K Side:Red Chapitre 1

From Baka-Tsuki
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Chapitre 1 : La Fille Habillée en Bleu[edit]

Totsuka Tatara était assis en travers de sa chaise, fixant le visage du jeune homme. Bien que ce dernier prétendait bouder, il était perdu, et ses yeux, derrière ses lunettes, erraient.

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Hm ? Je regarde juste attentivement le visage du nouveau venu, un peu. »

Ils étaient dans le bar « HOMRA », situé dans un coin de Shizume Town. Le comptoir lustré semblait avoir un parfum de bois, et le plancher […] dans cet intérieur élégamment arrangé était un lieu très peu convenable pour de vulgaires personnes. Comme passe-temps, le maître des lieux collectait diverses bouteilles de liqueur, les alignant étroitement de la plus standard à la plus rare dans un casier, à l’intérieur du comptoir.

Même les gens mal élevés n’oseraient jamais casser quoi que ce soit dans le bar, ou bien même le rendre sale. S’ils le faisaient, ils ne pourraient même plus raconter le châtiment reçu par le barman, Kusanagi Izumo. Kusanagi était quelqu’un d’aimable, maniéré, avec toujours un sourire conciliant ; mais si quelqu’un venait à l’énerver, il pourrait même soulever un type imposant à la force de son bras mince.

Aujourd’hui encore, les garçons ont traîné dans le bar sans but précis. Ils avaient ri de choses idiotes, et les bruits faisaient écho dans le bar. Pour les membres de HOMRA, ce bar était leur maison.

Totsuka regarda le garçon qui était assis seul dans un coin du bar, évitant ainsi les gens, faisant face de loin aux garçons bruyants, affalé dans sa chaise. Ce garçon, aux lunettes bordées de noires, regardait autour de lui avec un regard morne.

Il venait juste d’être diplômé du collège, avant d’être rentré récemment à HOMRA. Son partenaire, Yata Misaki, qui était arrivé au même moment, s’était déjà mêlé au groupe. Mais ce garçon – Fushimi Saruhiko – ne montrait toujours pas le moindre signe d’intégrité avec les membres de HOMRA.

D’aussi loin qu’on puisse aller, c’était devenu le boulot de Totsuka, que de s’occuper des nouveaux venus. Bien que ce soit dit ainsi, ils ne faisaient pas de choses telles que l’éducation. Il s’occupait simplement d’eux, leur enseignait les règles basiques, et plus tard, bien s’entendre avec eux.

Mais qu’importe. Fushimi était un adversaire assez difficile, même pour Totsuka.

« Hey, Saru-kun. »

« … »

Fushimi regarda Totsuka, fronçant d’un air mauvais les sourcils à la manière dont on s’adressait à lui. Supposant qu’il détestait être appelé « Saru-kun », il aurait pu le dire franchement. Mais Fushimi n’allait pas exprimer ce rejet de sa bouche.

Quand il avait rencontré Yata pour la première, quand Totsuka s’était adressé à lui en tant que « Misaki-kun », il avait sérieusement grondé un « ne m’appelle pas par mon prénom ! », et c’était donc plus clair ainsi.

Et sur le coup, Totsuka a décidé d’essayer de continuer à l’appeler par ce prénom, jusqu’à ce que Fushimi lui dise qu’il détestait ça.

« Saru-kun. Pour moi, le shogi[1] est mon obsession actuelle. »

« … Vraiment ? »

« Eh bien, il n’y a personne pour jouer avec moi. Yata est pas doué… ou plutôt, peu importe le nombre de fois que je lui explique, il ne peut pas se souvenir des règles, et Kusanagi-san est fort mais c’est agaçant pour lui, et il ne peut pas facilement me tenir compagnie. J’ai joué une seule fois avec le Roi avant, mais il est aussi faible - ou plutôt, il n’a pas d’autre conception que « protéger le Roi », on dirait. Après avoir fait son mouvement de jeu, il disait « Quel jeu morne… » avec un regard ennuyé. »

« … »

Une fois encore, silence. Totsuka continua audacieusement :

« Et donc, Saru-kun. Je me demande si tu voudrais être mon adversaire ? »

Il regarda la réaction de Fushimi avec un sourire radieux.

