High☆Speed! - Français : Chapitre 2

From Baka-Tsuki
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Chapitre 2 : Eau[edit]

Sur une montagne de taille modeste, donnant sur un petit port de pêche, se tenait le Sanctuaire Misagozaki. A mi-chemin sur les marches de pierre qui menaient au temple, se tenait un torii[1], avec un chouzuya[2] à proximité, et là où les marches en pierre s'arrêtaient, de nouveaux torii* attendaient, le dos tourné au temple. Juste derrière ce terrain s'étendait la mer, brillant sous les rayons du soleil ; la vue depuis le Sanctuaire Misagozaki était si majestueuse que, à l'époque, les poètes avaient écrits à son propos.

Ce n'était pas une plaine côtière très vaste, donc le port de la ville était petit, et les maisons étaient collées les unes aux autres. Encerclée par les montagnes et l'océan, avec seule une route pour entrer et sortir, la ville d'Iwatobi était une petite île. Cette ville ne pouvait pas tenir juste sur cette plaine côtière, alors on trouvait des maisons sur les sentiers forestiers, sur les collines dans les montagnes, jusque sur les marches de pierres du Sanctuaire Misagozaki.

C'était un temple chargé d'histoire ; bien qu'il avait l'air ancien, sa magnifique structure était pleine de dignité, et beaucoup de cérémonies avaient lieu ici. En automne, il y avait un rituel où l'on portait un petit sanctuaire transportable tout le long des marches, pour qu'il soit ensuite acheminé le long du port, puis jeté dans la mer. C'était censé être un rituel pour remercier le sanctuaire pour les bonnes récoltes, mais il n'y avait pas vraiment de raison au fait qu'il soit jeté dans la mer. Après tout, c'était une ville de pêche.

En tant que temple donnant sur le port, le Sanctuaire Misagozaki avait naturellement pour rôle de veiller à la sécurité de cette ville en bord de mer. C'est pourquoi tous les pêcheurs applaudissaient sur le pont de leurs bateaux quand ils s'en allaient pour la mer. Ainsi, le sanctuaire veillait au bon déroulement de la récolte, et l'on y priait pour une pêche abondante. Occasionnellement, il abritait les prières pour que les enfants aient de bons résultats scolaires, ou pour qu'ils naissent en bonne santé, et tout le monde lui rendait grâce et adoration.

La maison d'Haruka était à peu près à mi-chemin sur cette voie menant au sanctuaire Misagozaki, à l'angle à la gauche de l'endroit où se tenaient le chouzuya et le torii. Peu importe où il voulait aller, il devait emprunter les escaliers. Il y avait une autre route, mais le surplus de maisons désordonnées l'avait rendue sinueuse, étroite, comme un labyrinthe, au point que passer par les nombreuses marches du sanctuaire était plus rapide que de se perdre dans ce dédale d'habitations.

Quand Haruka allait à l'entraînement du club de natation, après avoir quitté sa maison, il faisait tout le chemin à vélo. Après être rentré de l'école, il sortait toujours de son sac ce dont il n'avait pas besoin, pour ensuite se dépêcher de sortir. Après avoir descendu les marches de pierres, il jetait un œil à la maison de Makoto. Elle était étroite et faisait face aux marches de pierre, et les escaliers menant à la porte d'entrée croisaient ceux qui conduisaient au sanctuaire. D'habitude, il arrivait juste à temps pour croiser Makoto et son sourire, mais aujourd'hui, il semblait que son ami était en retard.

Ce n'est pas comme s'ils s'étaient promis de se retrouver ici, il n'avait pas donc pas besoin de l'attendre. Makoto avait un petit frère et une petite sœur à la maternelle, et ils le faisaient souvent courir à droite et à gauche. Haruka redressa son vélo et pressa du pied sur la pédale. Makoto pourra le rattraper sur le chemin, et sinon ils se verront de toute façon à l'entraînement. C'était mieux pour eux de se dépêcher et d'arriver à temps, plutôt que de juste rester là et devenir de plus en plus irrité.

Haruka regarda les marches menant à la maison de Makoto une dernière fois, puis commença à pédaler. Se rendre jusqu'au club de natation prenait environ dix minutes. Sur le chemin, il fallait traverser une rivière de classe A nommée "la Shiwagawa". Durant l'hiver, le vent soufflait toujours dans le sens du courant. Après avoir traversé le Pont Mutsuki au-dessus de la rivière et roulé le long de la rive opposée pendant un court instant, Haruka commençait à entendre le bruit des vagues. Sur le port, les bateaux de pêche blancs étaient amarrés tous ensemble, donnant une fois de plus la preuve qu'il s'agissait bien d'une ville de pêche. Quand il traversait le port, il regardait du coin de l'œil les innombrables mâts qui se dressaient au-dessus de l'eau; juste au-dessus de cette baie se trouve l'Iwatobi Swim Club.


Haruka passa dans la ville d'Iwatobi, s'approchant de plus en plus du Pont Mutsuki. Alors qu'il s'apprêtait à traverser ce pont, une bourrasque brutale le freina, et fit grimacer le jeune garçon. Le vent était exceptionnellement fort aujourd'hui. Alors qu'il traversait le pont, dérangé par le vent, il put apercevoir l'ombre lugubre de ce qui semblait être Yazaki Aki, qui observait la rivière. Apparemment, elle avait arrêté son vélo ici et scrutait la surface de l'eau mouvementée.

Ils étaient dans la même classe, et elle était aussi dans le club de natation d'Iwatobi. C'était tout ce qu'elle avait en commun avec Haruka.

Après s'être rapproché, Haruka put mieux voir le visage troublé d'Aki. Devrais-je simplement me taire et passer devant elle ? Ou serait-ce mieux de dire au moins quelque chose ? Peu sûr de lui, il regarda par-dessus son épaule, mais Makoto ne l'avait toujours pas rattrapé.

Pourquoi je me préoccupe de quelque chose avec si peu d'intérêt ? Pourquoi j'attends que Makoto vienne m'aider ? Alors qu'Haruka était en train de se réprimander en son fort intérieur, Aki réalisa qu'il était là, et se tourna vers lui avec un sourire embarrassé.

"Ah, Nanase-kun."

"Hey. Qu'est ce qu'il se passe?" Il pressa ses freins, pour s'arrêter juste devant Aki.

"Hum, mon écharpe..." En disant ça, Aki dirigea son regard vers la rivière. Suivant ce dernier, Haruka put apercevoir une écharpe blanche emportée dans le courant. Comme on peut s'y attendre de la part d'une rivière de classe A, Shiwagawa était assez large. Même s'il traversait le pont et se penchait près de la rive, il serait incapable d'atteindre l'endroit où l'écharpe flottait.

"C'est impossible. Tu vas devoir l'abandonner." Je me demande si j'ai été trop froid ? Après avoir dit ça, il était un peu inquiet, mais il fallait être réaliste ; on ne pouvait rien y faire.

"Ouais..."

