Suzumiya Haruhi (fr) : Tome 2 - chapitre 5

From Baka-Tsuki
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Chapitre 5[edit]

C'était le lundi matin... Il restait une semaine avant le début du festival scolaire, et le lycée était encore enveloppé d'une atmosphère sereine. Ce lycée prévoit-il vraiment de tenir un festival scolaire ? Cela ne devrait-il pas être un peu plus vivant ? Comme l'atmosphère est vraiment trop détendue, même moi je me sens démotivé. Et il y avait des choses qui me feraient me sentir encore plus démotivé quand j'approcherais de la salle de cours.

Koizumi attendait devant ma salle. Tu as déjà dit tant de choses aujourd'hui. Tu en as encore ?

"La classe 1-9 a déjà commencé les répétitions pour sa pièce. Bien sûr, je passais simplement par ici."

Ton visage efféminé était la dernière chose que je voulais voir si tôt ce matin.

"C'est quoi maintenant ? Ne me dis pas que cette stupide dimension est finalement apparue ?"

"Non, elle n'est pas apparue du tout hier. Il semble que Suzumiya-san était si occupée à être déprimée qu'elle n'a pas eu le temps d'être frustrée".

Pourquoi ?

"Tu devrais savoir... Puisque tu n'as pas l'air de comprendre, laisse moi t'expliquer. Suzumiya-san a toujours pensé que quoi qu'il arrive, tu serais son seul compagnon. Même si tu te plaignais, tu devrais quand même la soutenir. Peu importe ce qu'elle a fait, toi seul peux l'accepter."

De quoi parles-tu ? Les seuls qui pourraient accepter son comportement sont les saints qui se sont sacrifiés au nom du Seigneur. Je l'affirme pour mémoire, je ne suis ni un saint, ni un grand leader, je ne suis qu'une personne ordinaire armée de son bon sens.

"Que se passe-t-il entre toi et Suzumiya ?"

Que veux-tu dire par ce qu'il se passe entre nous ?

"Pourrais-tu lui remonter le moral, s'il te plaît ? Les pigeons sont mignons maintenant, mais si Suzumiya continue de déprimer, les pigeons du sanctuaire pourraient se transformer en des choses qui ne ressembleraient pas du tout à des pigeons."

"Comme quoi ?"

"Si je le savais, je ne serais pas aussi inquiet. Ce ne ferait pas une belle image, si tout le lieu de pélerinage grouillait de créatures visqueuses pleines de tentacules, n'est-ce pas ?" "Essaie de répandre du sel."

Cela ne supprime pas la racine du problème. Actuellement, Suzumiya-san est dans ses limbes, elle a activement essayé d'améliorer sa situation en faisant ce film. Mais parce qu'elle s'est disputée avec toi hier, son énergie est maintenant canalisée dans l'autre direction – du positif au négatif. Cela aurait été gérable si ça c'était arrêté tout de suite, mais si ça continue, les choses pourraient se compliquer."

"Alors tu me demandes de la consoler ?"

"Ce n'est pas si dur, non ? Il faut juste que tu te réconcilies avec elle."

Qu'est-ce que tu veux dire par me réconcilier avec elle ? Je ne me suis jamais bien entendu avec elle auparavant.

"Hein ? J'ai toujours pensé que tu étais une personne calme et responsable. Me serais-je trompé ?"

Je gardai le silence.

La raison pour laquelle j'étais furieux contre elle hier était que je ne pouvais pas supporter de la voir brutaliser Asahina-san... En quelque sorte... Ou peut-être que j'ai une carence en calcium. Alors, hier soir, j'ai bu un litre complet de lait et étonnamment, mon état d'esprit s'était beaucoup amélioré quand je me suis réveillé ce matin. Pourtant, le lait n'est qu'une sorte de sédatif.

De toutes façons, pourquoi devrais-je ravaler ma fierté et la consoler ? Peu importe la manière dont on considère cela, il est difficile de nier que cette fille est allée trop loin. Koizumi commença à ronronner comme un chaton qui commence à grignoter sa nourriture, et me tapota l'épaule,

"Je compte sur toi parce qu'en termes de distance, tu es la personne la plus proche."


Aussi longtemps que je ne me retournais pas, je ne pouvais avoir aucun contact visuel avec Haruhi, assise derrière moi. Aujourd'hui, Haruhi semblait accorder une attention spéciale au ciel, comme elle passait le plus clair de son temps à regarder par la fenêtre, et cela a duré jusqu'à l'heure du déjeuner.

Pour une quelconque raison, même Taniguchi était négatif aujourd'hui,

"C'était quoi ce film ? Je sais même pas pourquoi j'ai perdu mon temps à venir !"

Pendant le déjeuner, Taniguchi jurait tandis qu'il mâchait son repas. D'habitude, Haruhi est loin de la classe à ce moment, et aujourd'hui n'était pas une exception. Il ne serait pas en train de dire des trucs pareils si elle était dans les environs. C'est le genre de trouillard qui ne parle fort que quand il n'y a pas de risque.

"Tout est de la faute de Suzumiya. Ce sera un film de merde, j'en suis sûr !"

Je me fiche vraiment de l'opinion des gens. Je ne me considère pas comme un grand leader, et je ne compte pas laisser mon nom dans les annales de l'histoire. Je ne suis qu'un petit personnage qui reste dans un coin et marmonne pour lui-même. J'excelle à trouver le plus petit défaut dans la cuisine de ma mère, même si je ne sais pas cuisiner.

Mais c'était une chose sur laquelle je devais être clair, donc j'ai dit :

"La dernière chose que je veux, c'est t'entendre te plaindre."

Taniguchi, qu'as-tu jamais fait ? Au moins Haruhi a participé au festival scolaire, et a essayé de faire quelque chose de son mieux, même si ça a causé pas mal de problèmes. Mais au moins elle est bien meilleure que ces idiots qui ne font que se plaindre toute la journée. Crétin ! Tu devrais t'excuser auprès de tous les Taniguchi du Japon, qui portent le même nom que toi, tu n'es qu'une honte pour eux !

"Oublie ça, Kyon."

Kunikuda essayait de jouer les médiateurs.

"Il laisse seulement éclater sa frustration. En fait on aimerait bien traîner encore avec Suzumiya-san. On t'envie vraiment, Kyon."

"Jamais de la vie," dit Taniguchi en lançant un regard furieux à Kunikuda, "je n'entre pas dans ce club débile".

"C'est bizarre venant de toi, celui qui a accepté de venir directement quand on lui a demandé ? Tu ne te sentais pas étourdi hier ? Tu a même annulé les projets pour ta journée."

"Arrête de t'en prendre à moi, connard !"

Alors c'est pour ça que Taniguchi est si énervé. Il a annulé exprès tous ses projets pour la journée, juste pour venir avec enthousiasme faire de la figuration, mais il est tout juste apparu dans une scène et a même failli finir noyé. Je vois, il mérite de la sympathie, mais je ne sentais pas de sympathie pour lui à ce moment parce que j'en avais simplement marre.

Je savais mieux que personne que le film de Haruhi était trop stupide pour être vu par quiconque, parce qu'elle sait seulement charger droit devant sans penser aux conséquences. Comme nous avons seulement filmé tout ce qu'elle sortait, il n'y avait pas de script à commenter. Seul un génie pourrait faire de ce film un succès. Et selon moi, Haruhi n'a pas vraiment de talent de réalisateur, mais si les gens commencent à la critiquer pour ça... Attends, pourquoi je suis en colère pour ça ?

"Kyon, Suzumiya-san a l'air d'être d'une humeur pire que d'habitude, est-ce que quelque chose est arrivé ?"

J'écoutais la question de Kunikuda en réfléchissant.

J'étais comme Taniguchi. Tout ce que j'avais fait, c'était de suivre ce qu'elle disait, et la maudire dans son dos. Je voyais un peu de moi en observant ce type. Parfois maudissant Haruhi, parfois se sentant désemparé. C'était mon boulot. Mais c'était un boulot qui ne pouvait être fait que par moi, et personne d'autre.

Je me sentais si frustré que même la nourriture me semblait fade. Je me sentais triste pour ma mère qui avait fait ce repas pour moi. Merde, Taniguchi, espèce d'idiot. Si tu n'avais pas dit tous ces trucs inutiles, je ne ferais pas des choses que je regretterai plus tard.

Mais qu'ai-je fait?

J'ai fermé le couvercle de ma boîte à bento et suis sorti en trombe de la classe.


Haruhi était dans la salle du club, en train de brancher la caméra à l'ordinateur, elle semblait travailler à quelque chose. Elle a levé les yeux d'un coup quand j'ai ouvert soudain la porte. Est-ce que c'était un petit pain au curry qu'elle tenait dans sa main gauche ?

Elle jeta franchement le pain, et mit sa main derrière ses cheveux... je crois. À ce moment sa chevelure s'est comme ouverte. Je ne sais pas pourquoi elle a fait ça, comme si elle essayait de délier rapidement les cheveux qu'elle avait attachés derrière sa tête. Je n'avais pas noté ça avec attention, parce que je pourrais y penser plus tard. J'ai alors dit ce que j'avais à lui dire :

"Hé, Haruhi."