… Aaah, c’est chiant.

Bien que Fushimi n’ait pas fait franchement de résistance, il n’avait cependant pas caché son irritation intérieure, son sentiment était trop lucide. Peut-être qu’il n’aimait pas ce genre de manières attentives ? Ça lui semblait comme si on le forcer à s’intégrer dans la bande, et c’était ennuyeux. […]

En le sachant, pour certaines raisons, il a fini par retenir son attention. Pour Totsuka, Fushimi était une personne intéressante.

« Totsuka ! » Kusanagi l’appela du comptoir. Il se tourna en nettoyant un verre, et désigna le premier étage du bar avec son menton. « Demande à Mikoto de venir dans un moment. »

« Pourquoi ? »

« Si ce type se montre à peine ces jours, les choses dont je dois discuter avec lui vont finir par s’accumuler. S’enfermer soit-même dans le bar de quelqu’un d’autre, mon Dieu. » Totsuka afficha un sourire.

Les membres, qui étaient bruyants juste à l’instant, tombèrent dans le silence, et pour certaines raisons, observèrent la conversation entre Totsuka et Kusanagi. Pour eux, le bien-être du Roi était une chose importante.

Plutôt que d’être de mauvaise humeur, Suoh devenait tel qu’il donnait l’impression de tomber dans une crevasse de son propre esprit, il ne pouvait plus rester en contact avec ses camarades aisément – communiquer avec signifierait les tourner dans une existence maudite.

… ce n’est pas s’il leur hurlait dessus ou les battrait vraiment. Il lancerait juste un regard aux gens qui viendraient s’approcher de lui. Avec juste ça, n’importe quel jeune membre tremblerait violemment, jusqu’à ce qu’il ne puisse même plus tenir debout.

Totsuka esquissa un sourire, soulevant légèrement ses mains en réponse à Kusanagi, avant de grimper les escaliers.



Suoh Mikoto était installé dans une pièce vacante du bar, au premier étage. N’étant pas intéressé par les conditions de vie, il y avait plus ou moins un canapé, un lit qui paraissait être sorti de nul part, ainsi qu’un mini réfrigérateur dans la pièce. Et ça devenait une pièce où les gens, passant outre l’aspect morne de la pièce, n’y remarqueraient pas le moindre signe de vie.

L’intimité n’avait pas d’importance non plus, pour lui ; particulièrement quand Totsuka ou Kusanagi entrait dans la pièce comme il leur plaisait ; ils ne se prononçaient même plus par rapport à ça.

Enfin ; Totsuka était un peu perdu, face à la porte. Il frappa juste au cas où - et comme prévu, il n’y eut aucune réponse de l’intérieur de la pièce.

« King, je rentre, » prévint-il doucement, avant d’ouvrir la porte.

Suoh était avachi dans le canapé, comme s’il était mort. Les chaussures toujours aux pieds, ses jambes étaient tendues dans le vide, son regard sans âme fixant le plafond. Totsuka marcha jusqu’à lui, toujours immobile, puis regarda son visage d’en haut.

Suoh pressentit un problème, alors il a lentement changé son expression fixe à Totsuka.

« … Quoi ? »

Il parlait avec une voix qui sonnait telles des vibrations provenant des entrailles de la Terre.

« Tu ne t’es pas montré récemment, n’est-ce pas ? »

Suoh grogna un peu à la remarque de Totsuka. Ce très léger geste était comme un signe qu’il n’en supporterait pas davantage. Néanmoins, l’intimidante aura environnante s’y dégageait. C’est comme s’il y avait un danger, ou quelque chose qui allait se détruire à n’importe quel moment. Qu’importe – sans s’inquiéter, Totsuka avait radieusement souri, et a dit :

« Kusanagi-san a dit qu’il y a des choses dont il veut te parler qui s’accumulent. »

« … »

« C’est rare que tu ne viennes pas. Si le King n’est pas aux alentours, le moral des membres n’est pas boosté. »

« … »

« Tout le monde devient nerveux quand ils entendent que tu es de mauvaise humeur. … qu’importe, je t’ai dit que Kusanagi-san t’attend, alors allons-y ensemble. »

« … »

Peu importe ce qu’il disait, Suoh ne répondait pas, et Totsuka fit la moue. Il s’assit sur le sol, appuyant son dos contre le canapé. Il lui faisait face de loin. Dans cette position, il demanda :

« Tu fais toujours des cauchemars ? »

Il y a eut un silence pendant un moment. Un petit « tsk » s’était fait légèrement entendre. « Merde, comme meilleurs rêves, y’a pas. »

Totsuka a légèrement baissé les yeux, à la voix basse de Suoh.