Même si elle comprend que c'est impossible, peut-être qu'elle ne peut pas se résoudre à abandonner ? Il semblait qu'Aki n'avait toujours pas pu détourner le regard de son écharpe à la dérive. Haruka tourna la tête de façon à ne pas voir le visage d'Aki que la Aki habituelle n'avait jamais, posant le pied sur la pédale. "J'y vais."

"Ouais..."

Avant qu'Aki puisse aller plus loin dans ses explications, Haruka commença à pousser sur ses pédales. Il termina sa traversée du Pont Mutsuki, sentant la jeune fille de plus en plus loin derrière lui. Alors qu'il roulait le long de la berge, l'écharpe blanche continuait de flotter et restait dans le champ de vision d'Haruka. Il détourna ses yeux de la rivière et se dirigea vers l'Iwatobi SC.

Makoto arriva dans les vestiaires juste quand Haruka enfilait ses lunettes de plongée. "Je suis désolé, Haruka ! Juste quand j'étais sur le point de partir, j'ai vu que le bocal était sale, et j'ai dû le nettoyer. C'est pour ça que je suis en retard."

Tu aurais pu faire ça en rentrant. Haruka regarda Makoto qui était en train de se changer, essayant de lui transmettre cette pensée avec ses yeux. De manière inattendue, l'image d'Aki lui traversa l'esprit. Était-elle toujours là quand Makoto a traversé le pont ?

"Avant, sur le pont..." Il commença à parler, puis il pensa, ça n'a pas vraiment d'importance de toute façon, et s'arrêta.

"Quoi ? Il s'est passé quelque chose sur le pont ?"

"Non, peu importe. C'est rien."

"Ça me fait penser, quand j'ai traversé le pont, Zaki-chan était là aussi. Elle avait l'air contrariée."

Aki était souvent appelée "Zaki". C'était une combinaison entre "Yazaki" et "Aki". Makoto mettait toujours le "-chan" derrière ce surnom quand il parlait d'elle.

"J'ai cru comprendre qu'elle avait fait tomber son écharpe."

"Oui, c'était ça. Parce que le vent sur le pont était trop fort, non ?"

Alors tu étais au courant. Haruka avait dit qu'elle l'avait laissé tomber, pas que le vent l'avait emportée. Elle aurait pu la faire tomber dans la rue et la perdre, et évidemment, c'était une place plus convenable pour l'enlever. En d'autres mots, Makoto avait prétendu ne pas être au courant, bien qu'Aki lui ait exposé la situation. Peut-être qu'il avait aussi appris qu'Haruka avait été froid avec elle... avait-il l'intention de dire à Haruka de s'excuser ?

Peu importe. C'était ennuyeux. Haruka n'avait pas l'intention de continuer cette conversation. "Je pars devant."

"D'accord."

Il quitta les vestiaires.


"Mon nom est Matsuoka Rin. Je viens du Sano SC. J'ai un prénom féminin, mais je suis bien un garçon ! J'espère qu'on s'entendra bien."

Ça avait été assez facile à prédire. Au moins, ce n'était rien dont on pouvait être surpris. Il n'y avait aucun autre club de natation dans le coin, mis à part celui-ci. Mais peu importe ce que Rin allait faire, Haruka ne voulait pas être impliqué. L'autre pouvait faire ce qu'il voulait.

"Impossible, on va de coïncidence en coïncidence hein ? Quand j'ai été transféré, je n'avais aucune idée qu'on allait aussi être dans le même club de natation !"

C'est tellement stupide que je ne peux même pas continuer à l'écouter. Laissant Makoto s'occuper de Rin, Haruka plongea dans la piscine.

Sous l'eau, il créa un espace avec ses doigts, et se propulsa : ses bras, suivis de sa tête, sa poitrine, son ventre, et enfin ses jambes. Il ne forçait pas son passage, mais il ne se soumettait pas non plus. Il était accepté par l'eau, et il acceptait l'eau en retour, ils s'acceptaient l'un l'autre. Sans exclure l'autre, et sans essayer de ne devenir qu'un non plus. Même s'ils n'étaient pas de même nature, ils continuaient à avoir cette relation où personne ne niait l'autre. C'était la vision qu'Haruka avait de la natation.

Quand il était dans l'eau, Haruka se sentait libéré de ses problèmes. Il pouvait sentir les vagues de son âme devenir silencieuses et calmes. Rin, Aki, l'écharpe, le vent - il n'y avait pas moyen qu'il oublie ces choses, mais au moins, pour un petit moment, il pouvait les laisser derrière lui.

Quand il eut fini de nager le crawl sur cent mètres, Haruka sortit sa tête de l'eau. Makoto était prêt et attendait sur le côté du bassin, lui tendant la main.

"Bon travail ; tu t'es bien débrouillé."

Il n'avait pas assez nagé pour être fatigué. En fait, c'était plutôt Makoto qui n'avait plus de souffle. Peut-être qu'il venait lui aussi de nager cent mètres. Il y avait probablement mis toute sa force.

Ça avait été toujours comme ça. Makoto n'avait jamais su se retenir quand il s'agissait de natation. Il ne se laissait certainement pas porter par le courant. Haruka ne lui avait jamais demandé, et n'avait d'ailleurs jamais pensé à le faire, pourquoi c'était le cas.

"Où est ce gars?" Alors que Makoto le tirait hors de l'eau, Haruka l'interrogea à propos de Rin.

"Il est en train de nager. Regarde, par ici."

Rin se trouvait beaucoup plus loin, répétant ses mouvements, comme s'il vérifiait la consistance de l'eau. Une fois qu'Haruka avait repéré Rin, il fit un pas dans sa direction. "Ils font de petites courses là-bas, allons voir notre temps." proposa Makoto.

Haruka ne se préoccupait pas vraiment de son temps. Il voulait juste aller aussi loin que possible de Rin. Il ne voulait pas se retrouver dans une situation problématique. Encore plus que ça, il ne voulait surtout pas que Makoto soit impliqué. Et si Makoto était impliqué, tôt ou tard, Haruka finirait par être entraîné dans la même histoire lui aussi, pour sûr. C'était garanti.

Sans se préoccuper du fait que Makoto était toujours planté là, les bras écartés avec une expression d'étonnement, Haruka continua de se diriger vers les lignes où se déroulaient les petites courses.


Quand Rin eut fini de nager tranquillement cent mètres en crawl, il remarqua qu'un jeune garçon le scrutait avec ses gros yeux ronds, comme ceux d'un petit animal. Il regardait Rin sans cligner des yeux , comme s'il était à la recherche d'une araignée d'eau ou d'une langouste.

"Quoi ?" Rin le regarda à son tour, de là où il était.

"Matsuoka-kun, tu es ami avec Nanase-kun ?" Le garçon le fixait attentivement.

"Je ne dirais pas qu'on est amis. Je pense qu'on est plus des rivaux.”

"Qu'est ce que tu veux dire par rivaux ? Tu te vantes pour avoir l'air cool ?" Il n'avait toujours pas cligné des yeux.