"Quoi ?"

Haruhi était sur la défensive, ressemblant à un chaton. Je lui dis en face :

"On doit faire de ce film un succès !"

C'est ce qu'on appelle une impulsion, pas vrai ? Une personne comme moi peut s'attendrir probablement deux fois par an, à cause de ça, j'étais en colère hier. Le timing était parfait. Et aujourd'hui, cette impulsion avait été causée par les mots ambigus de Koizumi et le visage stupide de Taniguchi. Sans compter que voir Haruhi mélancolique m'avait rendu très frustré et mal à l'aise. Si j'avais laissé ces sentiments s'accumuler en moi, j'aurais probablement fini par fracasser la fenêtre de la classe, donc je devais me défaire de ces sentiments maintenant. Pourquoi je dois me justifier sur ce que je fais ?

"Hmph."

Haruhi dit alors avec vantardise :

"Bien sûr qu'on va le faire. Après tout, je suis la réalisatrice. Le succès est déjà garanti. Je n'ai pas besoin que tu rappelles des évidences."

Quelle personne simple. Juste quand j'avais pensé qu'elle commençait à montrer des sentiments doux et dignes de louanges. Alors la lumière énigmatique dans les yeux de Haruhi avait été ravivée par les flammes de l'assurance. Je n'ai aucune idée d'où elle tire son carburant. Elle est simplement trop simple. Elle est comme un boss de RPG qui continue à se lancer des sorts de régénération sur elle-même, mais je ne pourrais pas m'en moquer davantage. Elle a besoin d'être plus équilibrée. Elle devrait achever les joueurs d'un coup et amener rapidement l'écran "Game Over"... De quoi je parle ? Ah oui, cette sorte de jeu réduisant la pression n'existe pas. Je ne suis pas sûr de ce que ça veut dire, parce que ça n'a pas de signification pour commencer, mais de toutes façons, je n'aime pas voir Haruhi avoir l'air déprimée, et je ne veux pas la voir comme ça à nouveau. Elle est faite pour courir sans but dans ces marathons sans fin, inutiles et sans destination. C'est juste que... si elle s'arrêtait soudain sur sa piste, elle ferait inconsciemment quelque chose de totalement inutile, c'est tout.

... C'est ce à quoi je pensais à ce moment.


Le même jour, après les cours...

"Est-ce que tu n'aurais pas pu le dire mieux ?" demanda Koizumi.

"Je suis désolé", répondis-je.

"Bien que tu aies réellement remonté son moral, j'aurais souhaité que tu exprimes cela... sans susciter davantage d'obstacles."

"... désolé."

"Au lieu d'un retour à la normale, la situation est maintenant devenue encore plus extrême."

"..."

" Il n'y a pas moyen de le cacher."

Koizumi me regardait avec ces yeux aux couleurs profondes, que je contemplais. Il n'avait pas l'air de me blâmer, mais sa voix sonnait d'une manière très mélancolique. C'est comme ça ? Les choses ont empiré, et on dirait que c'est à cause de moi.

Pourquoi ? Comment le saurais-je ?

Il y avait des fleurs de cerisier partout. C'était le chemin des cerisiers en fleur au bord de la rivière, là où Asahina-san m'avait révélé sa véritable identité. Confirmons la saison encore une fois : c'était l'automne à ce moment-là. Il y avait toujours des restes de l'été dans l'air, mais normalement, les cerisiers japonais fleurissent d'ordinaire au printemps. Il est habituellement acceptable qu'une fleur éclose plus tôt que sa saison normale, mais fleurir une demi-année après était vraiment trop ridicule. Les fleurs de cerisiers devenaient-elles aussi dingues que le soleil lui-même ?

Sous la chute de pétales de cerisiers, seule Haruhi était à fond dedans. Vêtue de son costume moulant de serveuse , Asahina-san vacillait et marchait sans but. Etait-ce parce qu'elle était troublée par les fleurs éclosant à la mauvaise saison ?

"Je n'aurais jamais pensé que les choses iraient si facilement dans mon sens. Je pensais justement filmer une scène pleine de cerisiers en fleurs ! Cet évènement météorologique rare tombe à pic !"

Haruhi débitait ces mots en faisant rester Asahina dans toutes sortes de poses.

Après tout, c'était impossible. Quand les gens font quelque chose impulsivement, c'est toujours eux-mêmes qui en souffrent ensuite. On dirait que j'apprends continuellement cette leçon depuis six mois.

Et je ne méditais pas sur "j'aurais dû faire ça" mais plutôt sur "je n'aurais pas dû faire ça". Une pensée très négative en fait. Donnez moi un flingue ! Un vrai flingue ! Pas un jouet !

Les cerisiers semblaient avoir commencé à fleurir après midi, et les pétales commençaient à tomber le soir. La télévision locale avait même rapporté ça comme un évènement rare, que je souhaite qu'ils voient simplement comme un incident bizarre et unique. Mettez juste tout ça sur le compte des évènements anormaux causés par le changement climatique de ces dernières années, OK ?

"C'est ce que Suzumiya-san a l'air de penser.", dit Koizumi tout en marchant épaule contre épaule avec Asahina-san. La vue de Koizumi, avec sa bonne apparence superficielle, et d'Asahina-san, qui est vraiment jolie, se tenant ensemble est suffisante pour faire enrager tous les mâles de ce monde. J'étais certainement en rogne à cause de ça.

Nagato ne faisait pas de commentaires sur les pétales qui voletaient, comme elle arborait son habituelle expression vide et fixait les pétales, dont les horloges biologiques étaient complètement dérangées. Les pétales roses atterrissaient sur son manteau noir, créant un fort contraste. Sait-elle à propos des pigeons?

"C'est bon ! Dégotons un chat !" dit soudain Haruhi.

"Une sorcière devrait avoir son familier, et quoi de mieux qu'un chat ? Où peut-on trouver un chat noir ? Et aussi il nous en faut un qui ait l'air bien."

Attends, Nagato n'est-elle pas censée être une méchante magicienne extraterrestre ?

"Quelle différence ça fait ? Allons-y ! C'est ce que j'ai envisagé de toutes façons. Où peut-on trouver un chat ?"

"Au magasin d'animaux, bien sûr !"

Étonnamment, Haruhi fit un compromis après avoir entendu ma remarque désinvolte.

"Un chat sauvage irait. On devrait probablement en emprunter un au magasin d'animaux et le ramener. C'est trop gênant. Y a-t-il un terrain vide où on pourrait trouver des chats sauvages ? Yuki, tu sais ?"

"Oui."

Nagato fit un léger signe de tête, puis commença à marcher en nous conduisant vers la Terre Promise comme un leader religieux. Qu'est-ce que Nagato ne sait pas ? Si je lui demandais où est le portefeuille que j'ai perdu il y a cinq ans, elle me le dirait sûrement, puisqu'il contenait toute ma fortune d'alors, qui se montait à peu près à 500 Yens.

Environ quinze minutes plus tard, nous arrivâmes derrière le bloc d'appartements de standing où vivait Nagato. Il y avait une pelouse bien tondue entourée d'arbres qui cachaient la vue du dehors. Quelques chats étaient rassemblés là. Ils avaient l'air de chats sauvages, mais ils n'avaient pas peur des gens. Quand je marchais parmi eux, ils n'essayaient pas de s'enfuir, peut-être qu'ils pensaient qu'on allait leur donner à manger ? Quelques uns ronronnèrent même dans nos jambes. Haruhi ramassa un des chats et dit :

"Il n'y a pas de chats noirs ? C'est bon, on va utiliser ce chat alors !"

C'était un chat tricolore, sans compter que c'était un mâle. Haruhi n'avait encore aucune idée du pedigree de ce chat, et elle n'était pas intimidée par le chat qu'elle avait ramassé au hasard.

"Tiens, Yuki, voici ton partenaire. Entends-toi bien avec lui."

Nagato reçut le chat avec une expression vide comme si elle avait reçu un paquet de mouchoirs distribué par ces employés de rue, et le chat arborait aussi une expression vide tandis qu'il était porté vers ses mains.

Le tournage commença tout de suite, et comme c'était l'arrière d'un bloc d'appartements, la localisation ne semblait plus être un sujet de préoccupation pour faire ce film. Ma caméra était déjà pleine de scènes sorties tout droit de l'esprit de la réalisatrice de temps en temps. Je ne suis pas chargé de monter ces scènes dépareillées en une histoire cohérente, n'est-ce pas.

"Yuki, attaque Mikuru-chan !"

Au commandement de Haruhi, Nagato se mit à genoux d'une façon bizarre et se transforma en mage noir avec un chat sur son épaule gauche. Peu importe la façon dont on regardait, le chat semblait juste trop lourd. Heureusement que le chat s'accrochait docilement à l'épaule de Nagato, mais en conséquence le corps entier de Nagato penchait de ce côté. Elle faisait même de son mieux pour garder l'équilibre pour empêcher le chat de tomber. Elle gardait sa posture peu naturelle tout en agitant sa baguette vers Asahina-san.

