfléchir !!

— Hein ? Mais Ashtart a dit que...

— Eh oui, je lui ai envoyé une invitation en bonne et due forme, alors ça sera pas un clandestin ou quelque chose du genre. Allez, grouille-toi qu'on puisse se faire une partie de beach volley.

— Âme innocente, pourquoi voulez-vous vous rendre en enfer ?

— Parce que les démons n'ont aucune motivation alors c'est devenu une plage paradisiaque. Pourquoi ne pas mettre un maillot de bain, toi aussi, Gabriel ?

— Hihihi. C'est vrai ça ! Enfile un bikini sexy pour voir !!

— La ferme, sale catin !! Euh... Ahem. Il est vrai que cette technologie qu'ont développé les humains donne l'impression que l'enfer ressemble à une plage de sable blanc avec un bel océan bleu où les démons traînassent à faire comme bon leur semble. Mais...

— Mais ?

— Mais vous devriez savoir qu'il ne faut jamais faire confiance à un démon ! Croyez-vous vraiment qu'il y a du sable blanc et un océan bleu là-bas ?!



Fichier 14 : Voudriez-vous un appareil de la gamme Visage Humain ?[edit]

Les cyborgs étaient devenus monnaie courante, mais ils n'avaient pas encore franchi le cap de l'apparence humaine. Si la silhouette d'un corps humain venait à être modifiée de façon trop importante, il devenait nécessaire d'installer des logiciels de mouvements spécifiques ce qui semblait avoir une influence importante sur l'esprit humain.

De ce fait, les humains utilisaient toujours leurs mains et leurs doigts pour manipuler des objets ou un stylo pour écrire ou dessiner.

Cependant...

— Chéri, regarde. C'est une poêle à frire avec de la peau artificielle. Grâce aux détecteurs de chaleur, adieu la nourriture brûlée !

— Cette poêle douce et de couleur peau me fout la trouille !! On dirait un livre maudit du mythe de Cthulhu[1] !!

— Cette louche a des lèvres. Elle goûte le contenu et affiche le résultat de façon numérique. Comme c'est mignon.

Ces casseroles, planches à découper et autres ustensiles de cuisine avec des oreilles, nez, etc. humains incroyablement réalistes attachés dessus étaient connus sous le nom de Semi Appareils. Je ne comprenais pas du tout comment ma jeune épouse pouvait les qualifier de « mignon ». Peut-être que c'était juste parce que j'étais de la vieille école.

Je comprenais bien entendu que ce n'était rien de plus que des technologies cyborgs couplées à des détecteurs qui surpassaient les sens humains, mais il n'empêche que...

— Chéri, tu t'ennuies parce que c'est le rayon cuisine ?

— N-Non, c'est pas ça. Je trouve ça juste bizarre qu'un endroit rempli d'oreilles et de nez puisse être appelé « rayon cuisine ».

— J'imagine qu'un mec préfère le rayon appareil photo et autres. Je crois qu'ils en ont avec des yeux pour pouvoir voir super loin.

— Flippant !! C'est vraiment flippant !! Je suis le seul à trouver qu'un appareil reflex mono-objectif qui cligne des yeux et qui a des cils fout vraiment la trouille ?!

Le taux de criminalité avait diminué depuis qu'on avait accroché des yeux aux caméras de sécurité, mais je pensais que c'était parce que ce regard bizarre posé sur nous mettait mal à l'aise.

Elles étaient très décriées dans les immeubles d'habitation ou dans les hôtels.

— Oh, c'est vrai. Chéri, tu as dit que tu voulais des outils de jardinage, non ? Je crois qu'ils ont des tondeuses par là.

— Tout ce que je vois, c'est des machines avec pleins de bras recouverts d'ongles pointus et d'autres avec des bouches remplies de dents géantes.

— Oui. Ça risque d'être un peu grand pour chez nous.

Ce que venait de dire ma femme me paraissait un peu bizarre. En fait, du point de vue de la société dans son ensemble, c'était peut-être mon avis qui était bizarre.

Je n'aimais pas le fait qu'ils accrochaient des yeux ou nez humains réalistes à l'avant des TGV en guise de capteurs. Je savais que c'était plus efficace comme ça, mais c'était plus fort que moi, je n'aimais tout simplement pas ça.

La forme générale des hommes n'avait pas tant changé que ça.

Mais la technologie, elle, était toujours là. Et l'idée d'une vie future plus facile aussi. Hélas, pour y parvenir, la technologie s'était étendue à tout ce qui tournait autour des humains plutôt qu'aux humains en eux-mêmes.

À cause de ça, les portables avaient des oreilles installées dessus et les consoles de jeux portables contenaient des synapses artificielles.

Le monde avait rapidement changé.

Tout comme les adultes avaient à l'époque eu du mal à se mettre à l'heure d'Internet, j'étais incapable de suivre tous ces changements psychédéliques de paysage.

— Tu veux un nouveau rasoir électrique ?

— On passe son temps à remplacer leur sang artificiel, alors non.

— Oui, le remplir d'oxygène encore et encore finit par l'user.

— En parlant de sang artificiel, il faut bientôt qu'on remplace le sang du frigo, non ? Ils font des réductions par là-bas.

— Ça n'ira pas. Le nôtre est un Carrier QW2. Il est pas compatible avec les types B. Mais on devrait acheter du liquide céphalorachidien. La pub parlait d'un pack.

Sur le chemin, on passa devant un robot de type chien de compagnie. C'était semble-t-il un modèle d'exposition. C'était un produit qui se mettait à saigner quand on lui fait du mal mais on ne culpabilisait pas si on le cassait.

— Je me demande si ces appareils prendront un jour forme humaine.

S'ils poussaient leurs recherches aussi loin, j'avais l'impression que le grotesque allait disparaître.

Mais...

— On ne peut pas prendre ça.

— Pourquoi pas ?

— Parce que ça reviendrait à tout laisser faire par ces appareils sans bouger d'un pouce. Ça serait comme devenir un légume.

Peut-être qu'elle avait raison.

Les vieilles colporteuses de l'époque pouvaient transporter une quantité incroyable d'objets en tout genre sans le moindre problème.

— Mais...

— Qu'y a-t-il, chéri ?

— Du coup, je sais plus trop bien qui contrôle qui.

— ?

— Je veux dire, dis-je avant de marquer une courte pause. On achète tous ces outils pour rendre nos vies plus faciles, mais la force de nos jambes et bras dépend du degré de praticité de ces outils. ... On peut presque dire qu'on est comme remodelés pour pouvoir nous servir plus facilement de ces appareils.


  1. Univers de fiction issu des nouvelles et romans de l'américain H. P. Lovecraft.


Fichier 15 : Plus vrai que vrai[edit]

Une fille au visage juvénile et aux gros seins était accroupie dans une cour derrière une station de télévision. Elle mélangeait quelque chose dans une casserole posée sur un réchaud de camping, mais elle ne préparait pas du curry pour un camping.

— Chef, vous ne trouvez pas que c'est du gâchis de faire cuire du ketchup comme ça ? Et y'a même du mizuame[1] dedans.

— Vingt pourcent de l'argent engrangé par nos émissions est reversé à la croix blanche. Les gens qui ne font rien d'autre que déposer deux, trois pauvres pièces dans une boîte à côté de la caisse enregistreuse d'une supérette ne sont pas en position de nous donner des leçons de morale. ... Mais ça pue vraiment. La peinture, c'est pas fait pour être cuit dans une casserole.

C'était à cause de cette odeur qu'on avait dû faire ça dehors plutôt que dans la réserve de la station de télévision. C'était un secret professionnel. J'espérais qu'aucune information sur la confection de cet accessoire n'allait filtrer.

La petite nouvelle (une jeune fille aux gros seins) mélangeait le contenu de la casserole comme si c'était un ragoût.

— Chef, pourquoi on laisse pas une boîte de prestation s'occuper du faux sang ?

— Non. Le faux sang standard ne ressemble à rien. La couleur est trop sombre.

— Trop sombre ?

La jeune fille pencha sa tête sur le côté de façon mignonne malgré le fait qu'il n'y avait aucune caméra qui la filmait. Je continuai en lui expliquant en détails :

— Les séries télé se doivent d'en mettre plein la vue, pas vrai ? Il suffit de penser au maquillage des acteurs, à leurs costumes et aux décors pour s'en convaincre. Il faut que les couleurs soient plus vives que dans la réalité du fait des puissantes lumières qui les éclairent. Une couleur sang normal n'irait pas. Si on utilisait du vrai sang, ça passerait pas à l'écran.

— Oh. Alors il faut que ce soit plus clair que le sang normal ?

— ... Tu fais ton mélange sans même savoir ce que tu fais ? dis-je en soupirant. Une fois la couleur de base obtenue, ajoute un peu de noir, petit à petit.

— Pourquoi ? Je croyais qu'il fallait que ce soit plus clair ?

— Il existe différentes couleurs en fonction du temps qui est censé s'être écoulé. Le sang normal change de couleur avec le temps, mais pas le faux sang. Ce qui veut dire que l'on doit créer différents types de faux sang pour couvrir ces différentes étapes.

— C'est beaucoup de travail.

— Et malgré tout ce boulot, ce n'est plus vraiment utilisé de nos jours. C'est pour ça que de moins en moins de gens savent en préparer. Et c'est pour ça que quelqu'un avec un titre aussi long que le mien sur sa carte de visite se retrouve à devoir préparer ça dans une casserole.

— Maintenant que vous le dites, la réforme sur les contenus télévisuels a fait qu'il y a de moins en moins de scènes avec du sang.

— La baisse de popularité des séries de samouraïs et des séries policières y est aussi pour beaucoup.

— Il y a toujours des séries policières. La fille mima un pistolet avec sa main libre et dit : — Bang.

Mais je hochai la tête négativement.

— Mais il n'y a plus ces intenses scènes de tir ou autre. Mais c'est vrai que tout résoudre avec une scène d'action devient prévisible à force. Ces séries médico-légales jouent sur le fait d'attraper le criminel avec le plus petit des indices, mais je me suis toujours demandé pourquoi il n'y avait jamais de tâches de sang.

— Et les séries médicales ? Les scènes d'opérations chirurgicales utilisent du sang de façon non violente.

La fille à forte poitrine semblait vouloir essayer de mimer un geste de chirurgien en pleine opération, mais j'avais plutôt l'impression qu'elle coupait un morceau de viande avec un couteau et une fourchette.

— Avant d'en arriver à l'opération, il y a toujours ce côté dramatique, alors la scène de l'opération n'est pas si importante que ça. Ils peuvent s'en sortir en faisant un gros plan sur le visage en sueur du chirurgien.

— C'est parce que les véritables opérations chirurgicales prennent plusieurs heures. Les mouvements des chirurgiens sont lents, alors c'est pas évident de leur donner de l'impact.

— Ouais, alors ils se contentent de montrer la famille du patient priant pour sa survie avec la musique de fond qui va bien avec. Ils n'ont plus qu'à utiliser un spray humidificateur pour la sueur sur leur visage.

Je plongeai une assiette en plastique vide dans la casserole afin de vérifier la couleur du faux sang.

... Ça n'allait pas.

— Plutôt que d'ajouter de la peinture noire, il aurait peut-être mieux valu le brûler un peu.

— Je pense que ça aurait été compliqué d'en produire en grande quantité.

— Quelque chose de sombre... sombre... Du sucre brun peut-être ?

— Si ce n'avait pas été de la peinture, on aurait pu manger ce faux sang.

— Mais la peinture est plus simple à utiliser.

L'industrie audiovisuelle avait une image de strass et paillettes, mais notre quotidien se résumait plutôt à ça.

— Enfin bref. T'as pris des notes sur ce que t'as mis et en quelle quantité ?

— Oui. J'aimerais écrire un manuel d'instruction à partir de ça. Je n'ai pas vraiment envie de jouer aux devinettes à chaque fois.

La fille pointa du doigt un cahier de couleur pastel posé à même le sol. Les pages avaient des ours, des oiseaux et autres animaux imprimés dessus, alors cela me semblait difficile à utiliser. Je perçus une subtile odeur sucrée, mais je n'étais pas sûr si cela venait du cahier ou de la fille à forte poitrine elle-même.

— Au fait, chef, c'est pour quel genre de show ?

— Une émission de variété.

— ... J'ai comme l'impression que c'est le genre de show avec les gens le plus à même de se plaindre de ce genre de rouge.

— Un ancien catcheur va participer en tant que guest star. On va lui balancer un container de 18 litres dessus et « l'ensanglanter ».

— Et ça sera pas une mise en scène ?!

— Ça sera écrit en gros sur l'écran que c'est le cas, mais l'ancien catcheur lui-même sera le seul à ne pas le savoir. C'est sa réaction qui fera rire les téléspectateurs.

— Ohh. La petite nouvelle semblait vouloir dire quelque chose. — Alors c'est comme ça qu'on fait de l'audience ?

— C'est lui qui a abandonné le ring et qui est venu nous implorer de le payer pour une apparition dans ce show. Il faut bien qu'on en ait pour notre argent.

— Mais, chef.

— Quoi ?

— Vous avez préparé un tas de faux sang à l'époque où vous étiez à ma place, pas vrai ?

— Ouais, les séries policières de mon époque, c'était vraiment quelque chose. On utilisait tellement de faux sang que les acteurs se noyaient presque dedans des fois.

— Alors vous devriez avoir des notes sur comment préparer le faux sang, non ?

— Oui. Enfin, plus vraiment. C'est plus d'actualité.

— Pourquoi ça ? Oh, c'est une histoire de brevet ou quelque chose du genre ?

— Non. Les notes de fabrication ont été perdues.

— Comment ?

— Quand j'étais nouveau ici, on passait notre temps à fabriquer du faux sang. Une des raisons était parce que c'était moins cher que d'en acheter. Au fait, tu sais quel show a utilisé le plus de faux sang ?

— Une légendaire série policière ? Bizarrement, les séries de samouraïs ont peu de sang comparativement au nombre de membres coupés par épisode.

— Aucun des deux.

Je fus soudain pris d'une envie irrépressible de m'allumer une cigarette.

C'était sûrement parce que je m'étais remémoré le passé.

Ou peut-être que j'avais besoin de quelque chose pour me calmer à cause de ce dont j'étais sur le point de parler.

— C'était une émission de recherches de cryptides.

— Hein ? C'est quoi ça ?

— Je suppose que tu ne dois pas la connaître si tu es née pendant l'ère Heisei[2]. Ils faisaient des choses comme partir à l'étranger à la recherche du mystérieux géant connu sous le nom de Bigfoot. Évidemment, tout est mis en scène dans ce genre d'émission. De nos jours, ce genre de pratiques va à l'encontre de l'éthique actuelle, alors on ne voit plus trop ces émissions.

— Pourquoi ils avaient besoin d'autant de sang ? Ils se sont filmés en train d'être soi-disant attaqués par le mystérieux géant ?

La fille fortement époumonée poussa un grognement et balança ses bras pour imiter un monstre. Mais elle tenait toujours la louche pour mélanger le faux sang dans les mains, alors elle en mit partout.

— Ahh ! Espèce d'idiote ! Regarde ce que t'as fait à mon costume !!

— C'est 30 000 yens les deux, pas vrai ? Et pour un ensemble veste, pantalon et cravate.

— Si tu crois que c'est si peu cher, rembourse-moi !!

— Vous connaissez mon salaire horaire, alors comment pouvez-vous dire une chose pareille ?! Vous n'avez qu'à faire passer ça en note de frais. Après tout, c'est arrivé pendant le travail ! Quoi qu'il en soit, revenons à nos cryptides. Pourquoi avoir utilisé autant de faux sang dans cette émission ?

« Aucune idée », fut ma réponse.

Oui.

Vingt années s'étaient écoulées, mais je n'avais toujours pas la réponse à cette question.

— L'émission était un programme spécial qui était diffusé une fois tous les six mois, mais ils demandaient des tonnes de faux sang à chaque fois. Mais c'était tout. Je n'ai jamais su à quoi il leur servait. Il n'y avait jamais de scènes avec du sang dans les épisodes diffusés. Personne ne comprenait ce qu'ils pouvaient bien en faire. Tout ce que je sais, c'est que...

— Tout ce que vous savez...?

— Au moment où elle était sur le point d'être annulée, quelqu'un a mis sens dessus dessous la réserve de la station, en éclaboussant tout l'intérieur avec le faux sang qui était stocké là. La serrure n'avait pas été crochetée. C'est comme si une énorme force avait arraché la porte. Les notes de fabrication du faux sang était conservées avec le faux sang. Elles ont été tellement salies par le faux sang qu'elles en sont devenues illisibles. Le type qui avait inventé cette recette était déjà parti de la boîte à l'époque et il avait dit qu'il ne se souvenait plus des quantités exactes, alors on a simplement laissé tomber.

— Hein ? Comment ça « une énorme force » ? Vous pensez que c'était une autre mise en scène de l'émission ?

— Probablement, dis-je en baillant. Le producteur qui passait son temps à l'étranger pour les besoins de l'émission avait demandé à quelqu'un de faire la même chose dans sa maison et il n'y a jamais remis les pieds depuis. On avait aussi reçu des coups de fil bizarres d'un numéro à l'étranger, mais on pouvait juste entendre des grognements d'animaux à l'autre bout. À mon avis, c'était une ultime tentative désespérée de redonner de l'intérêt à l'émission pour éviter que son audience ne tombe encore plus bas.


  1. Sirop de fécule d'origine Japonaise.
  2. Ère actuelle du Japon qui a commencé en 1989.


Fichier 16 : Ces personnes mentionnées dans les légendes[edit]

Le seigneur des démons regardait dans cette direction comme si elle voulait se joindre à la fête !


Je portais une armure avec une jupe. Ça faisait tape-à-l'œil, mais ça me faisait surtout des égratignures sur les jambes quand je traversais forêts et montagnes. (Pourquoi le public aime tant les héroïnes habillées comme ça ? J'en ai des frissons quand je suis à cheval. Ma peau est en contact direct avec lui !) Pendant ce temps, je levai mon épée et criai :

— Non ! Tu es le seigneur des démons, alors t'as pas le droit de faire ça ! Il faut qu'on règle ça une bonne fois pour toutes !! Je veux vaincre le seigneur des démons et retourner dans mon royaume !! Avec ce long périple à ne dormir que dans des auberges au rabais, je me retrouve tellement couverte de sueur qu'on aurait du mal à dire que je suis une jeune fille en fleur !! Je t'en supplie, laisse-moi dormir dans mon propre lit !!

— Ouais, mais ça m'amuse pas spécialement, moi non plus, tu sais, se plaignit une petite fille avec des cornes de bouc sur la tête, des ailes de chauve-souris dans le dos, et une sorte de queue sortant de ses fesses.

Elle était vêtue de cuir de la tête aux pieds et était assise sur le trône les bras autour de ses genoux.

— J'ai pris le pouvoir et j'ai entraîné les élites de mon armée de démons et de mon unité de sirènes dirigée par une idole. Alors pourquoi ils m'ont trahi si facilement après que tu leur aies latté la gueule ?! Rembourse-moi le temps et l'argent que j'y ai consacrés !! Mais en fait, s'ils changent de camp par la violence, je vais juste leur botter le cul pour qu'ils reviennent de mon côté !!

— Je comprends ce que tu ressens, mais contentons-nous de nous battre. Sinon, cette légende sera sans fin.

— T'as dû te sentir un peu désemparée après t'être donnée tout ce mal pour rallier l'armée des démons de ton côté et ensuite découvrir que les chefs des villages et autres faisaient du mal aux gens (en organisant des rituels bizarres et autres). Tu te demandes pas pourquoi tu risques ta vie pour les hommes alors qu'une grande partie d'entre eux sont comme ça ?!

Je ne voyais pas très bien où elle voulait en venir, alors je me contentai de la corriger avec un regard perplexe.

— Non, je me contente juste de tailler en pièces tous les boss humains que je rencontre. Ils ne savent presque pas se battre, mais ils donnent quand même autant de points d'expérience qu'un boss normal, alors ils sont très pratiques.

— Elle fout la trouille, ta justice !! C-C'est de là que vient la puissance infiniment croissante d'un héros ?!

— J'imagine que la faiblesse de l'armée des démons vient de son absence de système de level-up. Ça réduit de moitié l'intérêt d'un combat.

— C'est pour que mes vassaux réfléchissent à deux fois avant de se rebeller contre moi. Le seigneur des démons se doit d'être le plus fort, après tout. Et puis...

— Quoi ?

— Tu trouves pas que le casting est bizarre ?

— Comment ça ?

— Pourquoi le seigneur des démons et le personnage principal sont tous les deux des filles ? Si l'un de nous deux était un mec, on aurait pu ajouter un peu de piment à l'histoire comme nous deux tombant amoureux et s'inquiétant pour la situation de l'autre.

Le héros donnait du courage aux gens à travers sa légende et le roi des démons semait la terreur avec la sienne. Pour faire simple, une légende intéressante devait régner sur le monde. Pour cette raison, on faisait plus attention que ce qu'on pensait à la façon dont le monde nous voyait. On répétait encore et encore les mêmes scènes d'action avec ces acrobaties futiles afin de donner aux bardes de l'inspiration pour leurs histoires.

Pour cette raison, je comprenais où voulait en venir le seigneur des démons avec ses doutes.

— De nos jours, un mec à qui s'identifier n'est plus nécessaire. Il semblerait que les gens préfèrent épier avec l'œil de Dieu les conversations des filles.

— Quand on y pense, c'est vraiment flippant.

— Du point de vue de la victime, c'est sûr. Mais laisse-moi te dire une chose, seigneur des démons. La chose qui me paraît le plus étrange ici, c'est ton apparence. Pourquoi t'es une petite fille ?

— C-Comment ça ? Ça fait 20 000 ans que je vis et pourtant, je suis toujours comme ça, alors j'y peux rien, moi !

De sa position sur le trône avec ses bras entourant ses genoux, le seigneur des démons étira bras et jambes tout en protestant.

Elle tentait peut-être de donner l'impression que son corps était plus large qu'il n'y paraissait.

— Hm ? Mais les boss finaux féminins sont généralement assez glamour, non ? Alors c'est quoi ce AAA ? C'est une norme de sécurité ?

— La ferme ! Ce genre de blagues fait mal, tu sais !! Et si tu la joues comme ça, alors c'est pas bizarre que l'héroïne soit aussi géante ?! Personne ne peut s'identifier à un corps aussi parfait !! C'est quoi ce délire pervers ? Ça a été conçu spécialement pour l'occasion ? Ce genre de silhouette convient plutôt à un mage ou à un rôle plus secondaire !!

— Bah, je suis la représentante du peuple. D'ailleurs, comment ça se fait que l'armée des démons se plie à la volonté d'une petite fille ?

— Je te permets pas !! Ils ont été captivés par ma force !!

Le seigneur des démons balança ses bras et jambes dans tous les sens tout en se tortillant sur son trône.

Mais malgré son apparence, la prudence était de mise. Elle avait le pouvoir de faire tomber des astéroïdes du paradis pour submerger des continents entiers.

Une fois encore, je m'en fichais pas mal si le roi mourrait dans une grande catastrophe après qu'il m'ait donné un simple bout de bois avant de m'ordonner d'attaquer l'armée des démons.

— Dis, héroïne.

— Quoi ?

— Tu crois pas que ça serait super relou de nous battre l'une contre l'autre ?

— Pour tout te dire, j'étais justement en train de me dire que c'est plus vraiment la peine de suivre les ordres du roi maintenant que je suis aussi haut niveau. Mais on devrait tout de même régler ça.

— On pourrait, mais qu'est-ce que tu vas faire après ? Tu vas pas me dire que tu penses que détruire l'armée des démons et réétablir la société humaine réglera tous les problèmes et que ça se finira en happy ending, si ?

— Hmm... J'avais déjà plus ou moins réalisé ça. Je crois que ça serait sans espoir, marmonnai-je le regard vide.

Le seigneur des démons devait se sentir encore un peu plus à l'aise, parce qu'elle se rassit sur son trône en croisant les jambes.

Ça me donnait tellement envie de lui faire une clé de jambes.

— Tu sais, héroïne, ce monde tombera sous le règne d'un roi qui a ordonné à une ado de vaincre un seigneur démon avec un bout de bois. À partir de là, ça ne peut que partir en vrille avec lui à la tête du royaume. Et j'ai comme l'impression qu'il surpasserait même mes attentes à ce niveau-là.

— Hein ? Alors qu'est-ce que je suis censée faire ? Botter le cul du roi ?

Le seigneur des démons se sentait encore plus imbue d'elle-même maintenant que je m'étais imprudemment aventurée sur son terrain, alors elle posa son coude sur l'accoudoir et posa sa joue sur sa main. Je devais l'admettre, elle ressemblait plus à un seigneur démon dans cette position.

La façon dont elle s'asseyait avec les bras autour de ses jambes était vraiment pas normale.

— Et dans ce cas, qui va diriger le monde une fois le roi mis hors d'état de nuire ? Il va te falloir y réfléchir à l'avance, héroïne. C'est de ça que je veux parler. Il te faut préparer les générations futures. Que ce soit l'armée des démons ou le roi humain, les annihiler ne conduira pas à une fin heureuse. En fait, quand il est question de puissance destructrice pure, t'es bien plus comme le seigneur des démons à l'époque de mon grand-père, héroïne.

— Tu veux parler du seigneur des démons en 8 bits ? Il revient des fois dans les histoires sur les vieux monuments en pierre. Les combats à l'époque étaient si simples. Ça devait vraiment être sympa.

— À l'époque, « Je suis le seigneur des démons, alors je vais détruire le monde !! » aurait fait l'affaire. De nos jours, je parie que les bardes ne sauraient pas quoi en faire.

— Et il paraît qu'on pouvait pas sauvegarder en cours de partie. Pour raconter toute l'histoire, les bardes devaient parler pendant 50 heures non-stop.

La fille à cornes de bouc leva son index et dit :

— Pourquoi ne pas créer une armée de l'héroïne ? Quelque chose de différent de l'armée des hommes. De cette façon, quiconque remportera le combat pourra utiliser son armée pour régner sur le monde.

— Je crois que personne ne survivrait à mon entraînement acharné. Et puis, je suis du genre artiste martial tellement strict que j'ai fait tout ce chemin sans me constituer d'équipe.

— Va suffisamment loin sur le chemin de la peur, et c'est plus si différent que d'avoir du charisme. Tu pourrais me laisser jeter un œil au manuel ?

— En tant qu'héroïne, je peux pas faire ça.

— Comment tu peux dire ça après avoir réduit au silence mes monstres avec tes poings et ainsi les avoir éveillés au plaisir du masochisme ? De mon point de vue, peu importe qui gagne de nous deux vu que chacune d'entre nous est à même de bâtir un monde dirigé par la peur.

— C'est pas juste !! T'essayes de choper une fin où le héros gagne mais meurt à cause de la malédiction du seigneur des démons, pas vrai ?! T'essayes d'avoir tous les bons trucs pour toi !! Et quelqu'un te fera revivre plus tard quand le pouvoir du mal remplissant le monde sera rassemblé, je me trompe ?!

— Dans ce cas, est-ce que t'as une idée plus héroïque pour régler ça ? Quelque chose de différent de ce qu'a dit le roi ?

Face à cette question, je me retrouvai sans voix.

Je fis tournoyer mes doigts pendant quelques instants avant de parler.

— Bah, il y a des choses que j'aimerais faire. Par exemple, je pourrais fonder une société de livraison par héros armé. Le monde est toujours peuplé par un certain nombre de monstres, alors transporter les objets peut s'avérer compliqué. Un héros de haut niveau comme moi pourrait se faire plein d'argent à escorter des caravanes de marchands de ville en ville.

— Si t'y as tant cogité que ça, pourquoi ne pas simplement le faire ?! Attends, c'est pour ça que t'as pris le contrôle de mes monstres ?!

— Mais si j'éjecte le roi juste pour mon propre intérêt, je serais plus une héroïne, non ?! Ça serait tellement plus simple s'il était contrôlé par le mal ou quelque chose du genre !! Seigneur des démons, pourquoi ne pas tromper le roi ? En fait, si le roi n'avait pas donné cet ordre, une héroïne comme moi ne serait jamais arrivée jusqu'ici !!

Le seigneur des démons aux cornes de bouc soupira en entendant mes questions simplistes.

— C'est un incompétent. Son seul talent, c'est d'avoir réussi à garder son pouvoir jusqu'ici. C'est un politicien. Pour tout te dire, je t'ai sous-estimée parce que tu étais une héroïne choisie par ce type. J'ai vécu pendant 20 000 ans et t'es la toute première héroïne à arriver aussi loin.

— Les seigneurs des démons sous-estiment toujours les héros. Vous nous épargnez toujours au début du jeu, en disant que ça ne vaut pas la peine de nous tuer aussi vite. Pour moi, c'est comme si vous nous aidiez à devenir plus fort.

— Oh, quand vous êtes niveau 2 ou 3, vous êtes si adorables. Comme un chiot qui mordillerait imprudemment mon talon. Le problème arrive quand vous atteignez le niveau 300 et que vous avez cette force incroyable. Et alors, vous pouvez attaquer cinq fois par tour et vous avez l'attaque ultime non-élémentale qui ignore la défense et qui peut tuer en un coup même mes généraux. Vous évoluez bien trop vite.

Elle devait se souvenir de quand j'étais un « chiot » parce que le seigneur des démons fit la moue, croisa les bras, et balança sa jambe pendante. Dans la tête de cette petite fille aux cornes de bouc, il devait y avoir l'image de moi quand j'étais encore innocente à mordiller ses pieds pendants.

— Alors t'es exactement comme ces horribles amateurs d'animaux de compagnie qui foutent leur chat ou chien dans un carton et qui les abandonnent dehors une fois qu'ils sont devenus trop gros. T'es pas le seigneur des démons pour rien, toi. Tu choisis toujours la voie du mal.

— Oui, mais ces animaux sont devenus des géants et sont entrés dans mon armée, alors c'est une bonne affaire pour moi.

— Je dois bien admettre que t'as de la suite dans les idées.

Le seigneur des démons fit alors une mine quelque peu lasse suite à ce commentaire admiratif.

— Bah, je gère une armée et un royaume. Des fois, j'aimerais pouvoir être un freelancer comme vous autres héros.

— Toi, le seigneur des démons, tu te sens contraint ?

— Exactement !! Tout le monde passe son temps à me demander de baisser les impôts, mais ils veulent aussi toujours plus de sécurité sociale !! Y'a quelque chose qui tourne pas rond quand le royaume des démons a un plus grand budget alloué à la bioénergie qu'à la sécurité nationale qui sert notamment à combattre les héros comme toi ! Qu'est-ce que t'en dis, héroïne ?!

— Je pensais que t'étais le seigneur des démons parce que t'étais le plus fort des monstres ? Pourquoi est-ce que t'es obligée de te plier à leurs volontés ? Si t'aimes pas un truc, t'as qu'à juste les mater pour leur fermer leur clapet, non ?

— C'est toujours la même rengaine avec vous autres freelancers. Vous prétendez vous battre pour la paix dans le monde, mais vous ne pensez à rien d'autre qu'à la destruction. C'est nous qui avons sué sang et eau pour bâtir des donjons et des armes antiques surpuissantes. Sans nos efforts acharnés, la légende du héros serait bien fade.

— Haa. Si seulement j'étais le seigneur des démons, les choses seraient plus...

— Si seulement j'étais le héros, alors à l'heure qu'il est, je serais...

— ...

— ...


D'après les bardes, le héros et le seigneur des démons firent un pari et commencèrent le combat final.

L'objet du pari demeure toujours flou aujourd'hui.

Mais...

Malgré que ce fût le combat « final », le héros et le seigneur des démons survécurent tous les deux.

Et personne n'a besoin de chansons pour leur rappeler que l'histoire du monde connut par la suite un changement si important que les prophètes en sont tombés à la renverse.



Fichier 17 : Les couleurs attribuées à la palette[edit]

On avait interverti punition et récompense.

Grosso modo, au lieu de punir les criminels par la loi, ceux qui travaillaient pour le bien de la société ou d'un autre individu se voyaient récompensés comme il se doit. Telle était l'essence de la Loi de l'Équilibre du Karma.

Dans ce monde où tout le monde se serrait les coudes, ne pas être gentil avec autrui signifiait la perte des moyens pour vivre, alors le taux de criminalité avait effectivement chuté.

— Alors, maître !! C'est pour cette raison que moi, une super professeur tsundere amie d'enfance du genre petit animal de compagnie lolita-gothique femme au foyer fana de mode soubrette d'assaut, suis venue ici pour payer ma dette envers vous !!

— C'était beaucoup trop long ! T'es quoi au juste ?! Une sorte de ramen avec la totale au-dessus ?!

Je pressentais que le fait qu'elle soit au pas de ma porte allait causer des problèmes avec le voisinage, ou sur sa façon de me juger, ou avec des rumeurs, ou quelque chose de destructeur ! Ma confusion m'avait ôté les mots de la bouche, alors j'étais dans l'incapacité de trouver la moindre idée concrète, mais vous devez avoir compris où je voulais en venir.

Et avant que mes pensées ne reprennent leur cour normal, les ramens avec la totale au-dessus repartirent de plus belle.

— Le monde n'est pas si gentil pour me laisser simplement être une bonne de nos jours. Pour survivre, il faut y ajouter un certain nombre d'attributs. C'est pour cette raison que je suis une bonne avec dix attributs différents ! N'hésitez pas à trembler de peur face à la vie de rêve qui vous attend !!

— Mais amie d'enfance, c'est impossible ça, non ?

— Je peux fabriquer de toutes pièces autant de souvenirs et vidéos amateurs que vous voulez.

Elle était très professionnelle.

Et ainsi, je décidai de lui poser une autre question !

— C'est quoi l'attribut « super » ?

— Je pense que ça a quelque chose à voir avec un reporter qui met des collants ultra-moulants.

— Oh, je pensais que ça voulait dire que tout ton corps allait se mettre à briller.

Quoi qu'il en soit...

— Je ne me souviens pas avoir fait quoi que ce soit qui me vaille d'être récompensé par la Loi de l'Équilibre du Karma. Qu'est-ce que j'ai fait et qui est-ce que j'ai sauvé ?

— Eh bien, maître, vous souvenez-vous d'avoir fait tomber une pièce de 100 yens devant le distributeur de boisson l'autre jour ?

— Ouais. Elle était tombée dans les égouts.