"Ça veut dire qu'on fait des courses l'un contre l'autre." Pendant qu'il disait ça, Rin baissa la tête et sortit de l'eau. Regarder aussi longtemps quelqu'un dans les yeux lui donnait l'impression que son interlocuteur le dévisageait.

“Entre toi et Nanase-kun, qui est le plus rapide ?”

"Pour le cinquante mètres, c'est moi, et pour le cent mètres, c'est Nanase, je suppose." Rin se redressa, l'autre garçon fit de même. Tss, il est petit. Pensa Rin. Peut-être qu'il est en CE2 ?

“Pourquoi ?”

"Pourquoi quoi ?”

"Pourquoi es-tu plus rapide pour le cinquante mètres, et plus lent pour le cent mètres ? Ha, je sais ! Tu peux seulement nager pendant cinquante mètres, hein ? Je parie que tu n'arrives pas à réguler ta respiration correctement ou quelque chose comme ça. Tu veux que je t'apprenne ?"

"Non merci. Je peux parfaitement nager sur cent mètres, et je sais aussi comment respirer.

"Héhé. Mon record est de cinq cents mètres. Et tu sais quoi ? En janvier, je vais commencer à faire des courses ! Ma spécialité c'est la brasse. Je suis le seul de ma classe à pouvoir nager cinq cent mètres."

"De ta classe...Tu veux dire, à l'école?"

"Yep, CM1, classe 3."

Tss, Je me retrouve coincé avec un incroyable vantard. Rin remit ses lunettes et chercha Haruka et Makoto du regard.

"Hé, Matsuoka-kun, c'est quoi ta spécialité?"

"Je peux tout faire."

"Tout ? Tu veux dire, même le papillon ?"

Des quatre types de nages, le papillon était le dernier à être enseigné et appris. S'il va à peine commencer à faire des courses, il ne le maîtrise peut-être pas encore.

"Le papillon, et le dos, et la nage libre, et la brasse. Au passage, la nage du petit chien est ma spécialité la plus spéciale." Où est-ce qu'ils ont disparu ? Haruka et Makoto étaient introuvables.

"C'est génial. Matsuoka-kun, tu peux faire des medleys aussi, hein ?"

"Je le peux." Rin faisait des medleys depuis le CE1. Il n'y avait même pas de quoi se vanter. Ça devenait vraiment ennuyeux. Il était également sur le point d'en avoir assez de ces gros yeux ronds.

"Je suis Hazuki Nagisa. Hey, Matsuoka-kun, regarde-moi faire le papillon ! Pour une raison quelconque, je n'arrive pas à bien avancer."

"Tes coudes sont courbés. Tu ne les lèves pas assez. Tu n'utilises pas tes hanches." Rin repéra Makoto. Il se mesurait à quelqu'un pour une course. Ça voulait sûrement dire que son adversaire était Haruka.

"Héééé, tu ne l'as même pas encore vu, ne dis pas juste des choses au hasard !"

"Mon dieu, t'es bruyant. Je n'ai pas besoin de le voir, je peux plus ou moins..."

Nagisa le regardait avec les larmes aux yeux. "Ne dis pas que je suis bruyant. Regarde-moi vraiment le faire." Il regardait Rin droit dans les yeux, ses yeux à lui étant toujours humides. S'il commençait à pleurer ici, ça causerait des problèmes.

"J-j'ai compris. Je vais regarder."

En un instant, le visage de Nagisa se transforma en un grand sourire. "Vraiment ? Alors je vais nager juste ici, d'accord ?" Enfilant rapidement ses lunettes, il plongea dans le couloir où Rin venait juste de faire ses longueurs.

Hé bien, tout d'abord, il doit revoir sa manière de plonger, pensa Rin. Qu'il avait besoin d'améliorer son papillon était une évidence. Tout était exactement comme Rin l'avait dit. Nagisa avait dit qu'il nageait le papillon, mais ça ressemblait plus à un autre insecte. Plus qu'un papillon, ce que faisait Nagisa était une "sauterelle". Dans un sens, c'est comme s'il avait inventé un tout nouveau style de nage.

Soudain, Rin sentit un frisson traverser tout son corps. Allait-il devoir regarder ça tout le temps ? Jusqu'à ce qu'il apprenne à nager correctement, vais-je continuer à être harcelé par ses grands yeux ronds ? Il ne pouvait s'empêcher de se convaincre que ça allait être le cas.

Pris par cette sombre prémonition dont les chances de se réaliser étaient proches de 100%, Rin regardait, ou plutôt observait la nage "sauterelle" de Nagisa.


"Bon, c'est assez pour aujourd'hui. Tu t'es bien amélioré, non ?" Dit Rin ; et dans l'eau, le visage de Nagisa s'illumina.

"Vraiment ? Je me suis amélioré ?"

Ouais, tu t'es amélioré. A la nage sauterelle. "Dépêche-toi et sors de là. Je vais te monter un truc cool."

"Quoi, qu'est ce que c'est ?" Nagisa sortit de la piscine, le regard empli de curiosité.

"C'est par là." Rin pointa du doigt les lignes dans lesquelles se déroulaient les course de courte durée, avant de s'y diriger.

"Où est-ce que tu vas, Matsuoka-kun ?"

"Avant, tu m'as demandé qui était le plus rapide entre Nanase et moi."

"Ouais ?"

"Hé bien, maintenant, je vais te montrer !" déclara Rin, amusé.

Alors qu'ils couraient vers Makoto, ce dernier remarqua Rin et se tourna vers eux. "Ah, Matsuoka-kun." Il avait un chronomètre à la main. Nageant dans le couloir des courses de courte durée en face de lui, il y avait Haruka, qui pratiquait gracieusement le crawl.

"Combien de mètres il fait ?"

"Hum, c'est un tour de cinquante mètre mais..."

Haruka prit un élan contre le mur pour se retourner et continua de nager. Rin ajusta ses lunettes de plongée en faisant claquer l'élastique derrière sa tête, se mit en position sur les starting-blocks, et plongea dans le couloir voisin. Il y eut un "splash" comme s'il avait déchiré l'eau avec un mouvement de dauphin. Alors qu'il revenait à la surface, il commença à nager. A ce moment-là, il était à quelques centimètres de distance d'Haruka.

Tu ferais mieux de prendre ça un peu plus au sérieux. Allez, vas-y avec toutes tes tripes !

Rin rattrapait dangereusement Haruka, et après vingt mètres, ils étaient tous les deux au même niveau, à égalité. Ils se tournèrent en même temps. Rin s'étira. Rejoint la surface avec son mouvement de dauphin. Continua sa nage. Avec ses reins, il pouvait sentir les doigts d'Haruka pousser l'eau en arrière.

Alors qu'il restait quinze mètres, la façon de nager d'Haruka changea. Ses mouvements n'étaient pas plus rapides, et il n'y mettait pas plus de puissance. Malgré ça, Rin pouvait dire qu'il avait changé. Il pouvait le sentir. Cette pulsion intense, comme une masse d'énergie.