« … quel genre de rêves tu as fait ? »

Les bruits du bar résonnaient jusqu’à l’étage. Totsuka les écouta, attendant patiemment la réponse de Suoh.

Quand soudainement, le Roi lui agrippa la tête. Surpris, Totsuka lâcha un « woah ! ». Suoh pourrait complètement saisir la tête de Totsuka, ou faire autre chose de semblable facilement avec ses grandes mains. Just as it is, une certaine force se ressentait à travers sa main.

« Ow-ow-ow-ow-ow-ouch ! Quoi ?! King, qu’est-ce qu’il y a ?! »

Après l’avoir tenu fermement, il l’a rejeté brutalement.

« C’est douloureux… c’est pour quelle raison ?... »

Parce qu’il ne pourrait pas supporter un nouveau coup, il se glissa loin du canapé où Suoh était allongé, les larmes montant aux yeux, à cause de la douleur. Il jeta un regard en arrière vers son Roi, qui le dévisageait d’un air méprisant.

Juste après que Suoh est saisi son crâne, il se tourna de nouveau vers le plafond, avec cette même absence d’âme qu’il avait juste avant.

« King ? »

« … tu sais que je peux facilement t’ouvrir le crâne avec une seule main, hn ? »

Suoh prononça son mauvais augure avec une voix apathique. S’il était déterminé, les choses telles qu’écraser la tête de Totsuka pourraient être faites aussi facilement qu’on brise un œuf. Quand il comprit correctement l’implication de ces mots, Totsuka se força d’un sourire. Il donna un léger coup de pied dans le côté du canapé où Suoh reposait.

« Tout va bien, ‘kay ? » a dit Totsuka, mais il n’obtint aucune réponse de la part de Suoh. A ce moment, le bruit de quelqu’un montant les escaliers se fit entendre. Totsuka regarda en direction de la porte. Même si les pas étaient lourds, ils s’arrêtèrent face à la porte. Puis, un faible coup résonna.

« M-Mikoto-san… ? »

Suoh resta silencieux face à cette voix qui l’appelait nerveusement. Au lieu de cela, Totsuka se leva, et ouvrit la porte. A l’extérieur de celle-ci, horizontalement et verticalement, se trouvait le corps imposant de Kamamoto Rikio. Ne pouvant aider mais s’inquiétant de l’état de Suoh, Kamamoto se pencha, jetant un coup d’œil à la pièce.

« Quel est le problème ? »

« Mademoiselle Kushina vient juste d’arriver en bas ! »



« Honami-sensei~, n’aviez vous pas dit que vous ne pouvez pas trop venir ici ? »

Kusanagi avait parlé d’un ton amusé et d’une manière déconcertante à Kushina Honami, qui était assise sur le tabouret du comptoir.

« Oh, ne dis pas de choses pareilles. Mon élève gère un magnifique commerce, c’est tout simplement naturel que je veuille y venir, non ? » disait-elle dans un rire éclatant. Elle devait être dans ses dernières années de la vingtaine, mais elle semblait beaucoup plus jeune que son âge, une personne enfantine, parfois.

Elle avait un sourire calme sur le visage, et des manières extrêmement élégantes, mais elle était toujours la même que lorsqu’ils l’avaient rencontrée – il y avait des fois où elle était un peu stupide, cependant : elle renversa soudainement son verre d’eau fraiche, lâchant un « oh, mince ! », essuyant d’elle-même.

Une petite fille de six-sept ans, semblable à une poupée, était assise à côté d’Honami. Ses traits étaient aussi beaux que ceux d’une poupée, mais par-dessus tout, ce coté inexpressif de son visage la rendait comme inanimée. Même ses vêtements étaient ceux d’une antique poupée, flottants et plein de lacets. Sa robe était d’un bleu profond.