— Cette pièce de 100 yens s'est transformée en ticket de courses de chevaux qui a permis à son détenteur de multiplier ce montant par 100. Cet argent fut ensuite fructifié encore plus au pachinko, mais fut ensuite volé. Quand un brave jeune homme arrêta le voleur, la valise qui contenait l'argent glissa le long d'une pente. L'argent fut ensuite utilisé pour faire du trading. La moitié de l'argent rapporté fut donné à une œuvre de charité pour les enfants pauvres d'un certain pays. En l'utilisant, du pétrole fut découvert et maintenant les problèmes de faim et de pauvreté du pays en question ont été résolu.

— Est-ce qu'une suite d'évènements comme ceux-là peut vraiment arriver ?!

— Quoi qu'il en soit, maître, votre karma est désormais aussi bon que si vous étiez en permanence en train de sauver la vie de 5 millions de personnes. D'après nos calculs, votre karma ne pourrait jamais revenir à l'équilibre de votre vivant à moins qu'on vous envoie une super professeur tsundere amie d'enfance du genre petit animal de compagnie lolita-gothique femme au foyer fana de mode soubrette d'assaut.

Je poussai un soupir.

Pour tout vous dire, rien n'aurait pu me rendre plus heureux que le fait d'avoir une bonne, mais qu'est-ce qu'elle était censée faire ? Elle aurait fini le ménage dans mon minuscule appartement en un rien de temps.

— Alors laissez-moi me battre.

— Hmm ?! D'où ça sort ça ?!

— Je vous appartiens jusqu'à ce que votre karma retrouve l'équilibre, maître. Cela veut également dire que c'est à vous de supporter le poids de mon karma... et (j'ai fait beaucoup de choses dont je ne suis pas très fière et cela m'a valu beaucoup de rancœurs en travaillant pour devenir une super professeur tsundere amie d'enfance du genre petit animal de compagnie lolita-gothique femme au foyer fana de mode soubrette d'assaut).

— Qu'est-ce que tu viens de dire en marmonnant dans ta barbe ?! T'as dit que j'étais responsable de tes dettes ?!

Hélas, crier comme ça n'allait pas aider. Maintenant que les peines pour les criminels n'existent plus, ceux qui arrivent à prouver leur droit à se venger gagnent le droit de le faire en tout impunité.

Et donc...

— Fwa ha ha ha ha !! Alors c'est toi le nouveau maître de cette super professeur tsundere amie d'enfance du genre petit animal de compagnie lolita-gothique femme au foyer fana de mode soubrette d'assaut !! Je suis une fille lolita-gothique à oreilles de chat, oreilles de chien, oreilles de lapin, oreilles d'ours, oreilles de singe, oreilles de rhinocéros, oreilles de vache, oreilles de souris, oreilles de panda, oreilles de koala, oreilles de rennes, oreilles de kangourou ! Je suis venue ici pour me venger !!

— Ça fait beaucoup trop d'animaux en même temps !! T'es comme une sorte de chimère, c'est ça ?! Et pourquoi que des oreilles ?! T'aurais pu au moins choisir les cornes pour le renne !! Tu fais quand même pas une fixation sur les oreilles, si ?! Et puis, cette bonne a déjà pris l'attribut lolita-gothique, non ?

Cependant, la super professeur tsundere amie d'enfance du genre petit animal de compagnie lolita-gothique femme au foyer fana de mode soubrette d'assaut parut choquée par l'apparence de cet étrange visiteur.

— D-Douze attributs ?! C'est pas une fille comme les autres...!!

— Héhé. J'en ai tellement que je pourrais essayer d'entrer dans le Guinness des records si j'étais une boutique de glaces. Voilà où va le monde.

— Ç-ça craint. Elle est peut-être du genre inégalée !

Je commençais à me demander si cette bonne savait s'occuper des bases comme la cuisine ou le ménage. Des aptitudes au combat n'étaient pas vraiment le genre de qualités qu'on recherche chez une bonne.

— Ç-Ça craint vraiment. Elle a beaucoup trop d'attributs. Je ne pourrais jamais gagner ce combat !!

— Et qu'est-ce qui se passe si tu perds ?

— Ça crève les yeux, non ? Elle va se venger. Elle risque d'utiliser une râpe sur mes chevilles et les transformer en radis râpé. ... Et elle fera la même chose avec toi, vu que t'es également responsable de mes dettes maintenant.

— Ça se fait pas d'impliquer les gens dans ses problèmes !! Et autre chose, espèce de super prof... machin chose ! Qu'est-ce que t'as fait avant d'arriver ici ?!

— Veuillez vous réfréner d'abréger mon titre juste parce qu'il est trop long, maître ! Nos attributs sont les symboles mêmes de nos vies !!

— C'est parti !! cria l'autre fille.

La fille lolita-gothique à oreilles de chat, oreilles de chien, oreilles de lapin, oreilles d'ours, oreilles de singe, oreilles de rhinocéros, oreilles de vache, oreilles de souris, oreilles de panda, oreilles de koala, oreilles de rennes, oreilles de kangourou se mit rapidement en une ridicule position d'attaque.

— Prends cette super attaque universelle qui correspond aux douze constellations dans la face !!!!!!!!

— Dans ce cas, utilise au moins les animaux correspondant aux constellations dans tes attributs !!

— Impossible, certains sont des balances !

Comme je n'avais pas envie d'être transformé en radis râpé, j'allais devoir me joindre au combat, que je le veuille ou non. L'issue du combat semblait dépendre du nombre d'attributs que l'on avait, alors la super professeur tsundere amie d'enfance du genre petit animal de compagnie lolita-gothique femme au foyer fana de mode soubrette d'assaut fit sauter les boutons de son haut, dévoilant sa poitrine, puis retira d'épaisses médailles de son béret de militaire, et du sang de poulet jaillit de son couteau.

— Hum, je vais ajouter salace, conductrice de bus et yandere. Ça m'en fait treize comme ça.

— Dobashaaa !!!!

Tout en lâchant un cri ridicule qui aurait pu passer pour un bruitages de film de série B, la super professeur tsundere amie d'enfance du genre petit animal de compagnie lolita-gothique femme au foyer fana de mode soubrette d'assaut salace conductrice de bus yandere avait épaté la fille lolita-gothique à oreilles de chat, oreilles de chien, oreilles de lapin, oreilles d'ours, oreilles de singe, oreilles de rhinocéros, oreilles de vache, oreilles de souris, oreilles de panda, oreilles de koala, oreilles de rennes, oreilles de kangourou.

Elle (je vais me contenter de ça. C'est plus simple) vola incroyablement loin avant de toucher le sol. Un filet de sang coula depuis le coin de ses lèvres, mais elle esquissa un léger sourire alors qu'elle rassemblait ses forces.

— Gh... Heh. Je suis en réalité un boss du côté des gentils qui fait semblant de s'opposer à toi pour t'aider à devenir plus forte...

— Q-Quoi ?!

— Et voilà mon treizième attribut, alors on peut se battre à égalité maintenant !! À l'attaque !!

— Reste sur le thème des oreilles ! ET voilà qui m'ajoute l'attribut de l'homme franc[1], ça m'en fait quatorze !! À l'attaque !!

Je ne pouvais entendre que des explosions et voir que des rayons de lumière.

Toutes les vitres de mon appartement avaient volé en éclat, mais je n'étais pas sûr à qui je devais donner la facture.

Puis, je commençai à être en mesure de voir ce qu'il y avait derrière le tourbillon de fumée.

— Hein ? J'ai plus d'attributs, j'aurais dû gagner !

— Non, j'ai utilisé mon attribut boss-du-côté-des-gentils pour lancer une attaque surprise. Ce qui m'a conféré l'attribut traître portant le total de mes attributs à quatorze, comme toi. Et en combattant un adversaire de même niveau, j'ai gagné l'attribut rivale ! Et cette interminable explication m'a donné l'attribut personnage éclairant ! Maintenant, j'en ai seeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeize !!

— Du coup, ce retournement de situation improbable me fait gagner l'attribut personnage malchanceux. Ça fait quinze. En tant que personnage du genre à toujours rencontrer son rival en combat, ça fait seize. Et le fait d'avoir trouvé ces idées pour reprendre le dessus dans une situation aussi désespérée a fait de moi un personnage astucieux. Ça fait dix-seeeeeeeeeeeeeeeept !!

Après ça, les deux filles continuèrent à s'ajouter toujours plus d'attributs. Il y eut serveuse, infirmière, reine du circuit, hôtesse de l'air, uniforme scolaire, pom-pom girl, prêtresse, nonne, fundoshi[2], bikini, maillot de bain scolaire, short-culotte, short de moto, samba, hula, cowgirl, bunny girl, princesse, présidente du conseil étudiant, magicienne, reverse trap[3], fée, déesse, dominatrice, ninja, samouraï, robe chinoise, ao dai[4], androïde, cyborg, IA, et bien d'autres. Le vent fut tranché, la gravité complètement bouleversée, des trous interdimensionnels s'ouvrirent, une sorte de trou noir apparut, et il y eut des explosions ridicules.

— ... Aucune d'entre vous ne va prendre l'attribut combat ?

Au moment où je dis ça, le combat se calma légèrement.

J'observais à travers la poussière et la fumée pour voir ce qu'il y avait derrière. Ce que je vis fut une fille habillée en soubrette tout à fait normale et une autre vêtue d'un costume de lolita gothique tout à fait normal. Elles étaient assises en position seiza et se faisaient face. Une minute, est-ce qu'on pouvait vraiment qualifier ces deux-là de « normales » ? Tout ce qui s'était passé avait peut-être perturbé ma vision de la normalité.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— On a fait le tour jusqu'à revenir au point de départ.

— On a beau inventer de nouveaux goûts pour les glaces, on ne se lasse jamais de la vanille.


  1. Référence au manzai, forme de comédie au Japon qui implique généralement un duo comique : le tsukkomi, le personnage sérieux, intelligent, rationnel, et le boke, le personnage frustre, outrancier et désordonné.
  2. Sous-vêtement traditionnel pour homme du Japon. Considéré comme un pagne japonais.
  3. Fille déguisée en/ressemblant à un garçon.
  4. Robe traditionnelle vietnamienne.


Fichier 18 : Le défi insatiable du Chef Koitarô[edit]

— Hé, papi. J'ai réussi que cette femme fasse un vrai « nandeyanen »[1]

— Je vois, je vois. J'espère que tu l'as remerciée comme il se doit.

— ... Nandeyanen.

— Ha ha ha. Tu m'as bien eu, ma chérie !

— Yanen yanen !

Le couple qui semblait être un grand-père et sa petite-fille (ça aurait été effrayant si ça n'avait pas été le cas) quitta le restaurant de sushi un sourire aux lèvres. ... Le dialecte du Kansai était si rare que ça ?

Ils étaient les derniers clients de midi, alors il n'y avait plus que moi et cette tête de mule de vieux chef sushi dans le restaurant. Le vieil homme entêté me lança un regard contrarié tandis que je me tenais là avec une blouse blanche décrépie par-dessus un tailleur bon marché.

— J'apprécie la politesse dont vous avez fait preuve en attendant jusqu'à ce que le dernier client s'en aille, mais rien de plus.

— Alors pouvons-nous parler affaire maintenant ?

Je posai une tablette tactile sur le comptoir et les sourcils du vieil homme se froncèrent de suspicion presque instantanément.

Son visage semblait vouloir dire qu'il me détestait, moi et ma blouse qui puait l'éthanol.

Enfin, ceux qui ont fait un chemin considérable sur la voie qu'ils ont choisi sont toujours en conflit avec ceux qui ne comprennent pas et qui refusent d'emprunter la même voie.

Etonnamment, peu de gens avaient la détermination démesurée nécessaire pour que l'opinion publique nous accepte de la même façon que Koitarô-san. Et pourtant, c'était toujours cette détermination qui avait permis à ce petit pays d'avoir autant progressé.

— Je suis sûr que vous savez que j'exècre les gens de votre acabit, dit-il. Le vôtre est une de ces grandes chaînes de sushi sur tapis roulant. Ce que je déteste plus que tout au monde, c'est que vous avez le culot d'écrire « façon Edo » sur vos enseignes.

— Oh, allons. « Façon Edo » fait simplement référence à la forme. Ça ne veut pas du tout dire que c'est quelqu'un de Tokyo qui l'a fait. C'est exactement la même chose qu'un cuisinier japonais qui a le droit de faire de la cuisine française.

— La forme de la nourriture change tous les jours. Les pizzas ont commencé à être livrées par moto et les sushis se sont mis à tourner sur des tapis roulants. Mais la façon Edo fait référence à ça. Tout ce qui entre dans ce restaurant est exactement ce qui fait la façon Edo. Je ne me plains pas du fait que le restaurant soit à Osaka ou Tokyo. Ce que je n'apprécie pas, c'est vos méthodes qui consistent à utiliser un compte-goutte dans une éprouvette pour disséquer la saveur ou les effets des conservateurs, vous autres chercheurs en nutrition.

— Vous dites ça, mais à la base, le sushi était une méthode de préservation du poisson. C'était une sorte de nourriture fermentée. Les sushis à la truite et autres ont été développés à partir de ça. Quand le sushi façon Edo est apparu pour la première fois, il était considéré comme une pâle imitation, exactement comme vous, vous traitez les sushis sur tapis roulant, n'est-ce pas ? Koitarô-san, je crois que c'était vos ancêtres qui avaient travaillé pendant des longs mois et années pour en faire ce qu'il est devenu aujourd'hui.

— Peut-être bien, mais je refuse d'appeler ça « façon Edo ». Je me fiche de ce que vous pouvez bien faire, mais il faut faire la distinction entre les deux. Arrêtez de l'appeler « authentique » ou « façon Edo » et débrouillez-vous pour qu'il dépasse le véritable « façon Edo » sous son propre nom.

— Koitarô-san, aimez-vous les rouleaux de saumon ou de fromage ?

— Si vous parvenez à surpasser du thon de qualité avec ça, alors je n'aurais rien à y redire. Je préfèrerais que vous vous battiez avec quelque chose de nouveau plutôt que d'y mettre du thon bon marché en tentant de masquer le goût avec du gras.

De cet échange, je suis certaine que vous avez pu vous rendre compte de l'entêtement de Koitarô-san.

Et de sa tendresse.

Au premier abord, il semblait être un redoutable ennemi qui campait fermement sur ses positions, mais une fois qu'on était parvenu à se frayer un chemin, il devenait souvent suffisamment tendre pour être incapable d'abandonner les autres.

Par exemple, il était le genre de vieil homme qui pouvait se plaindre d'un festival, mais dans le même temps, créer un somptueux assortiment de chirashizushi[2] pour l'occasion. Et il disait aux enfants du voisinage que leur sourire était suffisant pour payer leur sushi.

— Mais, Koitarô-san, on a une affaire à faire tourner, alors je ne suis pas venue ici pour discuter de quelque chose que je ne pense pas avoir la moindre chance d'accomplir.

— Vous allez utiliser les larmes pour que je développe un nouveau produit pour vous ?

— Quelque chose du genre. Après tout, Koitarô-san, vous vous êtes certes beaucoup plaint du dernier travail que je vous ai demandé, mais vous m'avez tout de même aidée jusqu'au bout.

— ... C'était parce que vous m'aviez demandé de développer des sushis qui ont tout des vrais mais qui restent mangeables par ceux qui sont allergiques au poisson. Vous m'aviez demandé de mélanger des aliments comme du soja et des fécules de pommes de terre pour recréer à la perfection la saveur et la texture.

— Oui, oui. Nous ne sommes certes qu'un restaurant de sushi sur tapis roulant, mais nous avons réussi à prendre le contrôle de l'industrie médica... Ahem, ahem. Non, je veux dire, nous avons permis à de nombreux patients de manger des sushis le sourire aux lèvres pour la première fois de leur vie.

Je dus me corriger rapidement du fait du regard aussi tranchant qu'un couteau de Koitarô-san.

— Autrement dit, Koitarô-san, vous êtes prêt à ravaler votre fierté personnelle et à joindre vos forces avec notre chaîne de restaurants si c'est pour le bien du monde dans sa globalité, je me trompe ?

— ... Une seconde. Alors qu'est-ce qui est en jeu aujourd'hui ?

— La paix dans le monde. Ou pour être plus précis, des bêtes démoniaques. Vous comprenez maintenant ?

Le regard de Koitarô-san se fit encore plus tranchant.

Enfin, difficile de lui en vouloir en pareilles circonstances.

Pour ces créatures, le chemin de l'évolution était devenu si distordu qu'elles avaient fait voler en éclat toutes nos connaissances en matière de biologie. En fait, c'était presque comme si elles venaient d'un « autre monde ». Elles ne comprenaient pas le langage humain et toutes les tentatives de communication avec elles furent vaines. Qui plus est, elles étaient extrêmement féroces. Les militaires des pays du G8 avaient rapidement abandonné l'idée de les exterminer, et désormais, des groupes de civils étaient chargés de s'assurer qu'elles ne soient pas trop provoquées.

À cause de ces horribles créatures, les calculs prédisaient que la fin de l'humanité viendrait d'elles et non du fait d'un tarissement des ressources naturelles ou d'un réchauffement climatique majeur provoquant un manque de nourriture. Naturellement, les bêtes démoniaques ne voyaient en les humains qu'une source de nutriments comme une autre.

— Et qu'est-ce que le simple sushi d'un chef vient faire là-dedans ? Vous voulez que je les découpe en rondelles et que j'en fasse des sushis ?

— Non. Nous autres humains n'avons aucune chance de vaincre ces bêtes féroces. Tout au plus, nous pouvons leur infliger de légères blessures qui ne feront que les mettre dans une colère noire. C'est pour cette raison que nous devons arrêter de penser de manière belliqueuse à une façon de « les exterminer ». C'est pour cela que j'ai retourné le problème. C'est la seule solution.

— Hein ?

— Ces bêtes démoniaques considèrent les hommes comme de la nourriture. Mais ce n'est pas pour autant qu'elles se nourrissent exclusivement d'humains. ... Ce qui rend les choses simples. Si nous leur donnons de la nourriture qu'elles trouvent meilleure que les hommes et que nous leur faisons comprendre que le seul moyen pour elles de s'en procurer est de nous laisser en vie, elles ne nous verront plus comme des proies.

— Est-ce que ça va vraiment marcher aussi bien que ça ?

— C'est une relation symbiotique similaire à celle entre les fourmis et les pucerons. Aucun des deux camps n'a véritablement l'avantage sur l'autre. Qui plus est, cela ne nécessite pas de compréhension mutuelle du langage de chacun. Tant que nous arrivons à leur faire comprendre par expérience qu'elles recevront de « délicieuses gâteries » de notre part, nous partirons sur un pied d'égalité.

J'avais déjà tenté ça avec un chef français et un autre chinois, mais ils avaient tous deux argué que cette méthode pouvait être utilisée à d'autres fins que la paix dans le monde. Après tout, si les actions des bêtes démoniaques pouvaient être influencées par de la bonne nourriture, il était possible que cette nourriture soit utilisée pour les faire attaquer certaines parties du monde.

Cependant, cela n'allait que compliquer les choses avec cette tête de mule, alors je décidai de ne pas aborder ce sujet.

Une « méchante avide de profit » comme moi pouvait garder ce genre de complications pour elle.

— Koitarô-san, je ne vais pas vous importuner avec des chiffres précis, mais l'Afrique Centrale est l'endroit le plus touché par ces bêtes démoniaques. La zone a peu de ressources et de nourriture, alors la communauté internationale n'y prête que peu attention. À cause de ça, l'aide pour évacuer les populations a tendance à arriver trop tard. Je me suis peut-être fait beaucoup d'argent par le passé, mais c'est la plus pure vérité. ... Mes connaissances combinées à vos talents, nous pouvons réduire le nombre de victimes à zéro.

— ... Tss.

Koitarô-san s'arrêta de passer la serpillière dans la cuisine.

— Vous êtes toujours aussi lâche.

— Et vous, vous êtes un véritable artisan prêt à utiliser ses talents malgré ça, Koitarô-san.

Et ainsi, Koitarô-san et moi relevâmes le défi.

Dans notre tentative de faire face à la menace des bêtes démoniaques, Koitarô-san usait des sens de sa langue et de ses doigts tandis que j'analysais les statistiques détaillées issues de massives quantités de données recueillies.

— Si nous avons besoin d'en faire assez pour tous, il faudra quelque chose de pas trop difficile à préparer. Quelque chose que les locaux peuvent simplement et rapidement préparer en large quantité serait préférable. Dans le même temps, on ne peut pas laisser les humains mourir de faim parce qu'ils se sont retrouvés à court de nourriture après avoir nourri les bêtes démoniaques. Idéalement, il faudrait que ce soit du poisson ou quelque chose qui est rarement utilisé comme nourriture.

— Il semblerait que les goûts de ces créatures ne soient pas si différents des nôtres, mais les rapports indiquent qu'ils ne ressentent pas trop l'aigreur.

— Dans ce cas, quelque chose comme la méduse de Nomura pourrait être une bonne idée. Vraiment, n'importe quoi en grand nombre et qui émet une horrible odeur d'ammoniac. Leur nombre a récemment explosé, alors la quantité ne sera pas un souci.

— Je vais nous en faire apporter d'un de nos bassins.

— ... Vous avez un aquarium construit sous le siège de votre société ?

Tandis que nous attendions l'arrivée du camion, nous échangeâmes nos avis sur le sujet. La discussion était comme un échange entre deux cultures différentes et cela nous inspira grandement. Il était étrange à quel point nos avis divergeaient malgré le fait que nous tentions tous deux d'atteindre le même genre de saveur.

Quand la méduse de Nomura arriva enfin, Koitarô-san fronça légèrement les sourcils et jeta un regard réticent en direction de son couteau.

— Si vous ne voulez pas que l'odeur immonde n'emplisse l'endroit, je peux vous préparer une cuisine et des ustensiles.

— Non, c'est ma cuisine. J'utiliserai mes ustensiles.

— Alors que devons-nous faire pour rendre cette méduse délicieuse tout en ignorant l'aigreur à l'intérieur ?

— C'est comme une boule gorgée d'eau, si on la fait chauffer, ça va l'aplatir. Nous n'allons pas avoir d'autres choix que de l'utiliser crue.

— Alors une sorte de sashimi ?

— Ou on pourrait en utiliser une plus grande quantité et préparer quelque chose de semblable à un chirashizushi. Mais du coup, on va devoir chercher un autre aliment peu utilisé pour remplacer le riz.

Plus tard, nous rassemblâmes des choses comme des herbes qui se répandaient trop et qui réduisaient les tubercules de pommes de terre dans le désert ainsi que des fruits comestibles qui ne semblaient pas d'apparence comestibles.

— ... On pourrait sûrement faire une salade avec tout ça.

— Après toute cette discussion sur le sushi façon Edo, on va se retrouver avec quelque chose comme ça ?

— En fait, je pense que nous devrions rester sur l'idée de la méduse. Si nous rassemblons trop de choses qui ne se mangent pas habituellement, l'amertume risque de rester.

— Cacher ces saveurs se fait habituellement avec de la sauce soja au wasabi.

— Que ! Non, non ! Les bêtes démoniaques ne supportent pas les épices. Les données indiquent que ça les rend folles de rage ! Il y a un rapport décrivant les résultats désastreux obtenus après en avoir nourri avec de la nourriture indienne !!

— Tss. Dans ce cas, on pourrait utiliser du gingembre vinaigré pour adoucir le goût...

— Je vous ai déjà dit qu'elles ne ressentent pas l'aigreur.

— Et qu'est-ce que je suis censé faire dans ce cas ?! Si les bêtes démoniaques aiment le sucre, alors on devrait leur donner des glaces ?!

— Hmm...

Je pianotai sur ma tablette tactile avec mon index.

— J'ai dit qu'elles ne ressentaient pas l'aigreur, n'est-ce pas ? Il semblerait que c'est parce que leur système digestif est suffisamment puissant pour qu'elles puissent ignorer ce genre d'alertes.

— Et donc ?

— Il semblerait qu'elles apparaissent souvent dans les décharges publiques. Il est possible qu'elles raffolent de nourriture avariée.

— Vous vous moquez de moi ? En tant que chef sushi, la fraîcheur, c'est ma raison d'être.

— Considérez ça comme de la nourriture fermentée. Vous pouvez y arriver si vous vous dites que c'est comme du fromage ou du natto, non ?

— Je m'en fiche !! S'ils aiment tant l'odeur du pourri, pourquoi ne pas les nourrir avec un chiffon imbibé de lait ?! Non, une seconde. Ça serait du gâchis. Mais on pourrait utiliser du lait de chèvre, vu que les hommes n'en boivent jamais !!


Quelques temps plus tard, l'idée de Koitarô du « Bâton tordu japonais » sauva l'Afrique Centrale de la crise et devint une lueur d'espoir contre les bêtes démoniaques.

La grande chaîne de sushi sur tapis roulant qui détenait le brevet en profita grandement et devint la deuxième plus grande chaîne de restaurants au monde. Koitarô fut nommé pour le Prix Nobel de la Paix, mais il s'entêta à refuser. Son nom devint connu dans le monde comme l'icône du dandy japonais têtu comme une mule, une personnalité qui avait survécu au 21è siècle.

— Ahh, comme c'est merveilleux. Le monde est en paix et ma société a gagné de grandes parts de marché dans le secteur de la défense nationale et dans l'industrie de l'armement. Koitarô-san, votre façon de refuser le Prix Nobel a été particulièrement déplacée !! Hein ? Vous semblez contrarié. Un problème ?

— Votre sushi façon Edo est désormais le plus vendu au monde. Je crois que j'ai sérieusement perdu confiance en moi...


  1. Référence au manzai, forme de comédie au Japon qui implique généralement un duo comique : le tsukkomi, le personnage sérieux, intelligent, rationnel, et le boke, le personnage frustre, outrancier et désordonné. Nandeyanen est le tsukkomi classique dans le dialecte du Kansai.
  2. Sushi « éparpillé », c'est-à-dire un simple bol de riz sur lequel sont déposées les garnitures.


Fichier 19 : Il est urgent d'unifier les normes[edit]

On était au beau milieu de la nuit, mais mon portable sonnait.

J'entendis la voix endormie de mon petit frère venir du lit en-dessous du mien.

— Grande soeur. Ton téléphone sonne.

— Le tien aussi. C'est quoi ? Une autre alerte au méchant mystérieux ?

— T'es une magical girl, non, grande soeur ? Tu peux pas y faire quelque cho... Zzz zzz.

— Je suis en charge des monstres surnaturels, ces créatures contrôlées par les ténèbres. Les méchants mystérieux sont de ton ressort, non ? Dépêche-toi de tirer la sonnette d'alarme pour appeler ce motard.

Si je retirai mon bonnet de nuit et me changeai dans mon costume de magical girl, j'avais l'impression que c'était comme admettre ma défaite. Je tirai la couverture par-dessus ma tête sur le lit du dessus.

Juste après, j'entendis un grondement au loin. Ce n'était pas un tremblement de terre. Les vibrations à intervalle régulier secouèrent notre petite maison.

— Grande soeur.

— C'est au groupe des cinq personnes en collant de s'occuper des démons qui se sont transformés en géants ! Arg ! Pourquoi ils prennent pas leur robot combiné avec eux quand ils partent de leur base secrète ?! Et puis, pourquoi ils le combinent pas dès le départ ?!

Plus d'un type de méchants arpentaient ce bas monde et ils avaient chacun leur propre faiblesse. Une seule et grande organisation telle que la police ou l'armée ne pouvait pas se charger d'eux.

Tout comme la police était faite pour attraper les criminels, les magical girls s'occupaient quant à elles des monstres surnaturels, les motards des méchants mystérieux, et les groupes de cinq personnes en collant des démons.

Une unification des normes avait été accomplie jusqu'à un certain niveau, mais cela n'allait pas plus loin.

Vu que les alertes envoyées aux portables provenaient de diverses organisations différentes, ils sonnaient à longueur de journée.

Je jetai un regard à travers la fenêtre d'où la lumière de la lune emplissait la pièce et j'aperçus quelqu'un atterrir sur la balustrade du balcon. L'étrange personne semblait être sur le point d'ouvrir la fenêtre et d'entrer, alors je pris l'initiative et m'adressai à lui.

— ... À quoi vous jouez ? On est au Japon ici. On n'a pas besoin d'Occidentaux en collant.

— Désolé, mais nos problèmes ont déjà atteint l'échelle mondiale. Ce n'est plus le moment de faire l'autruche.

— Grande soeur. J'ai reçu une alerte de l'étranger.

— Clique pas dessus ! Ne fais rien avant de savoir si tu vas pas devoir payer du hors forfait !!

Je n'eus pas d'autres choix que de consulter le manuel en ligne du portable pour vérifier si cela allait engendrer du hors forfait.

Pendant ce temps, je me rappelai que j'avais un test d'anglais le lendemain.

— Hé, la magical girl du Cool Japan[1].

— Qu'est-ce qu'il y a, le macho de comics américain ?

— J'ai l'impression qu'un de vos potes robot géant a commencé une guerre d'indépendance là-haut en orbite autour de la Terre.

— Hein ? Je croyais que les robots tombaient dans la catégorie des héros qui se transforment ?

— Un garçon qui vivait une vie complètement normale jusqu'à hier s'est retrouvé on ne sait trop comment dans un robot humanoïde et ça a activé des nouvelles fonctionnalités encore jamais vues auparavant, mais je suppose qu'on pourrait le prendre pour un des robots de ce groupe en collant.

— Bah, de l'extérieur, difficile de dire qui est à l'intérieur.

— En parlant de ça, je ne comprends pas comment vous autres magical girls faites pour garder l'anonymat. Vos visages sont complètement visibles.

— On y arrive plus ou moins grâce au pouvoir de l'amour. Enfin bref, comment ça se passe avec le robot là-haut ?

L'occidental en collant leva les yeux vers le ciel nocturne.

— Ceux qui ne peuvent pas résister plus longtemps semblent être sur le point de descendre sur Terre. Ces robots tombent sous la juridiction du gouvernement japonais, alors je me demande comment ils vont régler ça.

— Ils ne peuvent pas continuer ça dans l'espace ?!

— J'aimerais bien savoir pourquoi les gens de ce pays qui sont en charge des problématiques spatiales semblent ne jamais rater une occasion de balancer de gros robots sur Terre depuis l'espace.

J'ignorais pourquoi il me posait la question à moi. J'étais une magical girl. Je frappai légèrement mon lit et le représentant des garçons, mon petit frère, ouvrit sa bouche mollement dans le lit du dessous.

— Fnyahh. C'est parce qu'ils ont des rêves...

— Hm. Peut-être que c'est comme le gringalet qui veut se la jouer devant le capitaine de l'équipe de foot.

Tandis qu'il était en admiration devant des concepts occidentaux, de nouvelles alertes arrivèrent sur nos portables, les faisant sonner, encore et encore.

— La ferme... Vous pouvez pas faire quelque chose pour ça ?

— Ce sont des messages d'urgence, alors on ne peut pas les désactiver comme ça.

— Oui, mais dans ce cas, on pourrait pas tout unifier de façon à ce que tout soit réglé avec une seule alerte ?

— Qu'est-ce que tu racontes ? Les gens en collant et les magical girls ont leur propre scène où briller. On peut pas nous demander de tout résoudre en un épisode de 30 minutes.

— Certes. Mais peut-être que ça serait pas une mauvaise idée de faire des crossovers de temps à autre.

— Excuse-moi, mais je ne suis pas encore tombé si bas au point d'enlacer une gamine comme toi.

— Han, tu vas voir !! Je vais te montrer pourquoi les magical girls du Japon sont des sources de revenus stables pour l'industrie du divertissement !!

— Fgyaahhh !! Mais laissez-moi dormir. Je vais appeler le motard !!

Visiblement, mon petit frère dans le lit du dessous avait tiré la sonnette d'alarme. Les portables étaient déjà bien pénibles, mais une autre sonnerie assourdissante s'ajouta à la cacophonie ambiante.

J'entendis la porte d'entrée être enfoncée, quelqu'un grimper les escaliers, puis la porte de notre chambre s'ouvra brusquement. Un japonais en collant au volant d'une moto géante entra dans la pièce.

Je me saisis instinctivement de ma baguette magique.

— Le bruit que fait ce moteur est des plus pénibles !! Il est temps de se mettre en phase avec son temps et d'utiliser un moteur électrique !!

— C'est pas le moment pour ça !! La situation a vraiment empiré dehors !!

— Je croyais que vous étiez en charge des méchants en collant de ce pays ? demanda l'occidental en collant.

Cependant, ce n'était apparemment pas là où voulait en venir le motard.

— Mes méchants mystérieux, ses monstres surnaturels, et les démons du groupe des cinq se sont unis avec l'armée du robot pour gagner leur indépendance vis-à-vis de la Terre !!

— Ils se sont unis ?!

— En plus de ça, ils ont fait pression sur l'UE pour qu'ils jugent Sôma Industries pour concurrence déloyale. C'est la principale société de défense qui développe et nous fournit nos équipements. Si ça continue, ils risquent bien de devoir payer des milliards d'euros d'amende en plus d'être obligés de partager leur savoir technologique !! Le groupe n'aura alors plus qu'à mettre la clé sous la porte !!

— Geh ! Ma société de divertissement appartient également à Sôma Industries, non ?!

— Tu t'en sortiras même sans ! Qu'est-ce que je suis censé faire pour ma moto, moi ?!

— Ben ça alors. Le Japon n'accorde pas beaucoup d'importance à sa défense nationale. Si vous voulez mon avis, il faut garder à l'esprit que quand il est question de développement militaire, les sociétés sont bien plus que de simples sociétés. Et donc, ça ne sera pas si-...

— Hé, le comics boy américain. La société d'armes à feu qui est ton principal sponsor vient tout juste d'avoir à rappeler deux millions d'unités. Je suis sûr qu'ils vont réagir, mais leur action s'est écroulée. Tu crois vraiment que ce film sur toi est encore d'actualité ?

— Fwoooooooooooooooooooooooooooohhhhhhh !!

Le cri de détresse de l'homme en collant résonna dans la nuit.

Hélas, une magical girl ou quelqu'un en collant ne pouvait rien faire pour ces histoires de gros sous. Tout comme les policiers étaient en charge des criminels et non des méchants mystérieux, les héros déguisés comme nous n'avions aucun moyen de résoudre des problèmes de prix d'action ou de récession mondiale.

Alors que les héros protecteurs du monde se turent et se demandaient quoi faire...

... La porte de la pièce s'ouvrit brusquement.