"Prends ça."

Je crois que des rayons incroyables seront émis par la baguette de Nagato dans cette scène, non ?

"... Kyaa !"

Asahina-san se mit à hurler comme sous l'effet d'une douleur atroce.

"Coupez !" cria Haruhi avec satisfaction, j'arrêtai alors de filmer, et Koizumi baissa le réflecteur qu'il portait.

"Je veux que le chat parle. C'est le chat d'une magicienne après tout. Il doit au moins dire quelque chose de méchant."

Là c'est ridicule.

"Ton nom est Shamisen. Hé, Shamisen ! Dis quelque chose !"

Comment est-il censé parler ? Non, en fait, je t'en prie, s'il te plaît, ne parle pas.

Peut être que mes prières furent exaucées, car le chat portant le nom de mauvais augure "Shamisen" ne commença pas à parler japonais, mais à la place il lécha sa queue et ignora totalement l'ordre de Haruhi. C'était naturel, mais je poussai quand même un soupir de soulagement.

"Tout se déroule selon le plan."

Haruhi revoyait les prises de vues de la veille et souriait joyeusement. C'est comme si sa dépression du matin n'avait jamais existé. C'était bien qu'elle se remette de bonne humeur si rapidement, et pour une fois elle m'impressionnait.

"Kyon, tu as la responsabilité de t'occuper du chat."

Haruhi plia sa chaise de réalisateur et me donna cet ordre déraisonnable :

"Prends bien soin de lui quand tu le ramèneras à la maison, parce qu'on en a encore besoin pour d'autres scènes. Apprivoise-le bien ! Apprends-lui un tour pour demain, comme sauter à travers un cerceau en feu ou un truc du genre."

Si le chat peut s'accrocher docilement aux épaules de Nagato, alors je suppose qu'il sera assez malin pour faire ça, pas vrai ?

"C'est tout pour aujourd'hui, demain sera le dernier jour de prise de vue ! Le tournage aujourd'hui a été comme sur des roulettes, l'histoire va atteindre son apogée, et tout le monde a essayé de maintenir son entrain ! Allez vous reposer, on a besoin de cet entrain demain aussi !"

Haruhi a agité son porte-voix et nous a renvoyé, puis elle est rentrée chez elle toute seule en fredonnant le thème de fin de "Blade".

"Pfou..."

Asahina-san et moi avons tous deux soupiré, Koizumi a pris le réflecteur sous le bras et s'est préparé à partir, tandis que Nagato fixait d'un air inexpressif Shamisen comme un stylo sans encre.

Je me suis agenouillé et j'ai caressé la tête du chat.

"Merci pour ton dur travail. Peut-être que je t'achèterai de la nourriture pour chat, ou tu préfères du poisson séché ?"

"Les deux me conviennent."

Une claire voix mâle de baryton avait prononcé la phrase précédente, et ça n'avait été dit par personne ici. J'ai vu Koizumi et Asahina-san regarder l'air abasourdi, puis je me suis tourné pour voir le visage de joueur de poker de Nagato. Tous avaient les yeux fixés sur un endroit : mes pieds.

Sur mes pieds, il y avait le chat, qui me regardait avec ses yeux ronds et noirs grands ouverts.

"Hé!", ai-je dit, "tu as parlé, Nagato ? Je ne le demandais pas à toi. Je demandais au chat."

"C'est ce que j'ai pensé aussi, donc je t'ai répondu. J'ai dit quelque chose de mal ?"

Ainsi parlait le chat...


"Là, ça m'a surpris..." dit Koizumi.

"C'est trop choquant, un chat qui parle vraiment..." dit Asahina-san.

"..." Nagato restait silencieuse tout en ramassant Shamisen, qui dit alors :

"Je ne comprends pas pourquoi vous êtes aussi choqués."

Il dit ça en s'accrochant avec ses pattes aux épaules de Nagato.

Un chat démon... C'est ça que les chats deviennent après avoir vécu quelques années ?

"Je n'en suis pas sûr moi-même. Le concept de temps ne me concerne pas. Qu'est-ce que le présent ? Qu'est-ce que le passé ? Je ne m'intéresse pas à ça."

C'était déjà stupéfiant qu'il sache parler, mais on ne s'attendait pas à ce qu'il dise des choses aussi abstraites. Maintenant, ne fais pas ton malin, tu es juste une boule de poils. Je me demande si on devrait mettre Shamisen aux enchères sur Internet.

"Pour vous, j'ai probablement émis des sons semblables au langage humain, mais les perroquets ne font-ils pas pareil ? De quoi avez-vous déduit que j'ai émis des sons qui communiquent mot à mot une pensée ?"

De quoi diable parles-tu ?

"De cette conversation, précisément depuis que tu as répondu à ma question."

"Peut-être que les sons que j'ai émis ont simplement correspondu à la nature de ta question."

"Si c'est le cas, ça veut dire que les conversations que les êtres humains ont entre eux sont toutes dénuées de sens ?"

Mais pourquoi je me trouve à avoir une conversation sérieuse avec un chat ? Shamisen le chat calico errant lécha ses pattes de devant et se frotta derrière les oreilles, et dit :

"Exactement. Tu as dû réaliser ce qui semble être une conversation avec cette demoiselle, mais personne n'est sûr que vous ayez tous les deux exprimé ce que chacun de vous voulait dire." dit Shamisen de sa voix profonde.

"C'est parce que chaque personne peut dire ou pas ce qu'il a dans le coeur, selon la situation", répondit Koizumi.

La ferme !

"Maintenant que tu le dis... Ça a du sens" a dit Asahina-san.

Je suis désolé, mais vous pouvez éviter d'approuver le chat comme ça ?

J'examinai tous les autres chats sur la pelouse, à part Shamisen, tous les chats ne faisaient que "miaou" ou "ronron". Il semblait qu'il n'y ait que ce chat qui ait gagné la capacité de prononcer des langages humains. Comment ça se fait ?

J'ai examiné tous les autres chats sur la pelouse, à part Shamisen, tous les chats ne faisaient que "miaou" ou "ronron". Il semblait qu'il n'y ait que ce chat qui ait gagné la capacité de prononcer des langages humains.



Tout est de la faute de cette fille stupide.


"On dirait que les choses ont pris une mauvaise tournure."

Koizumi sirota élégamment son mocca et continua :

"On dirait que nous avons sous-estimé Suzumiya-san."

"Que veux-tu dire ?" demanda Asahina-san en baissant la voix.

"Le monde de cinéma créé par Suzumiya-san a commencé à devenir une partie de cette réalité. Les contenus du film qu'elle s'est représentés se sont manifestés dans ce monde, et sont devenus une partie de notre réalité. Comme quand Asahina-san peut lancer des lasers ou que le chat peut parler. Si elle dit soudain "Je veux filmer une scène avec une météorite géante qui s'écrase sur Terre", ça pourrait simplement arriver."

À ce moment, à part Haruhi, les quatre autres membres de la Brigade SOS étaient réunis dans le café en face de la gare. Koizumi avait proposé une réunion d'urgence au sujet de Haruhi, un plan que nous avons tous approuvé. On dirait que les choses deviennent sérieuses. À première vue, on avait l'air d'une bande de lycéens réunis ensembles en bavardant gaiement (même si Koizumi était le seul à sourire gaiement), mais ce qu'on faisait vraiment ressemblait plutôt à une bande de méchants suspects complotant pour empêcher le Défenseur de la Justice d'utiliser son attaque ultime. Au fait, on avait laissé Shamisen attendre sur la pelouse dehors, et on lui avait précisément dit de ne parler à personne, ni de répondre aux questions de personne. Le chat n'avait pas l'air contrarié, et avait simplement dit "okay". Il s'est ensuite assis tranquillement à l'ombre de l'arbre au bord de la route et nous a regardé partir.

"Qu'est-ce qui va se passer maintenant ?" demanda Asahina-san, l'air très préoccupé. La pauvre fille semblait très inquiète, depuis qu'elle était marquée mentalement en permanence par le film de Haruhi. Nagato gardait son expression vide et était toujours habillée en noir.

Koizumi sirota lentement son café au lait chaud et dit :

"Tout ce que je sais, c'est qu'on ne peut pas laisser Suzumiya-san sans surveillance comme ça."

J'avalai l'eau glacée d'une gorgée, comme j'avais déjà fini de boire mon verre de thé à la pomme.

"On n'est pas censés trouver un moyen d'arrêter Haruhi ?"

"Qui d'autre peut lui faire arrêter de réaliser ce film ? Je n'ai pas assez d'assurance pour ça."

Moi non plus.

Une fois que le moteur est démarré, aussi longtemps que Haruhi ne l'éteint pas, elle va marcher sans fin. elle serait comme un poisson mort si elle s'arrêtait. Si on retrace la lignée de ses ancêtres, on va probablement trouver des traces d'ADN de thon et de bonite dedans.

