Iris on Rainy Days (FR) : Renaissance - Jour 8

From Baka-Tsuki
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Jour Huit[edit]

Une semaine s'est écoulée, mais je continue toujours les mêmes gestes.

En tant que robot ouvrier « numéro 108 », je transporte toujours les déchets de matériaux de construction. Ma vue est toujours monochrome, le ciel, la mer et la terre sont tous teintés de gris. La « pluie » ne semble pas vouloir s'arrêter. Le bruit de fond et les innombrables lignes blanches s'entrelaçant devant moi non plus.


Je répète les mêmes gestes environ cent-vingt fois par jour — pour être précis, entre cent-seize et cent-vingt-huit aller-retour. Aucune pause. Le travail quotidien dure pas moins de dix-huit heures.

Après ces centaines d'aller-retour, je finis par comprendre plusieurs choses.

Tout d'abord, la zone est découpée en deux. « L'estomac » et les « intestins ».

D'imposantes machines comme des grues et des camions déplacent le grand tas de déchets près de la mer. Ces déchets sont ensuite collectés sur place, et empilés comme une tour. C'est « l'estomac ». Le travail de nous autres robots est de monter la colline, et de transporter les déchets de « l'estomac » vers la partie intérieure de la zone, les « intestins ». Assurer la liaison entre l'estomac et les intestins est notre travail.

La distance d'un aller-retour est d'environ deux cents mètres, mais la pente est assez raide. La surface de la route ne simplifie pas notre tâche, vu que nos chenilles se retrouvent embourbées dans la terre du sol. La raison pour laquelle les camions qui transportent les déchets jusqu'ici ne peuvent pas entrer ici, c'est justement parce que le sol est trop mou.

À ce propos, les déchets de matériaux de construction ont été baptisés « résidus alimentaires ». « Résidus » désigne des déchets, mais je ne sais pas vraiment d'où est venue cette appellation.

Il y a toute sorte de déchets, comme des barres de fer aplaties, des gravats mélangés à de la terre et des morceaux de métal calcinés. On rencontre aussi de temps à autre des armes et des restes d'explosif. Dans ce cas, peut-être que cet endroit a un lien avec l'armée ? La zone est entourée par un grand grillage, instaurant ainsi un climat austère et autoritaire.

Aujourd'hui encore, nous autres robots transportons les « résidus alimentaires » de « l'estomac » vers les « intestins ». Une fois avoir déplacé les déchets de « l'estomac », nous devons les mettre sur un tapis roulant. Comme le nom « intestins » le suggère, la forme du tapis roulant fait penser à de larges et petits intestins. À l'autre bout du tapis, des dizaines d'ouvriers avec des masques à gaz sont en train de trier les déchets.

Au début, je pensais que ces ouvriers étaient des hommes. Mais vu leurs mouvements et les numéros de série criés par les contremaîtres, ce sont tous des robots. J'ignore pourquoi ils portent des masques à gaz, sûrement parce qu'ils sont en contact avec des matériaux qui pourraient les endommager.

Autrement dit, presque tous les ouvriers qui travaillent dans ce chantier de démantèlement sont des robots. Le travail des hommes se résume à surveiller et donner des ordres. Nous travaillons pour eux tels des esclaves, transportons des choses telles des fourmis. Quand la journée s'arrête, nous rentrons dans notre fourmilière.

Durant cette semaine, je n'ai pas pensé un instant au Professeur. À chaque fois que je ne peux m'empêcher d'y penser, je renferme mes émotions au plus profond de mon cœur. C'est parce que je crois qu'une fois confrontée à mes souvenirs dans ma situation actuelle, je me trouverais dans l'incapacité de continuer à la supporter.

Ainsi, j'ai commencé petit à petit d'arrêter de réfléchir. À ce que je fais, au pourquoi je le fais — les jours passent, et les questions ont arrêté de faire surface dans mon esprit.

Dieu seul sait quand je suis devenue un de ces silencieux et mornes robots.


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