Debout là se trouvait le pilier de ma famille à l'apparence minable. Il portait des lunettes, un costume décrépi et avait une mèche rabattue, mais il serra sa cravate avec une vive énergie.

Cet homme de 45 ans qui semblait avoir passé sa vie comme chef de service dans une société de second rang après avoir obtenu son diplôme dans une université de seconde zone se mit à parler.

— Papa va aller se battre, alors ne vous en faites pas. Retournez juste dormir.

Les héros semblaient être étrangement monnaie courante.

Tous les jours, des gens jouent leur vie dans leur domaine de compétence.


  1. Le concept du Cool Japan a été inventé en 2002 par le gouvernement japonais pour promouvoir la culture japonaise à l'étranger


Fichier 20 : Toutes sortes d'offrandes[edit]

Quand je revins de mon voyage scolaire à Kyoto, une étrange fille se trouvait dans ma chambre.

Elle avait l'air typiquement japonaise.

Cependant, elle semblait d'une certaine façon bien plus extravagante qu'une simple prêtresse.

— Ah !! Je n'en reviens pas ! Elle disait donc vrai. Tu m'as moi, alors comment oses-tu revenir à la maison avec l'odeur d'une autre femme comme si de rien n'était ?!

— ... Hum, à qui ai-je l'honneur ?

— Sakuya ! Sakuya Konohana-hime !! Je ne te laisserai pas dire que tu ignores que je suis vénérée dans le temple du coin !! Tu me pries tous les ans pendant ta visite du Nouvel An, et c'était grâce à ma divine protection que tu as pu passer tes concours d'entrée au collège ! Et toi... Et toi... Wahhh !! Je n'arrive pas à croire qu'un de mes précieux fidèles soit tombé sous le charme d'une femme qu'il a rencontrée pendant un voyage !! Je me suis faite NTR[1] !!

Elle semblait proférer des choses horribles à mon encontre, mais elle était semble-t-il également une déesse. Une déesse japonaise. Mais c'était quoi cette histoire comme quoi je l'aurais trompée ?

— Ne joue pas au plus fin avec moi !! Tu suintes l'odeur de la protection divine d'une autre déesse !!

— Une protection divine ?

— Exactement, une protection divine !! Tu as visité plusieurs temples Shinto et bouddhistes quand tu étais à Kyoto, pas vrai ?! Et tu as jeté des tonnes de pièces dans chacune des boîtes à offrandes !! T-Tu m'as trahie... T'as déjà une déesse comme moi, et toi, tu vas quand même chercher la protection divine de toutes sortes d'autres déesses !! Je n'en reviens pas !!

Tout en gémissant, Sakuya Konohana-hime (une déesse) me brossait violemment les épaules et le buste. C'était comme si elle tentait d'enlever le pollen en début de printemps. Peut-être qu'elle essayait de faire partir cette « odeur » de moi.

Mais si les offrandes étaient interdites, alors...?

— Hum.

— Quoi ?!

— À tout hasard, je n'étais pas censé acheter de charmes non plus ?

— Gyaaaaaaaaahhhhhhhhhhh !! Suinter la protection divine d'une autre déesse ne t'a pas suffi, il fallait en plus que tu achètes un a-a-accessoire...?!

— Je me suis dit que ça ferait un bon souvenir de Kyoto.

— Ils ont des choses plus sûres comme les yatsunashi[2] !! Au fait, je les préfère nature !!

— Tiens.

Je tendis une boîte de couleur pâle à l'étrange déesse. Il semblerait que cela mit Sakuya-hime de meilleure humeur. Elle prenait apparemment ça comme une offrande.

Pendant que la déesse dévorait la pâtisserie japonaise, elle dit :

— Franchement, c'est ridicule de se dire d'acheter un charme « tant qu'à faire » en visitant un temple. Ce genre de choses dénature la voie suivie par ta vie en utilisant la protection divine du dieu du temple. Si tu en achètes un sans but précis, tu vas finir par t'écarter de ton chemin.

— Il n'est pas préférable d'avoir autant de bonne fortune que possible ?

— Idiot. Tu peux dériver du droit chemin en faisant les choses trop bien. Le destin tragique de l'homme qui gagne au loto est monnaie courante. Les japonais ont la malheureuse habitude de ne s'en remettre qu'aux dieux quand ils ont des problèmes, mais c'est comme ça qu'il faut penser quand il est question de ce genre d'objets. Pendant la révision de ses examens, on achète un charme académique. Quand on est à la recherche d'un travail, on achète un charme d'affaire. Et si on fait accidentellement tomber enceinte sa petite amie, on achète un charme pour un accouchement facile. Le vrai rôle des charmes est d'encourager la bonne fortune pendant ces instants occasionnels et difficiles. Ce ne sont pas le genre de choses qu'on peut acheter bon gré mal gré pour en faire des straps de portable.

— Oh, je vois.

— Et c'est pour cette raison que je vais confisquer ce charme !! Il me tape vraiment sur le système. Je ne peux tout simplement pas te pardonner le fait que tu te couvres de l'odeur de la protection d'une autre déesse !!

La déesse arracha de mes mains le charme, poussa un cri de colère, et le jeta dans un coin de la pièce.

Mais c'est alors que le charme se mit à briller.

— La jalousie d'une déesse est un bien triste spectacle. Tu vas causer des catastrophes inutiles, alors arrête-toi, dit une nouvelle voix.

Avec un bruit visqueux, le bras d'une femme sortit soudain du charme qui était trop petit pour contenir ne serait-ce qu'un portable. En un rien de temps, une épaule, un visage, et un buste suivirent. Quelques secondes plus tard, une déesse tout entière était sortie.

Sakuya Konohana-hime fit claquer sa langue.

— Alors te voilà, sale voleuse !!

— Je préfèrerais que tu m'appelles Kushinada-hime. Et tu es bien trop intolérante. Ne t'énerve pas autant juste parce qu'il a jeté deux, trois pièces dans une boîte à offrandes pendant un voyage.

— Ce fidèle se contente toujours de suivre le mouvement, alors il faut que je l'arrête tant que c'est encore possible ! Il vient juste de déposer de l'argent dans la boîte à collecte à côté de la caisse enregistreuse de la supérette !!

Je levai la main et posai une question.

— J'ai une question. Les boîtes à offrandes et les boîtes à collecte sont complètement différentes, non ?

— L'ONG à qui va l'argent collecté est une filiale d'une organisation bouddhiste. Alors vu de façon plus globale, c'est une sorte d'offrande.

— Je pense aussi que ça leur permet d'obtenir des réductions d'impôts en tant qu'organisation religieuse. Mais quoi qu'il en soit, j'ai l'impression que la réaction de Sakuya Konohana-hime est comme épidermique...

— Quoi ?! Dans ce cas, et si je te disais que ce fidèle jette toujours des pièces dans une fontaine dès qu'il en voit une ?!

— Ça le rendrait coupable.

Coupable ? ... Mais pourquoi les gens ressentaient-ils le besoin pressant de jeter des pièces dans l'eau ?

— Alors que fais-tu ici, Kushinada-hime-san ?

— Le « hime » signifie princesse, alors il n'est pas nécessaire d'ajouter le suffixe honorifique « -san » en plus. Ce serait comme s'adresser à son professeur avec « sensei-san ».

— Très bien, Kushinada-hime.

— Kyaaahh !! Il a dit mon nom sans suffixe☆

— Saletééééééééééééééééééé !! cria de rage Sakuya Konohana-hime.

M'étais-je fait avoir ?

Sakuya Konohana-hime pointa son index en direction de Kushinada-hime.

— T'es venue ici pour annoncer qu'il était à toi, pas vrai ?! Pendant que j'étais partie pour le Kannazuki[3], tu me l'as chipé sans vergogne ! Je me suis dépêchée de revenir après avoir entendu quelqu'un se vanter dans le Royaume Izumo, et voilà ce que je trouve ?!

— Exactement. Et brosser les épaules de mon fidèle ne fera pas partir ma protection divine. Hi hi hi.

— C'est pas ton fidèle !! C'est le mien !!

Le boucan devait être devenu trop fort parce que j'entendis le bruit d'une fenêtre de la maison à côté s'ouvrir. Mon amie d'enfance, Tanaka-san, une fille qui allait dans une école différente de la mienne, en sortit la tête.

— Hé, c'est pas bientôt fini, oui ? Et où est le yatsuhashi nature que tu m'avais promis ?

— Une déesse est en train de le manger.

Je pointai du doigt et les yeux de Tanaka-san s'écarquillèrent de surprise.

— T'as ramené avec toi deux déesses bizarres de ton voyage ?! Me dis pas que ce sont des souvenirs !!

Pendant ce temps, les poils des déesses s'hérissèrent.

— Quelqu'un qui appartient à un Inugami[4] ?! Tu ne vas tout de même pas t'opposer à un véritable dieu avec ça, chien !!

— Je crois qu'un Inugami est plus un Yôkai[5] qu'un dieu.

— Un Inugami ? Qu'est-ce que vous racontez ?

Je me souvenais vaguement que Tanaka-san possédait un golden retriever futé d'un âge inconnu prénommé Jason-kun. Elles parlaient de lui ?

— ... Si ça continue, je ne serais pas surprise qu'un Tsukumogami[6] fasse son apparition.

— Ces esprits anthropomorphiques sont vraiment problématiques. Ils ne laissent jamais de marbre avec leur caractérisation.

Les deux déesses commencèrent à s'inquiéter, mais quelque chose de bien différent de leurs peurs arriva.

Soudain, une fille au teint mat et vêtue d'une robe très osée entra en trombe par la fenêtre sans crier gare.

— Bonjour. Je suis Lakshmi-chan d'Inde.

— Ne traverse pas l'océan sans prévenir !! On essaye tant bien que mal de mettre en place un univers japonais ici !!

— Hein ? Quand est-ce que c'est à mon tour ?! cria Tanaka-san, mais avec tout ce qui se passait, personne ne lui prêtait la moindre attention.

— Eh bien, le syncrétisme du Shinto et du bouddhisme a conduit au mélange des deux et le bouddhisme et l'hindouisme se sont pas mal mélangés en Inde, alors il y a un lien. Et je rentre parfaitement dans la catégorie des dieux japonais grâce à Kisshôten des Sept Dieux de la Fortune.

— Tss !! Alors t'es une déesse de la bonne fortune et tu montres autant ta peau ! C'est pas le moment pour l'apparition d'une déesse aussi redoutable !!

— Ce nouveau personnage semble tout droit sorti d'un light novel qui a cédé aux sirènes du fan-service après avoir échoué à la mise en place d'une histoire sérieuse.

Mais pourquoi Lakshmi-san (une déesse) avait traversé l'océan pour venir chez moi ?

Quand j'eus posé la question, Lakshmi-san (une déesse de la fortune) sourit et dit : — Eh bien, fidèle...

— C'est mon fidèle !! L'appelle pas comme ça !!

— Je suis venue t'apporter le malheur.

— Oh, je croyais que t'étais une déesse de la bonne fortune.

— La petite sœur Kokuanten est une déesse qui retire la bonne fortune, mais elle n'était plus en état de le faire vu qu'elle ne tenait plus en place et était trop gênée pour apparaître devant toi. Je pense qu'elle est peut-être tombée amoureuse de toi. Et donc, j'ai été chargée de reprendre la bonne fortune à sa place, fidèle. En deux mots, tu t'accapares trop de déesses☆ Si rien n'est fait, tu pourrais te retrouver tout en haut de l'échelle de l'humanité et la population terrestre de 7 milliards d'êtres humains pourrait se retrouver unifiée en une seule personne. C'est pour cette raison que je suis venue mettre fin à ça.

— Tu dis ça, mais vous avez juste l'intention d'entourer mon fidèle, toi et ta soeur, en prétextant une surveillance constante, pas vrai ?

— Bien entendu. Les déesses sont des chaudasses, elles aussi☆

— Saleté !! Dis pas ça avec un grand sourire aux lèvres !!

— Hi hi. Oh, fidèle. N'as-tu jamais rêvé de coucher avec deux sœurs en même temps ?

— Ne te laisse pas avoir !! Kokuanten est peut-être une petite sœur, mais elle est connue pour être moche comme un pou !!

Non.

Hum.

J'avais une question sur un tout autre sujet.

— Kushinada-hime, tu es venue ici parce que j'avais fait une offrande dans ton temple, pas vrai ?

— Il y a aussi le charme.

— Et Sakuya Konohana-hime, pour toi, c'était les offrandes que j'ai faites tous les ans pendant ma visite du Nouvel An, n'est-ce pas ?

— N'oublie pas que cet endroit tombe sous ma juridiction !!

— Et toi, c'est quoi ta raison, Tanaka-san ?

— Hein ?! M-Ma raison ?!

À travers la fenêtre, je pouvais voir Tanaka-san, hésitante, tentant de chercher ses mots dans la maison voisine, mais son golden retriever, Jason-kun, sortit d'un placard en disant :

— Un Inugami ne cherche qu'à réaliser les désirs de son maître, et en l'occurrence, c'est toi ici.

— Et enfin, Lakshmi-san, tu es venue te charger de ma bonne fortune, hein ?

— Oui.

— Alors... Hum...

— Quoi ? Quelque chose te dérange ?

Eh bien...

Ce serait mentir si je disais non.

— Bah, vous voyez, j'ai visité beaucoup d'autres temples Shinto et bouddhistes quand j'étais à Kyoto.

— Et donc ?

— Si j'ai fait des offrandes dans chacun d'entre eux, et pas seulement celui de Kushinada-hime, est-ce que chacune de ces déesses va venir chez moi ?

— ...

— ...

— ...

— Hum... dit Lakshmi-san comme si ça n'avait rien à voir avec elle. Le Kannazuki est sur le point de se terminer et donc, tous les dieux du Japon vont rentrer dans leur domaine respectif. Alors est-ce que tous les dieux de ce pays vont revenir du coup ?

J'entendis un grand bruit comme si une grande foule criait dehors.

Le bruit se faisait de plus en plus proche.

Sakuya Konohana-hime et Kishinada-hime échangèrent un regard et parlèrent.

— ... C'est la guerre.

— Oui. Une guerre a éclaté.


  1. Acronyme japonais pour Netorare, utilisé pour définir un certain genre de jeux érotiques où l'être aimé du personnage principal se retrouve séduit ou pris par une autre personne. Cela est censé produire un sentiment de jalousie chez le joueur/lecteur.
  2. Gâteaux japonais, spécialité de Kyoto.
  3. Référence au dixième mois du calendrier traditionnel japonais. Signifie littéralement « le mois sans dieu ».
  4. Littéralement « dieu chien ».
  5. Désigne les esprits typiquement japonais, à rapprocher des monstres occidentaux.
  6. Selon une croyance japonaise, cela désigne un objet ayant atteint les 100 ans et qui gagne alors une volonté propre.


Fichier 21 : Réfléchissons à une signification romantique en langage des fleurs[edit]

Grâce à toutes les fonctionnalités d'un smartphone dernier cri, j'utilisais 200% de ma concentration pour soulever subtilement la jupe d'une soubrette qui dormait à l'écran. Mais c'est alors qu'une de mes kôhai (une fille donc) s'adressa à moi de derrière.

— Senpai, on est mal !! La BU s'est transformée en jardin botanique !!

— G-Gahh !! N-Non ! C'est pas ce que tu crois ! Le code pour arrêter l'ultime arme Assault Noah est écrit en-dessous de sa jupe, alors j'avais une raison parfaitement honnête et légitime de faire ça ! J'avais pas d'idée derrière la-... Une seconde, quoi ?

— Je recommence, la bibliothèque universitaire s'est transformée en jardin botanique ! ... Et puis, pourquoi est-ce que tu ricanes en étant accroupi comme ça ?

Comme je ne voulais pas qu'elle s'y intéresse de plus près, je me dirigeai rapidement vers le bâtiment en question.

Et c'était exactement comme elle l'avait dit.

— Oh, eh ben ça alors. ... Ça, c'est quelque chose.

Comme ma kôhai l'avait dit, la bibliothèque universitaire s'était transformée en jardin botanique.

Et la plante à l'intérieur n'avait rien de normal.

— Waouh ! C'est quoi ce truc ?! On dirait qu'elle pourrait avaler un humain tout entier.

— A-Attends, senpai ! Ce sont des plantes genre, très, très grosses et carnivores. Si elles n'obtiennent pas assez de nutriments de la terre, on dirait qu'elles se mettent à attaquer toute chose vivante qui s'approche d'elles !!

Ma kôhai était du genre à qui les short-culottes allaient bien, mais était en fait une fille qui portait des shorts de cycliste. Je regardai dans la direction qu'elle pointait et aperçus un très grand nombre de containers remplis de nutriments percés ici et là par les plantes géantes. Je n'aimais pas trop me trouver près de ce genre de produits chimiques.

La bibliothèque était un genre de bâtiment moderne alors ses murs étaient entièrement faits de verre, les plantes pouvaient donc recevoir beaucoup de soleil. (De peur que le soleil n'abîme le papier des livres, chacun d'entre eux avait une couverture à UV par-dessus, mais j'ignorais si c'était vraiment efficace.) Les feuilles géantes des plantes gigotaient étrangement comme si elles venaient d'une île tropicale.

— Alors c'est quoi ça ?

— C'est encore un de leurs coups. C'était un autre cadeau pour l'exceptionnel département de géologie.

— Pourquoi est-ce que c'est toujours eux qui se font remarquer dans notre fac ? La majorité du budget leur est allouée et ils ont les meilleurs locaux.

— Les profs des autres départements ont même fait des apparitions à la télé pour tenter de faire bouger les choses, alors on est devenus comme un bureau pour personnalités du petit écran.

— Alors c'est quoi ce truc ?

— T'as entendu parler du tapage autour de l'astéroïde Vosne, pas vrai ? Il semblerait que des extraterrestres hors du Système Solaire ont mis au point une technologie pour transporter les choses. Avant, les communications se faisaient principalement par des données transitant par signaux électriques, mais maintenant, une route de commerce de 80 ans a été mise en place.

— Hein... Mais le côté qui reçoit les objets risque sa vie, non ? Il doit s'occuper de prendre en charge les objets tout en se coordonnant avec la vitesse phénoménale de l'astéroïde.

— Le pire est ce qu'en retirent les extraterrestres ! Ils ont l'astéroïde pour ramasser les débris sur le chemin puis les leur ramener !! Ils vont voler les technologies terrestres !!

— Ouais, mais le niveau de débris autour de la Terre est à un seuil critique, alors ils ont dit que ça pourrait très bientôt avoir des effets néfastes sur l'industrie aérospatiale. Donc c'est plutôt une bonne nouvelle qu'ils nous en débarrassent, non ?

— T'es trop naïf, senpai ! C'est peut-être juste des déchets pour nous, mais ça pourrait bien être la pièce qu'il manque aux extraterrestres pour finaliser une technologie redoutable !!

— Bon, et sinon, c'est quoi ce truc ?

— Il y a une promo sur les brochets de maquereau à la supérette du coin, alors...

— C'est quoi ça ? C'est quoi ça ? C'est quoi ça ?! C'est ! Quoi ! Ça ?!

Ma kôhai n'aimait pas la poussière qui s'envola dans l'air pendant que je piquais ma crise, alors elle finit par me donner la réponse que j'attendais.

— Apparemment, c'est un cadeau de la part des extraterrestres.

— Et qu'est-ce qu'il fout dans la BU ? Normalement, ce genre de choses devrait être expédié dans une pièce fermée à clé de notre exceptionnel département de géologie.

— L'équipe de recherches de notre fac a mis la main dessus en premier, mais ils ont rencontré un problème.

— On est le club de littérature. Alors pourquoi on a été impliqués ?

— C'est une plante, alors il fallait trouver une signification à cette plante en langage des fleurs.

— ...

Hein ?

Mais avant que je puisse exprimer ma confusion, ma kôhai se gratta doucement la joue avec son index.

— J'ai réagi de la même façon quand ils me l'ont dit. Mais visiblement, c'est la vérité.

— Mais...

Mon regard fit l'aller-retour entre la fille en short de cycliste et les plantes carnivores géantes.

— On peut vraiment faire ça si facilement ?

— On dirait que le langage des fleurs n'est pas quelque chose qui a été décidé par un groupe en particulier. Je ne m'y connais pas vraiment moi-même, mais il semblerait que chaque pays et culture ait leur propre signification pour une même fleur. Ils veulent qu'on trouve quelque chose même si c'est seulement pour cette fac, mais l'exceptionnel département de géologie n'y connait rien, alors ils ont jeté l'éponge.

— Je vois. C'est sûrement quelque chose de peu précis, non ?

— Je veux qu'on se débarrasse de ce truc au plus vite, alors dépêchons-nous de lui donner une signification.

— T'as pas tort. ... Hum, c'est une plante carnivore géante, pas vrai ? Qu'est-ce que tu dis de « qui dévore la chair » ou... Vofowaaaah ?!

— Wahhh !! Senpai est en train de se faire manger la tête !!

Il semblerait qu'elle n'aimait pas ça, alors j'avais failli être dévoré tout cru.

— Quoi, la fleur peut réagir ?!

— Donnons-lui un sens romantique ! Je suis sûre que ça lui plaira !!

— O-Ouais, mais qu'est-ce qui pourrait coller à une fleur aussi grotesque ? Quelque chose comme « qui attire les mouches avec son odeur » ou... Mochuuuu ?!

— Senpai, un peu de respect !!

La fille en short de cycliste sortit un livre sur le langage des fleurs dans une étagère remplie de livres de référence illustrés.

— Tu vois ? C'est rempli de mots cul-cul la praline comme « Je t'aime » ou « Je te jure l'éternité » !! C'est sûrement ce qu'elle veut qu'on lui donne !

— T-T'aimes les histoires à l'eau de rose, alors tu serais plus apte que moi pour cette tâche, non ?

— Oh allez quoi ! Qu'est-ce que tu racontes ?!

— Idiote ! Sois plus prudente avec ce gros bouqu-... gbeffh ?!

Comme continuer comme ça n'allait que mettre ma vie en danger, je n'eus pas d'autres choix que de sortir une feuille de papier et un stylo bille de mon sac. Ces significations tournaient généralement autour d'une simple idée. Et elle devait être le plus romantique possible. Qui plus est, celle-ci devait symboliser cette fleur monstrueuse.

— ... P-Pourquoi pas « perfection absolue » ?! Dobyarjaaaa ?!

— Mentir effrontément ne passera pas, senpai !!

— Bhuh... D-Dans ce cas, qu'est-ce que je suis censé faire ?! Il faut que je me base sur ce truc !! J'arriverai jamais à trouver une belle signification à cet-... Nchrwaa !!

— Il semblerait qu'elle tienne à ce que ce soit toi qui choisisses, senpai !!

— Bah, je pourrais y aller plus classique et choisir quelque chose du genre « t'es moche mais je t'aime quand mê- »... Gyagyavaaa !!

— Je crois qu'elle veut quelque chose de plus gentil, senpai !!

— Ton côté naturel laisse ta véritable beauté se... byaaaahhh ?!

— C'est trop gentil, senpai !!

— Bubyargyaaaaahhh !!

— Senpai !!

— ...!!

— ?!


Un vieil homme en blouse blanche de l'exceptionnel département de géologie vint récupérer les plantes carnivores géantes.

— Alors qu'avez-vous décidé pour la signification de cette plante ?

— Haa, haa... « Considérez-moi telle que je suis. »




Fichier 22 : La leçon la plus appréciable du monde[edit]

La beauté en tablier et la poupée mal faite étaient tout sourire comme d'habitude !!

Dans un laboratoire où les quatre murs étaient peints en bleu clair, une jeune femme était adossée à un tableau (dans le même genre qu'un écran utilisé pour afficher des images comme les cartes des bulletins météo) géant.

— Bonjour. C'est l'heure d'une nouvelle expérience excitante avec Kyômi-onee-san et Lance-kun.

— Dis, onee-san. Pourquoi cette émission n'a jamais été annulée ? Normalement, ce truc ne devrait pas être autorisé à être diffusé sur une chaîne terrestre et on a reçu plus de 8 000 plaintes à ce sujet !!

— Quand ce nombre aura dépassé les 10 000, on aura droit à une émission spéciale de deux heures. Qui plus est, c'est une émission pédagogique publique, alors l'avis des téléspectateurs importe peu. Les audiences n'ont d'influence que quand il y a des sponsors derrière.

— Dis pas de bêtise. Même les chaînes publiques se doivent d'attirer les téléspectateurs !!

La jeune femme ignora le très vigoureux Lance-kun, et croisa les bras de façon à mettre bien en avant ses gros seins. Elle adressa ensuite un baiser en direction de la caméra.

— Bon, le thème du jour est... tadam ! On va créer un micro big bang artificiel !! Boum boum boum boum pan pan pan pan !!

— J'appelle ça une très mauvaise idée !! On peut pas faire ça, onee-san ! Si on réussit, la galaxie tout entière sera aspirée !!

— Aurais-tu manqué le mot « micro » juste avant ? Tout ira bien.

— C'est pas le problème ici !! C'est pas conforme à la JIS[1] !! En fait, est-ce que c'est vraiment raisonnable un big bang ?!

— Un big bang est en réalité très simple à reproduire. Pour ta culture générale : on peut créer un big bang avec des objets du quotidien.

— C'est flippant !!

— Tout ce dont on a besoin, c'est de matière et d'antimatière. Mais je ne parle pas d'annihilation quantique ici. Il n'y a pas tant d'antimatière que ça dans le monde, mais tout a été rassemblé quand le big bang s'est produit. Il faut qu'on commence par nous occuper de ça.

Pendant qu'elle parlait, la jeune femme montrait un schéma simplifié sur l'écran du genre tableau noir.

Lance-kun la poupée se mit à trembler et dit :

— T-Tu vas en créer un artificiellement ?

— Non, je ne vais pas faire quelque chose d'aussi pénible. Dis-moi, d'après toi, Lance-kun, où est-ce que l'antimatière a disparu après que l'univers fut créé ?

— Aucune idée. En fait, je pense que celui qui répondra à cette question aura mérité son Prix Nobel.

— S'il y a suffisamment d'antimatière pour toute la matière contenue dans l'univers, il devrait y en avoir assez pour créer un univers tout entier qui serait l'exact opposé du nôtre.

— Non, tu veux dire que...

— Alors tu ne crois pas qu'il y aurait quelque part un univers parallèle au nôtre qui serait entièrement constitué d'antimatière, Lance-kun ?! On n'a pas besoin de produire de force de l'antimatière juste parce qu'on vit dans un monde qui en est dépourvu ! Si on ouvre une petite brèche dans notre monde et qu'on récupère un peu de particules d'antimatière de l'autre côté, un big bang se produira de lui-même. Youpi !!

— Une petite minute. Je croyais que la thèse d'un monde entièrement constitué d'antimatière avait été réfutée ?

— On saura bien après avoir essayé.

— Pas de précipitation ! Et puis, quand tu dis « ouvrir une petite brèche »...

— Ok, afin de créer un trou de ver, je vais maintenant fabriquer un micro trou noir.

— Rien que ça suffirait pour se voir décerner un Prix Nobel !! Et je croyais que l'UE avait le monopole sur les micros trous noirs !!

— Et voilà avec quoi on va préparer tout ça !!

Kyômi-onee-san claqua des doigts et les quatre murs de la pièce tombèrent.

La surface visible augmenta considérablement.

Ce qui se trouvait derrière était un espace vert comme si c'était une ferme.

— Un énorme accélérateur de particules ! Le gros de l'engin se trouve sous terre, alors on ne dirait pas qu'il est là comme ça. Tout le monde connaît ceux qui sont de forme circulaire, mais ceux qui sont des capsules en forme de pistes d'athlétisme fournissent en réalité plus d'accélération au final. Mais il est préférable de changer de chemin comme les rails d'un train☆

— Personne comprend ce qui se passe, onee-san !! Comment t'as préparé tout ça ?!

— Hein ? Le mot accélérateur de particules peut sembler compliqué, mais le principe sous-jacent est relativement simple. Le véritable problème provient de la taille et de la précision, mais si on fait l'impasse sur la sécurité, on peut petit à petit en construire un sur terrain vague avec les déchets qu'on trouve ici et là.

— Waaahhh !! C'est pas le moment d'expliquer ça !!

La jeune femme retint la poupée avec sa main alors qu'elle tenta de lui sauter dessus. Elle ne s'arrêta pas un instant de sourire.

— Et voici le micro trou noir qu'on a créé. Techniquement, un micro trou noir n'apparaît que pendant quelques centièmes de seconde, alors l'engin a été maintenu dans un état où un micro trou noir peut être créé à n'importe quel moment. C'est comme la tension de surface qui maintient l'eau dans une tasse remplie à ras-bord.

— Dis pas ça comme si on était en train de monter une étagère un jour de congé !!

— Oui, oui. Le trou noir que nous avons créé a été ajusté de façon à ce qu'il devienne le point de liaison entre le monde de matière et l'autre d'antimatière, si tant est que ce dernier existe vraiment. Il absorbera la matière et l'antimatière de chacun des deux côtés et entrera dans un état de très haute température où tout sera condensé en un point comme à l'époque du big bang !

Alors que la poupée écoutait la longue explication, elle leva les yeux en l'air comme si elle venait de réaliser quelque chose.

— H-Hein ? Tu veux dire qu'un big bang va vraiment se produire si tout se passe bien ?

— Ça ne sera pas si simple. Nous avons à peine réussi à ouvrir un trou de ver pour créer un chemin vers l'univers constitué uniquement d'antimatière. Ce qui se rassemble dans le trou noir des deux mondes est purement aléatoire. Si les conditions nécessaires ne sont pas réunies, il n'y aura pas de big bang.

— Hum ? L'autre côté est un monde d'antimatière qui serait l'exact opposé du nôtre, pas vrai ? Ce qui veut dire que...

— Oui, il peut y avoir autant de choses différentes qu'il y en a ici.

— Ça complique pas mal les choses, non ? Il faudrait qu'on rassemble des échantillons de toutes les substances de notre monde et qu'on les associe une à une avec l'antimatière récupérée, non ? C'est pire que d'essayer de forcer le code d'un coffre-fort.

— Au fait, combien de variations du plus petit élément constituant notre univers existe-t-il ?

— Hein ? Il y en a plus qu'il y a d'étoiles dans le ciel, non...?

— Quatre ! La force forte, la force faible, la gravité, et l'électromagnétisme.

— La probabilité que ça arrive vient tout juste de faire un bond en flèche !! Et puis, les bases du monde physique ne sont pas vraiment les bases ?! On peut les réduire à si peu ?!

— On est en train de préparer les conditions pour créer un big bang. Il y avait un commencement avant que les choses deviennent plus spécialisées. Aucune complexité n'est nécessaire.

— Une seconde, ça veut dire que tu vas maintenant essayer chacun d'entre eux jusqu'à ce que t'arrives à créer un big bang ? Attends, onee-san, attends !! C'est pas le moment de s'inquiéter pour l'audience ou le nombre de plaintes !

— Maintenant, la seule question restante est de savoir si le trou noir aura suffisamment de force d'attraction pour contenir l'explosion !

— W-Waaaaaaaaaaahhh !!!!!!

— Prêt, feu, boum !!!!!


Quand l'enregistrement de l'émission se termina sans retard, le membre du staff qui contrôlait la poupée parla en faisant bouger la bouche de la poupée qui recouvrait sa main.

— C'est tout ce qu'il faut pour faire un big bang ?

— J'ai dit que ça serait un micro, non ? Il ne reste pas suffisamment longtemps pour être visible à l'œil nu. Et un aussi petit ne s'échappe même pas du trou noir, alors même avec un véritable équipement de chercheurs, c'est impossible à observer. Les gens prennent ça un peu trop au sérieux quand ils disent qu'un trou noir généré dans un énorme accélérateur de particules va détruire la planète.

— Mais je pense tout de même qu'on va avoir droit à des plaintes. Ils vont nous dire qu'il ne s'est pas passé suffisamment de choses après tout ce battage.

— Haa... Les téléspectateurs sont vraiment ceux qui nous gouvernent, hein ?


  1. Acronyme de Japanese Industrial Standard (lit. Norme Industrielle Japonaise). Ensemble des normes industrielles japonaises.


Fichier 23 : L'Âge de Glace est vraiment là cette fois-ci[edit]

Cette conversation se déroulait dans le centre de recherche d'emploi de l'université.

— Non, je crois qu'il y a une chose que vous ne comprenez pas. Plus aucune société n'embauche de personnes sur leurs performances scolaires, dit une jeune réceptionniste sur un ton plus plat qu'un robot d'affaire.

Vêtu de mon costume d'entretien, je rétorquai frénétiquement :

— Une petite minute. Alors à quoi sert cette fac dans ce cas ?

— Qui sait. Je pense qu'elle doit sa survie uniquement à l'entêtement du gouvernement qui refuse de réformer le système. Rien de certain par contre. Votre portable a un dictionnaire intégré, n'est-ce pas ? Avec ça, on peut facilement s'intégrer à la société même avec une connaissance insuffisante des kanjis.

La réceptionniste ne paraissait pas très motivée tandis qu'elle sirotait du thé vert dans une tasse qu'elle tenait élégamment avec ses deux mains (mais son visage demeurait nonchalamment de marbre).

— Je sais parler quatre langues.

— On peut acheter une appli qui traduit en direct à partir de 20 langues et tout ça pour 4 500 yens. Le téléphone s'occupe de la parole et la caméra des textes, alors on peut obtenir d'excellentes traductions en temps réel. Combien de temps cela vous a-t-il fallu pour apprendre ces quatre langues ? Est-ce que le temps et les efforts que vous y avez mis valent moins de 4 500 yens ?

— O-On vit vraiment dans un monde très commode, dis-je de manière désespérée, mais la réceptionniste se contenta d'acquiescer.

Elle se mit à croquer un cracker au riz qu'elle avait posé à côté du comptoir.

— C'est vraiment le cas. Les gens qui ont créé ces applis ont sûrement cherché à nous faciliter la vie, mais en conséquence, ils ont créé une société où chaque type de talent et de valeur est à la portée de tous. Bref, nous sommes tous devenus égaux. Il n'y a plus d'individualité. ... Les humains sont tous ensemble et tous les mêmes. Mais c'est ce qui a compliqué l'embauche des gens. Comment est-on censé choisir un employé parmi tous les nouveaux diplômés qui sont tous exactement similaires ?

— Bah, si n'importe qui fait l'affaire, pourquoi ne peuvent-ils pas simplement m'embaucher ?