Nagato n'avait même pas l'air de réfléchir comme elle buvait silencieusement son thé aux amandes. Peut être qu'elle n'était vraiment pas en train de réfléchir, ou peut-être que parce qu'elle comprenait tout, elle n'avait pas besoin de réfléchir davantage, c'est même possible qu'elle ne sache pas bien parler. Après avoir passé six mois avec elle, je trouve toujours difficile de deviner ce qu'elle pense.

"Et toi, Nagato ?" Qu'est-ce que tu en penses ?"

"..."

Nagato plaça sa tasse sur le plateau sans un son, puis tourna doucement la tête pour me regarder, et dit :

"Contrairement à la dernière fois, Suzumiya Haruhi ne disparaîtra pas de ce monde."

Sa voix était tellement froide et vive.

"L'Entité Parapsychique d'Intégration des Données" déduit que c'est assez."

Koizumi plaça élégamment sa main sur son front et dit :

"Mais ce sera pénible pour nous."

"Pas pour nous. Nous attendons de voir des changements dans notre sujet d'observation."

"Ah bon ?"

Koizumi décida rapidement d'ignorer Nagato à partir de ce moment, et se retourna vers moi.

"Maintenant, dans quel genre devons-nous classer le film de Suzumiya-san ?"

Je soupirai, une fois de plus il avait parlé d'une façon ambiguë.

"La structure de l'histoire peut être divisée en trois formes. Premièrement, cela peut se passer à l'intérieur d'une certaine structure. Deuxièmement, cela peut percer cette structure et créer une nouvelle structure. Troisièmement, cela peut rendre à la structure abimée son état original."

Comme prévu, il commençait son long discours en Martien, qui pouvait amener les gens à penser : "mais de quoi diable parle-t-il ?". Asahina-san, tu n'es pas obligée d'écouter sérieusement toutes ces conneries !

"Comme nous existons à l'intérieur de cette structure, si nous voulons comprendre notre monde, nous devons réfléchir rationnellement, ou le saisir à travers l'observation."

Bon sang, mais c'est quoi cette "structure" ?

"Essaie de réfléchir à cette 'réalité' dans laquelle nous sommes. Ce monde est tel que nous ne pouvons pas exister dans notre état actuel. Réciproquement, le film que fait Suzumiya-san est de la fiction pour nous."

N'est-ce pas évident ?

"Maintenant le vrai problème est que des choses qui n'existent que dans le monde fictif ont maintenant affecté notre 'réalité'."

Les yeux de Wonder Mikuru, les pigeons, les fleurs de cerisiers et le chat.

"Nous devons empêcher le monde fictif de s'infiltrer davantage dans notre réalité."

J'ai toujours trouvé que Koizumi avait l'air plutôt enthousiaste quand il parlait de ces trucs, il avait l'air de bonne humeur. Pour contrer ça, je décidai d'arborer un visage sombre.

"Le tournage de ce film a agi comme un filtre pour que Suzumiya-san manifeste ses pouvoirs. Pour empêcher ça, nous devons faire réaliser à Suzumiya-san que 'tout est fictif'. Parce que maintenant, elle a sans le vouloir brouillé les limites entre la fiction et la réalité."

Tu as vraiment l'air excité par tout ça !

"Nous devons trouver un moyen rationnel de prouver que les choses de ce monde fictif ne sont pas réelles. Nous devons nous assurer que ce film sera fini d'une manière raisonnable."

"Alors comment allons-nous rendre normal le fait qu'un chat peut maintenant parler ?"

"Rendre normal n'est pas le terme correct. Parce que dans un sens, un monde où les chats peuvent parler sera créé. Dans notre 'réalité', les chats ne peuvent pas parler. Si personne ne trouve à redire à ce qu'un chat parle, alors les conséquences seront néfastes, parce que dans notre monde il est tout simplement impossible que les chats parlent."

"Et pour les extraterrestres, les voyageurs dans le temps et les êtres psioniques ? Est-ce que leur existence est juste une possibilité ?"

"Eh bien, évidemment, parce qu'ils existent vraiment. Dans notre monde, c'est une chose tout à fait normale, quoique le problème soit d'empêcher Suzumiya-san de le savoir."

Vraiment ?

"Admettons que notre monde soit un objet observé de loin. Si elle croit que le "monde réel" est ce que tu croyais qu'il était, un monde sans phénomènes surnaturels, où les extraterrestres, les voyageurs dans le temps et les êtres psioniques n'existent pas, alors cette 'réalité' où nous sommes deviendrait un monde totalement fictif."

Alors c'est ça le vrai visage de Dieu dont tu parlais?

"Mais c'est ce qui est observé de loin. Tu as appris de première main qu'en fait les phénomènes surnaturels existent dans ce monde, ce qui inclut Nagato-san et moi-même. Parce que nous sommes là, tu ne peux qu'accepter ce fait à l'intérieur des limites de ce monde. Je suis sûr que tu as une vision du monde différente de celle que tu avais il y a un an."

Je serais peut-être plus heureux si je n'avais jamais su ce fait.

"Comment présenter ça ? Hmm, je peux le confirmer. Actuellement l'état de Suzumiya-san est celui dans lequel tu étais par le passé. Elle peut en parler beaucoup, mais tout au fond d'elle-même elle ne croit pas que les phénomènes surnaturels existent vraiment. Prenons comme exemple ce qu'elle a vu ; elle a traité l'apparition d'une Zone Fermée et des Avatars comme un rêve. Comme les rêves sont fictifs, la 'réalité' de ce monde a été maintenue."

On a travaillé dur pour maintenir ça tout le temps.

"Bien, par conséquent il n'y a pas de doute que la fiction puisse se manifester dans la réalité. Si Suzumiya-san traite ces occurences comme des 'faits', alors les chats qui parlent seront incorporés dans cette 'réalité'. Comme dans ce monde il serait étrange, pour des chats, de parler, pour permettre aux chats qui parlent de faire partie de la 'réalité', le monde devrait être reconstruit. Est-ce que Suzumiya-san veut créer un monde où les chats peuvent parler ? Je ne pense pas que le monde entrerait complètement dans le domaine de la science-fiction, parce qu'à en juger par sa façon de penser, je ne pense pas qu'elle ferait quelque chose de si gênant. Bien qu'il soit aussi possible que le monde devienne immédiatement de la science-fiction, où il n'y a pas de raison d'expliquer pourquoi les chats peuvent parler.

Aussi longtemps que les 'chats parlants' existent, ça peut être assez pour elle. Il n'y aurait pas de questions comme 'pourquoi les chats peuvent parler', parce que le monde serait devenu un endroit où il est naturel pour les chats de parler."

Koizumi reposa son moka et joua avec l'anse de la tasse avec ses doigt en disant :

"Ce serait problématique, parce que ça renverserait tous les concepts déjà connus par l'humanité. À ma manière, je respecte la façon dont les humains font des observations et en viennent à des conclusions. Avec cette méthode, il est impossible, sans influence extérieure, de trouver dans ce monde un chat qui peut parler simplement avec plus d'observations. C'est vraiment étrange pour nous qu'un chat qui parle existe dans ce onde."

Alors comment expliques-tu ton existence ? Les êtres psioniques ne sont-ils pas comme les chats qui parlent ?

"Tu as raison. Pour ce monde, nous sommes toujours une anomalie. Ne respectant pas les règles connues de cette réalité. Nous existons seulement grâce à Suzumiya-san. Ce chat est pareil, parce que Suzumiya-san souhaite le faire apparaître dans son film, c'est pour ça qu'il existe. D'après ce que je comprends, Suzumiya-san essaie de créer un lien entre cette réalité et les éléments fictifs du film qu'elle essaie de faire."

Ce n'est pas le moment de comprendre, c'est le moment de trouver ce qu'on devrait faire !

"C'est pourquoi nous devons catégoriser le genre auquel ce film appartient."

Comme j'aimerais qu'il n'aille pas si loin ! Même s'il doit être gratifiant de montrer sa capacité à parler longuement, on devrait prendre en compte les sentiments du public aussi ! Ton long discours est aussi ennuyeux que ceux que le principal fait chaque semaine à l'assemblée scolaire du matin. Regarde, même Asahina-san a l'air perplexe depuis le début.

Mais Koizumi n'avait pas l'intention de s'arrêter là.

"Si tout cela arrive dans le monde fictif, aucune explication n'est nécessaire pour dire pourquoi le chat peut parler ou comment Asahina-san peut lancer des rayons de feu avec ses yeux. Parce que dans ce monde, 'c'est un fait'."

Je tournai mon regard vers la fenêtre pour m'assurer que Shamisen était encore là.

"Mais s'il y a une raison pour que les chats qui parlent et le Rayon Mikuru existent, alors à partir du moment où ils existent, alors il est possible que quelqu'un le découvre. La réalité où les chats peuvent parler et où Asahina-san tire des rayons existe vraiment, simplement personne ne l'a encore remarqué ; par observation, son existence finira par être prouvée.