Allez ! Allez, allez ! Continue !

Plus que cinq mètres.

Je suis fatigué. J'en peux plus, mais comme si j'allais m'arrêter maintenant !

Leurs têtes étaient au même niveau, puis ils touchèrent le mur.

Sortant sa tête de l'eau, Rin cria à Makoto, "Alors, c'est qui ?!"

Nagisa se tenait à côté de Makoto. Les deux pointèrent Haruka. Ce dernier sortait tranquillement de la piscine, il n'était même pas à bout de souffle. Rin semblait prendre un peu plus de temps à s'en remettre. Ça avait été beaucoup de pression et d'efforts pour lui que de se mesurer à Haruka.

"Alors, quel était le temps d'Haruka pour les cent mètres ?"

Haruka, qui avait pris le chronomètre des mains de Makoto, lui redonna. Puis il s'en alla.

Makoto regarda le chronomètre, puis Rin. "Il l'a réinitialisé."

Nagisa courut après Haruka. "Nanase-kun c'était génial ! Tu étais tellement cool ! Hé, hé, la prochaine fois, apprends-moi la nage libre !"

Alors qu'il entendait la voix de Nagisa s'éloigner, Rin se laissa couler sous leau.

Il est vraiment rapide, murmura Rin dans l'eau, incapable de contenir son excitation.


Haruka mit son sac par-dessus son épaule et marcha vers les vestiaires, puis vers le hall d'entrée. La sensation de froid sous ses pieds lui rappela qu'on était toujours en hiver. Pendant qu'il marchait, il pensait à ce qui venait de se passer, se demandant pourquoi il était aussi irrité.

Quand quelqu'un l'a rattrapé juste au moment où il allait tourner, il a immédiatement su que c'était Rin. Ils avaient nagé ensemble de nombreuses fois pendant les rencontres sportives. Il pouvait le deviner aux ondulations de l'eau. Aussi, il n'y avait personne d'autre dans ce club capable de tenir une course comme ça. Au moment où il a réalisé qui lui faisait compétition, il avait craqué ; quelque chose avait éclaté à l'intérieur de lui. A l'idée que quelqu'un pouvait sentir l'eau mieux que lui, son corps était devenu brûlant. La chaleur traversait tout son corps. Il n'avait même pas ressenti l'envie de se retenir.

Même après avoir grimpé sur le bord la piscine, il bouillonnait encore, il n'arrivait pas à brûler son énergie. Quand il pensait à ce qui s'était passé à l'intérieur de lui, il était irrité, il n'avait même plus envie de nager. S'il nageait, il avait l'impression que ça allait recommencer. Et quand il pensait que quelqu'un comme Rin avait pu lui faire ressentir ça, il se dégoûtait lui-même. Regrettant profondément de s'être laissé provoqué et de s'être emporté, Haruka quitta la piscine. Il regarda distraitement le mur de la salle de repos, qui était tapissé de photos d'anciens membres du club. Il y avait des groupes de photos, prises à la fin de chaque mois de Mars. Il savait que cette pièce était décorée de tous ces cadres, mais jusqu'à maintenant, il ne leur avait pas vraiment accordé d'importance. Il y avait deux photos d'Haruka. Sur lesquelles il se tenait à l'écart du groupe, l'air de s'ennuyer.

Maintenant qu'il regardait ça de plus près, il réalisa qu'il y avait beaucoup de photos. Les plus vieilles dataient d'il y a vingt-trois ans, et comparé à maintenant, il y avait beaucoup moins de monde. Le garçon au milieu tenait un trophée et rigolait. Sur la médaille autour de son cou, Haruka pouvait lire les mots "Dix-huitième tournoi". Ce n'était pas juste cette photo. Sur toutes les photos qu'il contemplait, il y avait des gens tenant un trophée ou une médaille, et tous autant qu'ils étaient souriaient.

Est-ce que je vais devoir poser comme ça aussi cette année ? Quand il pensa à ça, Haruka se sentit un peu blasé.

Il sortit, et le vent heurta soudainement ses joues. Alors le vent souffle toujours? Grimaçant, il se dirigea vers le garage à vélos.

"Wow, le vent est vraiment fort, hein ?" La voix de Makoto se fit entendre dans le dos d'Haruka.

C'est le genre de garçon qui dit tout ce qui lui passe par la tête, pensa-t-il. Des fois, il disait même les choses qu'Haruka pensait à sa place. Il fourrait un peu son nez partout.

"Ah, c'était une bonne course !" Rin sortit du club et marcha vers la direction opposée à Haruka et Makoto, sonnant comme un vieil homme sortant d'une source chaude.

En le voyant, Makoto l'interpela : "Matsuoka-kun, le garage à vélos est par ici!"

"Nan, je suis pas venu en vélo."

"Alors, tu veux monter derrière le mien ? Je te ramène chez toi."

Et voilà, il recommence à dire des choses inutiles. Il devrait juste le laisser seul. Ignorant Makoto, Haruka reprit sa marche.

"C'est bon, je ne vis pas très loin d'ici. A demain !" Lança Rin, assez fort pour qu'Haruka puisse également l'entendre, puis il commença à marcher dans la direction opposée au garage à vélos.

Haruka et Makoto roulaient le long du port et arrivèrent à la rive de la Shiwagawa. C'était le seul accès pour traverser le Pont Mutsuki. Distraitement, Haruka lança un regard à la surface de la rivière, mais l'écharpe n'était nulle part. Peut-être qu'elle a coulé, ou peut-être qu'elle a été emportée dans la mer.

Avant qu'ils commencent à traverser le pont, Rin arriva en courant derrière eux, son souffle était blanc à cause du froid. Son sac à dos était fermement fixé par dessus ses vêtements de sport, et ses baskets blanches heurtaient le sol en rythme. Il était totalement prêt à courir.

Il avait probablement l'intention de venir en courant à l'entraînement tous les jours, pas seulement aujourd'hui. Rouspétant à l'intérieur de lui, Haruka détourna ses yeux de Rin. Quand ce dernier les rattrapa, Haruka poussa un peu plus fort sur ses pédales.

Il pouvait entendre la voix de Makoto derrière lui. "Ta maison est à combien de kilomètres d'ici ?"

"Un peu plus de trois kilomètres..." La voix de Rin fût emportée par le vent.


Le matin suivant, le vent soufflait toujours à travers les branches des peupliers. Le ciel est en train de se dégager, alors d'où vient cette brise ? Se demanda Haruka, regardant les nuages. Même si je suppose que ça ne vient de toute façon pas des nuages, reconsidéra-t-il, enfilant sa veste.

Le matin, Haruka allait toujours à l'école seul. Makoto devait amener son petit frère et sa petite sœur à l'arrêt de bus pour la maternelle, et finissait toujours par arriver juste à l'heure. De plus, il était toujours pressé sur le chemin, Haruka ne pouvait pas l'accompagner dans ces conditions.