Kusanagi observant un moment la jeune fille à l’expression ennuyée, qu’il n’avait jamais vu avant, lui tendant un jus d’orange.

« En plus de ça, tu as même amené une petite fille… depuis quand tu as une enfant ? »

C’était dit d’un ton amusé. Honami secoua la tête avec un sourire forcé.

« Oh non, ce n’est pas ça. C’est la fille de mon frère aîné. N’est-ce pas, Anna ? »

Regardant Honami qui attendait sa réponse, la fille dénommée Anna acquiesça d’un léger mouvement, sans prononcer le moindre mot.

Malgré qu’elle craignait les étrangers, comme tout enfants environnant son âge, elle portait un masque comme expression.

Kusanagi, se sentant concerné, garda un regard interrogateur sur Honami. Elle lui retourna un sourire nerveux quand elle sentit la complexité de la situation face à ce regard. Et avant qu’il ne puisse trouver les mots à dire, plusieurs pas de firent entendre, venant des escaliers.

Quand il releva les yeux, il vit Kamamoto et Totsuka venant du premier étage menant du côté du comptoir. Totsuka échangea ses salutations avec Honami dans un sourire. Aussi, derrière eux, Suoh apparût dans une attitude nonchalante.

« Suoh-kun ! »

Honami le regarda avec une expression étincelante. Suoh tourna avec lassitude ses yeux vers elle.

« Tu n’avais pas dit que tu ne viendrais pas ? »

Il tirait une expression blasée tandis qu’il prit lourdement place sur le siège libre, à côté de Honami. Cette dernière était le professeur principal de Suoh dans ses années de lycée.

A cette époque, quand il n’était pas plus qu’un simple élève – mais qu’il effrayait déjà les gens autour de lui –, Honami était la personne qui ne ressentait pas cette peur, et devint proche de lui. Kusanagi, qui était diplômé du même lycée que Suoh, attiré aussi l’attention de la femme.

Bien sûr, Honami ne connaissait pas précisément la position de Suoh et le reste. « Il semble être devenu une personne avec un haut statut dans le milieu de Shizume. » Ce niveau de reconnaissance était sûrement ce qu’elle savait le mieux.

HOMRA, à sa manière, avait beaucoup d’ennemis. C’était pourquoi Kusanagi et les autres ne laissaient pas le reste des personnes sans rapport avec leur monde être trop proches d'eux, ou accéder à aux informations.

Toutefois, la faiblesse connue de l'époque où il était prématuré, ne pouvait en aucun cas être balayée. Et Suoh, dans ce sens, était dépourvu de pouvoir face à Honami, et de même pour Kusanagi.

Cependant, une telle douceur de la part de Suoh envers Honami avait causé un malentendu au sein du groupe.

« Vous pouvez poser vos bagages ici, mademoiselle. »

« Vous gardez votre veste, mademoiselle ? »

Kamamoto était convaincu d'une chose: Yata n'avait pas l'habitude de faire quelque chose de considérablement sincèrement. Lui et Kamamoto avaient eu la mauvaise image de la relation entre Honami et Suoh, c'est pourquoi ils se rendaient utile ainsi à la femme et avec entrain. Cette dernière, qui ne semblait même pas se rendre compte qu’elle était considérée comme étant la femme de Suoh, leur sourit gentiment comme si elle faisait face à ses élèves, disant des choses tels que « merci, mais c’est bon. »

Suoh, reposant mollement son menton dans sa main, releva les yeux soudainement. Il jeta un regard derrière lui.

« Ah, Anna… ! »

La voix d’Honami était surprise.

Derrière Suoh, la petite fille dépourvue d’expression. Elle le regardait comme si elle voyait une rareté. Et même si le regard de Suoh l’autorisait à le regarder, Anna n’était pas effrayée du tout. Elle le détaillait sans retenu, l’observant de tout son cœur. Suoh l’observa en retour, sans rien dire. Il y eut un étrange instant de pause, pendant un moment. L’environnement était envahi par une étrange atmosphère, tombant dans un silence de mort. Et quand les gens commencèrent à en étouffer, Anna détourna soudainement le regard.