Alors à ce moment, tout notre monde changera complètement. Nous n'aurons pas besoin de réajuster nos connaissances sur ce monde, d'un monde où les évènements paranormaux n'existent pas à un monde où ils existent, parce que le monde que nous pensions connaître sera alors devenu un monde fictif."

Je soupirai profondément. Il n'y a pas un moyen de faire taire ce type ?

Alors voilà ce que tu essaies de dire : une raison suffisante est nécessaire pour expliquer l'existence de chats qui parlent. Mais si c'est le cas, comment expliques-tu ton existence, celle de Nagato et d'Asahina-san ? Ne fais-tu pas partie, tout comme elles, de ces phénomènes surnaturels ?

"C'est probablement le cas pour toi aussi, parce qu'aucune explication supplémentaire n'est nécessaire. Pour toi, le monde a déjà changé. Le monde que tu connaissais quand tu es entré au lycée n'est-il pas différent du monde que tu connais maintenant ? Ta conception de la réalité a maintenant changé pour de bon. N'as-tu pas rencontré de nouvelles réalités ? Et n'as-tu pas confirmé que des gens comme nous existent ?"

"Qu'est-ce que tu essaies de dire ?"

"Recentrons le sujet sur le film lui-même ; le film que Suzumiya-san essaie de faire peut probablement être classé dans le genre 'science-fiction'. Dans ce film, il n'y a pas de raison d'expliquer pourquoi les chats peuvent parler ou pourquoi Asahina-san et Nagato-san possèdent des pouvoirs magiques. C'est suffisant comme ça."

Donc, tout ce qu'on doit faire, c'est donner un sens à l'existence du chat démoniaque, de la serveuse du futur et de la méchante magicienne extraterrestre ?

"Pas exactement, parce que leur donner une raison d'être serait gênant pour le monde extérieur. Si l'observateur réalise que 'le monde a changé' après avoir regardé le film du début à la fin, alors leur existence serait avérée, et le monde en deviendrait un où parler n'est pas extraordinaire pour un chat. Je ne souhaite pas que le monde devienne plus compliqué qu'il ne l'est."

Moi non plus. Les seuls qui ne seraient pas gênés seraient probablement Nagato et les siens, je suppose.

"J'ai dit auparavant que nous devions décider du contexte de ce film, on doit simplement lui demander dans quelle direction va ce film. Le contexte devrait être tel qu'il dissipe toutes les questions soulevées par les mystères et les évènement paranormaux qui surviennent pendant le film, et au moyen d'une fin raisonnable, il pourrait ramener le monde perturbé à sa forme originelle. Il y a un contexte qui permet au monde d'être ressuscité quand il est près de sa fin, et qui est capable de trouver une réponse raisonnable à toutes sortes d'évènements mystérieux."

C'est quoi ce contexte ?

Le contexte de déduction, particulièrement à travers la déduction basique. Une fois que nous avons fait un tel contexte, toutes les scènes surréelles pourront être appréhendées par les gens qui diront : 'je n'y crois pas', et les évènements paranormaux seront facilement ignorés. Tout ce que nous avons à faire, c'est de faire comme si le chat qui parle et les rayons mortels d'Asahina-san sont une sorte de canular élaboré, et notre réalité restera intacte, ai-je raison ?"

La serveuse du café était assez troublée par le costume d'Asahina-san, mais elle a fait semblant de ne pas voir tout en ramassant nos verres vides. Koizumi a attendu qu'elle parte, puis a continué.

"Évidemment, un chat qui parle est au-delà des limites du sens commun, pourtant le chat qui parle existe. En d'autres termes, des choses qui ne sont pas censées exister sont maintenant apparues. Pour notre monde, c'est un fait très inopportun."

Il frappa d'une chiquenaude les gouttelettes d'eau sur son verre et dit :

"Pour résoudre ce problème, le film doit avoir une fin raisonnable. Une qui soit théoriquement acceptable par chacun – ou plutôt, par Suzumiya-san. Une fin où les chats qui parlent, les voyageurs dans le temps et les magiciennes extraterrestres peuvent exister."

"Il y a une fin de ce genre ?"

"Bien sûr ! C'est assez simple. Tout ce que nous avons à faire, c'est de trouver à la fin une explication parfaite pour tous les évènements déraisonnables qui se sont produits auparavant."

Alors c'est quoi ton explication ?

"Tout n'est qu'un rêve."

"..."

Nous étions engloutis dans un silence assourdissant. Après un moment, Koizumi recommença à parler.

"Je ne plaisante pas..."

Je regardai avec dédain ce gentleman jouant de ses doigts avec la raie de ses cheveux et je dis :

"Tu crois que Haruhi accepterait une explication pareille ? Elle est sérieuse à propos d'obtenir un prix, elle s'en ficherait que le film soit réel ou non. Et maintenant tu dis que tout n'est qu'un rêve ? Peu importe à quel point elle est sotte, elle ne va pas faire un film aussi stupide."

"Bien sûr j'ai tenu compte de ses sentiments pour arriver à cette conclusion, c'est simplement la fin la plus pratique pour nous. Qu'elle déclare que le film n'était qu'un rêve, un canular, ou inventé de toutes pièces serait la meilleure solution possible."

Peut-être pour toi... Ce n'est probablement pas une mauvaise solution pour moi non plus, mais qu'en penserait Haruhi ? Elle a sûrement déjà imaginé une fin très choquante avec laquelle elle sera très contente.

De plus, je ne veux plus être impliqué dans des affaires de rêves. En outre, je ne veux plus t'entendre répandre sur nous tes longs discours, qui ne sont plus drôles du tout.


Sur le chemin du retour, je décidai de m'arrêter à l'animalerie. J'achetai l'écuelle pour chats la moins chère et de la nourriture pour chats à un prix de promotion spéciale, je demandai même un reçu avant de sortir de la boutique. Shamisen essuya sa face avec ses pattes de devant et me regarda. Le chat me suivit quand je commençais à marcher.

"Maintenant écoute. Quand on sera à la maison, ne dis pas un seul mot et comporte-toi comme un chat doit se comporter."

"Je ne sais pas ce que tu veux dire par 'comme un chat se comporte', mais puisque tu l'as demandé, j'ai juste à obéir."

"Alors, ne me parle pas. Et réponds à tout par un 'miaou'."

"Miaou."

Ma soeur et ma mère écarquillèrent les yeux en me voyant ramener un chat sauvage à la maison. J'utilisai l'excuse à laquelle j'avais pensé plus tôt, à savoir "son propriétaire doit partir en voyage et il m'a demandé de m'occuper de lui". Ce qu'elles acceptèrent de bonne grâce, surtout ma soeur, qui caressait Shamisen avec entrain, tandis que le chat-démon ronronnait simplement. Est-ce que ce n'est pas plutôt non-félin pour toi ?


Après une nuit relativement calme, je devais encore retourner au lycée ce jour. je n'étais pas rassuré de laisser Shamisen à la maison, alors je le ramenai aussi à l'école. Comme je le pressais de se cacher dans mon sac, Shamisen répondit avec vantardise, "alors c'est bon". Et il se faufila dans le sac. Je ne le laisserai pas sortir jusqu'à ce que nous soyons au lycée !

C'était seulement quelques jours avant le festival scolaire, l'atmosphère à l'intérieur du lycée avait commencé à être plus vivante, comme synchronisée avec l'enthousiasme de Haruhi. Qu'est-ce qui était arrivé à l'atmosphère détendue d'hier ?

Le début de la matinée était rempli du son des instruments de musique et des chanteurs, et il y avait des gens qui faisaient des enseignes et des pancartes partout. Il y en avait même qui traînaient dans les alentours dans toutes sortes de costumes étranges, je n'avais aucune idée du spectacle auquel ils participaient. À en juger par la situation, il ne serait pas étrange si un ou deux sliders d'un univers parallèle s'étaient mêlés à cette foule. Seuls les gens de la classe 1-5 n'avaient absolument aucun enthousiasme. Peut-être parce que Haruhi absorbait tout leur enthousiasme ?

Quand j'entrai dans la classe, je trouvai Haruhi déjà assise sur sa chaise et écrivant quelque chose avec vigueur.

"Alors tu as finalement décidé d'écrire un script ?"

Je marchais vers mon bureau en disant ça. Haruhi grogna fort et leva haut son menton en répondant :

"Bien sûr que non ! C'est le prospectus promotionnel pour le film !"

"Laisse-moi voir !"

Elle ramassa son cahier et le balança devant mon visage.


  La précieuse collection vidéo secrète de Asahina Mikuru-chan dévoilée ! Vous le regretterez si vous la manquez ! 


  La Brigade SOS est fière de vous présenter : Le film le plus renversant de l'année! venez voir de quoi il s'agit !