Le vent souffla à nouveau, et Haruka grimaça. Bien qu'il y avait de nombreux enfants alignés sur cette même route, le seul son qui se faisait entendre était celui des peupliers dont la voix tremblait.

Haruka continua son chemin vers l'école ; il n'aimait pas cette allée droite et spacieuse. Et il détestait tout particulièrement marcher en groupe avec tous les autres élèves durant l'hiver. Quand il se disait qu'il était lui-même dans ce groupe, il ne le supportait pas. Ça le faisait penser à quelque chose qu'il avait vu il y a longtemps. Même si ça fait plusieurs années que c'est arrivé, il s'en souvenait encore très clairement. Un vent glacial souffla.


Le bruit des bâtons portés par des personnes vêtues de blanc résonnait sur le port. Il y avait une cinquantaine d'individus en tout. Tout en gardant les yeux baissés, ils marchaient en silence. Il y avait des personnes âgées, mais parmi eux, il y avait aussi des enfants de l'âge d'Haruka. Les yeux de ce dernier suivaient les enfants du regard sans qu'il en ait vraiment conscience. Son attention était attirée par une jeune fille, portant les mêmes vêtements blancs que les adultes, marchant le visage enfoui dans ses mains.

Est-ce qu'elle pleure ? Alors qu'il se demandait ça, en serrant légèrement son poing, la fille releva son visage et se tourna vers lui. Ses yeux rencontrèrent ceux d'Haruka, et elle essuya ses joues rougies et trempées de larmes avec son bras droit. Puis, elle fixa Haruka.

"Haru-chan, où est-ce que ces gens vont ?" demanda le jeune Makoto, qui se tenait presque caché dans la silhouette d'Haruka.

"Je ne sais pas."

"Alors, où est-ce qu'ils vont ?"

Comme suis-je censé le savoir ? Au lieu de répondre, Haruka se tourna vers Makoto. Il avait l'air inquiet, et s'agrippait à la veste d'Haruka. Quelque part dans la foule, des pleurs se firent entendre, et Makoto serra un peu plus fort la veste de son ami.

"Makoto, tu as peur ?"

"Je ne sais pas. Et toi, Haru-chan ?"

Haruka n'avait pas peur. C'était juste ce sentiment étrange qu'il ne pouvait pas comprendre, qui faisait un boucan fou dans sa poitrine, qui l'inquiétait. Il ne savait pas ce que cette assemblée signifiait, mais il était indéniable que quelque chose terrifiait Makoto.

Haruka attrapa la main qui agrippait sa veste, et se mit à courir loin, aussi loin qu'il pouvait, loin de tous ces gens.


"Salut, Nanase-kun."

Quand quelqu'un l'interpela, Haruka se tourna soudainement, comme s'il avait été effrayé. Il avait été totalement pris par surprise. Quand il vit que c'était Aki, il s'inquiéta un peu de la façon dont sa réaction de la veille avait pu être interprétée. Mais il pensa seulement à ça pendant un court instant et redevint rapidement lui-même.

"Hey." C'était une réponse courte. C'était normal, mais même Haruka pensa qu'il avait sonné comme quelqu'un de particulièrement grincheux en répondant de cette manière. De joyeuses salutations n'étaient de toute façon pas de mise dans cet endroit. C'était ce genre de route. Mais Aki, qui ignorait ce fait, continua de lui sourire comme elle avait l'habitude de le faire.

"Je suis désolée pour hier. Pour t'avoir inquiété comme ça."

Est-ce qu'elle parle de ce qui s'est passé sur le pont ? Il ne pensait à rien d'autre. Cependant, je ne me rappelle pas m'être particulièrement inquiété. C'était juste son visage inhabituellement triste qui était resté dans un coin de sa mémoire.

"Qu'est-ce qui est arrivé à ton écharpe ?" Peu importe de quelle façon on pouvait voir la chose, puisqu'elle avait été lâchée au milieu de cette large rivière, on ne pouvait rien faire. Après avoir demandé, il se dit qu'il aurait mieux fait de ne rien dire.

Il n'y avait aucune trace de cette expression sombre dans le regard d'Aki aujourd'hui. Elle rigola, "Elle a coulé peu après que tu sois parti, Nanase-kun. Après ça, j'ai été capable d'abandonner. Je pense si elle avait continué à flotter, j'aurais pu la regarder pour toujours." Elle rigola encore après avoir dit ça. Son sourire n'était pas en accord avec le ciel d'hiver, ou encore avec cette route. "Un problème, Nanase-kun ? Ton visage à l'air rouge."

Aki commença soudainement à dévisager Haruka. Quand elle essaya de croiser son regard, il le détourna rapidement.

"C'est rien. C'est normal."

"Tu es sûr que tu n'as pas de fièvre ?"

Haruka repoussa instinctivement la main d'Aki quand celle-ci essaya d'atteindre sa joue. A cause de ça, ils étaient face à face et le temps s'arrêta pour une seconde. Avec son autre main, Aki retenait la main qu'Haruka avait repoussé, et elle le regarda, surprise.

"Ah...désolé." Haruka était celui qui s'excusa. S'il ne voulait pas être touché, il aurait pu tourner la tête pour éviter la main, ou légèrement lui faire obstacle avec sa propre main. Il n'avait pas à la pousser comme ça.

"Oh, non, c'est moi qui devrais être désolée."

Leur conversation s'arrêta ici, alors que les deux garçons continuèrent leur chemin vers l'école. Silencieusement, gardant la tête baissée, ils grimaçaient faute du vent qui soufflait toujours aussi fort... c'était une attitude beaucoup plus appropriée pour marcher sur une telle route, bordée de peupliers.


Le projet commun était de "Créer des souvenirs avant le passage au collège". Toutes les classes s'étaient rassemblées pour y contribuer et apporter leurs idées, que l'on éliminait une par une jusqu'à en avoir une seule sur laquelle tout le monde s'entendrait. Depuis qu'il avait été décidé que tous les élèves de dernières années de primaire allaient travailler ensemble, on entendait plein d'opinions différentes, rien que dans la classe d'Haruka.

Des choses qui pouvaient être faites rapidement, des choses impossibles à réaliser, des choses ridicules, des choses centrées sur un hobby en particulier. Puis, quand plus personne n'eut d'idée, Aki se lança.

"Hum, je pense à ça depuis un moment maintenant, mais les seules fleurs qu'il y a aux alentours de cette école viennent du cerisier, non ? Au printemps, il y aura beaucoup de fleurs, mais maintenant ça semble un peu vide..."

Entre le bâtiment scolaire et la piscine se tenait un grand cerisier. Il n'y avait aucun autre arbre aussi imposant dans les environs. Il avait une présence presque écrasante qui ne laissait rien d'autre pousser autour ; les arbres, l'herbe et les fleurs, ils restaient tous loin, comme s'ils étaient intimidés par ce géant.

"Alors je me disais, et si on plantait un parterre de fleurs autour du cerisier ? Je pensais que ça serait magnifique de voir plein de fleurs colorées fleurir en même temps que le cerisier ce printemps."