Quittant Suoh, elle alla dans un coin du bar, s’asseyant sur le sol sans se préoccuper de tâcher ses vêtements. Elle sortit la bille de sa poche, et commença à jouer seule.

« … c’est rare, pour Anna, d’éprouver de l’intérêt pour quelqu’un. »

Avec ses grands yeux, elle regardait d’Anna à Suoh.

« Quelle enfant intéressante… »

Kusanagi plissa les yeux et observa Anna, assise dans un coin. Étant donné qu’une petite fille était rare dans le bar, le groupe la regardait curieusement, à distance.

Kusanagi remarqua soudainement qu’il n’avait rien proposé à Honami. Il demanda alors un « Je vous sers ? ». Elle regarda le menu sur le tableau à craie, puis a dit :

« Peut-être je prendrai un spécial curry, » et interpella doucement Anna. « Anna, voudras-tu manger du curry ? » Sans la regarder, ou dire quoi que ce soit, l’enfant secoua la tête. Honami eut un sourire forcé. « Peut-être qu’elle n’a pas encore faim. »

Et pendant que Kusanagi lui servait une portion « HOMRA » spécial tomate-poulet-curry, elle a dit :

« Je ne mange pas trop de riz, par contre… pourrais-tu m’en servir juste un peu ? Je risque d’en laisser, alors désolée pour ça… »

« Ne vous en faites pas pour ça. »

Kusanagi servit un peu de curry dans une petite assiette pour Anna. Honami se leva pour la prendre, mais une de ses mains fût bloquée.

« Je lui apporte, Honami-sensei. Allez parler avec le Roi. »

Avant qu’elle ne puisse prendre le plat, Totsuka le lui mit hors de portée, et s’éloigna avec. Un sourire amical sur le visage, il arriva à la hauteur d’Anna.

« Quel est le problème, aujourd’hui ? Nous amener une telle enfant ? » demanda Kusanagi, se prélassant légèrement contre le comptoir. Honami sourit, paraissant triste en prenant une cuillérée de curry, et répondit :

« Aujourd’hui… est le jour où Anna est permis de sortir de l'hôpital. »

« L'hôpital ? Qu’est-ce qui ne va pas avec elle ? »

Kusanagi regarda vers Anna, qui était de dos, assise sur le sol. À côté d’elle, Totsuka lui tendait le plat, pendant qu’il lui parlait. Mais la jeune fille roulait ses billes entre ses doigts, sans lever les yeux, gardant le silence.

« De ce que le docteur a dit, elle a une maladie neurologique. Ca semble être une maladie sérieuse, sachant qu’elle est entrée dans une unité spéciale, et qu’elle continue de faire des examens, et de prendre des traitements. »

Alors que Honami se penchait, ses cheveux tombèrent sur ses épaules. Voyant son regard abattu, Kusanagi fronça les sourcils.

« C’est mauvais… quelle genre de maladie c’est ? »

« Je ne connais pas précisément le nom. Normalement, elle peut vivre comme d’habitude, mais parfois elle a des sortes d’hallucinations, et semble avoir des maux de tête au réveil. D’après ce que disait le médecin de son unité, c’est un désordre cérébral, et, si négligé, peut devenir une menace pour la vie. »

« Dites, c’est curable, hein ? »

Yata, qui était en train d’écouter, chancela. Honami se tourna vers lui, et sourit. Il rougit, et grimaça.

« Elle guérira, c’est sûr. Les médecins font aussi de leur mieux pour trouver un remède. »

Chercher un remède, ce qui signifiait que le traitement efficace actuel devait sans doute être encore inconnu.

« Elle est encore petite, et pourtant, elle doit constamment être hospitalisée, alors que seules de bonnes paroles lui sont autorisées. Elle est devenue une enfant qui ne montre pas ses émotions. Son morale est au plus bas même à la maison, de sorte que même moi je ne sais plus ce qui devrait être fait. »

« Où sont ses parents ? »

Tout à coup, Suoh, silencieux jusque là, parla. Même s’il avait toujours ce regard détaché, son attention était bel et bien portée sur les paroles d’Honami. Étonnée, elle cligna des yeux avant de regarder Suoh.

