Iris on Rainy Days (FR) : Renaissance - Jour 55

From Baka-Tsuki
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Jour Cinquante-Cinq[edit]

Depuis ce jour-là, le temps que je passe avec eux a augmenté jour après jour. Ce sont les premiers amis que je me suis fait depuis que je suis arrivée au chantier.

La « pluie » ne s'est pas arrêtée. Dans ma vision monochrome, il y a toujours ce bruit blanc et ces innombrables lignes blanches.

— Puis...

Tout en faisant l'aller-retour entre « l'estomac » et les « intestins », Lilith continue de parler gaiement de l'autre côté de la pluie. C'est un vrai moulin à paroles.

— Et alors, le contremaître a crié « Hé, numéro Quinze, reste pas debout planté là ! », et a donné un coup de pied à Volkov.

— Ouah, vraiment ?! répondé-je.

— Et tu sais ce que monsieur a répondu ?

— Non.

— Il a dit... « Mes excuses. Je vais de ce pas m'assoir ! » parce que le contremaître lui avait dit « de ne pas rester DEBOUT planté là ». Ensuite, son énorme corps a écrasé le contremaître derrière lui.

— Le pauvre.

— Le hurlement du contremaître cette fois-là était tellement marrant !

— J'aurais vraiment voulu voir ça.

Lilith se met alors à rire de bon cœur. En voyant son sourire radieux, je me déride à mon tour.

— Au fait, comment as-tu rencontré Volkov ?

— Oh, ça, sourcille Lilith, Rien de bien extraordinaire. On s'est rencontrés au chantier il y a environ un an. Volkov travaillait déjà là avant que j'arrive... Je sentais qu'il avait une ressemblance.

— Une ressemblance...? Avec qui ?

— Une connaissance. C'est un robot appelé Lightning, je travaillais avec lui dans une boutique d'occasion avant de me retrouver ici. Il était énorme mais lent aussi.

À ce moment-là, Lilith se met à regarder au loin.

— Alors, c'est pour ça que j'ai remarqué Volkov dès mon arrivée. ... Puis je lui ai adressé la parole et on s'est mis à discuter...

Soudain, le beuglement des sirènes se fait entendre. C'est le signal de l'heure du déjeuner. Cependant, ce n'est valable que pour les humains, nous autres robots n'ayant pas droit de nous reposer. Notre seul moment de répit est la nuit quand on recharge nos batteries.

— Bon, on se voit plus tard alors.

Lilith et moi nous séparons, et elle se faufile avec agilité entre les robots devant nous. Ses longs cheveux attachés dansent vigoureusement derrière elle.

Je regarde en direction de l'endroit où elle se dirige, et je vois le géant robot marchant droit devant. C'est Volkov. Une fois de plus, il produit en masse d'énormes traces de pas. La petite fille tapote alors sur son large corps tout en demandant « Toc, toc, y'a quelqu'un ? ».

Je regarde cette scène familière, et ne peux m'empêcher de ressentir une chaleur en moi. Cela fait longtemps que je n'ai pas ressenti ça.

Je remercie les deux de tout mon cœur. Même si je ne peux accepter mon apparence actuelle, cela ne me préoccupe pas tant que ça. Ils m'ont acceptée telle que je suis en ce moment. Pour être honnête, cela me fait vraiment plaisir.

Si je pouvais exprimer une émotion sur mon visage, je serais sûrement en train de sourire maintenant.



Après la fin du travail du jour, nous nous sommes rassemblés comme d'habitude à l'entrepôt.

Nous ne sommes pas rangés par numéro d'identification. Vu que la seule raison pour laquelle nous sommes rassemblés ici est pour éviter que nous soyons volés et pour nous recharger, on peut s'assoir où on le veut.

Aujourd'hui, Lilith est assise à côté de moi.

— Dis, Iris.

— Hmm ?

Lilith me murmure alors :

— Accompagne-moi ce soir.

Elle esquisse un sourire qui en dit long.

— Hein ? T'accompagner ?

Alors que je suis sur le point de lui demander ce qu'elle veut dire par là, les contremaîtres se rapprochent à grands pas de nous.

Après avoir inséré le câble de rechargement, mon interrupteur s'éteint automatiquement. Et quand je vais me réveiller, ce sera le matin — ou du moins, c'est ce que je pensais.

— ...... Iris !

J'entends la voix de quelqu'un.

— Hé, Iris !