— Si n'importe qui ferait l'affaire, ils n'auraient pas besoin de recruter de nouveaux employés, espèce d'idiot. Il serait plus simple de laisser les employés actuels télécharger une nouvelle appli. Le coût du travail peut également être réduit, lui aussi.

Le taux d'embauche à la sortie de l'université n'était plus que d'un terrifiant 0,005% de son niveau d'antan.

Au vue de l'évolution de la société, cela n'avait rien d'étonnant. La véritable question était de savoir ce qu'il allait advenir de tous ces gens qui ne pouvaient pas trouver de travail.

— Cela me rappelle les émeutes des robots.

— Vous voulez parler de quand ces travailleurs artificiels pas chers piquaient le travail de tous les humains de chair et de sang, alors ceux qui prétendaient de ne pas pouvoir trouver de travail se sont révoltés ? Personnellement, je pense qu'ils auraient plus dû remettre en cause la vie qu'ils menaient et qui les a rendus indésirables plutôt que de s'en prendre à ces poupées fabriquées de toutes pièces.

— Mais ils ont obtenu une régulation du travail des robots après avoir occupé la rue principale de Nagatacho pendant deux mois. Maintenant que le nombre de robots par société est limité, nous vivons à l'ère des humains. Mais si une société utilise un seul employé avec trop d'applis, il va finir par se retrouver surmené, pas vrai ? Alors ils ont besoin au moins de nouveaux employés de temps à autre.

La réceptionniste sembla aussi inexpressive qu'un robot quand elle sortit un paquet de yôkans[1] du petit réfrigérateur à ses pieds (qu'elle avait fait installer pour elle).

— Payer des dommages et intérêts à un seul employé pour surmenage revient moins cher que de payer un salaire à des centaines d'employés.

— ... Alors les êtres humains sont traités comme des appareils jetables ?

— Les appareils comme les robots ont été bannis de la société, alors les humains ont dû prendre leur place.

Les sourcils de la réceptionniste eurent un mouvement compulsif alors qu'elle tentait tant bien que mal d'ouvrir le paquet de yôkans avec ses ongles bien coupés.

— Hum ? Mais je croyais que le souci des applis concernait uniquement les postes intellectuels. Qu'en est-il des métiers physiques ?

— C'est là que la combinaison que vous portez sous votre costume entre en jeu. C'est similaire à une appli vraiment efficace. La société n'a pas besoin de vous. Tant que tout le monde porte le même équipement, peu importe qui vous êtes vraiment.

— Gnhh ?! M-Mais j'ai foi en ma santé. Je ne parle pas de capacités athlétiques ici. Si vous voulez quelqu'un de stable pour du travail physique, il vous faut quelqu'un en bonne santé...

— Les applis de gestion de la santé sont partout grâce à cette appli populaire de régime alimentaire d'il y a quelques années qui a laissé tout le monde en mauvaise forme. Si on suit le régime alimentaire et les exercices physiques préconisés, n'importe qui peut être en bonne santé.

— D-Dans ce cas, quid des métiers artistiques...?

— Environ 80% de la création artistique est assurée par une IA d'inspiration. Toute sorte d'œuvre artistique ou littéraire peut être conçue avec un certain ajustement et équilibre des IA. Pour être honnête, c'est un domaine vague et difficile à juger, alors je ne m'aventurerai pas plus loin sur le sujet.

— Qu-Qu'en est-il du monde du shogi et des échecs ?

— Est-ce vraiment nécessaire de devoir expliquer ça ? Je ne crois pas qu'il existe le moindre cerveau humain qui puisse encore être utilisé en match officiel. Oh, mais on a besoin de quelqu'un pour bouger les pièces sur le plateau à l'endroit indiqué par la machine, alors je suppose qu'un cerveau humain est nécessaire d'un point de vue purement technique. Peut-être qu'un jour viendra où l'on n'aura besoin que de mœlle épinière.

— A-Alors qu'est-ce qu'on doit avoir pour être recruté ? Qu'est-ce qui fait la différence ?

— Votre capacité à détendre l'atmosphère ?

— ... Quoi ?

La réceptionniste avait fini par réussir à ouvrir son paquet de yôkan. Elle avait dit quelque chose dont je ne pouvais croire mes oreilles tout en posant la pâtisserie brunâtre sur une petite assiette.

— Votre humanité, votre capacité à vous créer un personnage, votre capacité à lire entre les lignes, votre capacité à remonter le moral des gens, votre capacité à vous intégrer dans une communauté. Je pense que ce doit être ce genre de choses.

— Hum... De quoi est-ce que vous parlez ?

Toujours de marbre, la réceptionniste découpa le yôkan avec une spatule en plastique. Au moment où je tendis la main pour prendre un morceau, elle frappa sans retenue le dos de ma main.

— Les facultés humaines de penser, calculer et accomplir des tâches physiques ont été supplantées par des applis et des machines, alors on n'y peut rien. Que peuvent faire d'autre les humains ? Si n'importe qui peut faire l'affaire, alors pourquoi ne pas prendre ceux qui auront le plus de facilité à s'intégrer dans leur travail ?

— Quoi ?! Alors les insouciants qui se moquaient des gens qui suivaient les cours sérieusement sont ceux qui réussissent dans la vie ?!

— C'est parce que vous voyez l'école uniquement comme un endroit où acquérir le savoir que les gens comme vous sont perdus au moment de chercher du travail. J'espère que vous avez réalisé que ce n'est pas le moment d'attacher beaucoup d'importance à une appli où on secoue des seins qui se sert des capteurs gyroscopiques. Peu importe comment vous secouez votre téléphone, le bikini ne tombera jamais.

— Ghh ?! C-Comment vous savez ça ?! Où avez-vous obtenu cette information ?!

— Mais le truc avec la recherche d'emploi...

Elle prit une gorgée de thé vert et mangea un morceau de yôkan, mais ne continua pas.

Donnait-elle la priorité à son propre plaisir ?

— Quoi ? Où voulez-vous en venir ?

— J'ai mentionné tout à l'heure que la recherche d'emploi était liée à votre humanité et vos facultés à bien vous entendre avec les autres, mais jusqu'à quand ces choses seront exclusives aux êtres humains ? La technologie s'est beaucoup développée ces derniers temps.

— V-Vous voulez dire qu'elle commence à donner aux gens la capacité de se faire des amis ou à trouver l'âme sœur ?

— Des groupes d'escrocs ont mis en ligne des manuels sur comment arnaquer les vieilles personnes. Ce sont comme des diagrammes compliqués. Et les producteurs de la télé ont rassemblé des données détaillées sur comment faire rire ou pleurer les gens.

— S-S'ils sont vraiment capables de développer des applis comme ça, qu'est-ce qui va nous arriver ?

— Peut-être qu'un jour viendra où le nombre de nos amis sera déterminé par le fait d'avoir téléchargé ou non certaines applis. Peut-être que la même chose déterminera le résultat d'élections. Tout le monde en train de baisser les yeux sur un écran en parlant avec leurs amis ou amoureux serait vraiment une vision étrange.

— Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je demandais ce qui allait advenir de nous autres chercheurs d'emploi.

— Qui sait.

La jeune réceptionniste inclina sa tête de façon mignonne tout en restant de marbre.

— Peut-être que ce sera purement une question de chance. Ou je suppose qu'un jour viendra où on obtiendra un poste en fonction de notre beauté. Oh, mais les choses comme les vêtements et la coiffure peuvent être résolues avec des applis de mode, alors tout se résumera simplement à la beauté du visage. Au fait, êtes-vous du genre confiant ?

— ...?!


  1. Pâtisserie japonaise sucrée constituée d'une pâte de haricot rouge du Japon gélifiée avec de l'agar-agar.


Fichier 24 : Comment vaincre un puissant ennemi qui ne dépasse pas l'entendement humain[edit]

L'académie royale pourrait sembler être un endroit étrange où tout le savoir du monde est rassemblé, mais c'était en fait un endroit où on accomplissait toutes les demandes que nous faisaient le roi et sa cour.

Nous devions trouver la solution à l'explosion de la population de sauterelles qui mettait en grand péril les récoltes du royaume, ou faire quelque chose pour une montagne qui semblait être sur le point de connaître une éruption volcanique. Mais il y avait un problème qui inquiétait le roi plus que tout dernièrement.

— Ugh, ça c'est quelque chose.

— Hein ? Que se passe-t-il professeur ? Votre cape est en lambeaux.

J'étais du genre à rester à l'intérieur, alors le simple fait que je porte une cape était étrange en soi. J'étais si fin qu'on me disait souvent que des vêtements de femme m'iraient mieux qu'à la fille qui me servait d'assistante. Peu importe l'entraînement que je pouvais suivre, il semblerait que je ne puisse pas gagner le moindre muscle.

— Des bêtes sauvages. Elles se propagent, une fois de plus.

— Hein ? Si vous voulez parler des monstres de l'enfer, nous nous en sommes déjà chargés le mois dernier.

Mon assistante ne devait avoir rien d'important à faire parce qu'elle était en train d'effectuer une expérience pour voir lesquels des jus sucrés attiraient plus facilement les scarabées rhinocéros. Elle mélangeait des choses comme du miel et du jus de melon dans un flacon. Elle avait désormais porté son attention vers moi, avec un compte-goutte dans une main.

— C'est de l'histoire ancienne, ça. Ceux qui remplissent les champs sont maintenant les trolls. Une fois que leur nombre a atteint un certain niveau, ils se sont mis à attaquer des caravanes à gauche à droite. La quantité de nourriture dont ils ont besoin augmente avec leur nombre après tout. Plus il y en a, plus il y a de chance que les caravanes soient attaquées et leurs marchandises volées.

— Dans ce cas, pourquoi ne pas empêcher les caravanes de passer par là ? Quand le nombre de lapins diminue, le nombre de lions s'ajuste de lui-même, dit mon assistante en faisant une moue de mécontentement.

C'était un génie, mais aussi une bonne à rien en dehors de son domaine de compétence.

— Si les caravanes ne peuvent pas passer, la forteresse de la ville ne pourra plus fonctionner. Les humains vont commencer à mourir de faim avant les trolls. Au fait, j'ai soif, alors je peux boire ça ?

Alors que je pointai mon doigt en direction du mystérieux flacon, mon assistante le serra fort entre ses mains (et ses seins) comme une enfant.

— Hors de question. Quoi qu'il en soit, pourquoi est-ce que les humains causent toujours autant de problèmes ?

— Eh bien, ce sont nous autres humains qui passons notre temps à briser l'équilibre de la chaîne alimentaire. Et même si nous empêchions les caravanes de passer, il y a suffisamment de trolls pour qu'ils se décident à venir frapper aux portes de la ville. Comme tout animal, ils ne montrent aucune pitié quand ils sont affamés.

Mon assistante reposa le flacon sur la table et me posa une question avec un regard perplexe.

— La population des trolls s'est tant développée que ça ?

— Oui. C'est pour ça que le roi est venu nous demander de nous en charger.

— Alors on va devoir faire comme on a toujours fait ?

— Oui, oui. Comme toujours, nous allons commencer par examiner le cadavre d'une des bêtes féroces en question.

Je partis chercher un large sac en toile dans le couloir et déposai le contenu sur la table. Il était plus grand et ses muscles bien plus gros que ceux d'un humain. Je doutai que même un chevalier lourdement armé puisse en venir à bout dans un duel en face à face.

— Vous l'avez tué, professeur ?

— Si j'en étais vraiment capable, je ne serais pas chercheur. Comme avec n'importe quelle bête dont la population a autant explosé, il est aisé de trouver des spécimens morts de façon naturelle. Par contre, pour en trouver un avant qu'il soit en état de décomposition, c'est une autre histoire. Bon et maintenant...

Il n'était pas vu d'un très bon œil de découper les cadavres, mais c'était notre boulot. Il nous fallait le décortiquer dans ses moindres détails.

Hélas...

Nous n'étions pas à la recherche des points faibles des trolls ou leurs points vitaux pour en informer les chevaliers.

Avec une population de bêtes féroces en pleine expansion, trouver le moyen de les vaincre un par un ne servait pas à grand-chose.

C'était pour cette même raison que les mauvaises herbes et les cafards n'avaient pas disparu.

Hélas, il fallait bien faire quelque chose pour la population toujours croissante de troll.

Et il était de notre ressort de trouver la solution.

— Les trolls sont généralement considérés comme complètement inutiles. Leur viande suinte et a un goût horrible, et leurs os se fissurent après avoir séché, alors on ne peut ni les utiliser comme arme ni pour se défendre. Il n'y a vraiment rien à retirer d'eux.

— Qu'en est-il de leur peau ?

— Elle moisit facilement, alors on ne peut pas utiliser ça non plus.

— Pour résumer, on ne peut ni les manger ni s'en servir pour fabriquer des objets d'attaque ou de défense. C'est vraiment un problème compliqué.

— Il existe bien un moyen de les rendre utile à quelque chose, mais la quantité consommée sera très faible. Je veux parler de cette chose qui est connue pour être ingurgitée malgré son goût écœurant.

Mon assistante sembla comprendre où je voulais en venir.

Elle esquissa un sourire effronté tout en regardant l'immense carcasse.

— Vous voulez dire...

— Trouver quelque chose à l'intérieur qui pourrait faire office de médicament serait un excellent raccourci, oui.

— Vu que celui-ci est mort naturellement et qu'il a commencé à entrer en état de décomposition, les organes internes risquent d'avoir subi de sérieux dommages. Ça vaut vraiment la peine de regarder dans celui-là ?

— Il faut au moins que l'on tente le coup.

Avec un gémissement d'effort, nous « ouvrîmes » le corps du troll avec des pouvoirs psychédéliques qui ne peuvent pas être décrits par des mots. Je vous épargne pas mal de détails ici, mais vous devriez vraiment m'en être reconnaissant. Puis, nous inspectâmes chacun des organes à l'intérieur.

— Si on n'arrive pas à trouver de quoi faire un médicament, on devrait sûrement abandonner cette idée.

— Si nous trouvons quelque chose qui est mauvais pour la santé, ça peut également être utile. En fait, les substances dans le monde naturel qui ne peuvent ni être utilisées comme poison ni comme médicament sont très rares.

Nous prélevâmes le « contenu » de chaque organe, en fîmes de la pâte, les bouillîmes, les rôtîmes, et sinon les jetâmes. Les procédés utilisés étaient similaires à ceux utilisés en cuisine, mais c'était une scène qu'il était difficile de montrer à un enfant. Cependant, nous finîmes par trouver quelque chose d'intéressant.

— J'ai découvert que ce qui compose son foie pourrait fonctionner pour dessoûler.

— L'acide de son estomac est très puissant. Si on arrivait à le stabiliser, ça pourrait servir.

— Mais il ne semble pas assez puissant pour détruire instantanément l'équipement d'un ennemi.

— On peut l'utiliser pour d'autres choses. Par exemple, pour forcer la serrure d'un trésor. La partie interne d'une serrure est fragile. Il pourrait aussi servir à détruire des pièges.

— Est-ce que l'estomac en lui-même pourrait servir de médicament ?

— Peu de temps après la mort du troll, la membrane défensive se désagrège, alors ça risque d'être difficile. Vous voyez, elle est déjà en train de se désagréger petit à petit chez celui-ci.

Pour faire simple, nous étions à la recherche d'un moyen de rendre utile une bête féroce comme un troll. C'était exactement comme l'ivoire des éléphants et la peau des tigres. À partir du moment où l'on réussit à trouver un usage pour eux, ils ne sont plus considérés comme de simples bêtes sauvages.

Mon assistante griffonna rapidement sur un morceau de papier au moyen d'une plume pour calculer la valeur marchande de chaque substance découverte. Si la somme de ces valeurs dépassait un certain seuil, nous avions accompli notre mission.

— On dirait que ça va faire l'affaire. Le montant total s'élève à 10 000 platines. Le rapport danger/prix va clairement dans notre sens.

— Au fait, rappelle-moi ce qu'on a trouvé pour les chiens de l'enfer du mois dernier.

— Leur peau et leurs griffes. Elles ont des usages militaires très intéressants, alors elles font fureur dans les magasins d'armes et auprès des chevaliers.

— Je vois. Tant mieux. Ces deux-là ne se feront pas de concurrence.

Trouver une utilité à une Bête Sauvage A n'était déjà pas évident, mais si en plus elle entrait en conflit avec celle d'une Bête Sauvage B, la valeur future de la Bête Sauvage B allait s'effondrer. Puis, le nombre de gens s'attaquant à la Bête Sauvage B allait diminuer et sa population allait de nouveau atteindre des niveaux dangereux.

Oh.

J'avais peut-être donné la réponse à la question.

— ... C'est la même chose que pour les tigres et les éléphants. L'un est la plus féroce des bêtes carnivores. L'autre est un animal herbivore tellement imposant qu'il peut servir de tank. Hélas, les gens les regardent d'un œil différent quand il est questions de leur peau ou de l'ivoire de leurs défenses. C'est pour cette raison qu'ils ont été chassés jusqu'au bord de l'extinction, dit mon assistante tandis qu'elle utilisa la plume pour chasser une poussière sur ses vêtements. Il existe un nombre limité de chevaliers, alors s'ils sont en charge d'exterminer les bêtes sauvages, ils ne peuvent pas s'occuper en même temps des royaumes voisins. En gros, on doit juste trouver une raison pour la masse apparemment infinie de les combattre.

— Ce sont nous autres humains qui passons notre temps à dérégler la chaine alimentaire.

— Mais s'ils sont si forts que ça, pourquoi ils ne les exterminent tout simplement pas ?

— Telle est la nature des hommes. Ils préfèrent faire semblant d'être faibles pour prétendre à tous les services que notre société peut leur fournir. Il ne viendrait idée à personne de risquer sa vie sans rien en retirer. Les gens qui pensent comme ça finissent soit chevaliers soit mercenaires.

La seule option qu'il nous restait était d'utiliser les vies de la masse avide pour mener la population troll au bord de l'extinction.

Que les trolls s'éteignent réellement ou commencent à être traités comme « espèce protégée » était du ressort du roi et de sa cour. Hélas, je doutais qu'ils bénéficient du statut d'espèce protégée. Les sirènes et les elfes étaient une chose, mais les trolls étaient moches.

— Le désir humain fait vraiment froid dans le dos.

— Mais c'est ce désir qui nous a permis d'arriver là où on en est aujourd'hui, dis-je en écrivant nos résultats sous la forme d'un tableau d'objets sur un morceau de parchemin. Beaucoup d'autres animaux ou monstres peuvent parler ou faire des calculs. Ils savent même être créatifs. Je ne vois qu'une seule raison pour laquelle les hommes ont pu s'élever à un niveau bien supérieur à toutes les autres races.

— Et quelle est-elle ?

— L'infini panel de nos désirs. Comparé aux autres, les nôtres battent tous les records.

Je ne pensais pas que ce serait un héros au cœur pur qui vaincrait l'armée du roi démon au final. Qu'importe la valeur de ses paramètres fixes, un humain sans désir n'aura pas d'ambition. En deux mots, ils évoluent bien trop lentement.

Je trouvais que les masses qui entouraient le héros, qui se plaignaient sans cesse et qui suivaient n'importe quelle nouvelle mode étaient ce qu'il y avait de plus effrayant.

Pour moi, elles étaient bien plus effrayante que le héros, et même peut-être plus que le roi démon lui-même.


Un mois plus tard, l'académie royale reçut un rapport sur l'état d'avancement.

— Professeur ! La population troll continue de s'accroître ! Au lieu de chasser en masse les trolls, les masses stupides rassemblent de la nourriture pour eux !!

— Bon sang...

— Elles ont trouvé un meilleur moyen de vider les estomacs des trolls en les faisant vomir plutôt que de les tuer et de les dépecer. En plus, les foies des trolls se régénèrent rapidement, alors ils peuvent en couper un morceau avant de les relâcher dans la nature. Les parties manquantes se reconstruisent à une vitesse incroyable !! Qu-Que fait-on, professeur ?! La population troll est en plein boom !! Ne se rendent-ils pas compte de ce qu'il adviendra des villes si leur population continue à s'accroître ?!

— Le désir humain est vraiment la chose la plus effrayante au monde.




Après le sondage[edit]

Bien, merci à toutes et à tous.

Je vais maintenant ramasser les sondages. Pourriez-vous les faire passer au premier rang ?

Oh, vous vous demandez quel était le but de tout ça ?

Eh bien, vous ne pouvez plus changer vos réponses maintenant, alors j'imagine que je peux vous le dire.

Il y avait toutes sortes de personnages dans ces courts-métrages. Je pense que vous les avez classés en fonction de leur façon de parler et de leurs actions.

Vous êtes-vous dit que c'était une façon de noter les personnages au fur et à mesure que le temps passait ?

Cependant...

Ce sondage avait un autre but.

Chacun d'entre vous avait ressenti les choses différemment pour chaque personnage. C'est assez clair quand on regarde les classements que vous avez faits. Les classer exactement dans le même ordre relèverait du miracle, bien que possible, ou encore en ayant copié, mais si vous avez répondu honnêtement, vous devriez tous avoir des résultats bien différents.

Mais qu'est-ce que cela peut bien signifier ?

Vous vous doutez de la réponse, n'est-ce pas ?

Ce n'est pas une question de goûts personnels ou de ce qui éveille la curiosité. Ceci n'est que la partie émergée de l'iceberg. Rappelez-vous de l'ordre dans lequel vous avez classé les films dans votre sondage. Qu'avez-vous aimé ? Qu'avez-vous détesté ? Une image de la personnalité qui a pris ces décisions en classant ces courts-métrages devrait pouvoir se dégager de cette chaîne de nombres.

Cette personnalité décrit le personnage que « vous » êtes.

Bien, et maintenant.

Quel genre de personnage est le « vous » que « vous » avez fait émerger à la surface ? Si c'est le genre de personnage qui aurait pu prendre part avec joie et sans retenue à ces courts-métrages sans en affecter leur qualité, vous vivrez vraisemblablement une vie palpitante. En fait, vous avez construit un personnage qui a tendance à vivre ce genre d'expériences.

Sinon, eh bien... Ne vous en faites pas.

Ce ne sont rien de plus que des nombres que « vous » avez donnés pour le personnage que « vous » êtes. Il est presque certain que quelqu'un d'autre que « vous » aurait noté d'une façon complètement différente.

Oui.

Exactement de la même façon que chacun d'entre vous a noté ces courts-métrages de façon différente.




Présentations des participants[edit]

— ... -toi. Hé, réveille-toi.

— Gh...?

La douce voix (mais avec un accent) d'une fille transperça les oreilles de Kyôsuke Anzai, alors il leva la tête. Il sentit une douleur sourde sur son front qui était pressé contre la table.

Où je...? Qu'est-ce que je fous dans l'amphi de la fac ?

Alors que son cerveau à moitié endormi se remit en marche, sa conscience finit par se remettre en phase avec la réalité.

— Oh, c'est vrai. J'étais en train de répondre à un sondage, et le professeur s'est mis à parler pendant des heures...

— C'est pas bien. Tu devrais écouter jusqu'au bout.

— ?

— C'est comme trouver un petit bébé dans un casier et s'endormir avant qu'on te dise « C'est toi ! ».

— Je n'ai pas la moindre idée de ce que tu racontes...

Tout en disant ça, Anzai jeta un œil autour de lui.

L'étrange professeur n'était plus sur la grande estrade de l'amphithéâtre. En fait, la grande majorité de la trentaine de personnes réunies pour le sondage était partie. Il ne restait plus que lui, la fille qui l'avait réveillé, et trois autres filles qui s'étaient rassemblées un peu plus loin.

Anzai devina que les filles étaient restées discuter après la fin du sondage.

— Il doit faire noir dehors maintenant, dit la fille blonde aux yeux bleus qui l'avait réveillé. On est sur le point de partir, et toi ?

— ... Et qui va fermer la porte ?

— Aucune idée. C'est au prof qui a organisé ce sondage de s'occuper de ça, non ? Il a fait son speech et il est parti. Tu crois qu'on devrait parler au vieux dans le bureau ?

— Je crois que t'as raison.

Anzai se leva et bailla. Il se saisit de son petit sac où se trouvait le strict minimum d'affaires scolaires.

— On n'a qu'à laisser ça au prof. Je me demande si la brasserie du campus est toujours ouverte.

— Oh, on parlait justement de sortir quelque part.

Ensuite, les trois filles qui étaient vraisemblablement avec la blonde nous interpellèrent. Naturellement, elles s'adressaient à la fille, et non à Anzai.

Celle qui nous avait interpellés était une fille grande avec une longue chevelure noire brillante. Elle était sûrement une classe au-dessus d'Anzai vu qu'il lui avait fallu plus d'un an pour entrer à l'université.

— Harumi, t'as remis ça ?

— Hotaru-san. Il a dit qu'il était partant pour la brasserie.

J'ai jamais dit ça...

Évidemment, il ne les connaissait pas du tout, mais Anzai avait remarqué que ce genre de choses spontanées arrivait plus souvent après être entré à l'université. On traîne avec des gens juste comme ça et le jour d'après, on ne les revoit plus jamais. Au collège et au lycée, il mangeait toujours avec le même groupe de personnes.

L'ambiance et l'atmosphère avaient provoqué une sorte de changement chimique à la situation, mais il sentait malgré tout une pression étrange de se retrouver comme ça dans un groupe de fille. C'était différent de rencontrer chaque personne une à une.

Une fille qui ressemblait plus à une stripteaseuse qu'à une étudiante sembla remarquer la perplexité d'Anzai et esquissa un sourire. Elle parlait de façon plus polie que son apparence donnait l'impression.

— Tu vois, Harumi ? Tu te rapproches toujours trop des gens.

— Hein ? Qu'est-ce que tu racontes, Aisu ? J'ai pas une mauvaise haleine, alors c'est quoi le souci ?

— Désolée. Harumi a quelques problèmes émotionnels. Elle est pas fichue de savoir quelle distance émotionnelle avoir avec les gens. Mais va pas croire qu'elle en pince pour toi. Elle est comme ça avec tout le monde, alors ça va te faire un choc plus tard si tu te mets à croire que t'es spécial pour elle.

— T'en fais pas pour ça.

— Je voulais juste en avoir le cœur net. Elle a réussi à avoir quatre harceleurs après elle pendant ses années de collège et de lycée. Et l'un d'eux était son prof principal. C'est vraiment un exploit, pas vrai ?

Pourquoi est-ce que tu me compares avec des harceleurs de son passé...?

Anzai ne savait pas quoi en penser, mais il n'était pas suffisamment franc pour le dire à voix haute.

Il n'était pas du genre à aller jusqu'à dire que le monde n'était que mensonges, mais il considérait la vérité comme un médicament au goût amer. Ceux qui n'enrobaient pas la vérité dans un voile de douceur allaient finir par se retrouver esseulés du fait de cette amertume.

— Pourquoi Kozue se cache derrière toi, Hotaru-san ? demanda la fille nommée Harumi.

— Elle a fait tout son collège et son lycée dans une école pour filles, tu te souviens ? Elle a sûrement peur des mecs.

— C'est tout le contraire en fait. Kozue est du genre à attaquer avant de s'enfuir quand elle voit quelque chose qui lui fait peur. Comme elle a créé une zone de sécurité autour d'elle et qu'elle le regarde avec attention, je dirais qu'il l'intéresse beaucoup.

Après avoir entendu tout ça sur son compte, la fille nommée Kozue donna une brève mais distincte réponse.

— Ce n'est pas vrai.

— Tu devrais faire gaffe. Kozue est tout le contraire d'Harumi. Elle est du genre à se mettre à penser que quelqu'un est amoureux d'elle juste parce qu'il a ramassé sa gomme qui était tombée par terre.

— C'est faux.

— En fait, même si on est toutes des filles, elle a eu un de ces malentendus au premier semestre.

— Elle ment.

— Hé, dit Anzai à Kozue. Pourquoi tu portes cet énorme casque ? Comment tu peux nous entendre avec ça sur les oreilles ?

— C'est juste son style, coupa la fille aux longs cheveux noirs qui s'appelait apparemment Hotaru. La prise n'est pas branchée. Tu vois les bandages autour de ses poignets et ses bas déchirés côté droit ? Eh bah, c'est la même chose. On croirait qu'il y a une histoire derrière, mais y réfléchir serait une perte totale de temps.

— Hé, je t'avais dit qu'elle était dangereuse ! Regarde, elle regarde de ce côté en faisant les gros yeux parce qu'un imbécile s'est intéressé à son accoutrement !! Si tu t'enfuis pas Hotaru, tu vas toi aussi goûter à son rasoir !!

— C-C'est pas vrai !!

— Bon, on y va à cette brasserie ?!

Face à l'insistance de la fille à l'apparence douteuse, ils quittèrent l'amphithéâtre. À un moment, Anzai se retrouva encerclé, alors il était plus simple de se fondre dans leur groupe.

C'était arrivé avec un sentiment plutôt arbitraire.

C'était arrivé avec un sentiment du genre « Oh, et puis zut ».

Anzai réfléchissait au fait qu'il avait rarement vécu ce genre de sentiment pendant le collège ou le lycée. À l'époque, il avait cru que redoubler allait détruire sa vie, alors c'était assez inattendu.

Il faisait nuit noire dehors et l'air était empli par une fraîcheur qui n'était pas présente pendant les cours de l'après-midi.

Les lampadaires étaient installés ici et là, mais il n'y en avait pas assez pour y voir clair. Malgré le fait de se trouver sur le terrain d'une institution nationale d'éducation, l'endroit avait un taux de criminalité particulièrement bas.

— Il est quelle heure ?

— 7h30. T'as fait quoi de ton portable, Harumi ?

— J'ai plus de batterie.

— ... La brasserie devrait encore être ouverte s'il n'est pas encore 8 heures, pas vrai ?

— Ça n'a pas de sens. Cette chaîne a des boutiques dans 30 pays, alors ils devraient avoir les mêmes horaires partout. Ils devraient pas avoir le droit de fermer juste parce qu'il y a une pénurie temporaire de clients après 8 heures.

— C'est le campus d'une université, alors ils n'ont pas de clients extérieurs. Je crois qu'ils restaient ouverts pendant cinq heures de plus sans client, alors ils ont calé leurs horaires avec ceux des étudiants.

— Qu'est-ce qu'il y a, mon gars ? T'as rien dit depuis un moment.

La voix étrangement distincte de Kozue s'était tournée vers Anzai, mais il ne voyait tout simplement pas quoi dire sur ce sujet. Comment était-il censé s'intégrer dans un groupe d'amis déjà formé ?

Dans un groupe où la moitié rencontre une autre, il aurait au moins pu trouver une ouverture.

— Je suis contente que tu sois là, dit la fille (bronzée) de cabaret au nom moderne d'Aisu.

— Pourquoi ça ? répondit Anzai.

— Je voulais te demander ton avis sur cet étrange sondage. En parler dans notre groupe me convient, mais dans ce cas, les idées manquent un peu de diversité. Je voulais avoir l'opinion de quelqu'un d'extérieur à notre groupe.

— C'était un sondage vraiment bizarre, dit Harumi.

— Il m'a donné un sentiment difficile à décrire. J'avais espéré pouvoir en discuter avant qu'il ne disparaisse, afin d'essayer d'avoir une vision plus claire des choses. Même si la discussion qu'on a eue dans l'amphi n'a fait que rendre les choses plus compliquées.

— Raison de plus pour avoir un autre point de vue.

— Kozue s'est encore mise à te complimenter inutilement, alors sois sur tes gardes, mon gars.

— Au fait, dit Harumi tout en regardant le visage d'Anzai. Tu les as classés dans quel ordre, toi ?


(Il est temps de déterminer avec qui vous êtes le plus compatible. Dans le tableau suivant, veuillez utiliser le véritable classement final que vous avez fait.)


← = Non ↓ = Oui Début
Aisu Avez-vous préféré 15 à 12 ? Avez-vous préféré 05 à 17 ? Avez-vous préféré 11 à 09 ? Avez-vous préféré 24 à 06 ?
Harumi Avez-vous préféré 01 à 03 ? Avez-vous préféré 04 à 02 ? Avez-vous préféré 20 à 13 ? Avez-vous préféré 07 à 18 ?
Hotaru Avez-vous préféré 22 à 15 ? Avez-vous préféré 21 à 07 ? Avez-vous préféré 08 à 01 ? Avez-vous préféré 10 à 20 ?
Kozue Avez-vous préféré 23 à 19 ? Avez-vous préféré 14 à 16 ? Avez-vous préféré 02 à 23 ? Avez-vous préféré 13 à 04 ?
Aisu Harumi Hotaru Kozue


Continuez la lecture à la bonne section en fonction du résultat obtenu.

Le cas d'Harumi (À la chasse au mystère de l'autre absurdité qui a permis cette absurdité !)

Le cas d'Hotaru (Comment ce professeur a réalisé ces courts-métrages ?)

Le cas de Kozue (Qu'est-ce que ces absurdités qui approchent les unes après les autres ? Serez-vous en mesure d'en accepter la réponse ?)

Le cas d'Aisu (Les questions du professeur ne sont pas encore terminées. Quelle sera la prochaine question ?!)



Le cas d'Harumi[edit]

Partie 1[edit]

— Hein ? Ton classement est identique au mien, dit Harumi les yeux écarquillés.

Ils discutaient tout en quittant l'amphithéâtre et traversaient le campus de l'université plongé dans l'obscurité.

— Ça veut dire qu'on pense de la même façon ? Le prof avait parlé de quelque chose au sujet d'étudier nos cœurs, alors ça veut peut-être dire qu'on est très compatibles.

— Quoi qu'il en soit, dit Anzai, la coupant dans son flot de commentaires.

C'était exactement comme Aisu l'avait dit. Il pouvait voir à quel point il risquait de perdre le sens des distances émotionnelles s'il se laissait attendrir par le torrent de mots doux d'Harumi.

— C'était vraiment bizarre. Tout était bizarre de A à Z. Mais le plus bizarre dans tout ça...

— Oh, oh, oh ! s'exclama Harumi en levant la main avec excitation. Moi, ce qui m'a frappée, c'est le fait qu'il n'y avait que des gens que je n'avais jamais vus avant.

— ?

— Les autres participants au sondage. Je suis ici depuis plus de six mois, et je n'avais jamais vu ces gens-là.

— L'université est grande. C'était en plus un rassemblement d'étudiants à problèmes, alors y'a rien d'étonnant à ce que ce qu'on connaisse pas la grande majorité d'entre eux, non ? Je veux dire, je vous ai jamais rencontrées avant, moi non plus.