« T'as récupéré l'enfant pour prendre soin d'elle, c'ça ? Et ses parents, alors ?... ils sont morts ? »

C’était une manière brusque d’en parler, mais pas cruel à dire. Honami inspira, et acquiesça.

« L’an dernier. Mon frère et sa femme ont été tués dans un accident de la route. »

La fille malchanceuse, en plus de souffrir d’une maladie grave, avait perdu ses parents. Était-ce ce visage aussi ferme que celui d’une poupée, qui ne laissait passer aucune expression, et ses yeux comme des perles de verre qui ne montrait aucun sentiment en étaient les conséquences ?

« Oh non ! C’est en train de devenir assez déprimant ! »

Honami changea ses sentiments, relevant le regard, et eut un sourire éclatant.

« Anna a été autorisée à sortir temporairement, et puis, il n'y a rien que je puisse changer même en mentionant ces choses sombres. Vois-tu, on l'avait attendue depuis longtemps, je voulais l’amener quelque part mais ne pourrais-je pas demander des conseils concernant cette zone ? »

« N-nous pouvons aussi vous guidez dans tout Shizume Town… »

Yata a dit ça d’un ton indistinct, essayant de ne pas regarder Honami dans les yeux. Elle le remercia joyeusement, et il tituba. Observant la scène du coin de l’œil, Kusanagi se concentra encore une fois sur Anna.



Difficile.

Totsuka était à point perdu sur la manière de procéder face à Anna, qui n’avait même pas jeté le moindre regard sur son plat, ou répondu au moindre mot de Totsuka.

En dépit du fait de donner cet accueil froid, Anna était assise sur le parquet du bar, poussant ces billes rouges éparpillées sur le sol avec ses doigts, les faisant rouler. C’était un jeu mystérieux pour Totsuka ; il ne pensait pas qu’il y avait une règle particulière, et ne pouvait en déterminer les caractéristiques.

Il regarda ça, mais, éventuellement, sa curiosité finit par le dominer et il avança sa main. Il essaya d’en toucher une avec son doigt – la bille cogna l’autre avec une procédure de billard, et encore une fois, sur une autre, et ce, jusqu’à les étaler tout autour.

Anna rassembla ses billes dont l'arrangement était devenu désordonné. Après ça, elle releva lentement son visage vers Totsuka.

Totsuka, en interférant avec le jeu, avait enfin réussi à rencontrer les yeux de la jeune fille. Il sourit naïvement.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Anna resta dans son silence, vis-à-vis de la question de Totsuka. Et, tout en conservant son mutisme, elle le fixa. Même si son expression restait inchangée, elle pourrait tout aussi bien être en train de lui lancer un regard noir.

« … tu as vu. »

« J’ai vu ? Vu quoi ? »

Anna baissa de nouveau le regard, et retomba dans le silence. Totsuka observa son visage sans rien dire. Bien qu’elle fût encore jeune, elle possédait un regard mature, en quelques sortes. Sa nature extrêmement taciturne ne semblait pas être le résultat d’une étrange anxiété, ou d’un caractère introverti, il pensait. C’était les yeux qui en avaient trop vu, ou avaient abandonné quelque chose mais vivaient avec. Ressentant une sorte d’intuition, Totsuka demanda gentiment :

« Tu « vois » des choses que les autres ne peuvent voir ? »

Elle releva ses yeux doucement.

Les yeux vides étaient focalisés sur le visage de Totsuka. Et même s'il était fixé, il n'avait pas l'impression que c'était réellement le cas. Ces yeux devaient regarder à un autre endroit, qu'il pensait.

« Comment me vois-tu ? »

Il essaya de dire ça pour voir comment elle réagirait. Elle demeura silencieuse pendant un moment, moment durant lequel elle fixa ses yeux sur Totsuka. Anna repris une de ses billes, et la tînt à hauteur de son œil. Avec son œil gauche, elle regardait à travers la bille et établit un contact visuel.

Immédiatement, Totsuka éprouva un étrange sentiment. Comme si l’intérieur de son cœur était caressé par ses yeux, à travers la bille. Il tressaillit légèrement.