Dans la pluie présente comme à son habitude, j'ouvre les yeux.

Le visage familier d'une jeune fille est sous la pluie.

— ..... Lilith ?

— Ah, t'es enfin réveillée. ... Ton temps d'activation est assez long, dis donc.

Lilith retire ensuite le câble d'alimentation de mon corps, et referme le panneau de ma poitrine.

À ce moment-là, je remarque enfin qu'il fait complètement noir. Généralement, des rayons de lumière pénètrent dans l'entrepôt à travers ses vitres.

— ........ Hein ? Il fait nuit ?

— Eh oui, il fait encore nuit. Il est environ deux heures.

— Deux heures du matin...

Je regarde autour de moi. C'est la première fois que je me réveille aussi tôt.

— Iris, je vais te montrer.

Lilith esquisse alors un sourire ravi.

— ... Me montrer ?

Je reste perplexe.

Puis, la fille fait un pas en arrière et tend sa main droite blanche vers moi, comme si elle m'invitait à danser.

— Bienvenue dans le club de lecture nocturne.

L'entrepôt a une aura mystérieuse la nuit.

Mes collègues robots sont assis soigneusement devant des panneaux d'alimentation qui ressemblent à des pierres tombales. Bien sûr, personne ne bouge. Sur les robots, les lumières des témoins de chargement tremblent comme des esprits errants. Lilith et moi nous frayons un chemin entre les centaines de fantômes.

Un énorme robot familier est assis au milieu des fantômes tremblotants. Un épais câble est accroché à lui telle une queue, tandis que les lumières des témoins de chargement clignotent fortement.

— Prends ça !

Lilith retire alors le câble de rechargement de Volkov avec ses mains. Puis, elle ouvre le panneau de sa poitrine, avant d'y mettre sa main droite à la recherche de quelque chose.

Après quelques secondes, un léger bourdonnement résonne dans l'entrepôt, et les yeux de Volkov s'éclairent.

— Allez, debout, tas de ferrailles.

Lilith est encore en train de crier sur des gens.

Volkov dit tout en gardant sa position assise :

— Volkov- activation-, peut- pas- bouger.

— Chuuut ! Moins fort quand tu parles.

Lilith baisse sa voix pour le lui rappeler.

Tout en attendant l'activation de Volkov, je lui pose la question qui me turlupine.

— Comment tu as fait pour te réveiller ? Tu es censée t'éteindre après t'être branchée...

— Ahhh, ça.

Lilith pointe alors triomphalement son pouce en direction de sa poitrine.

— Mes batteries sont de type activation après charge. Du coup, je me rallume automatiquement après que le chargement soit terminé.

Je ne peux m'empêcher de penser « Ah, c'est pour ça ». Ce qui veut dire qu'elle se réactive toute seule, même si les humains l'ont éteinte. Cependant, une autre question me vient à l'esprit.

— Mais comment ça se fait que les humains ne te l'aient pas confisqué ?

Si des robots peuvent se déplacer la nuit, alors les éteindre ne servirait plus à rien.

— Peu importe, vu que c'est assez simple. On se retrouve souvent à transporter des outils et des pièces diverses après être resté ici un certain temps. Et donc, je me sers de temps à autre.

Après ça, elle me parle fièrement de ses trouvailles au milieu des piles de déchets du chantier : des tas d'objets ménagers (seulement, ils sont soit cassés, soit trop sales), des livres, des CDs de musique et des dictaphones. Elle ne semble pas éprouver la moindre culpabilité quand elle me parle de ses « trophées de guerre ». Mi-impressionnée, mi-curieuse, je demande alors :

— Mais les robots n'ont pas le droit de faire des choses contraire aux règles, non ? Comment as-tu fait pour les voler ?

— Oh, tu veux sûrement parler du module de prévention des crimes dans ton circuit de sécurité. C'est pas un problème, vu que je- Oh.

Juste à ce moment-là, Volkov se lève lentement. Son énorme corps produit un craquement, tout en créant une grande ombre dans l'entrepôt. Ses yeux qui s'éclairent dans le noir sont plein de vie.

— Laisse tomber, je t'en parlerai un autre jour. Allons-y maintenant.

Lilith se met à marcher à travers l'entrepôt.

— Euh, est-ce que ça ira si on n'est seulement chargé à moitié ?

— Ça ira, deux ou trois heures de batterie devraient suffire.

— Hein...

Je tourne mes chenilles et la suis. Volkov est juste derrière nous.