Là-dessus, ces mots provocateurs étaient écrits aux côtés d'autres trucs à propos de l'année qui allait finir bientôt. Je ne comprends pas bien, mais est-ce que ça ne pourrait pas induire le public en erreur en laissant croire que seule Asahina-san apparaîtra dans le film ? Si quelqu'un peut vraiment se faire une idée du genre de film que c'est simplement en lisant la promo ci-dessus, je le considèrerai avec un respect inédit. Franchement, même en tant que caméraman, je ne sais pas quelle sorte de film on fait, et je n'ai jamais vraiment eu l'occasion d'exprimer mes opinions sur le sujet. Elle n'en est probablement pas sûre elle-même. Pourtant, elle sait bien sûr comment écrire tous ces mots pour un prospectus.

"Je vais faire des copies du prospectus et les distribuer à l'entrée du lycée pendant le festival. Hmm, la réaction sera importante ! Je ne crois pas qu'Okabe dirait quoi que ce soit si je portais un costume de bunny-girl pendant le festival scolaire, pas vrai ?"

Non, je crois encore qu'il aurait quelque chose à en dire. c'est un lycée préfectoral avec des règles décemment strictes, après tout. Alors ce serait mieux que tu arrêtes de donner des maux de ventre au professeur principal !

"En plus, Asahina-san doit préparer le stand de nourriture de sa classe. Sans parler de Koizumi et de Nagato qui ont aussi des activités avec leurs classes. On sera les seuls à être libres ce jour-là."

Haruhi m'a regardé avec des yeux suspicieux.

"Alors tu es en train de me dire que tu veux t'habiller en bunny-girl ?"

Comment est-ce possible ? Juste toi, ça devrait suffire. Et moi, je resterai derrière pour porter la pancarte de pub pour toi.

"Au fait, tu sais qu'il ne reste que quelques jours avant le festival scolaire, ce samedi et dimanche, pas vrai ?"

"Bien sûr que je le sais."

"Ah vraiment ? À voir comme tu es détendue, j'aurais pensé que tu avais confondu les dates."

"Comme je suis détendue? Tu ne vois pas que j'essaie de penser à des mots plus provocateurs ?"

"Avant de faire de la pub, tu ne devrais pas te concentrer sur des sujets plus importants ? Quand est-ce que le film sera fini ?"

"Bientôt. Tout ce qu'il reste à faire, ce sont quelques prises de vue en plus, puis on montera les scènes ensemble, et ensuite on aura juste à ajouter la musique de fond et les effets visuels pendant la post-production et ce sera fini."

Ça c'est surprenant. Personnellement j'avais l'impression que le nombre de prises de vues dont on avait besoin était bien plus grand que les scènes qu'on avait déjà filmées. De toutes façons, quel film essaie de faire ce réalisateur ? Sans compter qu'on devra sûrement passer encore plus de temps sur le travail de post-production, j'espère simplement que je me trompe.


Pendant la pause, entre les troisième et quatrième périodes.

"Kyon-kun !"

Sa voix était si forte qu'elle aurait pu envoyer en l'air tout le monde dans la classe. Par réflexe, je me retournai pour voir d'où venait la voix, et je vis Tsuruya-san qui passait sa tête par la porte de la classe. Je peux à peine distinguer les doux cheveux d'Asahina-san à côté d'elle.

"Viens ici."

Je me précipitai dehors comme si j'avais été tracté par le sourire de Tsuruya-san. Haruhi gardait l'habitude d'être hors de vue de la classe pendant la pause, donc elle n'était pas là à ce moment. Sûrement en train de rôder quelque part dans l'école. C'était une belle occasion.

Je sortis dans le couloir et Tsuruya-san commença par tirer ma manche en disant :

"Mikuru a quelque chose à te dire !"

Asahina-san tremblait en me tendant un petit morceau de papier,

"C'est... euh, c'est un coupon de promotion."

"C'est le coupon pour le stand de yakisoba de notre classe !" expliqua ensuite Tsuruya-san.

Je le reçus de bonne grâce. C'est sûrement un coupon de réduction ou quelque chose comme ça. Selon les mots imprimés sur le coupon fendu, je peux avoir trente pour cent de réduction en commandant des nouilles avec ça.

"S'il te plaît, viens avec tes amis."

Asahina-san inclina profondément sa tête tandis que Tsuruya-san ouvrait la bouche aussi grand qu'un personnage de bande dessinée et souriait.

"C'est tout pour le moment ! A plus !"

Tsuruya-san dit ça et s'apprêta à partir, Asahina-san la suivit aussi, puis décida de revenir vers moi. Tsuruya-san gloussa en voyant ceci et s'arrêta pour nous attendre.

Asahina-san serra ses doigts ensemble et me dit :

"... Kyon-kun,"

"Oui ?"

"A propos de ce qu'a dit Koizumi-kun l'autre jour, je crois qu'il serait mieux que tu ne le croies pas comme ça... Peut-être que tu vas penser que j'ai des désaccords avec Koizumi-kun si je dis ça... Euh, je n'aime pas ça non plus mais..."

"Tu veux dire appeler Haruhi un dieu ?"

Si tu veux parler de ça, ne t'en fais pas, je ne le crois déjà pas.

"Je, euh... j'ai une autre opinion là-dessus, ce qui veut dire, euh... C'est différent de l'explication de Koizumi-kun."

Asahina-san soupira et me regarda les yeux grands ouverts.

"Suzumiya-san possède vraiment le pouvoir de changer le 'présent', mais je ne crois pas qu'elle ait la capacité de reconstruire le monde. Ce monde a été ainsi depuis le début, il n'est pas créé par Suzumiya-san."

Si c'est le cas... Est-ce que ça ne veut pas dire que ses opinions sont en contradiction avec celles de Koizumi ?

"Je crois que Nagato-san pense différemment aussi." dit Asahina-san en tortillant le bout de son uniforme avec ses doigts.

"Euh... Si je dis ça, les gens ne se sentiront pas à l'aise à propos de ça, mais..."

Tsuruya-san souriait en nous regardant tandis qu'elle restait à distance, arborant le visage d'une mère hirondelle regardant en arrière pour voir sa progéniture quitter finalement le nid. Je me demande si elle se fait des idées à propos de ça.

Asahina-san avait l'air très rigide quand elle dit :

"Les opinions de Koizumi-san sont différentes des nôtres. Si je te demandais aussi... Euh... Ne crois pas Koizumi-kun si facilement, c'est comme si je le critiquais, mais..."

Elle agita frénétiquement les mains.

"Je suis désolée, je ne peux pas expliquer ça correctement. Je ne suis pas bonne pour dire ça... Je veux dire..."

Elle continua de successivement baisser la tête puis me regarder.

"Les gens de Koizumi-kun ont leurs propres positions et théories, et nous aussi. Je crois que ceux de Nagato-san aussi, donc..."

Asahina-san me regarda comme si elle rassemblait finalement tout son courage pour décider quelque chose. Elle est toujours aussi mignonne même quand elle semble si sérieuse. Je tremblais de joie de pouvoir observer son joli visage d'aussi près. Je lui répondis avec confiance :

"Je sais, comment Haruhi pourrait-elle être un dieu ?"

À la place d'entrer dans cette religion de débiles, je préfèrerais voir Asahina-san développer sa propre religion et l'adorer comme sa fondatrice. Elle attirerait probablement plus de croyants de cette manière. Je ferais sûrement faire un sceau d'approbation juste pour garantir ça.

"Pour moi, l'explication d'Asahina-san est bien plus facile à comprendre que celle de Koizumi."

Asahina a montré un sourire gai, je crois que c'est ce dont auraient l'air les bonbons s'ils pouvaient sourire.

"Euh, merci. Mais Koizumi-kun ne fait pas partie de moi-même, comprends-ça s'il te plaît."

Elle dit ces mots très ambigus, puis me regarda, et se retourna ensuite rapidement comme pour essayer de s'enfuir. Je n'essayai même pas de t'étreindre. Asahina-san me fit gentiment signe, puis elle suivit Tsuruya-san comme un caneton noir suit sa mère, et elle partit.



On devrait vraiment accélérer nos progrès. Je tournais la tête vers la salle du club tout en me demandant pourquoi je pensais à ça si sérieusement. Je voulais me servir de l'ordinateur depuis un moment, mais je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un soit déjà assis à l'intérieur, portant son chapeau pointu et sa cape tout en lisant son livre.

Avant que j'ai pu dire quoi que ce soit :

"Je crois que c'est ce que pense Asahina Mikuru" dit Nagato comme si elle pouvait lire dans mon esprit.

"Suzumiya-san n'est pas le créateur et n'est pas responsable de la création de ce monde. Le monde existe dans cet état depuis longtemps. L'existence surnaturelle des êtres psioniques, des anomalies temporelles et des formes de vie extraterrestres n'a pas été créée au moyen des voeux de Suzumiya Haruhi, et existait longtemps avant. La tâche de Suzumiya Haruhi est de découvrir inconsciemment l'existence de ces êtres. Elle a commencé à utiliser ses capacités il y a trois ans, mais ses découvertes ne l'ont pas amenée à en être consciente. Elle est capable de rechercher le paranormal, mais cela contredit ses propres vues sur le monde paranormal. C'est parce qu'une faction l'empêche toujours de devenir consciente."