Haruka était un peu réticent. Le cerisier avait besoin d'être le plus grand, le plus gros, le plus digne et le plus isolé de tous. Il ne voulait même pas l'imaginer entouré de tout un tas de fleurs colorées.

"Je suis pour cette idée moi aussi." Celui qui avait parlé en faveur de l'idée d'Aki était Makoto. "Je pense que ça serait sympa de planter des fleurs qui fleuriraient juste avant qu'on aille au collège."

La règle de la majorité n'était pas juste. Quelle que soit la profondeur de ses sentiments, chaque personne a le droit impartial de voter. Malgré ça, s'il avait pu exprimer la profondeur de son sentiment comme l'avaient fait Makoto et Aki, et qu'il avait essayé de s'arranger avec eux, ça aurait pu aller, mais Haruka n'en était pas capable. Il avait du mal à ce genre de choses, il n'arrivait pas bien à prendre en compte et à comprendre les sentiments des autres.

C'était toujours comme ça, et Aki obtint un soutien général ; toute la classe vota en faveur du parterre de fleurs.


"Haru, tu te sens bien ?" Après la classe, Makoto vint lui parler, l'air soucieux.

"Qu'est ce que tu veux dire ?"

"Ton visage est rouge. Tu as de la fièvre ?"

Ce matin, Aki lui avait demandé la même chose. Haruka posa la paume de sa main sur sa nuque. "Pas spécialement. Je me sens bien, mais..."

Ce n'était pas la peine d'inquiéter les autres avec ça. Alors qu'Haruka commençait à se sentir mal à l'aise sous le regard inquiet de Makoto, se sentant comme une personne malade dont il fallait se préoccuper, Rin accourra vers les deux garçons et les aborda, la mine joyeuse.

"J'aurais jamais pensé que t'étais du genre romantique avec des trucs comme les fleurs et l'amour, Tachibana." Rin croisa ses bras en taquinant Makoto, lui qui était venu avec sa propre interprétation de la situation.

"Ton idée était la plus surprenante, Matsuoka-kun. Lancer un satellite ? C'est pas largement plus romantique ?"

"Pas juste le lancer, y mettre un message. A propos des rêves, des amis, ce genre de choses."

"Ouais, t'es vraiment un romantique, Matsuoka-kun !"

"Bah, peut-être bien que oui. Mais tu sais, j'étais étonné que Nanase soit d'accord avec mon idée. En fait, ça m'a rendu un peu heureux."

Les voix de Makoto et Rin résonnaient douloureusement dans la tête d'Haruka, mais leur crier de baisser le ton lui semblait pénible et ça n'en valait pas la peine.

C'est peut-être un peu mal. Au moment où Haruka pensa ça, Rin remarqua son égarement. J'aurais préféré qu'il ne remarque pas.

"Huh ? Est-ce que Nanase ne se sent pas bien ?" Rin avait posé cette question à Makoto.

"Justement, je me demandais s'il avait de la fièvre, mais..." En baissant le ton, Makoto tourna son regard devenu soucieux sur Haruka.

"Je t'ai dit que je n'avais pas de fièvre !" Se contrôler était trop astreignant. Au moment où Haruka éleva la voix, plusieurs personnes qui étaient à proximité se retournèrent dans sa direction. Un silence embarrassant s'installa.

"...Désolé." Il avait dit la même chose à Aki ce matin. Haruka se leva et se dirigea tête baissée vers la porte. Même si c'était juste pour un moment, il voulait se sentir libéré de ces murs. Sentant le regard inquiet de Makoto dans son dos, Haruka quitta la salle de classe.


Alors qu'il s'apprêtait à monter sur le vélo qu'il gardait toujours au pied des marches de pierre, Haruka se stoppa volontairement. C'était le vélo qu'il conduisait pour aller à l'entraînement tous les jours. Ce gars... Il va encore courir aujourd'hui ? Rin s'éternisait dans un coin de son esprit. D'ici à l'Iwatobi SC, il y avait à peu près deux kilomètres. C'était beaucoup plus court que la distance que Rin avait à courir.

Haruka n'avait jamais fait beaucoup d'exercice sur la terre ferme. Il ne tenait pas vraiment à entraîner son corps. Sentir l'eau - c'était ce que la natation était pour lui. Il n'avait jamais nagé dans le but de battre qui que ce soit. C'est pourquoi il ne se préoccupait jamais de son temps, et qu'il n'avait jamais ressenti le besoin de s'entretenir.

C'était juste le fait que quelqu'un pouvait nager plus vite que lui, ce qui voulait dire que quelqu'un pouvait peut-être sentir l'eau mieux que lui ; c'était un fait qui inquiétait un peu Haruka. Il ne savait pas ce que représentait l'eau pour Rin, mais il pouvait nager plus vite que lui sur cinquante mètres ; et pendant soixante-dix mètres, il avait été devant lui. Il courait encore aujourd'hui. C'était une raison suffisante à Haruka pour courir.

Il avait de la fièvre. Même sans que Makoto et Aki aient à le lui dire, il le savait. Jusqu'à maintenant, quand il avait un rhume ou un peu de fièvre, il lui suffisait de nager pour aller mieux. Il n'avait pas besoin de logique. Une fois qu'il était dans l'eau, il était guéri. Après avoir nagé, n'importe quel coup de froid était guéri comme s'il n'avait jamais existé au départ.

C'était pourquoi, depuis le début, Haruka n'avait pas prévu de rester chez lui aujourd'hui. Mais s'il allait à l'entraînement aujourd'hui, il croiserait Rin. Il finirait par voir Rin courir. Alors qu'il passerait à côté de Rin avec son vélo, il finirait par devoir regarder ailleurs. Et il finirait par être à nouveau énervé parce que lui ne court pas.

Haruka jeta un regard aux escaliers de la maison de Makoto juste une fois. Makoto n'était pas encore sorti. Laissant son vélo derrière lui, il commença à courir les deux kilomètres, sans y aller trop vite.


Le vent soufflait à nouveau sur le Pont Mutsuki aujourd'hui. Avec le vent fouettant son visage, Haruka regarda distraitement le Mont Myoujin. Ce n'est pas non plus comme si le vent venait des montagnes, pensa-t-il à nouveau, puis il se retourna et continua à courir.

Son souffle était blanc à cause du froid. Il commençait à transpirer. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas couru sur de longues distances. Mais il n'avait pas assez accéléré pour justifier le fait qu'il suait à grosses gouttes. Il n'y avait pas de collines ou encore d'escaliers, pourtant son cœur battait à travers tout son corps. Était-ce à cause de cette fièvre qu'il avait si rapidement attrapée qu'il avait maintenant du mal à contrôler sa respiration ? Malgré ça, Haruka continua de courir, le vent le faisant grimacer.

Makoto ne l'avait pas encore rattrapé. Je me demande s'il s'occupe encore encore de ses poissons rouges. Bah, peu importe...