— Mais je t'ai déjà vu, moi.

— Hein ?

— Je t'ai aperçu dans le restaurant universitaire. Tu portes toujours le même collier, non ? C'est comme ça que je me suis rappelé de toi.

Anzai se mit à tousser.

Cette remarque laissait vraiment trop la porte ouverte à un malentendu et il pouvait voir que la fille de cabaret nommée Aisu souriait à belles dents.

Ignorant tout de ça, Harumi continua.

— Mais je ne me souviens pas avoir déjà aperçu les autres personnes participant au sondage. Le prof est parti juste après la fin et la seconde d'après, je me suis rendue compte que les autres participants s'étaient évaporés. Je me demande pourquoi. J'ai l'impression que je ne reverrai plus jamais ces gens qui ont disparu dans la nature.

— C'est n'importe quoi.

— Ah ha ha. Je sais. Mais quand je t'ai vu en train de dormir dans l'amphi, ça m'a rappelé un ballon. Un ballon coincé dans une branche d'arbre. J'ai eu l'impression que t'allais t'envoler je ne sais où si je t'avais pas réveillé.

Les endroits comme les supérettes ou les restaurants universitaires se trouvaient dans des bâtiments dédiés séparés physiquement du bâtiment principal de l'université. Il en était de même pour la brasserie. Les professeurs et étudiants avaient tous la flemme de sortir dehors pour s'y rendre les jours de pluie et il aurait très bien pu ne pas y en avoir du tout si de toute façon il fallait traverser tout le campus pour s'y rendre.

Quand ils arrivèrent à la brasserie, Aisu esquissa un sourire cruel.

— Oh, le manager au fond vient tout juste de faire un petit « Tsk ».

— Évidemment. Il vient juste de perdre l'occasion de fermer à huit heures.

— Il y a personne d'autre à part nous ici, mais je vais nous réserver une table.

— Hotaru-san, dis-nous ce que tu veux.

À chacune de leurs actions, Anzai se rappelait que c'était un groupe formée de filles. Il ne pouvait que s'interroger sur pourquoi elles l'avaient invité alors que leur groupe était au complet.

Pendant qu'il se demandait quoi faire, Harumi s'adressa à lui.

— Le rôle du mec, c'est de transporter les boissons jusqu'à la table.

— Je vais juste m'estimer heureux de pas avoir à payer pour tout le monde.

Une fois les boissons prêtes, Anzai transporta le plateau en plastique jusqu'à la table tout en marmonnant quelque chose comme quoi quatre ou cinq gobelets en plastique n'étaient pas grand-chose.

— Qu'est-ce qui t'arrive, Harumi ? T'as commandé une tonne de cannelle ?

— Pour ma part, je comprends pas comment les gens font pour le boire sans sucre. Ça déchire la langue.

— Tu changeras jamais, Hotaru-san. Tu t'en fiches du contenu, tu prends toujours quelque chose de nouveau ou une boisson de saison.

— Bah, tu commandes toujours de la gelée au café à chaque fois que tu viens ici. T'es censée prendre à boire, tu sais ?

Les quatre filles se tournèrent ensuite en direction d'Anzai comme pour dire « Et toi, qu'est-ce que t'as pris ? » Le fait d'avoir un groupe essentiellement constitué d'inconnues qui le fixaient du regard ne le mettait pas vraiment à l'aise, alors il répondit sans détour.

— Du cognac.

— T'as pris de l'alcool ?! Je savais pas qu'ils en servaient ici.

— Y'a écrit 40 degrés. Tu vas boire ça cul sec ?

— Si c'est le cas, ça veut dire que tu ne rentres pas en voiture. Et vu que t'as accepté de te joindre à nous pour Dieu sait combien de temps, tu t'en fais pas pour le dernier métro non plus. Les quartiers aux alentours sont pas donnés, alors y'a pas de résidences étudiantes. J'en conclus que tu dois vivre dans le dortoir.

— Et voilà !! Encore ses déductions de détraqué sexuel !! Je me demande toujours pourquoi elle les utilise pas pour quelque chose de plus tranquille comme des enquêtes criminelles !

La taquinerie continue devait avoir fait mouche vu que Kozue se mit à envoyer quelques gouttes du liquide clair et visqueux en direction d'Aisu avec l'arrière du couvercle de son pot de sirop.

La fille de cabaret lança ensuite des insultes qui brisèrent son image de demoiselle.

Tout en ignorant tout ça, Harumi s'adressa à Anzai.

— Pour en revenir à nos moutons, je disais que j'avais jamais vu aucun des autres participants sur le campus, pas vrai ?

— T'avais pas fini ?

— Pour une raison ou une autre, ça m'a rappelé les rumeurs sur ces gens qu'on peut embaucher pour faire tout et n'importe quoi.

— Oh, j'ai entendu parler d'eux.

Le rapport avec ce qu'avait dit Harumi juste avant n'était pas clair, alors Anzai avait répondu sans grand enthousiasme. Ces personnes qui pouvaient accomplir n'importe quelle tâche étaient souvent mentionnées à la télé, mais personne ne savait vraiment si elles existaient pour de bon. Tout du moins, aucune boutique n'en faisait la publicité sur leur enseigne et aucune affaire n'avait ce genre de description de poste au département de recherche d'emploi de l'université.

— Y'a des rumeurs au sujet d'un groupe comme ça dans le coin ? Quand j'ai emménagé ici, je me souviens de ces gens qu'on pouvait embaucher pour pas cher pour transporter ses bagages...

Par contre, Anzai n'avait pas été tenté d'y avoir recours. Une véritable société de déménagement était une chose, mais il pensait qu'il fallait être fou pour confier ça à des gens qu'on ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam.

— Il parait qu'ils peuvent vous débarrasser d'un mec un peu trop collant.

— Je vois pas l'intérêt, dit Anzai tout en sirotant son cognac. Y'a déjà plein de gens qui peuvent faire ça. Il suffit de déménager ou d'appeler la police. Quelque chose de légal sera toujours plus sûr de toute façon. Ouais, pas la peine d'embaucher des types sortis de nulle part.

Afin de tenter d'échapper au conflit du pot de sirop, Hotaru approcha sa chaise de celle d'Anzai.

— Et qui sait comment les contacter déjà ?

— Avec des paquets de mouchoirs, déclara Harumi avec un soudain sourire en coin. On voit de temps en temps quelqu'un distribuer des mouchoirs devant la station de métro près du campus.

— ... Il y a un numéro de téléphone écrit dessus pour les contacter ?

Anzai imaginait mal beaucoup de gens appeler un numéro bizarre du fait qu'il était possible que l'appel induise des frais hors-forfait exorbitants.

Hotaru semblait être d'accord, mais elle avait permis à la conversation de continuer. Peut-être que c'était l'astuce pour permettre à une amitié de se former.

— Et ça me paraît inutilement compliqué comme procédé. Si la personne distribuant les mouchoirs est leur contact, ça serait pas plus rapide si elle tenait simplement un panneau et prenait les requêtes des gens directement ?

— Peut-être que c'est parce que personne ne veut que les gens sachent qu'il fait appel à eux. On peut toujours garder les mouchoirs dans sa poche en faisant mine de ne pas être intéressé et les contacter plus tard.

— Si ces personnes tiennent à ce que ça reste un secret, tu crois vraiment qu'elles iraient en parler à des inconnus ? Et si ce groupe s'occupe vraiment de trucs louches, tu crois qu'il resterait planté devant une station de métro pendant des heures ? Il y a trop de caméras de nos jours.

— Mais...

Que ce soit son véritable avis ou une tentative pour maintenir la conversation, Hotaru exposa son point de vue sous un autre angle.

— Qu'ils utilisent des paquets de mouchoirs ou pas, il est vraisemblable qu'ils veuillent utiliser une méthode discrète pour les contacter s'ils vont réellement faire « tout et n'importe quoi ».

— Tout et n'importe quoi...? Tu veux dire autre chose que t'aider à déménager ou à se débarrasser d'un casse-pied ?

— Il paraît que quelqu'un les a appelés pour faire une blague et leur a demandé de rassembler des gens pour un lynchage en groupe, et ils l'ont vraiment fait.

— ... Cette conversation vient juste de prendre une tournure glauque.

— Ce plaisantin devait semble-t-il payer une énorme somme d'argent en échange de ce service, mais il a disparu après avoir essayé de s'excuser et d'expliquer que c'était une blague.

— Dans ce cas, je me demande si les autres gens dans l'amphi étaient de ce groupe, dit Harumi.

— « Dans ce cas » ? Je vois pas vraiment le rapport, mais qu'est-ce qu'ils feraient là ? Et qui les aurait embauchés ?

— Hein ? Le prof peut-être ? Tu sais, comme ces gens qu'on embauche pour faire grossir une foule.

— ...

— ...

Anzai et Hotaru se turent. Harumi avait vraisemblablement dit tout ça sans vraiment y réfléchir, mais la pensée avait donné des frissons dans le dos des deux jeunes gens.

Était-ce tous des faux étudiants ?

Ce n'était pas un rassemblement de gens en manque d'ECTS ou qui avaient des problèmes personnels ?

Les gens juste à côté d'eux étaient des gens bizarres qui étaient là pour d'obscures raisons ?

Et pas seulement quelques personnes. Avaient-ils été complètement cernés par des gens comme ça ?

Pendant tout le sondage ?

Malgré le fait qu'il était possible qu'ils se souviennent de l'apparence des gens autour d'eux et qu'ils auraient pu jeter un œil à leur nom sur les formulaires ?

Anzai sentit de la sueur froide couler sur son front.

Il pensa rapidement à ce qu'il devait réfuter afin de préserver sa santé mentale.

— Certes, mais je doute qu'un groupe qu'on peut embaucher pour tout et n'importe quoi existe vraiment.

— C'est vrai. Combien de requêtes pourraient-ils recevoir en une année ? Je vois pas du tout comment ça pourrait être rentable.

— Et même avec le peu qu'ils arrivent à avoir, il leur faudrait facturer des prix insensés pour chaque cas.

— Si ça coutait des millions de yens juste pour faire une mauvaise blague, ça serait plus simple de le faire soi-même.

— Si tous ces gens étaient de ce groupe, il leur faudrait générer suffisamment de bénéfices pour faire vivre plusieurs dizaines de personnes.

— Hein ? Mais...

Harumi marmonnait toujours quelque chose avec sa douce voix, mais Anzai et Hotaru continuaient à réfuter chacun de ses arguments.

Malgré tout, la voix calme de Harumi se fraya un chemin jusqu'aux oreilles d'Anzai à travers les failles de leurs arguments.

— Peut-être qu'en temps normal, ils gèrent une affaire tout à fait normale. Et peut-être qu'ils ne demandent pas l'argent au début avant d'utiliser la violence pour faire payer de très, très grosses sommes d'argent ?

Partie 2[edit]

Et c'est ainsi que l'étrange sondage a pris fin... ou du moins, j'aurais aimé pouvoir le dire. Malheureusement, il existe visiblement bien des mystères dans ce monde.

Ce n'était que le lendemain.

Après une nuit, le phénomène bizarre suivant arriva pour lancer une attaque.

Ou...

Peut-être que le voir comme « le suivant » était une erreur, alors qu'il n'était simplement que la suite.

Partie 3[edit]

Après son cours de l'après-midi, Anzai en avait terminé pour aujourd'hui.

Alors qu'il parcourait les annonces pour des « emplois sûrs et approuvés par l'école » postées sur un panneau d'affichage à l'extérieur, Harumi l'interpella.

Les trois autres ne semblaient pas être avec elle.

— T'as besoin d'argent pour tes dépenses quotidiennes ?

— Non, j'envisageais de passer mon permis. Mais j'ai fait des recherches et les cours d'auto-école coûtent cher. Dans les 300 000 yens.

— Oh, je vois. De mon côté, j'espérais m'offrir un deuxième smartphone.

— Hein ? T'en as besoin de deux en même temps ?

— Et c'est pour ça que j'ai ce mystérieux objet !!

Harumi sortit quelque chose de sa poche avec une telle force qu'il semblait ignorer les restrictions de la troisième dimension.

Anzai reconnut l'objet juste à sa forme.

Mais il lui donna un profond sentiment de malaise.

Oui.

C'était un paquet de mouchoirs de poche, un de ceux-là mêmes qui étaient censés être distribués en face de la station.

D'après les rumeurs, ces mouchoirs louches contenaient le numéro de téléphone du groupe qu'on pouvait embaucher pour faire tout et n'importe quoi.

À première vue, c'était un paquet de mouchoirs tout ce qu'il y avait de plus normal. Cependant, il y avait entre deux mouchoirs un bout de papier de couleur rouge sang où était écrit une suite de chiffres avec une encre noire dégoulinante. Le nombre de chiffres correspondait à celui d'un numéro de téléphone, mais il n'était précisé nulle part à qui appartenait ce dernier.

Le seul numéro ne permettait pas de prouver que c'était celui du groupe en question.

Mais...

— Un type distribuait ces paquets de mouchoirs rouges en face de la station, comme le dit la rumeur.

— Je vois...

Vu que c'était un numéro de portable et non un numéro de fixe ou un numéro vert, Anzai n'avait pas du tout envie de l'appeler. Hélas, Harumi ne semblait pas s'en embarrasser le moins du monde.

— Ok, je vais les appeler.

— Tu vas leur demander de te trouver un boulot bien payé ?

— C'est trop indirect. Je vais leur demander de nous embaucher tous les deux !!

— Je sentais que t'allais m'embarquer dans cette histoire !

Anzai tenta tant bien que mal d'arrêter Harumi, mais elle sortit son (premier ?) portable et composa le numéro écrit sur le bout de papier.

Cependant, la jeune femme (?) qui décrocha sembla perplexe.

— Ici, c'est le numéro pour les clients. Nous ne pouvons accepter votre candidature.

La femme ne paraissait manifestement pas habituée à parler aussi poliment, ce qui renforçait le sentiment de danger. Anzai ne voulait pas être mêlé à tout ça, mais Harumi semblait n'en avoir rien à faire.

— Mais je veux que vous acceptiez ma demande de travail. Vous prétendez pouvoir réaliser tous les vœux des gens, non ?

— Gh...

— Je veux un boulot pour deux personnes qui ne s'effectue que trois fois par semaine, qui paye plus de 1000 yens par heure, qui n'est pas dangereux, et qui peut être fait par des amateurs.

— ... B-Bah, venez pas vous plaindre si ça se passe mal.

Elle raccrocha la ligne téléphonique de ce qui ne ressemblait pas à une entreprise qui se comportait en véritable rouage de la société.

Le visage d'Anzai était livide, mais Harumi dit avec un sourire serein :

— Tu vois ? C'était simple comme bonjour.

Partie 4[edit]

C'était le weekend. Hélas, même si ses parents étaient mourants, s'il avait la grippe, s'il était piégé sur une île déserte perdue au beau milieu de la mer ou qu'un astéroïde était sur le point de s'écraser sur Terre, il ne pouvait pas se désister.

— C'est pas le moment de retourner se coucher !! dit Harumi.

— Comment t'as su où j'habitais ?

— C'est Kozue qui me l'a dit.

— Je me rappelle pas lui avoir donné mon adresse !!

On leur demanda de se rendre sur un terrain vague tout à fait normal. Un homme d'âge mûr en bleu de travail était là. Il leur sourit et leur fit un geste de la main. Anzai était paré à attraper un tuyau en métal qui traînait sur le sol et à frapper l'homme à l'arrière de la tête s'il leur disait qu'ils allaient devoir être emmenés quelque part les yeux bandés, mais ça n'arriva pas.

— Vous voilà. Je m'appelle Suzukawa, le chef de section. Vous êtes les deux nouveaux, j'imagine.

— Oui !!

— Oui...

La réponse d'Anzai manquait énormément d'enthousiasme, mais la Terre continuait de tourner pour autant.

— C'est quoi le travail du jour ?!

— C'est pas loin d'ici, on peut s'y rendre à pied. Oh, prenez ça. C'est le matos pour le boulot, alors prenez-en soin. Un travailleur ne peut pas survivre sans.

— ... Un seau et... c'est quoi ça ? Un balai-brosse en forme de rouleau pour nettoyer les saletés sur un tapis ?

— C'est un rouleau de peinture. Jeune fille, prends le pot de peinture.

— D'accord !!

Ils allaient travailler dans un immeuble délabré qui se trouvait à cinq minutes à pied du terrain vague.

En fait, c'était le même immeuble où vivait Anzai.

— Pourquoi tout le monde s'intéresse à l'endroit où je vis ?!

— Qu'est-ce qu'il raconte ?

— Il divague des fois.

Anzai suivit avec grande réticence les deux autres jusque dans l'immeuble. Ils arrivèrent devant l'appartement voisin du sien.

— C'est un appartement vide.

— ... Qu'est-ce qu'on va faire ?

— Peindre les murs. Il faut qu'il soit comme neuf pour la prochaine personne qui va emménager ici.

— Hum, marmonna Anzai, avant de s'exclamer, Hein ?

Il fut pris d'un étrange pressentiment. Il avait l'impression que quelque chose clochait dans cette histoire.

Cependant, Harumi et le chef de section étaient déjà en train de pénétrer dans le studio vide.

Et ils n'avaient même pas retiré leurs chaussures.

— Voilà, c'est là. Au plafond.

— Waouh.

— Bon, contentez-vous de le repeindre. Allez, du nerf.

Se demandant de quoi ils pouvaient bien parler, Anzai entra timidement dans la pièce.

Il tomba alors nez-à-nez avec une tache plus que louche qui selon lui, devait être nominée dans le top 100 des endroits hantés du Japon.

— Waaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhh ?!

— Anzai-kun a tendance à en faire tout un foin pour tout et rien, non ?

— Disons qu'il met de l'ambiance, répondit Harumi.

— Vous foutez pas de ma gueule !! C'est quoi ce truc ?! Ça a clairement la forme d'une personne !! Cette tache ressemble à un être humain les bras et jambes écartés !! Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans cet appart' ?!

— Allez, magnez-vous de tout repeindre.

— On est payés à l'heure, alors on n'a pas vraiment envie de finir trop vite.

— Non, attendez !! Expliquez-nous ça !!!!! En fait, je pense que même si on avait poignardé la victime dans l'appartement du dessus, ça n'aurait jamais pu faire une tache comme ça ! Qu'est-ce qui a bien pu faire une tache aussi terrifiante ?!

Maintenant que j'y pense, il y avait une fille étrange qui habitait ici jusqu'à il y a deux semaines ! Elle avait des cheveux blancs, environ douze ans, utilisait le pronom « konata » pour faire référence à elle-même, et vivait seule !! Comment cette tache a bien pu arriver là ?!

Le cerveau d'Anzai semblait être en surchauffe.

Pendant ce temps-là...

— Aucune idée. On m'a juste dit de faire quelque chose pour cette tache.

— ... Alors vous allez juste obéir aveuglément ?

— La demande n'était pas de découvrir ce que c'est.

Tout en parlant, le chef de section d'un âge mûr retira le couvercle du pot de peinture et versa la peinture blanche dans le seau. Puis, il prit l'objet qui ressemblait à un balai-brosse cylindrique pour retirer la poussière des tapis et le plongea dans la peinture.

— Bon, au boulot maintenant. Vous ne devriez pas avoir besoin d'un escabeau. Allez, bougez-vous. Peut-être que vous serez payés autant quoi que vous fassiez, mais tâchez de ne pas vous tourner les pouces devant moi.

— Wahh ! La peinture me coule dessus quand je tiens le rouleau au-dessus de ma tête !! cria Harumi.

— Quelle autre surprise se cache encore ici ?! Et quel genre de secret renferme ce vieil immeuble où je vis ?!

Cependant, les deux autres n'avaient visiblement d'yeux que pour l'argent.

Le chef de section s'adressa à Anzai qui se plaignait encore.

— C'était prévisible.

— Hein ?! Vous voulez dire que cet endroit est hanté à cause d'un horrible incident du passé ?!

— Non. Les gens peuvent nous embaucher pour tout et n'importe quoi, tu te souviens ? Enfin, vous avez bien demandé un travail de trois jours par semaine rémunéré 1000 yens par heure. Tu devrais pas être étonné de te retrouver avec ce genre de boulot.

— ... Alors vous ne faites pas ça à longueur de journée ?

— Non. Nous faisons tout ce qu'on nous demandera de faire, alors nous nous retrouvons avec toutes sortes de tâches. Si un petit salaire te convient, tu peux toujours te trouver un travail facile et pas dangereux. Avec la rémunération demandée, il est normal que ce soit un peu plus difficile. Alors arrête de te plaindre.

— Pas vrai ?! Pas vrai, pas vrai ?!

— Je commence à me demander s'il manque pas une case ou deux à Harumi...

Bien qu'Anzai ne l'appréciait pas, un travail était un travail. Il pouvait toujours demander plus tard à son proprio pour la tache. Bien entendu, il ne vivait pas dans ce studio, alors il était possible qu'il ne soit pas dans l'obligation de lui expliquer de quoi il en retourne.

Il plongea le rouleau à peinture dans le seau pour l'enduire de peinture. Quand il étirait les bras en l'air, il pouvait tout juste toucher le plafond. Quand il y pensait, toute cette histoire clochait depuis qu'on leur avait dit de repeindre sans même retirer le papier peint d'abord, mais c'était le proprio qui fomentait quelque chose de louche, pas le groupe pour qui Anzai travaillait.

— ... Par contre, ce raisonnement devient très dangereux si on va jusqu'à considérer un possible meurtre.

— T'as dit quelque chose ?

Anzai ne voulait pas causer de problèmes, alors il se mit à penser à autre chose pour essayer d'en finir avec ce travail.

Il appuya le rouleau contre le plafond pour étaler la peinture.

Après quelques aller-retours du rouleau, la tache de forme humaine allait disparaître. Mais alors...

— Mm... mm...?

— Ça vient de parler !! Cette tache vient de marmonner quelque chooooooooose ?!

— Ah ?! Agite pas le rouleau comme ça !!

— T'en fous partout. Bah, on doit tout repeindre de toute façon, alors peu importe après tout.

Les deux autres semblaient imperturbables.

En soit, c'était déjà un problème, mais un mot en particulier avait attiré l'attention d'Anzai.

— Tout ?

— Oui, tout.

— Alors, c'est pas juste le plafond, mais aussi les murs et le sol ? Une seconde, pourquoi on doit faire ça ?

— C'est ce qu'on nous a demandé de faire.

Anzai jeta rapidement un œil aux murs et au sol. Un des murs était partagé avec son appartement, alors il avait une bonne raison de s'inquiéter.

— B-Bah, je vois pas de taches de formes humaines dessus pourtant... Et toi ?

— Nan, dit Harumi.

Cependant, un mauvais pressentiment surgit du plus profond de l'esprit d'Anzai.

— ... Alors il y a quelque chose d'autre que cette tache ici ?

— Sûrement. Oh, mais il y a plus important, magnez-vous de repeindre ce plafond. Ou elle va s'enfuir.

— Comment ça ? La tache va s'enfuir ?! Vous voulez dire que c'est pas une tache ?! Me dites pas que c'est en fait un tas de petits insectes noirs qui ressemblent simplement à une tache !!

— Peu importe, ça ne change rien au fait qu'il faut que tu repeignes ce plafond. Allez, au boulot. Il risque de s'enfuir dans l'appartement voisin sinon.

— Gwooooooooooooooooooooooooooohhhhhhhh !!

Malgré qu'il ne comprenait toujours pas la situation, Anzai agita le rouleau comme si c'était une épée sacrée et scella la (chose qui ressemblait à une) tache noire avec la peinture.

— Beau travail !!

— Waouh, je n'aurais pas cru qu'un amateur en serait capable.

— Minute !! C'est tout ?! J'ai comme l'impression que ce truc est toujours en vie et qu'on n'a fait que le cacher.

— La tache est « en vie » ? Tu racontes des trucs vraiment étranges, toi.

— Comme c'est poétique, commenta Harumi.

— C'est pas juste !! Pourquoi tu prends ce que je dis au pied de la lettre uniquement quand ça t'arrange ?!

— Ok, on en a peut-être fini avec le plafond, mais il faut toujours qu'on peigne le reste. Anzai-kun, va cacher les cheveux qui dépassent des fissures au sol. On dirait qu'il essaye de sortir par là, lentement mais sûrement.

— Nooooooooon !! Cette fois-ci, c'est quelque chose de physique ?!

— Ha ha ha ! Comment tu peux qualifier ces cheveux carrément surnaturels de phénomène physique ?! dit Harumi.

— Oh, alors t'admets que ces trucs sont paranormaux maintenant ?!

Plus tard, le trio fit face à « un gros tas de moisissures qui ressemblait à une emprunte de main de bébé », « un mur couvert de protubérances en forme de seins qu'ils avaient découvertes après avoir retiré la baignoire », « une écriture féminine disant 'délicieux' qui semblait avoir été écrit avec les ongles de quelqu'un », et d'autres phénomènes similaires. Ils les avaient tous renvoyés dans l'autre monde.

Le soir, après qu'ils eurent fini, le visage d'Anzai était complètement livide.

— ... I-Il faut que je vérifie s'il y a des traces de peintures dans mon studio !!

— Waouh, se faire 1000 yens par heure juste en peignant, c'est trop cool ! dit Harumi.

— Oui, mais estimez-vous heureux d'être restés sous la barre des 1000 yens. Ça aurait pu être encore pire si vous aviez franchi celle des 1200. Ces boulots sont de niveau « Au-delà du réel ».

— Pire que celui-là ?!

Et c'est quoi le terme qu'il a employé ? « Au-delà du réel » ?!

— Oui, acquiesça le chef de section qui avait de l'expérience dans le domaine. Vous connaissez l'université du coin ? Récemment, on nous a demandé de nous faire passer pour des étudiants là-bas. Ce sondage est carrément le genre de truc avec lequel j'ai rien envie d'avoir à faire.



Le cas de Hotaru[edit]

Partie 1[edit]

— Quelle coïncidence. Exactement le même que moi, dit Hotaru.

Elle était grande et avait de longs cheveux noirs. Elle était jolie, mais c'était plutôt le genre de beauté à glacer le sang. Pour être franc, Anzai sentait qu'elle devait être la personne avec qui il était le plus difficile de converser.

— Vous aimez sûrement les mêmes films, dit Harumi.

— C'est pas comme s'il y avait de bonnes et de mauvaises réponses, mais ça peut être chiant pour les autres quand on en parle. Enfin, c'est toujours mieux que de parler de baseball.

— Aisu, il faut que tu fasses quelque chose pour ta manie de ramener des types bizarres au dîner tout en regardant la télé, une chope de bière à la main... Oh ?

Kozue se tut.

Alors qu'ils quittaient l'amphithéâtre, elle leva les yeux vers le ciel nocturne et colla ses deux paumes ensemble comme pour attraper quelque chose.

Hotaru fronça des sourcils.

— Il pleut ?

Dès qu'elle eut marmonné ça, Anzai sentit une grosse goutte tomber sur son nez. Celle-ci fut suivie par ce qui ressemblait à des trombes d'eaux. Le bâtiment de l'université était à bonne distance de la brasserie et aucun d'entre eux n'avait de parapluie. Les cinq jeunes gens se ruèrent dans l'amphithéâtre.

Ils avaient éteint la lumière en partant, alors il faisait complètement noir. Néanmoins, la salle n'était pas fermée. Ou plutôt, ils l'avaient laissée ouverte.

— Hyaaahh !! Ça tombe bien là !

— Avec une pluie aussi forte, ça tiendra pas toute la nuit.

— Je suis trempée jusqu'aux os.

— Quel dommage pour toi, Anzai, il fait noir. Sinon, t'aurais eu droit à une belle scène de fanservice avec nous quatre.

Anzai ignora Hotaru et vérifia plutôt ses affaires. Il ne trimballait pas beaucoup de choses dans son sac quand il se rendait en cours, mais il semblerait que le spray waterproof que lui avait vendu le marchand avait été efficace. Il l'ouvrit et enfonça sa main à l'intérieur, mais rien ne semblait mouillé.

Ensuite, il vérifia le portable qui était dans une poche de son pantalon.

Anzai le sortit et l'alluma. Heureusement, l'habituel écran de verrouillage s'afficha. Il semblait fonctionner correctement.

Pendant qu'Anzai était occupé avec son téléphone, la fille de cabaret prénommée Aisu poussa un cri.

— Gyaaahhhhh !! Alors que je me disais que nos vêtements trempés et transparents étaient protégés par le noir, le voilà qui sort son rétroéclairage !!

— ?

— Comme demandé, je vais procéder à un aveuglement de sécurité ! s'écria Harumi derrière Anzai qui s'était instinctivement tourné en direction d'Aisu quand celle-ci avait crié.

L'instant d'après, ses yeux furent recouverts par deux mains humides. Sa vision fut soudain plongée dans le noir et dans le même temps, il sentit quelque chose de doux pressé contre son dos.

Un choc semblable à un coup de jus traversa le corps d'Anzai jusqu'à la moelle.

On ne pouvait même plus parler d'insouciance à ce niveau-là.

— Aisu, t'as essayé de faire croire que t'avais l'air gênée tout en poussant un cri pour attirer toute l'attention sur toi, pas vrai ?

— Non, y'avait rien de prémédité ! Et à sa façon de se coller à lui, je pense que c'est Harumi qui a gagné le plus de points ici !!

— Elle se contente de sourire et de garder la même position ?!

— Quoi ? Quoi ? Pourquoi vous vous excitez comme ça ? demanda Harumi.

— Franchement, à quoi vous jouez les filles ? dit Hotaru, exaspérée.

Anzai sentit ensuite qu'on lui arrachait le téléphone des mains. Puis quand Harumi retira ses mains de ses yeux, il n'y avait plus aucune source de lumière. Quelqu'un lui rendit son téléphone dans la pénombre.

— Pas de portable. Pigé ?

— J'allais juste vérifier qu'il marchait toujours, mais ça me va.

— Aisu, t'as échoué dans ta tentative d'attirer l'attention sur toi. Harumi t'a surpassée, commenta Kozue.

— On est toujours comme ça, non ?

Anzai pouvait toujours les entendre parler dans l'obscurité, mais il ne tenta pas de se joindre à la conversation. Le mieux qu'il pouvait faire était acquiescer dans la vraisemblable direction de Hotaru.

— Cette pluie dure plus longtemps que je l'aurais cru, dit la voix de Hotaru. Vu son intensité, je m'attendais à ce qu'elle s'arrête vite.

— Si ça va durer jusqu'au petit matin, on va devoir se préparer, répondit spontanément Anzai.

Bien entendu, il ne parlait pas de passer la nuit ici. Il parlait de courir chez soi sous la pluie.

— Cet amphi est très grand, alors peut-être que quelqu'un a oublié son parapluie dans le porte-parapluie.

— Voler, c'est mal, Aizu.

— On peut très bien le rendre demain. Ça vaut la peine de jeter un œil.

Mais ils ne trouvèrent rien de la sorte près de l'entrée de l'amphithéâtre. Ils étaient contraints de chercher à l'aveugle avec les mains, mais le porte-parapluie était visiblement vide.

— Tout comme les éboueurs, les profs viennent peut-être régulièrement le vider.

— Mais ça veut dire qu'on a aucun moyen de partir.

— Je sais ! s'écria Harumi. C'est un amphi, alors il y a sûrement beaucoup de poubelles. Si on peut trouver le bureau, peut-être qu'ils ont des sacs poubelle neufs.

— Si t'enfiles ça sur la tête, traverse le quartier commerçant, et monte dans le bus ou le métro, j'espère qu'on t'érigera une statue pour acte de bravoure à l'entrée de la fac.

— Hein ? dit Anzai.

Du fait de la faible luminosité des lumières extérieures, le chemin était faiblement éclairé juste devant l'entrée de l'amphithéâtre. Il remarqua quelque chose de brillant à cet endroit. Les filles étaient visiblement réticentes à l'idée qu'il les voit dans leur état actuel où il pouvait voir leurs sous-vêtements, alors elles ne s'approchaient pas de la source de lumière. Néanmoins, Anzai n'était pas dans le même cas. Il s'approcha de la porte vitrée pour voir de plus près et il se rendit compte de ce que c'était.

— Il y a un parapluie en plastique par terre.

Deux ou trois baleines étaient cassées, alors la toile s'agitait dans le vent. Une forte bourrasque avait vraisemblablement eu raison de lui, alors son propriétaire l'avait jeté. Cependant, son état était suffisant pour les protéger de la pluie.

Anzai posa son sac et son téléphone sur le sol, ouvrit la porte vitrée, et sortit. Il ramassa le parapluie cassé et se dépêcha de rerentrer.

— Et voilà le travail. On dirait qu'on va pouvoir passer à la prochaine étape. ... Euh, qu'est-ce qui se passe ?

L'amphithéâtre était plus éclairé que le reste de la salle au niveau de la porte vitrée où se trouvait Anzai, alors il ne pouvait pas les voir. Mais il pouvait sentir une certaine tension dans l'atmosphère.

Hotaru brisa le silence.

— Pour ta gouverne, sache que les filles se sentent gênées quand elles voient les sous-vêtements d'un membre du sexe opposé.

— Hein ? Peu importe, j'ai trouvé un parapluie...

— Non, pas de peu importe qui tienne ! Arg, contente-toi de venir par-là !!

— Aisu, tu vas le serrer dans tes bras parce que ça sera plus fort que toi ?

— Quoi ?! Je dis juste que les mecs aussi ont besoin de la protection de l'obscurité !!

Face à l'insistance, Anzai s'avança vers la pénombre.

— Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé un parapluie.

— Oui, oui. Un parapluie.

— ... On peut pas tenir physiquement à cinq sous ce parapluie à moitié cassé.

— Kozue, je t'ai sentie trépigner d'excitation.

— Non, je crois que c'était Aisu.

Elles avaient ignoré Anzai tout en continuant leur conversation.

— Enfin bref, il suffit qu'un de nous s'en serve pour aller acheter d'autres parapluies à la première supérette venue, non ? suggéra-t-il.

— Oh ! Pas mal ! Bonne idée !

— Bah, c'est terre-à-terre au moins.

— Une seconde, les p'tits jeunes ! Vous suggérez qu'un d'entre nous sorte sous ces lumières en étant trempé !!

— Ça pourrait devenir une nuit mémorable.

Anzai se résolut au fait qu'il était un peu difficile de forcer une fille dont les sous-vêtements étaient clairement visibles.

— Ben, c'était mon idée, donc j'irai.