Elle parlait calmement sans même sourire. Nagato me regarda de ses yeux perçants en disant cela, puis dit la suite avant de fermer la bouche.

"Et ce serait nous."

"Asahina-san a des explications différentes de celles de Koizumi. Est-ce que ça deviendrait gênant si Haruhi était témoin de quelque chose d'extraordinaire ?"

"Oui."

Nagato tourna son regard vers son livre ouvert, comme si notre conversation n'était pas vraiment importante.

"Elle est venue dans ce plan temporel dans le but de protéger le futur dont elle vient."

J'ai le sentiment qu'elle décrit négligemment quelque chose qui a l'air très important.

"Pour le plan temporel d'Asahina Mikuru, Suzumiya Haruhi est une variable. Pour stabiliser son futur, il est nécessaire d'entrer la valeur correcte. La mission d'Asahina Mikuru est d'ajuster cette variable à une valeur acceptable."

Nagato tournait tranquillement les pages sans faire de bruit. Ses yeux noirs et sans émotions ne clignèrent même pas quand elle poursuivit :

"Koizumi Itsuki et Asahina Mikuru ont des approches différentes dans leurs missions en ce qui concerne Suzumiya Haruhi. Ils ne vont jamais reconnaître l'interprétation de l'autre, parce que la théorie de l'autre camp menacerait l'existence même de l'un."

Attends... Est-ce que Koizumi n'a pas dit qu'il n'avait eu ses pouvoirs qu'il y a trois ans ?

Nagato répondit rapidement à ma question

"Personne ne garantit que Koizumi Itsuki dit la vérité."

L'image de son beau visage souriant apparut dans ma tête, c'est vrai, personne ne peut garantir qu'il est digne de confiance. C'est juste que Koizumi a été capable de fournir une explication décente pour toutes les choses que j'ai rencontrées jusqu'ici. Qui peut garantir que c'est la bonne explication ? Même Asahina-san m'a dit de ne pas le croire, mais c'est la même chose pour Asahina, qui pourrait garantir que l'explication d'Asahina-san est correcte ?

Je regardais Nagato et pensais, peut-être que ce que disait Koizumi n'était pas vrai, et peut-être qu'Asahina-san n'avait jamais réalisé que son opinion puisse être fausse, et donc peut-être que seule cette extraterrestre calme ne mentirait pas.

"Alors qu'en penses-tu ? Quelle est la bonne explication ? Tu a mentionné quelque chose à propos de la possibilité d'auto-évolution, quelle sorte de résultat ça aurait ?"

La bouquineuse toute enveloppée de noir est restée sans émotion et a dit :

"Peu importe avec quelle précision je transmets ça, il n'y a pas de moyen pour toi de trouver une preuve solide de ça."

"Et pourquoi ?"

À ce moment, je vis quelque chose que j'avais rarement vu. J'étais abasourdi de voir Nagato avec l'air confus quand elle dit :

"Parce que personne ne peut garantir que ce que je dis est vrai."

Nagato posa alors son livre et quitta la salle du club, en lâchant cette phrase :

"Au moins pour toi."

Le carillon commença à sonner, signalant que les cours allaient bientôt commencer.


Je ne comprends pas.

Comment une personne normale pourrait comprendre ?

Que ce soit Koizumi ou Nagato, ils devraient essayer d'expliquer les choses dans un langage que les gens peuvent comprendre ! Je les soupçonne même d'avoir intentionnellement fait en sorte que j'aie du mal à comprendre. Vous deux, vous devriez prendre plus de temps pour organiser vos pensées, sinon personne n'écoutera ce que vous dites, comme si les mots entraient par une oreille et sortaient par l'autre.

Comme je marchais les bras croisés, un paquet de gens en costumes médiévaux indéfinis me croisèrent et tournèrent au coin du couloir. Si Nagato s'était mêlée à ces gens avec sa cape noire, personne n'aurait rien soupçonné. Peut-être qu'une classe a décidé de commencer à tourner son propre film de science-fiction, ne voulant pas laisser Haruhi prendre toute la gloire. Ce ne serait pas si mal, au moins ils ne seront pas aussi frustrés que moi et ils feraient joyeusement leur film, dirigés par un réalisateur qui a plus de bon sens et donne des ordres sensés.

Je soupirai profondément et me dirigeai vers la classe 1-5.


Haruhi était la seule à penser que la production du film se déroulait selon le plan, tandis que les lignes verticales augmentaient et obscurcissaient mon visage, comme ceux de Koizumi et d'Asahina-san.

Tandis que le tournage progressait, beaucoup de choses se produisaient au passage. Une fois, c'était le pistolet jouet qui envoyait des balles d'eau au lieu de balles BB ; Asahina doit trembler à chaque fois que Haruhi ramène une lentille de contact d'une couleur différente (les dorées peuvent tirer des balles de fusil, tandis que les vertes peuvent émettre des micro trous noirs), et elle finit par se faire mordre par Nagato ; les fleurs de cerisiers se flétrissent le jour suivant celui où elles ont éclos ; et il semble que les pigeons blancs du temple se sont maintenant changés en des pigeons migrateurs censés avoir disparu (comme Koizumi me l'a secrètement dit) ; même la précession de la Terre a un peu bougé (selon Nagato).

Le monde normal commençait doucement à dérailler.

Comme je traînais mon corps épuisé chez moi, l'animal à moustaches ouvrit une nouvelle fois la bouche.

"Alors c'est bon tant que je garde la bouche fermée devant cette fille énergique ?"

Le chat s'est assis sur mon lit dans la posture du Sphinx.

"C'est sûr que tu es plutôt obéissant." Je saisis gentiment la longue queue de Shamisen, qui se glissa finalement hors de mes doigts.

"Puisque c'est ce que tu veux, quoique même moi j'ai l'impression que ce ne serait pas une bonne chose si cette fille m'entendait parler."

"Eh bien, c'est vrai, selon Koizumi."

Comme ce chat sait parler, nous avions besoin de trouver une raison plausible pour expliquer pourquoi il pouvait parler. Une solution simple consisterait à créer un monde où personne ne trouverait étrange de voir des chats parler. Mais quelle sorte de monde ce serait ? Et quel genre de chats il y aurait ?

Shamisen bâilla interminablement et lissa sa queue en disant :

"Il y a beaucoup de sortes de chats, les humains ne sont-ils pas pareils ?"

J'aimerais vraiment savoir ce que tu veux dire par "beaucoup de sortes".

"Que pourrais-tu faire même si tu savais ? Je ne crois pas que tu puisses prendre la place des chats, et je ne crois pas non plus que tu comprennes comment pensent les chats."

C'est vraiment frustrant, tout l'est.

Comme j'étais sur le point d'aller prendre un bain, ma soeur entra en disant que j'avais un visiteur.

Je descendis en me demandant qui c'était. Je ne pensais pas du tout que ce serait Koizumi. Je décidai de sortir de la maison pour lui parler sous le ciel nocturne. Je ne voulais pas l'inviter à entrer, sinon j'aurais à l'écouter interminablement avec ses longs discours. D'ailleurs, je ne veux pas entendre Shamisen et lui me faire simultanément une conférence avec des philosophies abstraites qui soient dures à comprendre.

Comme je le pensais, Koizumi me submergea de ses discours, et à la fin, il dit même ceci :

"Pour Suzumiya-san, les détails mineurs et les intrigues secondaires ne sont pas importantes. Je trouve ça réellement intéressant, et c'était suffisant comme ça. L'histoire n'a aucune finalité ni la plus petite intrigue, ni aucun indice sur une suite, parce qu'elle a monté cette intrigue en un temps très court, après tout. Elle n'a pas envisagé de fin, qui sait, le film s'arrêtera peut-être sans en avoir une."

C'est quoi le problème ? Alors tu dis que si le film s'arrêtait d'une manière aussi indéterminée, la réalité serait déformée en permanence et deviendrait la nouvelle réalité ? Haruhi doit avoir une fin à l'esprit, et cela doit être une fin conforme à la réalité. C'est un problème que nous devons prendre en compte, parce que Haruhi ne pensera pas à un truc pareil, et même si elle le fait, ça finira obligatoirement en désastre. Alors c'est quand même mieux pour nous d'y réfléchir nous-mêmes. Mais pourquoi devons-nous penser à des trucs pareils ? Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui peut se charger de ce satané fardeau ?

"S'il existe vraiment, oui."

Koizumi haussa les épaules.

"Je crois qu'il serait apparu longtemps avant nous s'il existait. Donc nous devons trouver une solution dès que possible, surtout toi. J'attends de te voir travailler plus dur."

Travailler plus dur sur quoi ? Sois précis s'il te plaît.