La vision d'Haruka était étrangement trouble par moments, et lorsqu'il eut fini de traverser le pont, il prit conscience qu'il ne serait probablement pas capable de courir jusqu'au club. Il avait atteint sa limite alors qu'il courait sur la berge. Ses pieds s'arrêtèrent ; il posa ses mains sur ses genoux en respirant de manière saccadée, ses épaules tremblaient. De la sueur ruisselait le long de son visage baissé ; des gouttes tombaient une à une sur le sol. S'il avait pu, il aurait aimé s'allonger par terre. De la manière dont Rin l'avait fait ce jour-là.

Merde, qu'est ce que j'ai, à être aussi épuisé ?! Mais même s'il retrouvait son esprit de compétition, sa poitrine lui faisait toujours mal, et ses jambes ne pouvaient pas aller plus loin. Il ne supportait pas le fait de pouvoir être vu par Makoto et Rin dans cette situation. Plutôt que d'avoir des gens qui s'inquiètent pour lui et qui en font toute une histoire, Haruka aurait voulu disparaître. Il refusait d'être le genre de personne pour qui les gens se font du soucis. Il était inhabituellement impatient de reprendre une respiration normale.

Au bout d'un moment, alors que sa respiration commençait à se réguler, Haruka aperçut quelque chose de blanc apparaître et disparaître à la surface de l'eau. L'écharpe d'Aki était coincée à un endroit que l'on pouvait sûrement atteindre depuis la rive. Haruka avait pensé qu'elle avait coulé ou qu'elle avait été emportée dans la mer depuis un moment déjà, mais il semblait qu'elle avait été portée jusqu'ici par le flux des marées. Si je pense à vouloir l'atteindre, elle dérivera vers un endroit que je peux atteindre, si je pense à vouloir l'atteindre...

Un son de freins se fit entendre, et Haruka se retourna tout de suite, par réflexe. Aki descendit de son vélo, un regard inquiet sur le visage. "Qu'est-ce qu'il y a, Nanase-kun ?"

Haruka s'étira et se força à retenir son souffle saccadé. Il voulait lui répondre Rien et continuer à courir, mais sa voix refusait de sortir. Il avait l'impression que s'il parlait, la respiration qu'il tentait de retenir le quitterait d'un seul coup.

"Ah !" Aki avait cessé de regarder Haruka, ses yeux était maintenant rivés sur la surface de l'eau. Sur l'écharpe blanche.

Haruka se fit des reproches à l'intérieur de lui-même, puis prit une grande inspiration. Il semblait qu'il s'était énormément calmé. La parole lui revint. "Je vais aller la chercher."

"Tu n'as pas besoin d'y aller, c'est trop dangereux !"

Comme si j'allais être fatigué à un moment pareil. Je me suis juste arrêté parce que j'ai vu l'écharpe d'Aki. S'inventant des excuses pour lui-même, il tourna le dos à la jeune fille.

Alors qu'Haruka était sur le point de descendre, il fut pris de vertiges. Il eut tout juste le temps de penser oh, merde qu'il n'avait déjà plus que l'obscurité dans son champ de vision, et il perdit l'équilibre. Il avait eu l'impression de sentir l'herbe sous ses pieds, mais maintenant, ses pieds étaient dans le vide et lui était en train de tomber. Il n'arrivait plus à distinguer le haut du bas. C'était son propre corps et pourtant, il n'arrivait pas à comprendre ce qui lui arrivait. Tout ce qu'il pouvait entendre était la voix d'Aki ; elle pleurait comme les branches des peupliers dans le vent.

Haruka sentit le glacé de l'eau sur toute la partie inférieure de son corps ; c'est là qu'il comprit qu'il était tombé dans la rivière. Progressivement, il retrouva la vue. La moitié de son corps était immergée. Sa main droite agrippait l'herbe humide de la rivière. Sa main gauche... était empêtrée dans l'écharpe d'Aki qui était autrefois blanche mais qui avait maintenant le vert du thé.

Ça craint... qu'est ce que je fais ? C'était la seule chose qu'il arrivait à se dire clairement. L'eau ne soignait pas le corps d'Haruka, ni son cœur ; elle lui volait la chaleur de son corps, l'emportant avec elle dans le courant, et l'empêchait de penser.

Entre le rêve et la réalité, lointainement, il avait l'impression d'entendre la voix de Makoto qui l'appelait, et une sirène d'ambulance...

"Haru, Haru !"

Il tomba dans un sommeil profond...


Un mal de tête épouvantable réveilla Haruka. Avant même qu'il puisse distinguer l'endroit où il se trouvait, il entendit la voix de Makoto.

"Haru, tu es réveillé ? Haru !"

Haruka ne songea même pas à dire à Makoto que sa voix lui faisait mal aux oreilles. Il ne pouvait même pas lui reprocher de le déranger. Il ne l'écoutait qu'à moitié.

Il essaya de se concentrer, mais le résultat ne fut pas très concluant. Sa tête lui faisait encore mal. Son corps était lourd. Malgré ça, parce qu'il voulait dire à Makoto Je suis réveillé maintenant, donc ne t'inquiète pas, il essaya de former une phrase.

"Où... suis-je ?"

"Tu es à l'hôpital."

"L'hôpital ?" Les néons fluorescents sont vraiment lumineux, pensa-t-il. Quand il essaya de se rappeler pourquoi il pouvait bien se trouver là, dans un lit d'hôpital, sa tête recommença à lui faire mal.

"Haru, tu te sens bien ? Ta grand-mère sera bientôt là, d'accord ? On a pu la contacter il y a peu."

Haruka fut finalement capable de voir clairement le visage de Makoto. Quand ce fut le cas, il réalisa qu'il y avait une autre personne derrière. Rin se tenait là, silencieusement, avec un visage inhabituellement sérieux. Sur un cintre à côté de lui, quelque chose de blanc flottait dans le souffle de la climatisation.

Est-ce le rideau ? Non, c'est moins épais, c'est un différent type de... -- l'écharpe ! Au moment où il se souvint de ça, tous ses souvenirs revinrent. Il essaya immédiatement de se lever, mais son corps protestait.

"Arrête ! Tu ne peux pas te forcer comme ça. Tu as quarante degrés de fièvre."

Haruka voulait savoir. Après être tombé dans la rivière, dans quelles circonstances avait-il atterri ici ? Il voulait le savoir tout de suite. "Yazaki ?"

Aki était sur la berge, et avait probablement vu toute la scène. Mais maintenant, Aki n'était nulle part.

"Si tu te demandes ce qui est arrivé à Zaki-chan, je crois qu'elle est rentrée chez elle. Mais je suis sûr qu'elle est en train de s'inquiéter pour toi."

"Qu'est ce qui m'est arrivé ?"

"On traversait le pont avec Matsuoka-kun quand on a soudain entendu Zaki-chan crier. Quand on est venu voir ce qui se passait, tu étais tombé dans la rivière." Après ça, ils ont transporté Haruka vers le haut du talus ensemble pendant qu'Aki appelait l'ambulance. Makoto et Rin étaient dans la camionnette, et Aki a appelé la maison d'Haruka ainsi que le club de natation. Bien qu'elle avait les larmes aux yeux, elle a fait ce qu'il fallait, et y a mis tout son cœur.