— Minute, jeune homme !! Personnellement, je pense que c'est l'option la plus dangereuse !!

— ?

— Si l'un d'entre nous doit subir cette honte, je crois qu'on devrait au moins décider ça à pierre-feuille-ciseaux.

— J'avoue, mais je suis un mec. Alors autant que...

— Non, c'est exactement pour cette raison ! C'est justement parce que t'es un mec qu'il faut pas faire ça, espèce d'idiot !!

Anzai était estomaqué par cette logique qu'il ne pouvait comprendre. C'était peut-être une sorte de règle qui régissait un groupe de filles.

Malgré tout...

— Mais on doit passer par le quartier commerçant pour rentrer. Et t'as parlé de bus ou de métro. On va tous devoir se retrouver à la lumière à un moment ou un autre.

— ...?!

— !

— !!

— ...!!

Son commentaire spontané provoqua quatre halètements en retour. Il semblerait que c'était une question de vie ou de mort pour les filles.

— C-Combien de temps ça va prendre avant que les vêtements soient secs ?

— Ça prendra bien toute la nuit pour sécher à l'air. Il nous faudrait un sèche-cheveux ou quelque chose du genre.

— Non, ça le fera pas. Il nous faut un vrai sèche-linge.

— Réfléchis avant de parler, dit Kozue. Tu suggères qu'on utilise une laverie automatique sans vêtements de rechange ? Qu'est-ce qu'on est censés faire pendant que nos fringues sont dans le sèche-linge ?

— Tu dis ça, Kozue, mais en fait, tu te dis que c'est l'occasion ou jamais, pas vrai ?!

— T-Tu pourrais arrêter de projeter tes pensées sur moi, Aisu ?

Tandis que la conversation commençait à dériver dans une drôle de direction, Hotaru tenta de corriger le tir.

— Enfin bref, tout d'abord, il faut qu'on se procure suffisamment de parapluie pour que chacun gagne en mobilité. Il faut d'abord qu'on décide qui va aller à la supérette à pierre-papier-ciseaux.

— Ok, c'est parti ! Pierre, papier...

— Non, attends, coupa Anzai. On peut pas voir nos mains dans le noir.

Le silence tomba.

Au final, ils choisirent d'abandonner temporairement la protection de l'obscurité. Les quatre filles furent contraintes d'exposer leurs silhouettes en s'approchant de la porte vitrée par où la lumière des lampes extérieures pénétrait. L'état de leurs vêtements était moins un problème pour Anzai que leur façon de gigoter d'embarras.

— Pierre papier ciseaux !!!!!

Ils tendirent leurs mains à moitié désespérés, mais une fois le jeu terminé, une pensée traversa Anzai.

— ... Je viens juste d'y penser, mais on aurait simplement pu dire à voix haute ce qu'on a choisi tout en restant dans le noir.

L'instant d'après, quatre « pierres » volèrent dans sa direction.

Partie 2[edit]

Pour être franc, les quatre filles trempées aux vêtements transparents avaient bien plus marqué Anzai que le mystérieux sondage. Ce qui l'avait le plus frappé était les sous-vêtements de Hotaru. Elle avait dégagé une aura de beauté froide du début à la fin, alors il ne s'était pas attendu à ce qu'ils soient aussi peu orthodoxes... ou pour parler plus franchement, olé-olé.

Et ainsi...

Quand Anzai se réveilla le lendemain, il avait déjà oublié cette histoire de sondage. C'était exactement comme un compte-rendu qu'il aurait déjà rendu, alors il n'y avait rien à gagner à s'en souvenir.

Hélas...

Ce monde était fait de choses étranges. Elles étaient là, qu'on le veuille ou non.

Ou plutôt...

Pour faire simple, cette chose qu'il croyait terminée ne l'était en réalité pas du tout.

Partie 3[edit]

Les jours pluvieux étaient si mélancoliques.

Après avoir à peine prêté attention au cours de langue étrangère qu'il pensait oublier à peine sorti, Anzai croisa Hotaru qu'il croyait avoir 80% de chances de ne jamais revoir. Visiblement, les trois autres n'étaient pas avec elle.

Elle était magnifique, mais elle était cette fille plus âgée si belle que les mecs rechignaient à l'approcher.

Elle était le genre de beauté à causer des silences au karaoké.

Anzai lui-même sentait ses muscles se crisper.

— Anzai-kun, c'est ça ? C'est quoi ton prochain cours ?

— Math. Aujourd'hui, c'est le jour où je fais ce qu'il faut pour passer en classe supérieure.

— Alors sèche-le.

— Comment ça « alors » ?

— Ça te servira jamais à rien plus tard, non ?

Anzai eut le sentiment que le même raisonnement aurait rendu inutile tout ce qu'il avait pu voir au collège et au lycée, mais il n'avait pas particulièrement envie d'aller en cours de math ce jour-là, alors il ne rétorqua pas.

Le véritable problème était de savoir ce qu'ils allaient faire à la place.

— Alors c'est quoi le programme ? On va quelque part ?

— Tu te souviens du sondage d'hier ?

Ils quittèrent l'amphithéâtre tout en parlant.

Le visage de Hotaru restait de marbre.

— Tu te souviens du nom du prof ?

— Tanaka-san, je crois. Je suis presque sûr qu'il s'est présenté au tout début.

— Oui, c'est également tout ce que je sais. J'ai eu des choses à régler avec le secrétariat, alors je leur ai posé la question tant qu'à faire, mais on dirait bien qu'il n'y a aucun professeur Tanaka dans cette université.

— ... Hein ?

Les pensées d'Anzai s'arrêtèrent net.

Il comprenait le sens des paroles de Hotaru, mais il n'arrivait pas à saisir où elle voulait en venir.

— C'est un nom de famille courant, Tanaka. Sûrement l'un des cinq plus répandus au Japon. Le fait qu'il n'y en ait pas un seul travaillant ici a particulièrement marqué le type à qui j'ai posé la question. Il a appelé ça une université sans Tanaka.

Anzai eut un blanc, mais il pouvait sentir de la sueur couler le long de sa joue. Il ne lui fallut pas longtemps avant de comprendre d'où cela venait. Il pleuvait dehors. Il faisait un peu chaud dans l'amphithéâtre en lui-même, mais une agréable fraîcheur avait empli le couloir. Autrement dit, la sueur ne provenait pas de la chaleur.

— ... Alors, c'est qui ce prof ? ... Ou c'était quoi ce sondage du coup ?

— Ça te tracasse, pas vrai ? Un type louche venant de l'extérieur de l'université rassemble des étudiants, leur fait passer un sondage glauque pour analyser leurs esprits et leurs cœurs, et se fait la malle sans laisser de traces. Et pour quelle raison ? Et comment il a fait ça ? C'est une université publique, alors le niveau de sécurité est conséquent. Il aurait pu organiser ce sondage n'importe où ailleurs, alors pourquoi avoir choisi un endroit aussi difficile d'accès qu'une université ? Et puis, pourquoi nous avoir choisi nous en allant jusqu'à faire des recherches sur nos situations personnelles pour nous faire venir ?

— Attends, et pour mes UCTS du coup ?! Si ce soi-disant Tanaka-san est pas prof ici, ça veut dire que j'aurais pas mon premier semestre !

— ...

Hotaru se tut et donna un léger coup de pied dans le tibia d'Anzai.

Anzai poussa un cri et fit un bond en arrière, les yeux en larmes.

— Tu pourrais éviter de casser l'ambiance ? Merci, dit-elle le visage de marbre.

— Tu peux parler ! C'est toi qui m'as convaincu de sécher les cours !!

Partie 4[edit]

Leur université n'avait pas de professeur nommé Tanaka.

Dans ce cas, qui pouvait-il donc être ?

Et à quoi servait ce sondage ? Qu'en avait-il retiré ?

C'était ce sur quoi ils menaient leur petite enquête, mais...

— Alors c'est quoi l'idée au juste ? demanda Anzai. Ce Tanaka-san est pas de notre fac, non ? On trouvera rien en errant ici.

— J'en mettrais pas ma main à couper, dit Hotaru, balayant facilement son commentaire d'un revers de la main. J'ignore peut-être quel était le but de ce sondage, mais je devine que ça a un rapport avec les courts-métrages qu'il nous a passés. On aurait dit qu'ils avaient été filmés dans le club de cinéma de la fac.

— T'as des preuves ?

— J'ai reconnu certains lieux. Je pense qu'ils ont été tournés sur le campus. Il y a de fortes chances que celui qui s'est fait passer pour un professeur appelé Tanaka a simplement demandé au club de cinéma de tourner les courts-métrages.

— ... Alors hier n'était pas sa seule fois sur le campus ?

— Flippant, hein ? On croirait un yôkai ou quelque chose du genre.

Tout en suivant Hotaru, Anzai arriva au local du club de cinéma. (Était-ce le bon terme ? Anzai ne faisait partie d'aucun club, alors il n'en était pas certain.)

— Évidemment, c'est fermé.

— On peut fabriquer un moule en insérant de la gomme adhésive dans le trou de la serrure. Mais pour la ressortir, c'est une autre histoire.

— ... C'est toi qui me fais penser à un yôkai.

Hotaru se servit d'une clé légèrement tordue qui semblait être constituée de fer ou d'aluminium, et la porte fut facilement déverrouillée.

En entrant, Anzai posa une question.

— Alors, c'est quoi que tu cherches ?

— Aucune idée, mais il y a quelque chose que j'espère bien y trouver.

— ?

— Les courts-métrages. Quelque chose m'intrigue à leur sujet. J'aimerais les reregarder pour vérifier.

Après un peu de recherches, ils trouvèrent facilement ce qu'ils cherchaient. C'était une clé USB avec une étiquette « Pour le sondage ».

— Hein ? C'était pas sur une bobine géante quand il nous les a diffusés dans l'amphithéâtre ?

— Ils l'ont sûrement édité en version digitale avant d'en faire un film. Le club de cinéma peut être particulièrement chiant avec ce genre de détails. Il y a une clé USB haute capacité à 20 000 yens et les courts-métrages la remplissent complètement. C'est que ça bouffe beaucoup d'espace les vidéos.

— Il suffit de les compresser, mais je suppose que c'est pas le club de ciné pour rien. Même si l'œil humain est incapable de faire la différence, ces gens se refusent à avoir recours à la compression vidéo.

Anzai se demandait ce que Hotaru voulait vérifier au sujet des courts-métrages.

Elle inséra la clé USB dans son smartphone et lança la vidéo sur le petit écran.

Anzai se demanda combien de temps cela prendrait, mais Hotaru acquiesça au bout de trois minutes seulement.

— Aha, j'avais raison. Regarde, là, là et là.

— Il y a un fantôme dans la vidéo ?

— Mieux que ça, dit Hotaru en mettant en pause la vidéo. Ça te dit quelque chose la « fiction grise » ?

— ... Tu veux dire les films avec des aliens ?

— C'est pas complètement faux.

Elle répondit à sa blague avec un visage sérieux.

Anzai se sentait un peu dépassé, mais Hotaru continua le visage de marbre.

— Cela fait référence à une histoire fictive qui ne peut pas complètement être qualifiée comme tel du fait de certains détails. On entend souvent dire que c'est pour des raisons politiques, mais ça a été récemment utilisé dans un film qui montrait un centre de recherches sur les OVNI et dans un film d'horreur avec comme base un esprit vengeur d'un noble de l'ère Heian.

— Quel rapport ?

— Ces courts-métrages sont similaires.

Malgré les propos ridicules qu'elle tenait, son visage demeurait parfaitement calme.

— Le spectateur lambda passera à côté de certains détails dans les fictions grises. Ces détails se retrouvent dans ces courts-métrages. Il est possible qu'ils se soient juste retrouvés dans le champ par hasard, mais selon toute vraisemblance, ce n'était pas un accident.

— Hein ? Attends... Tu veux parler de cette fille aux cheveux blancs dans le coin de l'écran ?

— Non, pas ça.

(Mais c'est qui cette fille alors ?)

Anzai se posait toujours des questions, mais Hotaru n'avait pas l'intention de laisser la conversation dériver dans cette direction.

— J'en conclus que ces courts-métrages étaient des fictions grises.

— ... Tu veux dire qu'en fait, ils relataient des faits réels ?

— Oui.

— Mais il y avait des fées et des ninjas dans ces trucs, non ?! Il y avait même une histoire où ils tranchaient des trolls dans un monde fantastique moyenâgeux à la sauce RPG qui n'a jamais existé, non ?!

— J'en sais rien, je vois pas non plus comment c'est possible, soupira Hotaru. Mais je n'ai pas l'impression que les courts-métrages montraient juste une partie d'un monde étrange. On avait l'impression de ne voir qu'une pièce ou une portion de ce monde. Peut-être que c'est dans une salle dans un bâtiment ou un sous-sol que toutes ces choses se sont déroulées. Ou peut-être qu'il n'y a pas de monde mystérieux et qu'il y a simplement une pièce quelque part sur Terre qui ressemble juste à un monde bizarroïde.

(C'est n'importe quoi...)

Si on vous disait qu'il existe un héros et un roi démon quelque part sur Terre, le croirez-vous ?

Et un virus informatique qui parlerait comme un homme paraissait encore plus irréel qu'un héros ou un roi démon.

— Mais c'est quoi la définition du factuel ? demanda Anzai.

— Hum ?

— Les prophéties de Nostradamus sont considérées comme factuelles. Autrement dit, ça ne signifie pas que c'est réel. Cela veut juste dire que l'auteur l'a écrit en considérant que c'était vrai. Dans ce cas...

— Le prof était juste fou ?

— Je suis bien plus à l'aise avec cette idée.

— Peut-être, admit Hotaru. Ou peut-être qu'il existe une simple règle commune derrière tout ça qui a convaincu ce prof qu'il voyait vraiment ces choses.

— ... Tu veux dire comme l'hypnose ?

— C'est tellement stéréotypé ça. T'aurais au moins pu dire qu'il a tourné ces courts-métrages pour montrer ce qu'il avait vu pendant qu'il enquêtait sur une sorte de complot mondial.

Anzai en perdit son latin.

Tout d'abord, les détails laissant à penser que c'était des fictions grises avaient très bien pu être placés là par le soi-disant professeur pour plaisanter.

Mais à quoi bon ?

— Au final, que cherchait à faire ce prof ? Pourquoi avoir filmé ces choses ? En fait, quel était le but du sondage en lui-même ?

— Qui sait ? dit Hotaru de façon évasive avant d'ajouter une autre remarque énigmatique, Mais mon petit doigt me dit qu'il y a un lien.

— ?

— J'ai l'impression qu'il y a un lien entre ces évènements étranges racontés par ces courts-métrages et la façon dont ce prof s'est introduit dans la fac, a organisé ce sondage, et a disparu sans laisser de traces. Et s'il y a un lien, il se pourrait qu'on se soit indirectement retrouvés mêlés à des évènements bizarres qui ont commencé avec ces courts-métrages.

— ... Ça me dit rien qui vaille.

— Non. Mais si ces courts-métrages sont vraiment des fictions grises, ce prof connaît peut-être le fin mot de l'histoire.

— Comment ça ?

— Les gens qui clament haut et fort avoir été enlevés par les extraterrestres sont des singularités différentes des extraterrestres en eux-mêmes. On pourrait les qualifier d'absurdités. Ou s'il y avait un expert à qui tu pouvais poser des questions, un genre de hotline, mais uniquement au sujet des démons, cet expert serait une absurdité d'un genre différent des démons.

Hotaru marqua une courte pause.

— Autrement dit, ceux qui travaillent à analyser les choses sortant de l'ordinaire se retrouveront corrompus par la chose en face d'eux et deviendront à leur tour des absurdités. Avec l'expérience que cela nécessiterait pour faire ce sondage basé sur des fictions grises, il est vraisemblable que ce mystérieux prof s'est entièrement transformé en absurdité. ... Qui qu'il ait pu être à l'origine.

— ...

Après avoir entendu ça, Anzai réalisa quelque chose.

Le sondage n'était pas la chose la plus dangereuse.

Ni même le professeur.

Le plus gros danger se trouvait là, sous ses yeux.

— H-Hé, où sont les membres du club de ciné ? Si tu veux en savoir plus sur ces courts-métrages, le plus simple serait de leur demander, non ? C'est eux qui ont filmé ces bizarreries.

— Cela aurait été bien plus simple si cela avait été possible.

Elle resta vague.

Néanmoins, Anzai sentit comme une conclusion funeste dans ses propos ambigus.

Ils ne pouvaient pas vérifier auprès de ces gens.

Ils ne pouvaient pas parler avec ces gens.

Ils n'avaient pas la moindre idée d'où étaient ces gens.

Oui.

C'était exactement comme avec ce professeur.

— Ta théorie, c'est que ce prof a pété un câble en analysant ces bizarreries, pas vrai ? Mais mettons de côté le fait que ce soit réel ou dans son imaginaire.

— Oui, c'est juste une hypothèse. Mais c'est comme ça dans les grimoires et les cercles magiques, non ? Ils ne font qu'expliquer le fonctionnement du monde à travers des textes ou des diagrammes.

— Bah, si le changement peut s'opérer rien qu'en analysant ces choses...

Anzai tendit son doigt.

Il le pointait vers la chose la plus dangereuse.

Il le pointait vers la clé USB dans les mains de Hotaru qui contenait les courts-métrages.

— ... Le simple fait d'avoir ce truc est dangereux dans ce cas, non ?

— Oui. Comparativement au sondage, au prof, aux gens du club de ciné, regarder chaque courts-métrage, ou fiction grise...

Hotaru esquissa un sourire.

Comme elle était généralement inexpressive, c'était un sourire étonnamment grand.

— ... Tu crois pas que cette clé USB contient l'absurde d'une façon bien, bien plus condensée ? C'est comme une baguette magique qui te permet de level up à l'infini rien qu'en l'agitant à gauche à droite.



Le cas de Kozue[edit]

Partie 1[edit]

— T'as le même résultat que moi, dit Kozue de sa voix limpide.

— Mais c'est juste un classement sur les goûts. Tout le monde devrait avoir à peu près la même chose, non ?

— Non, le tien est complètement différent du mien, dit Harumi.

— Et du mien, dit Hotaru.

C'est vraiment comme ça que ça marche ?

Anzai quitta l'amphithéâtre avec les filles et se dirigea vers la brasserie. Il avait fini par les suivre, mais il ignorait pourquoi.

Le bâtiment de la brasserie était assez loin de l'amphithéâtre. Le chemin-là était presque dans le noir complet, mais Kozue se mit à fouiller dans son sac à main.

— Qu'est-ce que tu fiches, Kozue ?

— Je crois que j'ai oublié mon stylo bille dans l'amphi.

— Ça coûte 100 yens. T'as qu'à en racheter un dans une supérette.

— Je m'en fiche de l'avoir oublié, mais je veux juste m'en assurer. J'aurais l'air fine si j'en rachetais un alors que j'en ai pas besoin.

— On dirait qu'il y a de plus en plus de portemines dans ta trousse.

Hotaru se servit du flash de son portable pour éclairer l'intérieur du sac à main de Kozue, mais ce n'était pas suffisant. Fouiller dans son sac quand il fait noir n'allait que mettre encore plus de bazar à l'intérieur.

— Pourquoi tu vérifierais pas ça une fois dans la brasserie ? suggéra Harumi, mais Anzai pointa du doigt une autre direction.

— Y'a un panneau là-bas.

Le vieux panneau était utilisé pour afficher diverses notes sur les clubs. Une lampe fluorescente y était installée afin de pouvoir les lire la nuit. La lumière d'un blanc pur ne pouvait complètement éclairer l'endroit, mais c'était mieux qu'avec un portable.

Quand ils s'approchèrent du panneau, ils aperçurent un tas de petits moustiques morts sur la lampe. Elle ne devait pas être nettoyée très souvent. Ce n'était ni l'époque des recrutements de nouveaux ni le festival culturel, alors les informations postées là manquaient d'attrait.

— Oh, le voilà.

— Du coup, t'as pas besoin d'en racheter.

— Donc, tu nous as fait perdre du temps pour rien, dit Aisu d'un ton léger. Vous savez, j'ai du mal à croire que ce genre de panneau existe toujours. On est au 21è siècle. C'est bien plus facile de tout envoyer par mail à tout le monde.

— Sûrement que certains profs têtus aiment pas trop ces méthodes.

— Ou peut-être que les gens sont pas assez bêtes pour filer leur mail juste pour recevoir une tonne d'infos inutiles.

— Je vois. Alors y'a pas que l'obstination des profs.

Anzai s'en fichait pas mal, alors il espérait juste pouvoir aller à la brasserie. Les nuits s'étaient rafraîchies, mais il y avait toujours beaucoup de moustiques. Ils volaient tous autour des lumières, et il trouvait ça pénible.

— Allons-y, Hotaru-san, dit Harumi tout en tournant le dos au panneau après qu'ils se soient mis en route.

Anzai se retourna aussi et aperçut Hotaru toujours debout devant le panneau d'affichage.

— T'as trouvé quelque chose d'intéressant ?

— Hotaru est une romantique.

— ?

Au vu de certaines choses, ces quatre filles semblaient bien se connaître, alors Anzai était parfois incapable de comprendre ce qu'elles racontaient.

Hotaru se joignit rapidement aux autres et ils se dirigèrent vers la brasserie. Semblable à un restaurant et à une petite supérette, c'était un bâtiment qui n'était pas utilisé pour les cours. Hélas...

— C'est fermé.

— Ouais.

— Hotaru, il est quelle heure ?

— 8h30. On dirait qu'on a passé trop de temps à chercher le stylo de Kozue.

C'était une enseigne internationale, alors il y avait des horaires standards, mais le gérant avait pour habitude de fermer dès qu'il en avait l'occasion. Les lumières étaient toutes éteintes dans la brasserie.

Anzai et les autres n'eurent pas d'autre choix que de se rendre dans le restaurant espagnol dans le même bâtiment.

— Les avis des gens sur ce resto varient beaucoup en fonction de s'ils aiment les fruits de mer ou non.

Étant donné le visage de Kozue, son avis sur l'endroit était visiblement plutôt négatif.

Cependant, quelque chose d'autre attira encore plus l'attention d'Anzai.

— Euh, pourquoi vous vous serrez comme ça...?

— Ils ont que des tables de quatre, alors on n'a pas le choix.

— Oh, mais je crois que c'est pas une coïncidence si t'es collé contre la vitre avec Kozue juste à côté de toi. On dirait qu'elle essaye de te garder pour elle.

— N'importe quoi.

Aucun d'entre eux n'avait vraiment faim, alors ils partagèrent une grande salade à cinq. Évidemment, elle était couverte de crevettes, de calamar et de crustacés. Le dégoût sur le visage de Kozue s'amplifia.

La fille de cabaret appelée Aisu sirota son café chaud et dit :

— Il faut croire qu'on peut pas avoir de meilleures boissons quand c'est en libre-service.

— N'importe quel café noir a un goût amer pour moi, dit Harumi.

— Je crois qu'ils ont pas de boissons nationales comme le matcha. Par contre, la nourriture l'est, dit Hotaru.

— C'est comme ça que ça fonctionne dans les petits restos comme ici, commenta Kozue.

Anzai se demanda pourquoi les gens étaient toujours aussi durs envers les grandes enseignes nationales. Bien entendu, la brasserie où ils voulaient aller était implantée dans une trentaine de pays.

Peut-être que les marques affectaient les goûts des gens.

— Enfin bref, c'était vraiment un sondage bizarre.

— Et ça sortait d'où ce truc ? Le prof faisait juste ça pour le fun ou quoi ?

Anzai doutait du fait qu'il puisse leur donner des ECTS si c'était juste pour le fun.

D'un autre côté, lui non plus ne voyait aucun intérêt pratique à ce qu'ils avaient fait.

— Peut-être qu'il essayait d'obtenir des données dont il avait besoin pour ses recherches.

— Mais il aurait eu besoin de nous faire signer un papier lui donnant l'autorisation, non ?

— Peut-être qu'il peut contourner ça s'il s'assure que le tout reste anonyme.

— Bah, je vois pas trop le mal que ça peut faire de lui dire quels court-métrages on a préférés, dit Aisu spontanément tout en sirotant son café bon marché.

Malgré ses remarques sur le restaurant, elle ne semblait pas particulièrement de mauvaise humeur.

Anzai posa alors une question qui le turlupinait.

— Au fait, dans quel domaine était spécialisé ce prof ? La psychologie ?

— ...

— ...

— ...

— ... Hein ?

Un étrange silence s'installa. Ils s'échangèrent tous un regard. Anzai fut en mesure de comprendre ce que cela signifiait à leur expression. Néanmoins, il avait du mal à le croire.

— Une petite minute... Aucune d'entre vous n'a jamais eu de cours avec lui ?

— Alors toi non plus, tu sais pas qui c'est ?

Toi non plus.

Le terme employé par Kozue renforça l'avis d'Anzai. Il était surpris que personne ne sache qui était ce professeur, mais il s'était également rendu compte qu'il n'avait jamais croisé ces filles non plus. Il ne pensait pas qu'elles soient dans le même département que lui. Un professeur qui enseignerait dans son propre département pouvait peut-être lui donner des ECTS, mais comment un simple professeur pouvait le faire à des étudiants issus de départements différents ?

— Et les autres ? demanda Harumi. Je crois bien qu'il y en avait une trentaine d'autres.

— Je n'ai aucune preuve concrète, répondit distinctement Kozue, mais j'ai comme l'impression qu'on n'obtiendrait aucune information digne de ce nom, même si on cherchait les autres participants et on leur posait la question.

— Comme dans n'importe quelle fac, la nôtre a son lot de profs excentriques. Peut-être bien que c'était un vieux croûton qui se trouve à la frontière entre l'idiot et le génie qui s'est lancé dans une drôle d'aventure.

— Du coup, qu'est-ce que ça signifie pour mes ECTS ?

Si cet évènement était organisé par un vieux fou à lier (mais peut-être très compétent vu qu'il avait toujours son travail), alors ces ECTS pouvaient ne jamais arriver. Il était possible que ce professeur n'ait jamais discuté avec les personnes en charge du département d'Anzai.

— Bah, on ignore peut-être ce que le vieux avait derrière la tête, mais pourquoi il nous a choisis nous ?

— Il a plus ou moins expliqué ça au début. Il a sûrement visé les étudiants en manque d'ECTS, ceux avec des problèmes d'absentéisme ou de comportement.

— Tu crois qu'il avait autre chose en tête ?

— Qu'est-ce que j'en sais, moi ? On sait même pas à quoi servait ce sondage, alors on n'a aucun moyen de savoir si les personnes sélectionnées ont un rapport avec ça.

— Exact.

Mais peu importe que ce soit juste un vieux savant fou qui s'amusait, ça ne changeait rien. Le sondage était terminé. S'il ne se passait rien d'autre et qu'il n'y perdait rien au change, il n'y avait pas de raison de chercher plus loin.

Le seul problème qui inquiétait Anzai était ses ECTS.

Ou du moins... c'est ce qu'il croyait...

Partie 2[edit]

Des choses étranges étaient vraiment arrivées.

Mais le problème était que bien qu'elles arrivaient de temps à autre, les personnes concernées étaient rarement volontaires pour les subir.

La seule pensée qui occupait l'esprit d'Anzai était « Pourquoi moi ? »

Mais étant donnée la situation, il n'y avait rien à faire.

Il allait simplement devoir faire avec ces choses étranges.

Partie 3[edit]

— J'ai vu quelque chose de flippant.

Anzai mangeait au restaurant universitaire. Contrairement à la brasserie et au café, il était directement rattaché à l'un des bâtiments de l'université. Comme tout un chacun s'en doutait du fait que la grande majorité des étudiants se rendait dans la brasserie plus loin, la nourriture ici n'était pas très bonne.

Anzai supportait comme il pouvait le goût infect pour économiser un peu d'argent quand Kozue posa soudain un bol d'udon tanuki sur la table et s'adressa à lui. Visiblement, les trois autres n'étaient pas avec elle.

— ?

Il prit quelques pâtes mystérieuses avec ses baguettes, les porta à sa bouche, et fronça des sourcils. Puis, il releva les yeux une nouvelle fois. Apparemment, Kozue s'adressait vraiment à lui.

— J'ai vu quelque chose de flippant.

— T'as vu un prof se taper une des secrétaires ? répondit-il.

— Pire que ça. C'était... hum... euh... comment dire ? En tout cas, c'est pire. Je suis sûre que ça dépasse ton imagination. Mais c'est pas de ta faute. C'est pas un souci d'imagination. C'est juste que le phénomène est tellement extrême. Pour être franche, je crois pas pouvoir l'expliquer avec des mots.

Du coup, pourquoi est-ce que t'essayes de le faire alors ?

Alors qu'il pensait ça, Anzai remplit sa bouche avec des pâtes de couleur orange mais dont le goût était impossible à obtenir avec du ketchup.

— Qu'est-ce que t'as vu ?

— Je viens de te dire que c'était indescriptible. Ou plutôt, je pourrais essayer, mais ça ferait trop stéréotypé pour décrire en substance ce que c'était.

— C'était un crime ? Un objet ? Un phénomène ? Une personne ?

Même Anzai n'était pas certain d'où sortaient ces catégories. Néanmoins, cela semblait aider Kozue. Plutôt que de dire ce que c'était, elle pouvait procéder par élimination.

— C'était pas un crime. Tout du moins, je crois pas qu'il y avait quoi que ce soit d'illégal là-dedans.

— Dans ce cas, est-ce que c'était un scandale impliquant une célébrité ou un phénomène inattendu comme un chien debout sur ses deux pattes arrière.

— Oh !! C'est exactement ça. Si je devais choisir entre tout ça, je dirais un phénomène inattendu !!

— ... Pourquoi tu dis que c'est « exactement ça » alors que tu dois en « choisir un entre tous » ? J'ai l'impression que c'est le bordel.

— Un chien se tenant sur ses deux pattes arrière n'est pas un souci en soi. Quelque chose de normal faisant quelque chose d'anormal est à peine étonnant. Mais comment tu qualifierais quelque chose d'anormal faisant quelque chose d'anormal ?

— C'est un peu trop vague. J'arrive pas à suivre.

— Oui, exactement. Mais c'est pas de ta faute. Je me répète, mais c'est juste que ce que j'ai vu était trop absurde. Il n'y a aucun souci avec ton imagination.

Elle l'avait réfuté, mais Anzai pouvait tout de même sentir qu'elle lui en voulait. Sans compter que sa pause déjeuner n'allait pas durer éternellement, alors il devait faire abstraction du goût et terminer son repas pour les nutriments et ne plus avoir faim.

Vu qu'il voulait se concentrer sur son repas, il tenta d'obtenir une réponse brève de Kozue.

— Alors c'était quoi au juste ?

— Je l'ignore.

— Tu peux pas au moins me donner un indice ? J'arriverais à rien sans point de départ.

— Mais je sais pas comment l'exprimer avec des mots.

— Pourquoi ne pas commencer par faire un résumé en mille mots ?

— Ça fait combien de pages manuscrites ça ?

— Deux et demie.

— Deux et demie, hein ?

— Mais je pense pas qu'il existe encore des gens pour faire ce genre de choses.

— C'est pas une synthèse de lecture, alors j'aurais du mal à écrire autant de mots.

— Ok, alors en cent mots ?

— Moins.

— Dans ce cas, fais-le en cinquante mots.

— Non, encore moins.

— Vingt-cinq mots ?

— J'ai vu une fée là-bas. Ça en fait combien ?

Hein ?

Avant qu'Anzai n'eut le temps d'exprimer sa surprise à haute voix, Kozue sembla la lire sur son visage.

Contrairement à une illuminée des OVNI, elle était visiblement parfaitement consciente que ce qu'elle disait allait à l'encontre du bon sens. Le visage de Kozue était rouge comme une tomate, mais le ton de sa voix ensuite donna l'impression qu'elle souhaitait que la moindre remarque soit dirigée vers la fée qu'elle avait vue.

— J-Je l'ai vue, alors j'y peux rien ! C'est pas comme si j'avais cherché à la voir !! Et pourtant, elle est passée l'air de rien devant moi, alors j'y peux vraiment rien, moi !! En fait, comment ça se fait que j'ai vu ça ?!

— Heiiin ?

— Et voilà, tu l'as dit, espèce de monstre !! T'es allé droit au but alors que j'essayais de monter une ligne de défense verbale !!

— Mais... une fée ? Heiiiin ?

— J'ai pris une photo avec mon portable.

— J'aimerais bien voir ça.

Hélas, la photo en question était tellement hors cadre qu'il était impossible de déterminer où elle avait été prise. Si on lui avait dit que c'était une photo pour un test de Rorschach, il l'aurait cru.

— ... Hein ?

— Maintenant, je sais exactement à quel point ça fait mal d'hésiter puis de voir quelqu'un ne pas te croire ! Mais on n'y peut rien. Ça a duré un instant. J'ai l'impression d'avoir réagi assez rapidement pour sortir de suite mon portable, le mettre en mode photo et appuyer sur le déclencheur.

Mais quelle était cette fée dont elle parlait ?

À quoi elle ressemblait au juste ?

— Elle était environ — voilà — de cette taille. Haute comme ces baguettes.

— Je vois, je vois.

— C'était une fille... je crois. Vu la différence de taille, pas sûre que l'échelle soit la même, mais elle avait le visage d'une fille de 10 ans.

— Hum...

— Elle portait des vêtements verts.

— ...

— Elle n'avait pas d'ailes de libellule, mais c'était sans conteste une fée. C'est l'impression qu'elle m'a donnée. Si cent personnes l'avaient vue, ils auraient tous dit que c'était une fée.

— ... Zzz.

— Haa.

Kozue sépara les baguettes, saisit l'oignon vert dans son udon de tanuki, et le lança sur le front d'Anzai.

— Geshculotteverteeeehhhh !! Chaud... C'est chaud !!

— T'as dit culotte dans le tas, non ?

Mais quoi qu'on en dise, les gens du 21è siècle n'allaient pas croire si facilement ce genre de choses. Cette époque était révolue. C'était exactement la même chose que pour ces clichés de poltergeist qui avaient rapidement disparu de la circulation une fois que les photos digitales firent leur apparition. C'était la même chose que quand certaines personnes n'avaient aucun mal à parler de la femme à la bouche fendue[1] avec les autres. C'était juste que ça paraissait stupide de se laisser embarquer dans ce genre de choses. Ça sonnait tellement vieux et passé de mode.