Tandis que ses yeux étaient dépourvus d’expression, Anna le « regardait ».

Totsuka ne pouvait que continuer à lui faire face, malgré le sentiment troublant dont il se rappelait, et de cette peur ressentie à cause de l'impression que les yeux d'Anna lui ont donnés.

Tout à coup, Anna fit un geste brusque, faisant chanceler son corps. Le mouvement fut causé par le fait que la bille dégage une soudaine chaleur – elle la lâcha.

La bille rouge martela le sol en rebondissant, et roula. Anna, sidérée, le regarda rouler. A la fin, son visage impassible se déforma.

« Quel est… le problème ? »

Involontairement, Totsuka déglutit à la réaction inquiétant d’Anna, et posa la question.

Anna, qui ne montrait pas la moindre émotion, fronça ses sourcils – même si c’était léger –, mordant sa lèvre du bas. Pendant ce silence, elle récupéra ses billes qui étaient éparpillées sur le sol. Une fois chose faite, elle desserra ses lèvres pour essayer de dire quelque chose, se mordit de nouveau, et continua de répéter les actions dites.

Totsuka attendit pour qu’elle parle en retenant sa respiration pendant un moment, et finalement, se détendit avec une bouffée d’air.

« … tu ne manges pas ? C’est délicieux, tu sais ? »

Lui offrant le petit plat de curry avec un sourire, Anna le regarda avec surprise.

« Même si je ne comprends pas vraiment ce qu’il se passe, les choses dont tu ne veux pas parler, c’est ok si tu n’en parles pas, ‘k ? »

Elle posa ses yeux sur le plat, avant de secouer négativement la tête.

« C’est bon si tu manges seulement ce que tu peux, tu sais ? »

Il a dit ça, et la regarda plein d’espoir, mais Anna continua à secouer obstinément la tête.

« D’accord. … ah, et que penses-tu de ça ? »

Alors qu’il posa le curry sur une table proche, il alla chercher une boîte de bonbons sur l’étagère. Faisant un son de claquement, il attrapa des bonbons dans sa main. Trois bonbons emballés y étaient ; un citron d’un jaune transparent, un au melon jaune-vert, et un blanc à la menthe poivrée.

Totsuka ouvrit sa main face à Anna.

« Quelle couleur tu aimes ? »

Anna ne pouvait pas répondre. Gardant le silence, elle fixa les bonbons dans la main.

« Je suis tellement désolée… Anna ne peut pas vior les couleurs. »

Soudainement, une voix parla de derrière. Totsuka se pencha en arrière, pouvant voir qui lui parlait ; il vit Honami, avec un petit sourire, qui s’était déjà rapproché de lui.

« Elle ne peut pas voir les couleurs ? »

Alors que Totsuka inclina la tête du côté d’où il était toujours penché, Honami s’installa à genoux à ses côtés. Cela fait, elle prit délicatement la boîte de bonbon, et en sortit son contenant dans la main de Totsuka, encore une fois. Elle récupéra un bonbon rose à la fraise, dont elle ôta l’emballage.

« C’est une cécité des couleurs. Elle ne peut pas reconnaître d’autres couleurs que le rouge. Si ce bonbon en a la couleur… peut-être qu’elle pourra légèrement le voir ? »

Anna fixa ses yeux sur le bonbon rose, qui était proche du rouge, et acquiesça doucement. Honami amena le bonbon à la bouche d’Anna, qui montra un instant d’hésitation. Elle ouvrit silencieusement la bouche, et manga la sucrerie.

« C’est probablement parce qu’elle ne peut pas voir les couleurs que son appétit est si difficile… je suis désolée. »

Quand Honami prononça ça mélancoliquement, Totsuka secoua la tête avec des grands yeux.

« Cependant, je ne sais pas si ça a un rapport avec sa maladie neurologique. »

« Maladie ? »

« Cette enfant, elle semble être hospitalisée. Aujourd’hui était sa sortie temporaire. »

Yata les avait rejoints. Ses yeux étaient mouillés pour quelconques raisons. Peut-être avait-il écouté la discussion sur la maladie un moment plus tôt.


Notes de traduction[edit]

  1. Shogi : Jeu de société se rapprochant du jeu d’échecs.


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