Une petite pile de déchet est entassée à l'intérieur de l'entrepôt, des débris de chenilles et d'autres objets qui ressemblent à des membres humains sont éparpillés ici et là. Ce sont sûrement des pièces de robots. À en juger par la quantité, ce devrait être suffisant pour ouvrir deux ou trois boutiques d'occasion.

Nous contournons alors la petite pile, et arrivons dans une grande pièce peu après. C'est le seul endroit non encombré par des pièces, d'une surface d'environ trois mètres carrés. Un matelas est installé en dessous d'une table carrée en bois, et cette scène pourrait sembler sortir tout droit d'un film si on laisse de côté l'état d'usure de l'ensemble.

Nous nous installons autour de la table.

— Je n'aurais jamais cru voir ce genre d'endroit ici...

Je regarde autour de moi avec surprise. La table est complètement cernée par des bouts de métal qui semblent sur le point de tomber à n'importe quel moment.

— Eh oui, Iris.

Lilith se met ensuite à chercher sous la table, avant d'en sortir un épais livre.

— Tu sais lire ?

Lilith a sorti un livre pour enfants. Je lis à haute voix le titre.

— .... Visa Darke, le dieu maléfique du dimanche.

— Excellent ! s'exclame Lilith en souriant avec des yeux illuminés, Tu sais lire ! C'est génial ! Youpi !

— Non, ce n'est pas grand-chose...

En entendant le compliment exagéré de Lilith, je ne peux m'empêcher de me sentir gênée. Ce n'est pas vraiment un livre compliqué, vu que d'après la couverture, il est « adapté pour les enfants de huit ans et plus ».

Sur la couverture, un jeune homme (fort charmant) adossé à un mur porte un pardessus noir, et a un anneau brillant sur sa main gauche. Même si j'en ai déjà entendu parler, il semblerait que ce soit un livre assez connu.

— Je n'arrive pas à lire ces derniers temps. Mon module d'interprétation des lettres ne fonctionne plus. Volkov peut encore lire, mais pas quand c'est écrit trop petit. ... Alors tout ce qu'on peut faire, c'est ça...

Sur ces mots, Lilith ouvre le livre et le tend devant Volkov. C'est comme si elle utilise le livre pour cacher la vision de Volkov.

Puis, Volkov prononce le mot « dieu ». Lilith décale le livre légèrement, et il dit « maléfique », puis suivant la même série de gestes, « di » et « manche ».

Lilith ferme le livre et hausse les épaules en disant :

— Il ne peut lire qu'un mot à la fois. ... Alors il nous a fallu trois mois pour lire cinquante pages.

— Volkov- fait- de- son- mieux.

Le robot géant se met à bomber le torse.

— Hmm hum, c'est vrai, dit Lilith en souriant légèrement tel une institutrice de maternelle.

— Volkov- bien- travaillé.

— Oui, très bien travaillé.

Lilith se lève alors et caresse la tête de Volkov comme si elle réconforte un enfant. Cela semble faire plaisir à Volkov. Je me demande quel genre de relation ils entretiennent.

— Alors, qu'est-ce que t'en dis ?

Elle me regarde droit dans les yeux.

— Je te rémunèrerai, alors est-ce que tu peux lire ce livre pour moi ?

— Hmm, ça me va... dis-je avant de prendre le livre dans les mains de Lilith, Par où dois-je commencer ?

— Mieux vaut reprendre depuis le début. Ça serait dommage de le finir d'une traite. .... Ah, Volkov, tu peux partir si tu veux, dit Lilith d'une voix taquine, tandis que les yeux de Volkov se mirent à briller.

— Volkov- veut- connaître- fin.

— Oh, vraiment ?

— Lilith- trop- méchante.

— Je plaisante, voyons. ... T'as vraiment aucun humour.

Lilith éclate alors de rire. Elle semble vraiment adorer taquiner Volkov.

— Bon, je vais commencer alors, dis-je en tournant la première page, Visa Darke, le dieu maléfique du dimanche. Volume Un « Le dieu maléfique incapable d'utiliser la magie ». ..... Euh, prologue.

Ainsi, nous commençons tous les trois notre réunion du « club de lecture nocturne ».

— « Et alors ? » dit Darke froidement, « Tu insinues que le travail d'un dieu maléfique est de détruire le monde ? » Après avoir entendu sa question, l'anneau répondit sans détour : « C'est exact, Maître Darke. »

Je lis lentement le livre.