Pour toutes ces raisons, Kyôsuke Anzai ne croyait pas un traître mot de ce que lui avait dit Kozue.

100% étant le maximum, il y croyait à 0%.

C'est très important, alors tâchez de vous en souvenir.

Oui.

Pour l'instant, c'était 0%.

Partie 4[edit]

Tiens, bizarre.

Cette pensée lui traversa l'esprit juste à la fin des cours alors qu'il songeait se rendre à la supérette du coin pour acheter un bentô pour le dîner.

Il possédait un téléphone portable, mais n'avait pas de smartphone. Il avait gagné un mini ordinateur portable (qui faisait la taille d'une trousse de maquillage) à une loterie du quartier commerçant, alors il n'avait pas besoin d'un autre petit appareil pour accéder à internet.

Le fond d'écran était une photo prise lors des dernières vacances d'été quand lui et plusieurs personnes de son immeuble avaient aidé des enfants pour un projet. Si sa mémoire était bonne, c'était une fusée à eau pour un devoir d'été. Évidemment, tout le monde avait terminé trempé. Une des personnes qui avaient aidé était une fille aux cheveux blancs d'une douzaine d'années qui avait emménagé il y a peu de temps. Il avait toujours gardé contact avec elle par téléphone, mais il ne parvenait jamais à la contacter de lui-même pour une raison ou une autre.

Soudain, une petite fenêtre rouge apparut en bas à gauche du petit écran.

Le texte suivant s'y trouvait :

« Code malicieux 'Int.worm/Gold_Stealer' détecté. »

« Réparer. »

« Cliquer pour plus de détails. »

— ...

En soit, ça n'avait rien de bien étrange. En fait, être infecté par un virus informatique était une chose, mais quiconque ayant un accès presque constant à internet avait déjà eu à affaire à ce genre de messages.

Le problème venait du nom.

Alors qu'Anzai se sentait un peu mal à l'aise, Kozue (qui s'était approchée de lui à un moment ou un autre) lui murmura à l'oreille.

— ... Ce nom me dit quelque chose.

— Quoi ?!

— Ce nom me dit quelque chose. Gold Stealer.... C'était pas dans le sondage du prof là ? Je crois qu'il y avait une histoire de virus informatique à l'apparence d'une ninja.

— ... Une seconde, t'as même des cours dans ce bâtiment ?

— C'est du détail ça, dit-elle doucement avant de pointer du doigt la petite fenêtre de son menu doigt. Ça par contre, c'est autre chose. C'est quoi ça ? Je vois une fée et toi, tu chopes un virus...

— Non, attends. Y'a aucun rapport là... Une seconde, ou peut-être que si ?

Anzai se souvint qu'il y avait également une histoire avec une petite fée vêtue de vêtements verts dans l'un des court-métrages du sondage du professeur. L'histoire parlait de la création d'un lit cercueil.

— Mais une fée, c'est comme un fantôme ou un alien. Là, c'est juste un virus. En fait, peut-être que le prof a basé son histoire sur un virus existant vraiment.

— Je viens de faire une recherche sur internet avec mon portable, mais j'ai pas pu trouver la moindre trace de virus s'appelant Gold_Stealer. Il arrête pas de me dire de vérifier ma saisie et me propose d'autres noms. Ça me soûle.

— N'importe quoi, dit Anzai en fronçant des sourcils. Les virus ont pas de nom officiel de toute façon, non ? Peut-être que c'est juste le nom que lui a donné la société qui a développé mon antivirus. Vu que le programme l'a détecté et l'appelle comme ça, je vois que ça.

— Mais je trouve rien sur le net, quoi que je tape.

— Quoi...?

Anzai se rendit sur le site officiel du développeur avec son ordinateur portable et entra le nom du virus dans le champ recherche.

Mais aucun résultat n'apparut.

— ... Alors c'est quoi cette popup ?

— Oui, je me demande bien. Hihi. C'est pas aussi marquant que la fée que j'ai vue, mais on peut toujours appeler ça un phénomène paranormal absurde. Hihi.

— Pourquoi t'as l'air aussi triomphante ?

— M-Mais pas du tout, voyons !!

— C'est louche. Ça serait pas toi qui m'as envoyé ça pour me jouer des tours ?

— N'importe quoi ! Tu te sers de moi comme bouc-émissaire pour garder les pieds sur terre ?!

— Si tu l'as ajouté à la liste des malware de mon antivirus, il devrait montrer une pop-up indiquant qu'il a détecté le virus Gold Stealer. C'est bien plus réaliste que de croire qu'un virus semblable à une IA tout droit sortie de manga existe vraiment. Et t'es la seule à y gagner dans l'affaire.

— N'importe quoiiii !! Et puis, je trouve cette histoire de hackage ultra hightech dont tu parles encore plus absurde qu'une fée !!

Kozue continua à protester, mais Anzai s'en fichait. Il rangea son ordinateur dans son sac et se rendit à la supérette pour acheter un repas bon marché.

Hélas, le deuxième phénomène absurde arriva dès qu'il eut quitté la salle pour le couloir.

Il vit des flèches.

Des flèches de toutes les couleurs pointaient vers des chemins différents dans le couloir.

— ... Y'avait ça dans les court-métrages aussi, non ?

— Quoi encore ?

— Je crois que les flèches indiquent quel genre de destin t'attend. Comme des comédies romantiques ou des atrocités.

Cependant, il se refusa d'y croire.

Une seconde, l'histoire disait qu'il fallait une sorte d'implant installé dans le cerveau pour les voir, non ?! Ça fait flipper ! J'accepterai jamais que ce soit vrai !!

Le cerveau d'Anzai s'opposa à cette idée de toutes ses forces. C'était similaire à cette façon de penser qui conduit à se faire dépister un cancer trop tard. Sa peur lui barrait la route.

— Je te demandais comment tu allais expliquer ça.

— Q-Quelqu'un les a peintes pour faire une mauvaise blague. Regarde, ça crève les yeux quand on regarde cette flèche rouge.

— Elle est noire pour moi.

— Alors c'est que t'as pété un câble.

— N'importe quoi ! Me rabaisse pas juste pour trouver une explication rationnelle à tout ça !!

— J'y crois pas, donc peu importe. M'en fiche de suivre telle ou telle flèche. C'est juste une coïncidence si je me retrouve à suivre les flèches roses de comédie romantique !! cria Anzai en traversant le couloir en courant.

Mais le phénomène absurde suivant l'attendit pas moins de quinze secondes plus tard.

Des cornes rondes de chèvres.

De fines ailes de chauve-souris.

Une queue pointue en forme de flèche.

Une petite fille avec tous ces attributs et vêtue d'un costume en cuir traversa le couloir.

— Ce-C'est quoi ce biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiinzzzzz ?!!!

Il l'avait déjà vue quelque part.

Elle était apparue dans le court-métrage sur le héros et le roi démon.

Mais à cause de ce que cela sous-entendait, la partie logique du cerveau d'Anzai réfuta complètement cette idée.

Ce n'était pas un virus informatique ou un implant cérébral. C'était de la pure fantaisie. Il fut pris d'assaut par un sentiment de rejet différent d'auparavant.

— Quoi encore ? demanda Kozue.

À un moment, c'était elle qui s'était mise à poser les questions.

— Comment tu vas décrire la scène que tu viens juste de voir ?

— Le club de théâtre ?

— Je vois que tu refuses de te faire une raison. Mais comment ils ont fait pour faire bouger ses ailes de façon aussi réaliste comme ça ?

— Heiiin ? C-C'était si réaliste que ça ? J'ai cru que c'était du polystyrène... Hé... héhéhé...

— Maintenant, tu refais l'histoire juste parce que y'a aucune preuve du contraire ?!

Par la suite, ils croisèrent le chemin d'une plante carnivore suffisamment grande pour avaler un humain entier, une ninja dotée de technologie futuriste, une déesse japonaise jalouse, un chef de sushis borné, et d'autres absurdités. Par contre, Anzai refusait de croire en leur existence. Purement et simplement. Avec cet état d'esprit désespéré, Anzai trouva une explication rationnelle pour chacune d'entre elles. Il avait peur de croire ne serait-ce qu'à l'une d'elles parce qu'il sentait qu'il allait être aspiré dans un monde fantastique parallèle sinon.

Exaspérée, Kozue dit :

— Je trouve que c'est pas terrible de les expliquer en se voilant la face. Tu t'es servi de la même explication pour la majorité d'entre eux.

— Si seulement c'était un montage vidéo, je pourrais dire que c'était des effets spéciaux. C'est chiant de voir ça en personne.

— Tu peux sûrement arriver à tous les expliquer un à un, mais comment t'expliques qu'ils collent tous ensemble ? Pourquoi le club de théâtre se déguiserait et jouerait la comédie rien que pour te jouer un tour ?

— Euh... Hum...

— Si t'es pas fichu d'expliquer ça, alors toutes tes théories tombent à l'eau. Hihi. Et du coup, t'aurais pas le choix que de me croire au sujet de la fée. Hihi.

— P-Peut-être que tout ça fait partie du plan du prof et que tout ça n'est qu'une expérience psychologique centrée sur ce sondage.

— Oh ?

— Ou peut-être que ce genre de choses arrive fréquemment autour du prof, alors il a fait des court-métrages basés sur elles pour voir si cela allait affecter d'autres personnes ou comment elles le supporteraient... Hein ?!

— Je vois. Hihi.

— Non ! Ça remet pas en cause l'hypothèse de départ !! Ces absurdités n'existent pas ! Pas du tout !! Baser des court-métrages sur quelque chose qui n'existe pas n'explique pas ça ! L'explication la plus simple à tout ça serait que c'est toi qui es derrière tout ça, Kozue !!

— Tu pourrais arrêter de me filer le rôle du méchant de service dès que t'es à court d'idées ?!

Anzai s'efforça de se concentrer sur l'objectif réaliste du bentô de supérette, alors il n'avait pas d'autres choix que de nier en bloc toutes ces digressions psychédéliques. Il avait le sentiment que le fait qu'il « n'avait pas d'autre choix » que de refuser d'y croire signifiait qu'il était acculé, mais il ne voulait pas y faire face.

S'il le faisait, il sentait que son cerveau allait être submergé par des pensées obscures du style « Le chat du voisin est de mauvais poil ces derniers temps → Ce serait lié à la disparition du continent de Mu ?! → Le Japon est menacé lui aussi !! »

C'était pour cette raison qu'il niait tout en bloc.

Il pouvait sentir que ses explications ne tenaient pas bien la route, mais il devait malgré tout tenir bon.

Il était presque sûr que les ailes du roi démon n'étaient pas en polystyrène, mais il devait le nier quand même.

Anzai (et Kozue qui le suivait pour une raison ou une autre) finit par sortir du bâtiment. Hélas...

— Quoi encore ?

— ...

Anzai sentit un immense souffle d'air.

Néanmoins, ce n'était pas le vent qui soufflait. Il était produit par un gigantesque objet en mouvement. Anzai avait la même sensation que quand un métro approchait du quai.

Il était causé par...

Ce qu'Anzai voyait marchait entre les bâtiments par-delà le campus...

— Comment t'expliques ça ?

— ... C'est seulement apparu l'espace d'un instant.

— Comment tu vas faire pour nier ça ?

— C'est apparu un instant dans l'histoire impliquant une magical girl et des héros en collant ! Dur de dire ce que c'est !! Ça aurait été plus simple si ça avait simplement été la magical girl !!

— Ça ressemble pour sûr à un géant combiné à un robot pour moi. Je vois pas d'autres façons de le décrire.

— ...

Le robot regardait dans leur direction avec des bruits de moteurs.

Visiblement, il allait bientôt se diriger vers le campus universitaire.

Il devait trouver une explication.

N'importe laquelle ferait l'affaire. Des effets spéciaux, un tas de boites en carton, ou même une nouvelle arme de l'armée. Il devait trouver une raison pour expliquer qu'il voyait (quelque chose comme) un robot de vingt mètres de haut marchant vers lui.

— Je vois pas comment expliquer ça.

— Si, je peux le faire !! Dans un sens, j'ai envie de nier l'existence de robots géants encore plus que celle des fées !! Si c'est vrai, il va y avoir tout un tas de questions au sujet de leur design comme comment quelque chose d'aussi gros peut marcher sur deux jambes, alors c'est plus simple de le nier !!!

— Je vois toujours pas comment tu vas faire ça. Je mets les voiles, mais je vais te donner le moyen le plus rapide de nier son existence.

— Ah oui ? Lequel ?

— Laisse-le te marcher dessus. Si tu te fais pas écraser, t'auras la preuve qu'il est fait en carton ou en polystyrène. Et du coup, je suis sûre que tu pourras sans mal nier son existence.


  1. Se réfère à une histoire issue de la mythologie japonaise, ainsi qu'à la version moderne de la légende urbaine d'une femme défigurée par un mari jaloux, et changée en un esprit malin avide de reproduire par vengeance, le même acte dont elle a été victime.


Le cas d'Aisu[edit]

Partie 1[edit]

— Oh, on a le même classement. Il faut croire qu'il arrive des choses étranges des fois, dit la fille au nom très 21ème siècle d'Aisu.

Avant qu'Anzai ne puisse répondre quoi que ce soit, Harumi tendit sa main en l'air et dit :

— Il est complètement différent du mien.

— Rien à voir avec le mien non plus, dit Kozue

— On peut parler de ça une fois arrivés à la brasserie ? Ils ont tendance à fermer dès qu'ils en ont l'occasion, alors on ferait mieux de se bouger, dit Hotaru.

Ainsi, ils quittèrent l'amphithéâtre.

La brasserie du campus était une enseigne d'un groupe international, mais elle était connue pour ne pas respecter ses horaires officiels et fermer tôt.

— Oh, vous avez entendu parler de la rumeur du menu secret ?

— Je croyais que c'était juste le manager qui est incapable de préparer un expresso et qui fait passer ça pour une boisson secrète.

— ... Hein ? dit Anzai.

Il mit ses mains dans ses poches, puis fouilla dans son petit sac.

Il n'était pas là non plus.

— J'ai oublié mon portable quelque part ?

— Dans l'amphi peut-être ? demanda Aisu, mais Anzai secoua la tête négativement.

— Non, je me rappelle pas l'avoir regardé pendant le sondage... Peut-être dans la salle de cours.

— Pourquoi ne pas le chercher avec la fonction GPS ?

— J'ai désactivé toutes les fonctions de traçage. Ce genre de trucs me fout la trouille.

— On croirait entendre une vierge effarouchée, commenta Harumi.

Anzai se gratta la tête et dit :

— Je vais aller jeter un œil dans le bâtiment principal. Désolé, mais ça sera pour une prochaine fois ce café.

— Hein ?

— Harumi, étant donné les circonstances, on peut pas l'arrêter.

— Je pense que je devrais lui filer un coup de main.

— Oh là là. Marcher seul dans le noir avec juste Kozue est bien trop dangereux pour lui, alors je crois que je vais venir aussi.

Anzai voulait retrouver au plus vite son portable, alors il salua brièvement les filles et s'en alla. Il descendit le chemin frais et presque entièrement plongé dans le noir. En temps normal, ça aurait été un peu glauque, mais l'urgence du moment chassa toutes ces considérations.

Puis il entendit une voix derrière lui.

— Hé, attends !

— ?

Il se retourna et aperçus la fille de cabaret (bronzée) nommée Aisu trottinant derrière lui. Et Kozue était avec elle.

— Quoi ?

— Kozue est trop gentille (même si elle a une idée derrière la tête), alors elle tenait pas en place. Du coup, nous voilà.

— C'est pas vrai.

Kozue paraissait maussade.

— Et j'aimerais vraiment que t'arrêtes de te servir de moi pour noyer le poisson quand un truc t'embarrasse.

— Mgh ?! Q-Qu'est-ce que tu racontes ?! Ha ha ha !!

— À chaque fois que cette fichue manie refait surface, tu m'exposes à toujours plus de danger ! Peut-être que les gens qui m'entourent font partie de la sécurité publique !

— Oh, mais c'est vrai que tu suis les gens, Kozu-... Gyah gyah gyah ?!

Aisu poussa un cri statique quand Kozue utilisa ses petites mains pour ébouriffer les cheveux de la fille de cabaret.

— Je vois. Alors qu'est-ce que vous faites là ? demanda Anzai à Aisu.

— Hm ? J'ai pas souvent l'occasion d'aller dans le bâtiment des sciences sociales.

— C'est pas juste ! Tu t'accapares toujours la réponse cool !

— Arrête, arrête !! E-Enfin bref, c'est juste de la curiosité. Ha ha ha !!

Cela devait signifier qu'Aisu était dans le département scientifique. Malgré son apparence de fille de cabaret. Mais elle aurait également paru bizarre dans le département des sciences sociales.

— Surpris ?

— On peut dire ça... dit évasivement Anzai. Hotaru... -san, c'est ça ? La grande avec les cheveux noirs. J'aurais plutôt cru que c'était elle qui était en sciences.

— Malgré son apparence, Hotaru est une romantique. Sa matière principale est la littérature française.

— Eh ben, ça alors.

— Oui, elle ressemble plus à la scientifique montant des robots dans un labo bizarre.

Leur façon de casser du sucre sur le dos des autres entre elles signifiait qu'elles se connaissaient soit depuis longtemps, soit très bien.

— Harumi et Hotaru sont allées à la brasserie. Si elles ne choppent pas une table, le manager risque bien de fermer. Allons chercher ton téléphone, puis on ira discuter là-bas.

— Hein ? On y va toujours ?

Tout en discutant, Anzai et les deux filles pénétrèrent dans le bâtiment de l'université. Étant donné que des diplômés y dormaient toute l'année, la porte d'entrée n'était jamais fermée et une poignée de salles avait toujours la lumière allumée.

— Au fait, c'est quoi ta matière principale ? demanda Aisu.

— La sociologie. Mais je suis en première année, alors j'ai eu que des cours généraux pour l'instant.

— T'es en première année ?

— J'ai redoublé deux fois avant de pouvoir entrer ici.

— Des cours généraux, hm ? Quand je suis arrivée ici, j'ai été surprise de voir qu'on était obligés de faire du sport. Enfiler un survêt' et courir une longue distance, c'est pas trop ce que j'appelle l'intelligence.

— Kozue, pas la peine de t'énerver juste parce que t'as rien qui se balance quand tu cours.

— C'est pas intelligent.

La salle de cours était déserte, mais elle n'était pas fermée. Après une brève recherche dans la salle, Anzai trouva son téléphone presque trop facilement. Il était tombé sous la table où il était assis.

— Ouf.

— Pourquoi ne pas vérifier le log ? Juste pour vérifier que personne n'a tenté de l'utiliser.

Anzai pianota sur le téléphone pour vérifier, mais a priori, personne n'y avait touché.

— Je vois rien.

— Dans ce cas, je vais prévenir Harumi et Hotaru qu'on arrive.

— En y repensant, marmonna Anzai alors qu'ils sortaient de la salle, peut-être qu'on devrait prévenir le secrétariat que l'amphi est ouvert. Le prof s'est barré sans fermer.

— C'est tout près, on peut y aller sur le chemin.

— La vitesse à laquelle il a récupéré les sondages et disparu me fait penser aux histoires de black code.

Dans n'importe quelle université un tant soit peu connue, il existait des légendes urbaines. Par exemple, un éminent chercheur en géologie qui s'est évaporé. Cette université n'y faisait pas exception. Il était possible que le simple fait de dire « cette université » était suffisant pour que n'importe qui au Japon comprenne de laquelle on parle.

Pendant qu'Aisu pianota sur son téléphone, elle dit :

— Oui, j'ai entendu parler de cette histoire. Il existe plus de mille rapports soumis ici chaque année, mais l'histoire veut qu'il y a une étagère où reposent certains contenant des informations trop dangereuses pour être révélées au grand public.

— Il paraît qu'un de ces rapports contient des données sur la vérité au sujet d'une mystérieuse bactérie tueuse, dit Kozue.

— Moi, ce que j'ai entendu, c'est qu'un prof a ajouté en rigolant la question « avez-vous déjà poignardé quelqu'un ? » à un contrôle qu'il a fait à ses élèves. Il a eu des résultats inimaginables et il a disparu peu après, dit Anzai.

Tout en discutant, ils arrivèrent devant le secrétariat. Ils purent voir de la lumière de l'autre côté de la porte, alors il devait toujours y avoir au moins une personne à l'intérieur.

Anzai toqua et entra. Après avoir discuté avec la secrétaire d'âge mûr, elle fronça des sourcils et dit :

— Mais nous n'avons jamais donné l'autorisation d'utiliser l'amphithéâtre aujourd'hui.

Partie 2[edit]

— Hein ? Quoi, quoi ? Alors c'était quoi ce sondage ? demanda Harumi une fois à la brasserie, mais Anzai ne savait pas quoi répondre.

Tout ce qu'il savait, c'est que personne n'avait eu l'autorisation d'utiliser l'amphithéâtre ce jour-là. Il n'avait aucune idée de ce que cela signifiait.

Hotaru fronça des sourcils et dit :

— Alors ce prof a organisé ce sondage sans en informer la fac ?

— C'est pire que ça, soupira Anzai. Il s'est présenté comme étant Tanaka-san, tu te souviens ? Bah, y'a aucun prof s'appelant comme ça ici.

— Alors il est qui au juste ?

— Aucune idée, dit Aisu avec une certaine résignation. On dirait qu'un vieillard sans lien avec la fac s'est introduit ici, nous a invité à ce sondage et s'est chargé lui-même de l'organisation. Ce que je comprends pas, c'est ce qu'il a à y gagner.

Tout en mélangeant un peu de gelée de café avec sa boisson, Kozue parlait lentement.

— Nos informations personnelles peut-être ?

— Tout ce qu'il a récupéré, c'est nos noms.

— Tu pionçais, non ? dit Harumi. À la fin du sondage, le prof a dit que le classement en lui-même révélait comment fonctionne nos cœurs.

— Mais qu'est-ce que ça lui apporte ? demanda Aisu. Nos adresses et nos numéros de téléphone sont une chose, mais comment pourrait-il se faire de l'argent avec le fonctionnement de nos cœurs ?

— Exactement, dit Anzai.

Il ne pouvait pas chasser ce malaise en lui, mais le fardeau mental était allégé par le fait qu'il ne voyait pas en quoi cela pourrait lui causer du tort.

— Mais ce qui me fait un peu flipper, c'est qu'une personne extérieure soit au courant de mon manque d'ECTS.

— Alors c'était les ECTS pour toi.

— Hein ? C'est pas votre cas ?

— On a nos raisons, dit Hotaru tout en détournant le regard.

— Quoi ?

— Laisse tomber, tu veux, dit Aisu tout en tentant de me dissuader avec un sourire.

— Qu'est-ce qui vous est arrivé ?

— C'est semblable à ta situation. T'en fais pas pour ça, dit Kozue d'une voix claire.

— Je veux savoir en détails ce qui s'est passé.

— Ah ha ha ha ha ha...!

Harumi tenta de s'en tirer avec un éclat de rire.

Au final, aucune d'entre elles ne lui répondit. Le monde était un endroit injuste.

Aisu changea rapidement de sujet.

— Enfin bref, la secrétaire a dit qu'ils allaient y jeter un œil, alors il serait sûrement plus rapide d'attendre qu'ils trouvent la réponse pour nous.

Les autres acquiescèrent.

Et même s'ils n'apprenaient jamais qui était ce professeur, Anzai doutait que cela puisse les mettre en danger. Si les secrétaires découvraient qui il était, c'était une bonne nouvelle. Si elles n'y parvenaient pas, ils allaient finir par tous l'oublier avec le temps. Tel était le sort des choses étranges comme celle-ci.

... Ou du moins, c'est ce qu'Anzai pensait.

Partie 3[edit]

Des choses mystérieuses étaient bel et bien arrivées.

Il n'y avait rien à y faire.

C'était juste un mauvais timing comme, par exemple, préparer un gâteau en cours de cuisine, aller déjeuner et se rendre compte qu'il y a du gâteau en dessert, et enfin, rentrer chez soi et voir qu'il y a encore du gâteau. On ne peut pas tout contrôler, alors c'est le genre de choses qui arrivent, quoi qu'on veuille.

Mais que s'était-il donc passé à ce moment-là ?

Anzai allait bientôt trouver la réponse.

Partie 4[edit]

— Arg...

Anzai se réveilla au bruit d'un réveil matin.

Il tendit instinctivement sa main pour arrêter le bruit strident, mais il réalisa alors quelque chose.

Qu'est-ce qui se passe ?

Anzai se servait de son téléphone portable pour se réveiller. Il n'avait pas de réveil matin.

Une fois son esprit encore endormi enfin en capacité de réfléchir, il se rendit compte que c'était le cadet de ses soucis.

Il ne se trouvait pas dans son appartement.

Il dormait à même le sol et du coup, il avait des courbatures. La pièce rectangulaire était complètement plongée dans le noir. Une faible lumière provenait d'un des murs. Visiblement, une fenêtre était masquée par un rideau.

— Une seconde. C'est...?

Il n'était pas dans un lieu d'habitation comme un appartement. Ce n'était apparemment pas un lieu de travail comme un restaurant ou une supérette. Néanmoins, il reconnaissait l'endroit. Ce n'était pas un endroit spécial.

Oui.

— Je suis à la fac ?

Il se demanda ce qu'il faisait ici. Cependant, le désir de s'en aller d'ici était le plus fort. C'était le même état d'esprit que celui de quelqu'un dans une maison en flamme voulant s'échapper dans un endroit plus sûr plutôt que de se triturer les méninges à essayer de trouver les raisons de l'incendie.

Cela voulait dire qu'il était en danger ?

Anzai décida de laisser de côté cette question jusqu'à ce qu'il soit rentré chez lui, et il tenta de se lever.

À ce moment-là, il entendit un bruit métallique.

C'était le bruit d'une chaîne qui bougeait.

Quelque chose semblable à une montre était attaché à son poignet gauche. Il toucha l'objet sous la faible lumière et se rendit compte que c'était une espèce de menotte. Cependant, la chaîne était assez longue. Elle faisait environ un mètre de long, et menait à...

Pour une raison ou une autre, Aisu était allongée sur le sol comme Anzai et était vêtue d'un maillot de bain particulièrement osé en forme de V qui ne cachait pas grand-chose.

— ......................................................................... Quoi ?

Il était presque sûr que ça s'appelait un maillot de bain slingshot. Le maillot en forme de V composé d'un tissu synthétique rose était le genre de chose qui n'était utilisé que dans le monde des magazines de charme, alors le fait d'en voir un de si près donnait plus envie de rire qu'autre chose.

Hélas, l'heure n'était pas à la rigolade.

En fait, même sourire était de trop vu les circonstances.

Ils étaient seuls tous les deux dans une situation extrême. Toutes sortes de malentendus allaient à coup sûr arriver. Si les trois autres filles de la veille avaient été là, cela aurait pu réduire les chances que cela se produise. Malheureusement, aucune d'elles ne semblait être dans les parages.

— Mais...

C'est quoi ce binz ? Comment est-ce que j'ai terminé dans la pire situation possible pour être accusé de la pire des fausses accusations ?!

Même s'il se démenait pour résoudre ce mystère, il doutait que cela lui vale une adaptation en film hollywoodien et il avait le sentiment qu'il ne trouverait qu'une conclusion extrêmement frustrante même s'il parvenait à faire la lumière sur tout ça. Anzai tenta instinctivement de s'éloigner d'Aisu, mais le fait qu'ils étaient attachés ensemble par cette chaîne le mena à sa propre perte.

Les mouvements d'Anzai tirèrent sur le poignet d'Aisu ce qui envoya un signal nerveux à la conscience de cette dernière.

— Uuh...

Elle avait dit la même chose que lui en se réveillant.

L'espace d'un instant, Anzai envisagea sérieusement l'asséner d'une manchette bien placée derrière la nuque pour l'assommer, mais il parvint à s'en empêcher.

Puis, les portes de l'enfer s'ouvrirent en grand.

Au début, Aisu fronça les sourcils, confuse, et elle jeta un œil autour d'elle. Ensuite, elle se rendit compte que quelque chose clochait avec ses vêtements. Quand elle eut compris la situation, son visage tout entier vira au rouge vif.

— Kyaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhh ?! Alors c'était pas un rêêêêêêêêêêêêêêêêêêêêêêêêeêveeeeeeuuh ?!

— Hein ?! Alors tu t'es réveillée avant moi et t'es tombée dans les pom-... gbvheh ?!

Après avoir résisté à la manchette, Anzai reçu un coup critique. (Aisu -> Équiper -> Réveil matin)

Alors qu'il venait de vivre l'expérience particulièrement rare de s'évanouir d'un coup en plein visage, Anzai se mit à sérieusement remettre en question sa précédente décision.

Partie 5[edit]

Maintenant, question.

— On dirait que c'est une salle de cours de la fac. J'ai eu que des cours magistraux, alors c'est la première fois que je me trouve dans une salle aussi petite. En plus, il est 8h. Les profs doivent déjà être là. Certains étudiants pressés le sont peut-être aussi. Les doctorants qui ont passé leur nuit ici à écrire leur thèse sont là à coup sûr. Mais le rush principal devrait être entre 8h30 et 9h30. Bref, on n'a qu'une demi-heure devant nous.

— ... Alors si on trouve pas de quoi nous habiller à temps, je vais être contrainte de rincer l'œil de tous les mecs de la fac tout en étant menottée à toi ?

— Ce sera évidemment un gros problème si tu sors habillée comme ça. C'est pour ça qu'on doit trouver l'objet « Vêtement en coton » quelque part dans le bâtiment.

— Moi, j'en vois des vêtements ici. T'en portes, non ? Prête-moi au moins ta chemise !! C'est pas grave si un mec est torse nu. T'auras juste l'air de sortir d'un film de karaté !!

— Y'a un problème avec ça, miss Aisu.

— Hm ? Hein ? Les boutons de ta chemise sont collés avec de la super glue ?!

— Mon pantalon et ma ceinture aussi. Je viens juste de m'en rendre compte. On dirait que celui qui est derrière tout ça a l'intention de regarder un thriller d'espionnage avec une fille en maillot olé-olé se baladant dans la fac.

— Je lui pardonnerai jamais !! J'y crois pas !! Je sais, je pourrais me recouvrir avec les rideaux... Ah ?! J'ai juste un peu tiré dessus et ils se sont mis à tomber en lambeaux !!

Pour Anzai, ils avaient soit été imbibés d'un liquide chimique corrodant soit été échangés avec des rideaux fabriqués dans un tissu peu résistant pendant qu'ils dormaient.

Celui qui était derrière tout ça n'avait pas fait les choses à moitié, mais quel était le but ?

En fait, qui était le responsable de tout ça ?

— I-Il n'y a rien d'autre avec lequel je peux me couvrir !

— Y'a une sorte de fiche là. Peut-être qu'un prof l'a oubliée ici.

— Voyons voir... « Si ce que je vois est la réalité, alors je vais avoir besoin de gens qu'on appelle Ab. Busters. J'ai rassemblé bien trop d'informations à ce sujet pour m'y opposer. C'est pour ça que je vais avoir besoin de gens se faisant passer pour des Ab. Busters et... » Arg, rien à foutre ! C'est trop petit !! Je peux pas me cacher derrière un truc aussi petit ! Même ma main est plus grande !!

Furax, Aisu déchira la fiche en morceaux et jeta les morceaux par terre.

C'était vraiment une bonne idée ? J'ai pas tout compris, mais j'ai comme l'impression que c'était des informations vitales servant de prologue à tout ce qui se passe ici...

— Mais où est-ce qu'on est censés trouver des fringues ? T'as une idée ?

Contrairement au collège ou au lycée, on n'avait pas de cours nécessitant de changer de vêtements à l'université, alors personne ne laissait d'affaires personnelles ici. Cela pouvait potentiellement changer pour certaines personnes en séminaire ou des diplômés qui doivent constamment aller et venir dans un laboratoire bien précis, mais Anzai n'avait quasiment que des cours généraux, alors il ne connaissait pas trop ces cas particuliers.

Aisu enroula ses bras autour d'elle pour cacher son corps, mais Anzai avait l'impression que cela avait en fait l'effet inverse de celui escompté.

Elle poussa un petit grognement et dit :

— ... Arg. Si on parvenait jusqu'au bâtiment des clubs, on pourrait trouver des survêt' ou des uniformes.

— T'es dans un club ?

— Oui, le club de renaissance du duel façon France de l'ouest.

Anzai ne savait pas vraiment ce que ce club pouvait bien faire, mais il se jura au plus profond de lui-même de ne pas faire plus de blagues qui pourraient lui donner envie de lui faire du mal. Il espérait juste que c'était un club culturel.

— Mais ce bâtiment est loin de celui-ci.

— Sans compter que les clés des locaux des clubs sont dans la salle des profs, alors ils nous verraient...

— Dans ce cas, il faut un autre plan.

— Mais il y a nulle part ailleurs où les gens laisseraient leurs affaires personnelles.

— Dans ce cas, un endroit où ce ne sont pas des vêtements personnels ? ... Hmm, par exemple, le resto U peut-être ?

— ?

— Je crois que c'est pour des raisons d'hygiène, mais les cuisiniers portent tous des survêtements et des tabliers, non ? La meilleure tenue est composée de toques et de vêtements en fine fibre synthétique comme les gens qui travaillent dans les usines de fabrication de semi-conducteurs, mais les gens ont peut-être pas envie que les cuisiniers ressemblent à des chimistes.

— Où tu veux en venir ?

— Ces vêtements appartiennent pas aux employés. Il y a de grandes chances qu'il y en ait dans la cuisine.

— Oui !! Bien joué !!

— Aaaaaah ?! Je sais bien que t'es contente, mais c'est pas une raison pour me sauter au cou dans cette tenue !

Aisu reprit ses esprits et m'asséna une bien injuste gifle. Puis, ils sortirent de la pièce.

... Mais d'abord, Anzai posa une question juste pour en avoir le cœur net.

— Et tes amies d'hier ? Harumi et les deux autres. Tu peux pas les contacter et leur demander de t'apporter des fringues ?

— Non. C'est niet. Si elles venaient à découvrir que je me baladais dans cette tenue à la fac, le monde se mettrait à s'effondrer sur lui-même.

Et ainsi, le thriller d'espionnage commença avec une vie (celle de quelqu'un sans rapport avec Anzai) en balance. Il sortit de la pièce avec derrière lui Aisu, le roi démon tout droit venu du 21è siècle.