"Alors n'oublie pas d'aller voir Zaki-chan et de la remercier, d'accord ?"

Sur le lit, Haru acquiesça. Il voulait que Makoto lui explique tout. L'écouter lui faisait mal à la tête, mais il avait l'intention de faire comme si de rien n'était aussi longtemps qu'il le pouvait.

"Après ça, ils nous ont dit que tu avais la grippe, Haru."

Quelque chose d'aussi stupide que ça m'a entraîné dans cette situation ? pensa Haruka, extrêmement ennuyé.

"Bon, je vais chercher le docteur." Makoto ouvrit la porte et partit, et tout devint soudainement silencieux dans la chambre. Tout ce qui se faisait entendre était la soufflerie de la climatisation, et la respiration difficile d'Haruka. Il réalisa pour la première fois qu'il était à bout de souffle.

Haruka leva le regard vers Rin. Il se tenait toujours debout silencieusement, les yeux baissés au sol. A côté de lui, l'écharpe flottait.

"Matsuoka...merci." Ces mots étaient si sincères qu'Haruka se surprenait lui-même.

Rin se contenta d'acquiescer, sans relever la tête. Après ça, et jusqu'à ce que Makoto revienne, les seuls sons qui se faisaient entendre étaient la soufflerie de la climatisation, et la respiration difficile d'Haruka.


Être exposé au froid de l'extérieur lui rappela à quel point il faisait chaud dans l'hôpital. Rin enfouit ses mains engourdies dans les poches de sa veste pendant qu'il marchait, toujours tête baissée. Ses jambes lui semblaient étrangement lourdes. Il avait un peu de mal à respirer. Mais il rattrapa finalement Makoto, qui marchait devant lui. Il l'interpela, presque en murmurant.

"...Tachibana." Rin avait l'impression de ne pas avoir utilisé sa voix depuis une éternité. Ou du moins, c'était la première fois qu'il l'utilisait depuis qu'il était arrivé à l'hôpital.

"Qu'est-ce qu'il y a, Matsuoka-kun ?"

"Je..."

"Hm ?"

Rin hésita. Sans lui mettre aucune pression, Makoto attendait la suite de sa phrase. Pendant ce temps, il continuait de marcher, sans s'arrêter. Lentement, comme s'il attendait que Rin le rattrape.

"J'avais vraiment peur." C'étaient les sentiments sincères de Rin. Même maintenant, cette sensation de peur persistait. Ça lui donnait l'impression que rien ne bougeait correctement à l'intérieur de lui, et que ça ne s'arrêtait pas. Il avait pensé qu'il allait reprendre son souffle, et que son cœur allait s'arrêter de battre aussi fort. Mais maintenant, il avait l'impression que s'il ne prenait pas de grandes inspirations, tout allait se stopper. Net. "J'ai eu tellement peur que je ne savais même pas quoi faire."

Makoto se tourna et lui sourit. Il continuait à marcher, doucement. "Ça va aller. Ils ont dit que c'était une grippe tout ce qu'il y a de plus banal. Ça n'a pas tourné en pneumonie, alors il ira bientôt mieux."

Rin pensait que la situation d'Haruka était très sérieuse. C'était vrai que quand il est tombé dans la rivière, il avait paniqué. Tout avait été précipité, et il avait perdu sa présence d'esprit. Mais ce qui faisait peur à Rin maintenant n'avait rien à voir avec ces choses. "Non, ça n'a rien à voir avec Nanase. C'est à propos de toi, Tachibana."

"Quoi ?" Makoto s'arrêta. Il croisa le regard pénétrant de Rin, il le regardait droit dans les yeux, mais continuait de sourire. C'était presque comme s'il allait demander à Rin s'il plaisantait.

"Quand on a tiré Nanase de la rivière, tu tremblais non ?"

"Ha oui ? J'avais l'impression que tout n'était qu'un rêve, donc je ne m'en souviens pas très bien." Makoto se retourna et reprit sa marche.

Rin le regarda, de dos, pensant Il a réellement tremblé avant. Bien qu'il ait été capable d'ordonner à Rin et Aki, Makoto avait tellement tremblé que ça avait été impossible de ne pas le remarquer. Ses mains, ses jambes et son visage - il ne tremblait pas à cause du froid, mais parce qu'il avait peur de quelque chose. Même quand ils étaient à bord de l'ambulance, Makoto s'était agrippé au t-shirt d'Haruka, en tremblant et en répétant son nom durant tout le trajet.

HighSpeed PC 02.jpg

Avant ça, Rin n'avait jamais vu qui que ce soit aussi terrifié par quelque chose. Cette vision était restée encrée dans son âme, et maintenant son corps ne marchait plus correctement.

Sans rien dire de plus, Rin continuait de marcher derrière Makoto. Si Makoto disait ne pas s'en rappeler, Rin avait décidé de ne pas interférer. Il ne voulait pas le forcer à parler de ça s'il n'en avait pas envie. C'était pourquoi il n'avait pas l'intention d'aller plus loin ; Même si je lui demande, ça ne fera pas de grande différence, pensa-t-il.

Pendant qu'ils patientaient à l'arrêt de bus, et même après être montés à bord du véhicule, ils étaient restés silencieux et leurs regards ne s'étaient même pas croisés.

Rin pressa la sonnette à son arrêt et se leva pour sortir, deux arrêts avant celui de Makoto. "Salut."

"Salut."

Juste l'espace d'une seconde, il observa le visage de Makoto. Il avait l'air d'être le même que d'habitude. Le même regard, et le même sourire. Peut-être qu'il s'inquiétait trop. Rin descendit, et soudain, toute sa force quitta son corps. Il prit une grande inspiration, et regarda le bus rouler vers le coucher de soleil.


Au moment où Rin fit un pas en-dehors du véhicule, les mains de Makoto commencèrent à trembler. Une chose qui était déjà prête à rompre en lui se brisa soudainement, et ses mains tremblaient tellement qu'il ne pouvait rien faire pour les arrêter. Très vite, cette chose circula dans son corps tout entier, et ses jambes, sa poitrine, son visage, tremblèrent, et même ses dents claquaient. Il se tenait fermement avec ses deux bras. Peu importe à quel point il pouvait bien serrer, ses tremblements ne s'arrêtaient pas. Peu importe à quel point il pouvait bien serrer les dents, ses lèvres tremblaient. Sans aucun bruit, des larmes coulèrent le long de ses joues, et Makoto ne pouvait rien faire pour les en empêcher.


Notes de traduction[edit]

  1. Torii : Portail traditionnel japonais qu'on retrouve souvent à l'entrée des sanctuaires Shinto
  2. Chouzuya : Pavillon qu'on trouve près des sanctuaires destiné au rite de purification cérémoniel.


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