Lilith est assise à côté de moi, tout en penchant son corps sur la table avec ses grands yeux étincelants. De l'autre côté, Volkov reste silencieux, mais ses yeux se mettent à briller de temps à autre. Les deux semblent beaucoup aimer ce livre.

Au bout de trente pages, j'ai fini par comprendre plus ou moins l'histoire de « Visa Darke, le dieu maléfique du dimanche ».

Le personnage principal, Visa Darke, est un dieu maléfique. C'est un seigneur qui dirige une partie du monde des démons, il est issu d'une glorieuse famille, mais ne s'intéresse pas du tout à son rôle de dieu maléfique. La cause qu'il poursuit n'est pas d'utiliser ses pouvoirs pour envahir les autres pays ou causer des catastrophes dans le monde des humains, mais de réparer des objets ramassés ici et là dans le monde des démons pour qu'ils puissent être à nouveau utilisés.

L'anneau magique qui sert Darke s'appelle « Flo Snow ». C'est un anneau raffiné qui est blanc comme la neige, tandis que sa voix est aussi claire que la glace. De personnalité sérieuse, elle réprimande souvent son maître qui passe son temps à réparer des objets, au lieu d'honorer les devoirs qui incombent un dieu maléfique. Cependant, Darke a encore négligé son travail aujourd'hui, il n'apprend jamais de ses erreurs. Il tente de cacher la vérité à Flo et fuit discrètement la ville-

— Iris, qu'est-ce qui se passe ensuite ? Qu'est-ce que Darke a dit ?

Lilith me tire le coude, en m'implorant de continuer la lecture. Je continue jusqu'à l'endroit où ils s'étaient arrêtés, ce qui explique pourquoi elle insistait tant pour que j'aille plus vite.

— Ok, on continue. ... « Dis-moi, Flo. Mes pouvoirs magiques sont vraiment faibles. Alors est-ce vraiment un problème si je me repose un peu sur ces objets magiques ? » Darke s'adressait à Flo avec un ton nonchalant comme à son habitude. « Ce n'est qu'une excuse, Maître Darke. Vos pouvoirs magiques ne sont pas faibles, vous manquez simplement de pratique. Ahh, quelle tragédie. Si cela continue, vous serez dans l'incapacité de regarder en face vos défunts ancêtres. »

La nuit suivant leur conversation, un des objets magiques que Darke avait rapporté avec lui se transforma soudainement en abominable monstre alors que Darke était couché dans son lit-

— Chut !

Soudain, Lilith met son index devant sa bouche.

— Éteignez les lumières !

Volkov s'exécute alors immédiatement en éteignant les lumières de ses yeux. J'en fais à mon tour de même avec mon système visuel.

— C'est une patrouille.

L'index de Lilith est tendu devant ses lèvres, tandis que son regard perçant est concentré sur l'entrée de l'entrepôt.

Peu après, je vois une faible lumière bouger dans l'entrepôt. La patrouille utilise sûrement une lampe torche. La lumière bascule d'un robot endormi à un autre.

Comme une grande quantité de déchets est empilée autour de nous, « cet endroit » ne peut être vu de l'entrée. Malgré tout, nous tremblons tout de même de peur à chaque fois qu'une lumière brille dans notre direction.

Cinq minutes plus tard, après être allée jeter un œil derrière la pile, et être revenue à côté de la table, Lilith dit à voix basse :

— Je crois qu'ils sont partis...

Je me sens soulagée, puis je me frotte le ventre. Volkov pousse à son tour un soupir.

— On ne s'est pas fait repérer finalement.

Lilith murmure alors :

— C'est rien. Les patrouilles se contentent d'agiter leur lumière ici et là. Ils ne comptent pas le nombre de robots présents.

— Qu'est-ce qui se passerait s'ils nous découvraient ?

— Qui sait... Je ne pense pas qu'ils iraient jusqu'à nous désassembler. ... Mais une chose est sûre, ils nous confisqueraient ça.

Elle prend le livre dans mes mains et le cache sous la table.

— On ne va pas continuer ?

— Même si j'aimerais vraiment, on s'arrête là pour aujourd'hui. Ils vont se douter de quelque chose si nos batteries ne sont pas complètement chargées demain.

La réunion du club de lecture s'arrête donc là.

Pour ce qui est de ce qu'a vu Darke après avoir entendu des bruits bizarres, cela va devoir attendre demain, à deux heures du matin.


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