La chaîne était relativement longue, alors Anzai partait en éclaireur pour vérifier que la voie était libre, puis Aisu le suivait le corps ballant.

Dans un coin du couloir, Anzai entraperçut de longs cheveux blancs. C'était visiblement une fille d'une douzaine d'années qui s'était tournée dans leur direction, mais ne les avait semble-t-il pas remarqués.

... C'est une université, non ?

Ce fut une scène un peu absurde, mais il n'avait pas le temps de s'y attarder. Ce qui importait, c'est qu'il n'y avait personne là. La fille aux cheveux blancs avait disparu. Apparemment, ils pouvaient descendre le frais couloir matinal en toute sécurité.

— ... On dirait que c'est bon.

— Finissons-en avec cette situation débile.

— Mais tu devrais sûrement rester accroupie tout en marchant. Si tu restes debout, on pourrait t'apercevoir à travers les fenêtres du couloir.

Anzai et Aisu résistèrent à l'envie pressante de crier et courir à toute vitesse, et se déplacèrent à la place lentement et silencieusement à travers le couloir. Évidemment, le cœur d'Anzai battait à tout rompre, en plus de ça. Si Aisu venait à crier par mégarde, il avait le sentiment que sa vie serait condamnée peu importe le contexte de la situation.

— On est à quel étage ?

— De ce que je peux voir à travers les fenêtres, on est au deuxième. Je peux le deviner à la hauteur par rapport au sol.

— Le resto U est au rez-de-chaussée.

— C'est plus facile de s'y cacher que dans un couloir droit comme celui-ci. Ça augmente les chances de croiser quelqu'un, mais... attends. Chut !

— Gyaaaaahhhh ?! Des bruits de pas dans notre direction !!

Alors qu'ils s'approchèrent des escaliers, ils entendirent des bruits de pas par en dessous. Anzai et Aisu réalisèrent qu'ils allaient être vus, alors ils changèrent désespérément de plan et montèrent d'un étage. Avec juste leurs têtes dépassant de la rambarde, ils observèrent la situation.

— (Ils s'arrêtent au deuxième, hein ?! S'ils continuent à monter, ils vont nous voir ! Peut-être qu'on devrait mettre un panneau « sol glissant » !)

— (Et dans quel genre d'aventures t'as l'intention de te lancer pour récupérer ce panneau ?! Ce qu'on doit vérifier, c'est au-dessus de nous ! Si quelqu'un se met à descendre, on n'aura nulle part où se cacher !)

Les deux gigotèrent inutilement leurs bras tout en se disputant, mais fort heureusement, le propriétaire des bruits de pas s'arrêta au deuxième étage. De dos, ils purent reconnaître le professeur Shinagawa, une dame obstinée qui est le sujet d'une rumeur douteuse comme quoi elle ne donnait plus la moyenne aux filles qui étaient trop maquillées.

— S-Si elle nous avait vus, on serait morts.

— ... Je crois sérieusement que je me serais retrouvé enterré sous un cerisier du campus.

Néanmoins, ils n'avaient pas d'autres choix que de reprendre leur chemin maintenant que la voie était libre.

Anzai et Aisu descendirent jusqu'au rez-de-chaussée.

Sur le chemin, Anzai demanda soudainement :

— Alors qui est derrière tout ça d'après toi ?

— Bah, je vois pas trop ce qui nous lie. En fait, on s'est rencontrés qu'hier.

— Alors...

Anzai savait que cette idée comportait de multiples failles, mais il l'exprima malgré tout.

— Pourquoi pas Harumi, Hotaru ou Kozue ?

— Non, nia sans hésiter Aisu.

Ce n'était pas comme si elle avait de preuves concrètes.

— Peu importe l'impression qu'elles donnent, elles connaissent la limite à ne pas franchir. Étant donnée la gravité de la situation, on peut éliminer cette possibilité. Ce n'est pas quelque chose qu'une meilleure amie depuis la primaire ferait.

— Vraiment ?

— Oui. Mais s'il s'avérait que c'était bien elles, je les tuerai.

Cette déclaration scandaleuse avait été proclamée sans une once d'hésitation.

Anzai était effrayé par jusqu'où pouvaient aller les filles par moment. Peu importe la gravité de la blessure infligée, elles ne lâchaient jamais le morceau comme s'il y avait un hameçon fermement accroché à elles. Anzai ne pouvait légitimement dire si elle plaisantait ou non.

— Mais qu'est-ce qui nous lie à part eux ? demanda-t-il.

— Eh bien...

Aisu baissa la voix avant de continuer.

Au début, Anzai pensait que c'était parce qu'ils étaient parvenus à arriver au rez-de-chaussée sans se faire remarquer, mais elle se comportait bizarrement.

Alors qu'Anzai sortit la tête de la cage d'escalier pour regarder le couloir, Aisu s'adressa à lui derrière avec son maillot de bain ridicule.

— Hum, je viens juste de me rendre compte de quelque chose.

— Quoi donc ?

— ... Le resto U est de l'autre côté de ce bâtiment. Ce qui veut dire qu'on va devoir passer par l'entrée qui est au centre.

— ...

Il était 8h10.

Il restait peu de temps avant le rush de 8h30.

— A-Alors on devrait remonter au deuxième, faire le tour, et descendre de l'autre côté ?

— J'aimerais bien, mais... attends, attends ! J'entends des bruits de pas en haut !!

Leur plan monté désespérément dans l'urgence s'effondrait tel un château de cartes. Pieds et poings liés, ils s'aventurèrent dans le couloir sans avoir pu vérifier que la voie était libre.

Et maintenant qu'ils étaient sortis, ils n'avaient plus d'autres choix que de continuer à avancer.

L'hésitation n'allait qu'augmenter le risque d'échec.

— Je pense que ce prof du sondage est le plus suspect ! dit Aisu alors qu'elle s'avançait accroupie.

— Pourquoi ?

— Ce sondage est la seule chose qui nous lie à part Harumi, Kozue et Hotaru.

— Mais pourquoi nous ? Il y avait un tas d'autres participants.

Il était possible qu'il y avait d'autres couples tentant de se frayer un chemin dans diverses parties de l'université, mais Anzai décida d'écarter cette possibilité vu qu'il n'avait aucune preuve.

Ses bras enroulés autour de son corps, Aisu jeta un œil autour d'elle et dit :

— Tu te souviens de ce qu'on s'est rendu compte hier ? Nos résultats au sondage étaient parfaitement identiques. On est sûrement les deux seuls à qui c'est arrivé.

— T'as une preuve de ça ?

— C'est un simple problème mathématique. D'après toi, quelles sont les chances que deux personnes obtiennent exactement le même classement de 24 films ?

— Hein ? Hum, euh... J-Je peux faire le calcul avec une calculette, j'le jure !

— Tu peux en utiliser une si tu veux, mais pose les calculs déjà !!

Le visage d'Aisu rougit encore plus, mais pas par embarras cette fois-ci.

— La réponse est 10 23è puissance 1/6. Le dénominateur est un nombre qui dépasse les milliers, voire millions de milliards, alors si c'est pas une chance infiniment faible, je vois pas comment appeler ça.

— ... J-Je m'étais pas rendu compte que c'était à ce point.

— Évidemment, les chances sont pas nulles, alors il est possible qu'il y ait une troisième personne, mais... eh bien... ça relèverait quasiment du miracle. Deux personnes, c'est déjà incroyable.

En entendant ça, Anzai se mit à penser que les résultats du sondage étaient plus importants que le fait qu'il avait parlé avec les autres filles.

Une fois encore, il était possible que les chances de rencontrer une personne en particulier fussent plus faibles que classer vingt-quatre court-métrages dans le même ordre.

— ... On est arrivés au champ de mines.

— T'as l'air calme. Tes sens sont paralysés ou quoi ?

Ils étaient au niveau de l'entrée. À l'heure actuelle, c'était la zone où ils avaient le plus de chance de croiser quelqu'un.

Certaines universités étaient différentes, mais celle-ci utilisait toujours un système de sandales pour se déplacer à l'intérieur. Autrement dit, se trouvaient à l'entrée des rangées de casiers à chaussures. C'était sûrement pour s'assurer que les couteux équipements de recherches et vieux livres ne soient pas salis. Retirer ses chaussures avant de rentrer dans la pièce en question était bien plus courant, mais les professeurs ici semblaient s'inquiéter que la saleté ne se glisse sous les portes.

Néanmoins, les étudiants allaient d'un bâtiment à l'autre en fonction des cours qu'ils avaient, alors personne ne possédait son propre casier. On plaçait nos chaussures dans le premier venu puis on récupérait une banale paire de sandales.

Comme plus tôt, Anzai sortit sa tête pour voir si la voie était libre.

— Je vois personne...

L'instant d'après, Aisu le poussa violemment par derrière. Il se retrouva dans la zone entre les rangées de casiers.

Il se rendit compte de ce qui se passait avant de pouvoir se plaindre.

Il entendit des filles discuter de l'autre côté des rangées de casiers.

— Harumi, t'es bien matinale.

— J'ai changé de compte en banque, alors il faut que je prévienne le secrétariat pour qu'ils mettent à jour leurs données. C'est vraiment chiant toutes ces paperasses. Et toi, qu'est-ce que tu fais là, Hotaru-san ?

— Sans raison particulière. D'habitude, y'a plus de bouchons, mais c'était super fluide aujourd'hui.

Les personnes qui ne devaient sous aucun prétexte découvrir cette histoire étaient apparues.

Parce qu'il n'y avait qu'une rangée de casiers entre eux, la distance qui les séparait était d'environ 60 centimètres.

Juste pour en avoir le cœur net, Anzai demanda :

— ... Qu'est-ce qui se passera si elles le découvrent ?

— Le monde sera détruit.

Elle s'y tenait.

Le problème était qu'ils ne pouvaient pas y faire grand-chose. Ils ne pouvaient que prier pour que Harumi et Hotaru s'en aillent.

Et bien entendu, la vie était cruelle au point de rompre le peu de sécurité qu'il leur restait.

L'instant d'après, le portable d'Anzai se mit à sonner de nulle part.

Leur silence n'avait servi à rien. Pire, Aisu se mit à paniquer et poussa un cri.

— Aaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh !!

Mais une fois qu'il eut regagné son calme, Anzai se rendit compte que Harumi et Hotaru n'avaient aucun moyen de savoir à quoi ressemblait sa sonnerie de portable, alors cela ne posait aucun souci. Le vrai problème était...

— Hein ? Je viens juste d'entendre la voix d'Aisu.

— Si ça continue, on va bientôt croiser Kozue aussi.

Anzai entendit leurs pas s'approcher d'eux. Elles étaient clairement en train de faire le tour des casiers.

Les deux filles pensaient juste à venir la saluer, mais Anzai et Aisu n'étaient pas disposés à ce que ça arrive.

Sachant pertinemment que c'était de sa faute, Aisu saisit Anzai par le col des deux mains animée par une colère noire.

— (Pourquoi tu l'as pas éteint ?!)

— (Mais c'est clairement de ta fau-... gweh !!)

S'ils restaient là où ils étaient, Harumi et Hotaru allaient les voir, et le thriller d'espionnage allait échouer misérablement, puis le monde allait semble-t-il être détruit. Tandis que les deux filles faisaient le tour des casiers, Anzai et Aisu firent le chemin inverse.

— Hein ?

— Où elle est passée ?

Quand ils entendirent les voix de Harumi et de Hotaru de l'autre côté des casiers, ils s'enfuirent de l'entrée. Ils descendirent le couloir jusqu'au restaurant universitaire.

Celui-ci ouvrait juste avant midi et la préparation de la nourriture commençait aux alentours de 10h, alors l'endroit devait être désert. Après avoir traversé la zone la plus dangereuse, ils n'avaient plus rien à craindre.

Ils se ruèrent dans le couloir puis dans le restaurant universitaire.

La cuisine était à 30 mètres d'eux.

— J'ai l'impression que c'est la suite du sondage.

— ?

— C'est comme si la forme des questions avait changé. Est-ce qu'on descend les escaliers ou on continue le long du couloir ? Est-ce qu'on passe devant l'entrée ou on fait le tour ? J'ai l'impression que c'est une suite de petites questions comme celles-ci.

Une fois encore, ils avaient répondu à ces questions ensemble.

— Mais dans quel but ?

— Bah, on sait même pas à quoi servait le sondage en lui-même déjà. Mais étant donné les actions du prof hier, il me paraît clair qu'il se sert des autres pour parvenir à ses fins.

Cela voulait-il dire que le sondage était la question un, le problème du maillot de bain la question deux, et que les questions trois et quatre allaient être du même accabit ?

Combien de temps cela allait encore durer ?

À quoi cela les préparait-il et qu'est-ce que ça cachait ?

Ou allaient-ils accomplir tous les désirs de ce professeur simplement en répondant à toutes ces questions ?

— Alors on est censés battre le roi des démons ?

— Un monde où l'héroïne se trimballe en maillot slingshot peut bien disparaître, ça me fera ni chaud ni froid, dit Aisu en boudant. Mais s'il a créé toutes ces situations absurdes dans l'espoir qu'on y arrive au bout, il a dû chercher des gens dotés de certaines qualités.

— Comment ça ?

— Peut-être qu'il a désespérément besoin de gens avec la capacité de nier toute forme d'absurdité. C'est peut-être pas des trucs du niveau d'un démon ou d'un vaisseau alien intergalactique, mais peut-être qu'il y a une autre immense absurdité.

En tous les cas, ils se devaient de répondre à la deuxième question dans un premier temps.

Anzai et Aisu traversèrent le restaurant universitaire jusqu'à la cuisine. Ils se rendirent au fond de celle-ci et trouvèrent la zone de stockage. Elle servait en même temps de salle de repos, alors elle était spacieuse, avec des casiers étriqués, une table et une télévision.

Ils trouvèrent ce qu'ils étaient venus chercher dans l'un des casiers.

Les personnes travaillant ici portaient toujours les mêmes survêtements et tabliers.

— O-Ohhhhhhh !! Y'a vraiment un tablier ici ! C'était exactement ce qu'on cherchait !!

— Alors dépêche-toi de l'enfiler.

Anzai tentait de la jouer cool, mais il était en fait un peu triste de dire au revoir au maillot slingshot d'Aisu. Néanmoins, il avait le sentiment qu'il se prendrait un poing en plein visage s'il disait ça à voix haute, alors il garda ça pour lui.

Pendant ce temps, Aisu semblait particulièrement ravie d'avoir évité le pire.

— Un tablier ! Un tablier ! Un tablier ! Un tablier ! ... Un tablier ?

Pour une raison ou une autre, son ton devint interrogateur.

Anzai fronça les sourcils et remarqua que le visage d'Aisu était devenu livide.

— ... Hum, y'a juste un tablier ici.

— Hein ?! Et le survêt ?! Le prof l'a caché ?!

Accessoirement, le professeur avait laissé une note. Elle disait : « Ce tablier contient une substance chimique inoffensive pour les humains. À l'instant même où le tablier touchera le maillot de bain, ce dernier se corrodera et tombera en morceaux. »

Il était trop tôt pour se mettre à réfléchir à la troisième question.

Les choix de la deuxième n'étaient pas encore terminés.

Allait-elle enfiler le tablier par la suite ?

D'un point de vue surface de la peau recouverte, elle devrait choisir sans hésiter le tablier.

Cependant, était-il sage d'abandonner la faible, mais ayant le mérite d'exister, protection qu'elle avait à l'arrière ?

Mais n'était-il également pas faux de décider que le maillot slingshot convenait ?

Alors maintenant.

D'après vous, quelle est la bonne décision à prendre ?



Postface[edit]

Bonjour, c'est Kazuma Kamachi.

Des fois, il m'arrive de trouver des idées que je ne peux pas utiliser dans mes séries actuelles. Quand il y en a eu suffisamment, j'ai décidé de les compiler dans un livre. Chaque idée aurait sûrement pu être utilisée pour faire un livre entier, mais cela induisait le problème inhérent au fait d'avoir trop de séries en cours en même temps.

Il est possible qu'un livre creusant l'une de ces idées sorte un jour, mais rien n'est moins sûr pour le moment.

Bien, cette postface va revenir sur chaque chapitre !! Je sens que le mot « moe » va revenir plus souvent que dans mes précédents messages, mais les thèmes principaux de ce livre sont le moe et les comédies romantiques, alors ça ne sert à rien de se leurrer. ... Maintenant que j'y pense, cette postface va sûrement être un peu longue.


Fichier 01 : Un virus informatique qui se propage dernièrement


Cet anthropomorphisme est né d'un désir de rendre les virus informatiques moe pour contrebalancer avec les terrifiants dégâts qu'ils peuvent causer. Je sais que la 3D à l'œil nu n'est pas si incroyable qu'on peut le croire, mais elle peut servir de gadget sympa dans une fiction.

Il peut être amusant de créer diverses sortes de personnages pour chaque type de malware, comme une barre de téléchargement ou une clé d'identification.


Fichier 02 : N'hésitez pas à nous demander conseil (mais appliquez-les à vos risques et périls)


Quand on y pense, un monde où on peut utiliser un ordinateur pour trouver une épouse est incroyable. L'idée s'est développée autour de ce concept. Comme c'est un light novel, ça s'est terminé avec une elfe de petite taille qui parle comme une vieille, mais en vrai, c'est sûrement la mafia ou un joli investisseur qu'il y aurait eu au bout. Une fois encore, penser y trouver une jolie personne en face reviendrait à quitter le monde réel...


Fichier 03 : Par tous les moyens nécessaires


Une des rares histoires mystérieuses de ce roman. Dans mon esprit, l'organisation présente n'est pas les services secrets d'un pays. Mais plutôt, je la vois comme une société qui peut être engagée pour interroger des gens.

La spécialité de Sagittaire le fait s'impliquer personnellement pour semer le trouble dans l'ambiance de la scène, mais un faux pas peut lui être fatal.

Alors lequel est le pire ? Sagittaire qui se sert d'une empathie et d'une confiance temporaire pour parvenir à ses fins ou Scorpion qui utilise la violence brute ?


Fichier 04 : Art Ninja — Technique Sleep Diver ©


Des idées de ninja me trottent de manière régulière en tête. Alors que je réfléchissais à mon histoire suivante, cette idée m'est venue en tête. Mais étonnamment, je me suis trouvé dans l'incapacité d'en faire une histoire plus approfondie.

Je suis allé jusqu'à faire des Iga et des Kôga des services d'intelligence du Japon moderne qui se livrent une lutte féroce dans le développement de gadgets ninjas. Quand j'ai fait des recherches sur les métamatériaux, j'ai découvert que c'était plus effrayant que je les ai rendus intéressant. Cela veut-il dire que je suis incapable de vivre avec mon temps ?

Il n'empêche, des rayons lasers sonnent plus romantique que camouflage. Peut-être que c'est parce que des choses telles que les lasers aéroportés paraissent encore peu réalistes (du moins pour l'instant).

Qui plus est, le fait que le personnage principal soit un vieillard pervers qui ne sait pas se battre du tout est plus ou moins une première dans le light novel. C'est quelque chose d'autre que je ne peux me permettre que dans une histoire courte.


Fichier 05 : Attention aux nouvelles formes d'escroqueries


Comme je ne fume pas, je n'ai honnêtement pas la moindre idée de qui surveille les fumeurs dans la rue. C'est la même chose que les sonneries d'avertissement. (Elles sont différentes des sirènes. Elles font un bruit électronique aigu qui ne donne aucun sentiment d'urgence.) On croit les comprendre, mais il existe un nombre effarant de détails qu'on ignore.

En parlant d'arnaques et de choses mentionnées dans une autre histoire, les manuels pour contrôler l'état mental des gens sont vraiment épatants. Peut-être que je pourrais écrire une histoire sur un spécialiste qui écrit des livres spécialement conçus pour un individu donné. Cela pourrait être un président, un espion, ou une fille bornée.


Fichier 06 : 385D


Au début, cela ressemblait à une histoire tournant autour de nombres, mais ça a terminé en quelque chose de différent. Ça a commencé avec l'idée d'une mystérieuse jeune femme dans un café qui est vue comme le lien précieux vers un monde différent par un garçon tout à fait normal. Alors que le garçon vit d'étranges choses liées à 385D, la femme tient les rênes du mot « boulot » et résout le mystère derrière divers incidents. Il aurait pu être amusant d'ajouter des ennemis qui sont liés au mot « mystère » ou « organisation ».

À chaque fois qu'on prête trop attention aux nombres comme les doubles, c'est un signe que notre cœur est fatigué, alors faites attention.


Fichier 07 : Un confortable cercueil pour vous


Une histoire de cercueil. En fait, l'histoire de « l'influent magazine de science Planète » au tout début est le véritable cœur de l'histoire. Faire passer aussi rapidement et simplement que possible le postulat de départ est quelque chose de courant, mais je me demande si le rendu est suffisamment bon.

Il existe diverses façons de rendre immédiatement évident que quelque chose est une créature d'un autre monde. Par exemple, on peut ajouter des ailes ou des cornes. Hélas, si on s'éloigne trop de la forme humaine, c'est un coup fatal porté au côté moe. La façon la plus sûre d'éviter ça est de maintenir le reste de l'apparence intacte, mais en diminuant la taille. Une façon pratique de créer ce genre d'effet est de faire que ce personnage ressemble à un humain mais fait des choses qu'un humain ne ferait pas, comme entrer dans une boutique par la porte pour chat.

Au fait, existe-t-il quelqu'un au monde qui n'a pas de souci avec la fraise du dentiste ?


Fichier 08 : Le tarissement des filons temporels


Une histoire de machine temporelle. Cette histoire est venue alors que je pensais au cliché des clichés : un monde futuriste où les ressources se sont épuisées. J'ai commencé à me demander si on pouvait créer une histoire où on créerait un lien avec le passé pour résoudre le problème de la pénurie de ressources.

Le véritable problème avec les machines temporelles, c'est que l'histoire ne peut pas avancer si personne n'est conscient des changements avant et après, mais il n'est pas aisé de trouver une raison pour expliquer pourquoi le héros n'y est pas affecté. C'est pour cela que j'ai rajouté une petite référence à la fin.


Fichier 09 : Même l'argent décide des affaires concernant l'Enfer ?


Cette idée sur l'enfer est née du fait que certaines sociétés gèrent parfois des prisons ou s'occupent de sentences. Faire que le prêtre soit expérimenté, faire que la punition soit ridicule à souhait et faire que le fantôme soit une jolie fille étaient tous des efforts pour se débarrasser de tout sentiment de désespoir.

Alors qu'un cadavre de beauté sonne faux même dans une fiction, un joli fantôme peut être parfaitement moe. Comme c'est étrange.

Qui plus est, se servir d'un fantôme peut être pratique parce que je n'avais même pas besoin d'expliquer l'utilisation de minishort qui ont presque complètement disparu dans notre monde moderne mais qui sont encore populaires dieu sait pourquoi. Bien entendu, cela requiert d'avoir un fantôme de la précédente décennie.


Fichier 10 : Le destin prend la forme d'une flèche


C'est parti d'une idée de héros qui pourrait décider de faire face à l'horreur ou à une comédie romantique en fonction de la flèche qu'il suivait. Dans le même temps, je pouvais ajouter des méta blagues sur la distinction entre les genres.

Dans les light novels, la senpai est le symbole par défaut de la personne incroyable. C'est l'un de mes genres de personnages favoris. Mais si vous avez déjà croisé une magnifique, envoûtante et compétente senpai qui n'est jamais sorti avec qui que ce soit avant comme si elle attendait le héros, vous pouvez d'ores et déjà vous dire qu'il y a quelque chose qui cloche, tel un fruit recouvert de conservateurs. Il est étrange de constater que l'idée gagne en attrait dans une fiction.


Fichier 11 : Une fille en guise de garantie pour un prêt non remboursé


Le cliché absolu. Quand on l'utilise dans le monde des épées et de la magie, ça marche bien, mais cela parait particulièrement étrange utilisé dans le 21e siècle. Le cours de l'histoire pourrait changer du tout au tout en fonction de si le héros est flemmard ou agressif. Au fait, il pourrait également être possible de faire que la mère de la fille arrive pour s'occuper de sa fille par exemple. Au début, j'avais l'intention d'opter pour cette fin, mais cela pouvait tourner à l'histoire d'horreur sauf si la mère est très jeune. Pour cette raison, je me suis contenté de la petite-fille.


Fichier 12 : Un Père Noël formé en gentleman cambrioleur


Ça a commencé avec l'idée que ça pourrait être amusant d'avoir un Père Noël spécialisé dans l'infiltration de manoirs impénétrables. Comme il n'allait rien voler ni assommer personne, l'histoire pouvait même être adaptée pour un public jeune. Cela pouvait également être une bonne idée de faire une version avec une jolie Mère Noël et deux rennes (mâles). Au fait, la raison pour laquelle le père de Mimi-chan déteste autant le Père Noël, c'est parce qu'il a vu le vrai quand il était enfant et n'a plus reçu de cadeau à partir de ce jour-là.

Le Père Noël est un symbole simple de moe et avec le fait d'avoir ce mot dans le titre, les gens peuvent imaginer le genre de personnages qu'il y aura dans l'histoire sans même lire le résumé. Cela rend l'histoire très « sûre » d'un point de vue commercial, mais il a un défaut.

Il est extrêmement difficile de faire une série quand le héros ne travaille qu'une fois par an.

Il faut alors rendre ses personnages principaux immortels (ou peut-être simplement arrêter le cours du temps comme un certain animé populaire avec une famille au nom de produit marin ou un robot bleu) ou faire en sorte que les personnages agissent à d'autres moments qu'à Noël.


Fichier 13 : Pourquoi ne pas essayer d'y jeter un œil ?


Cette idée s'est étendue du fait que les consoles portable de nos jours sont tellement pratiques qu'on peut les utiliser pour tout et n'importe quoi. (J'ai même ma part de responsabilité dans le marché des jeux vidéo portables et pour smartphone...) Cette fois-ci, c'est l'enfer occidental. Au lieu de voir vraiment l'enfer avec la console, le garçon est tenté par une démone nommée Ashtart. En y incluant Gabriel, cela prend la forme stéréotypée de l'ange et du démon qui murmurent à l'oreille du héros.

Je pense que les démons ont plus d'attrait que les anges en terme d'aspects moe, mais c'est peut-être juste une réaction subconsciente aux vêtements plus légers. On voit beaucoup de femmes démons, mais les femmes anges sont beaucoup moins courantes.

... Au fait, si vous aviez l'opportunité de voir le véritable enfer, y jetteriez-vous un œil ?


Fichier 14 : Voudriez-vous quelque chose de la gamme Visage Humain ??


Cette idée est dérivée des cyborgs. J'y ai pensé alors que j'essayais de trouver le moyen de résoudre le problème de la perte de tout moe quand on retire toute humanité chez un cyborg.

Quand on examine de près le dentier que quelqu'un vient de nettoyer, on dirait que c'est si réel que ça donne l'impression que notre sens commun nous fait défaut, non ?


Fichier 15 : Plus vrai que vrai


Quand on s'y attarde, la création de faux saké, vapeur et sueur utilisés dans les séries télé est très intéressant. On croirait qu'ils cherchent juste à avoir quelque chose qui a l'air vrai, mais les téléspectateurs croiraient que c'est des faux même en utilisant des vrais. L'idée de faire quelque chose qui semble plus vrai que vrai me semble pouvoir servir dans un light novel sur l'occulte. Quelque chose comme préparer une offrande temporaire et un temple pour invoquer quelque chose.


Fichier 16 : Les personnes mentionnées dans les légendes


L'histoire d'une héroïne et d'un roi démon qui deviennent amis alors qu'elles croisent le fer. Après avoir joué pendant tant d'heures, elles ont toutes les deux oublié quel était leur objectif initial.

Quand il est question de RPG, je peux être vraiment avide, alors j'ai réfléchi à quelques magasins que je pourrais créer. L'un d'eux est le service de livraison de héros armés mentionné dans l'histoire. J'ai également pensé à quelque chose comme une auberge installée juste à deux pas du château du boss final. Évidemment, elle ferait tout pour que ce dernier ne soit pas vaincu.


Fichier 17 : Couleurs attribuées à la palette


Au début, mon idée était de faire que tout soit décidé par l'étendue de l'attribut affecté aux personnages, mais montrer cette « étendue » en tant que paramètre concret est peu évident. C'est pour cette raison que j'ai opté pour le nombre d'attributs. J'aime également l'idée d'un monde qui prévient les crimes en récompensant les bons plutôt qu'en punissant les mauvais. Néanmoins, est-ce vraiment « bon » de tourner le dos et de ne rien faire contre ceux qui commettent des crimes ?

Il aurait également pu être amusant de créer un monde où la puissance écrite (?) est représentée par un nombre précis. (Les personnages secondaires auraient des nombres petits et ils donneraient des explications floues. La description de l'héroïne pourrait prendre jusqu'à la moitié d'une page.)


Fichier 18 : Le défi insatiable du chef Koitarô


L'idée est partie du principe qu'un light novel culinaire marcherait mieux si le travail d'un simple chef déciderait de l'avenir du monde. Je ne suis pas sûr d'avoir déjà vu l'idée de procurer quelque chose de meilleur pour éternellement détourner l'attention de l'ennemi plutôt que le vaincre.

... Je suppose que le problème principal est que le chef prépare la nourriture mais il n'y a personne pour dire que c'est bon. Rien que cette idée rend le tout si vide de sens.


Fichier 19 : Il est urgent d'unifier les standards


Le thème ici est les héros se transformant. J'aime l'idée d'une alarme de sécurité qui appelle le héros parce que je peux imaginer un jouet comme ça vraiment exister. Je ne pense pas que les magical girls utilisent toujours des baguettes magiques de nos jours, mais un autre objet nécessiterait une explication sur le pourquoi du comment.

C'était peut-être une bonne chose d'avoir fait que le père se « transforme » à la fin en un employé de bureau dandy en enfilant un postiche.


Fichier 20 : Toutes sortes d'offrandes


Une histoire sur les légendes japonaises. Il aurait été plus facile de l'imaginer si j'avais utilisé des dieux occidentaux comme Zeus ou Odin plutôt que des dieux japonais. L'idée de « je sens le parfum d'une autre femme » est devenue à peu près aussi courante qu'un « terme saisonnier » comme la pince à linge ou le bouchon de stylo avec un trou au-dessus. Ici, j'ai utilisé ça comme une forme d'offrandes.

... Je me demande si un dieu local verrait vraiment ça comme une infidélité ?


Fichier 21 : Réfléchissons à une signification romantique du langage des fleurs


On croise parfois des choses surprenantes dans le langage des fleurs. Comme le raisin d'Europe de l'Ouest. Je me suis dit que ce serait amusant de montrer la scène de quelqu'un s'inquiétant sérieusement pour diverses choses en inventant de nouvelles significations.

Je ne trouve pas les filles qui finissent leurs phrases par « -ssu » vraiment moe, mais c'est une des fins de phrases les plus simples avec « -gozaru ». J'ai déjà mentionné une fois le fait que mon éditeur ne trouvait pas « -gozaru » très moe, mais il a dit que ça pourrait faire l'affaire si c'était une étrangère blonde qui croit que c'est du bon japonais. Ça m'a vraiment ouvert les yeux. ... Peut-être qu'il existe une façon d'utiliser le fundoshi aussi.

Mais alors, il est bien possible que ce soit simplement une vérité universelle qu'une jolie fille aura l'air mignonne quoi qu'elle fasse.


Fichier 22 : La leçon la plus appréciable du monde ?


Il se trouve que c'est quelque chose que j'ai écrit dans l'histoire, mais j'aimais vraiment la phrase disant que le mot « micro » ne répondait pas aux normes JIS.

Même après toutes les explications, je me demande toujours si les trous noirs étaient vraiment sûrs, mais peut-être que c'est juste que je ne suis pas à la page sur le sujet.


Fichier 23 : Cette fois-ci, l'Âge de Glace est réel


Cette idée est partie de l'étonnement procuré par ces logiciels de traductions en temps réel sur des jeux de systèmes portables et par ces choses incroyables que peuvent faire les smartphones.

Ce genre d'applications a tendance à servir de complément. Je pense qu'il est normal de chercher à boucher les trous là où on a des manques. Mais si chacun fait ça jusqu'à un certain point, plus personne n'aura d'individualité.

... Peut-être qu'avoir des défauts est important.


Fichier 24 : Comment vaincre un puissant ennemi qui ne dépasse pas l'entendement humain


Une histoire qui se sert de l'avidité humaine comme nouvelle méthode pour exterminer des monstres. Mais avec les aspects les plus grotesques comme la description abrégée de l'ouverture et de la vérification des entrailles du troll, cela aurait pu être une histoire compliquée à développer. Elle aurait pu être un peu plus pimentée si c'était l'histoire de quelqu'un dans la jungle observant la cible à travers des jumelles pour découvrir ce qui pourrait être utile. Et en se rendant réellement sur le terrain, j'aurais pu ajouter quelques scènes d'actions avec une pointe de danger.

Alors que la population d'une créature qui diminue peut faire exploser celle de sa proie, les méthodes du professeur comportent un risque différent.


L'introduction des participants à la fin a été accompagnée d'une sorte de tableau d'affinité qu'on voit souvent dans les magazines utilisant des questions où il faut répondre par oui ou par non. Avec le contenu du sondage et le sondage en lui-même, « l'absurde » a été utilisé comme thème principal de tout le roman. C'est un terme courant, mais c'est l'un de ces mots qui paraît technique quand on l'écrit en furigana, non ?[1]

Avoir une introduction si sobre pour cette partie était dans le but de créer suffisamment de contraste pour faire comprendre que l'histoire avait quitté sa partie « jeu dans le jeu ». Cela signifiait que l'histoire devait repartir sur un rythme plus lent.


Je crois que je vais arrêter ici.

Je remercie mon éditeur, Miki-san, mon illustrateur, Haimura-san, et tous mes lecteurs.

J'ai utilisé une astuce pour donner au tout un air sinistre. Je n'ai techniquement utilisé aucune technique psychologique ou quelque chose du genre, alors ne vous en faites pas trop. Tout n'était que fiction du début à la fin.

... Si mes idées s'empilent encore une fois, j'écrirais peut-être une autre histoire comme celle-ci, mais je doute que ça arrive de sitôt.

Quoi qu'il en soit...


Mon prochain objectif est de faire des recherches sur l'eau et sur la terre qui fait pousser les graines.


Kazuma Kamachi



  1. Dans les différentes fins, le mot japonais pour « absudité » était accompagné du mot anglais en furigana .