"Parce qu'une fois que le monde fictif deviendra réalité, nos théories n'aboutiront à rien. Peut-être qu'Asahina-san sera affectée aussi, parce que sa faction semble avoir son propre lot de théories. Comme pour Nagato-san, je ne sais pas grand chose sur elle, mais je suppose qu'en général les observateurs acceptent n'importe quel résultat qu'ils obtiennent. Sa faction acceptera calmement n'importe quel résultat, même si la Terre devait disparaître, tant que Suzumiya-san existe, ce sera suffisant pour eux."

Les lampadaires de la rue brillaient sur le visage sans expression de Koizumi dans le noir.

"Je peux te le dire franchement, 'l'Organisation' et la faction d'Asahina-san ne sont pas les seules personnes dont les philosophies tournent autour de Suzumiya-san. Il y en a beaucoup plus dehors, tellement que je voudrais te raconter les batailles secrètes que nous avons menées en coulisses, des alliés qui nous ont trahi, de toute la conspiration et de la tromperie, comme des destructions et des morts qui ont continué pendant que nous parlions. Chaque faction a jeté toutes ses ressources dans la bataille contre les autres dans le but de survivre."

Koizumi continua, arborant un sourire épuisé et cynique :

"Même moi, je ne trouve pas notre théorie absolument correcte, mais dans la situation actuelle, il n'y aurait pas de place pour moi si je n'acceptais pas cette théorie pour l'instant. J'ai été choisi initialement pour être d'un côté, et je ne suis pas capable de changer de camp. C'est comme une pièce d'échec blanche qui ne peut pas devenir un pion du côté noir."

Pourquoi tu ne peux pas utiliser Othello ou le shogi comme exemples ?

"Tout ça n'a probablement rien à voir avec toi. C'est pareil pour Suzumiya-san, ce qui est une bonne chose, surtout pour Suzumiya-san. J'espère qu'elle n'apprendra jamais cela. Je ne veux pas laisser une cicatrice dans son coeur. Selon mes standards, Suzumiya-san possède des caractéristiques qui sont agréables. Bien sûr, tu les possèdes aussi."

"Pourquoi tu me dis ça ?"

"Ça m'a juste échappé, sans raison particulière. Peut-être que je plaisantais, ou peut-être que j'étais habité par une pensée étrange, ou peut-être que j'essaie juste de gagner ta sympathie. Peu importe, ce n'est pas important."

En tout cas, ce n'était pas drôle du tout.


"Je devrais aussi te dire autre chose qui n'est pas vraiment important. As-tu déjà pensé à pourquoi Asahina Mikuru... désolé, pourquoi Asahina-san traîne avec nous? C'est vrai, Asahina-san a l'apparence d'une adorable jolie fille, et je peux comprendre que des gens soient amenés à lui tendre une main secourable. Tu dois sûrement avoir de la sympathie pour ce qu'elle fait, pas vrai ?"


Je décidai de sortir de la maison pour lui parler sous le ciel nocturne. Je ne voulais pas l'inviter à entrer, sinon j'aurais à l'écouter interminablement avec ses longs discours.


"Et c'est quoi le problème avec ça ?"

Protéger le faible du fort est ce que chaque personne aspire à faire.

"Sa mission est de se rapprocher de toi, et c'est pourquoi Asahina-san a cette apparence et cette personnalité, ce qui se trouve être ton type de fille préféré – le type faible et mignon. Comme tu es la seule personne que Suzumiya-san écoute, dans une certaine mesure, il est impératif qu'elle ait ton attention."

Je devins aussi silencieux qu'un poisson d'eau profonde, et me rappelai ce que m'avait dit Asahina-san six mois auparavant. Pas la Asahina-san actuelle, mais la Asahina-san d'un futur plus lointain, la Asahina-san adulte. Après m'avoir appelé à la rencontrer avec une note, Asahina-san m'avait dit : "S'il te plaît, ne te rapproche pas trop de moi." M'avait-elle dit ça en considérant sa propre position ? Ou c'est vraiment sa pensée sincère ?

Voyant que je restais sans voix, Koizumi continua avec une voix profonde qui semblait aussi ancienne que le Jomon-sugi.

"Si Asahina-san joue simplement le rôle d'une mignonne fille innocente, mais est en fait quelque chose d'autre, que vas-tu faire ? Elle pense probablement qu'il est plus facile d'obtenir ta sympathie de cette façon. La manière dont elle a l'air innocente et désemparée quand elle doit faire face aux demandes déraisonnables de Suzumiya-san, tout faisait partie de son plan. Elle a fait tout ça pour pouvoir attirer ton attention."

Je crois que ce type est complètement dingue. En m'inspirant de Nagato, j'ai répondu sans communiquer une once d'émotion.

"Je suis lassé et fatigué d'écouter tes blagues stupides."

Koizumi sourit lentement et écarta les bras d'une manière exagérée.

"Oh, je suis désolé. On dirait que j'ai encore un long chemin à parcourir pour faire des blagues. J'ai fait tout ces machins déraisonnables juste pour te faire marcher. Juste pour essayer de dire quelque chose qui laisserait une impression dans ton esprit. As-tu vraiment pris ça au sérieux ? Eh bien, tu m'as vraiment donné plus de confiance dans ma manière de jouer. Maintenant je peux jouer dans la pièce en me sentant relaxé."

Il rit d'une manière assourdissante et continua :

"Notre classe va jouer une pièce shakespearienne, 'Hamlet' pour être précis. Je jouerai Guildenstern."

Jamais entendu parler de lui, je suppose que c'est un personnage secondaire de toutes façons.

"Il était censé en être un, mais à la moitié des répétitions nous avons décidé d'utiliser plutôt la version de Tom Stoppard, donc j'apparaîtrai dans plus de scènes maintenant."

Bon, continue ton bon travail. Pourtant je n'avais pas idée qu'il y ait d'autres versions de Hamlet en plus de celle de Shakespeare.

"À cause du film de Suzumiya-san et de la pièce de ma classe, mon emploi du temps est très serré, donc je ressens déjà la pression. Si j'ai l'air fatigué, c'est probablement pour cette raison. Je ne pense pas pouvoir intervenir à nouveau si un Espace Fermé décidait d'apparaître maintenant. C'est pourquoi je suis venu te demander de l'aide. Je dois te demander de penser à un moyen d'empêcher le film de Suzumiya-san de devenir la source d'évènements paranormaux supplémentaires."

Tu veux dire une fin raisonnable ? Tu n'as pas dit qu'on pourrait juste déclarer que ce n'était qu'un rêve ?

"Faire juste penser à Haruhi que tout ce qui est dans son film n'est qu'imaginé de toutes pièces... non ?"

"Evidemment elle doit être consciente de ça. C'est une fille intelligente, donc elle sait qu'un film est fictif, après tout. Je sens que ce serait mieux si les choses pouvaient aller dans cette direction. Je dois te faire comprendre que les choses ne peuvent pas continuer comme ça, et ça doit être arrangé avant que le film ne soit fini."

Je compte sur toi. Koizumi s'inclina devant moi, puis disparut dans l'obscurité. Mais bon sang, c'est quoi ? Il est juste venu pour pouvoir se décharger de toute la responsabilité sur moi ? Puisqu'il est si occupé, je dois m'occuper du reste, c'est ça qu'il veut dire ? Si c'est le cas, il a trouvé la mauvaise personne. Ce n'est pas un jeu de carte, et je ne veux pas esquiver ma responsabilité non plus. Suzumiya Haruhi n'est pas la cinquante-troisième carte. Elle n'est ni le Roi, ni l'As, et elle n'est même pas le Joker non plus.

"Mais..."

Je marmonnai pour moi-même.

On dirait que je ne peux plus laisser ça comme ça. Sans considérer Nagato, Asahina-san et Koizumi semblent atteindre leurs limites. Le monde aussi, probablement. c'est juste que je ne l'avais pas remarqué.

"Merde..."

C'est si ennuyeux ! merde ! Je me sens si frustré !

J'ai beaucoup réfléchi : comment annuler l'imagination sauvage de Haruhi ? Le monde du film et notre réalité sont deux objets distincts, ils n'interfèrent pas entre eux – que devrais-je faire pour qu'elle comprenne entièrement ceci ? Qu'est-ce que je peux faire pour lui faire accepter une nouvelle fois ce qui était certain auparavant ? Un rêve ? Quoi d'autre à part ça ?

Il ne restait plus beaucoup de temps avant le début du festival scolaire.


Le lendemain, je fis une suggestion à Haruhi. Après avoir débattu un moment, elle fit en fin de compte un signe de tête et approuva.


"C'est fait !"

Haruhi cria très fort tout en frappant son haut-parleur.

"Bon boulot les gars ! Tout le tournage est terminé maintenant ! J'aimerais remercier chacun pour son dur travail, surtout moi ! Hmm, quelquefois je m'étonne moi-même, excellent travail !"

En entendant son annonce, Asahina-san la serveuse s'effondra finalement sur les genoux, et parut prête à pleurer de joie. En fait, elle était vraiment en train de pleurer, mais Haruhi interpréta ça comme si Asahina-san avait été émue par son discours.

"Mikuru-chan, il est encore trop tôt pour pleurer, garde tes larmes pour quand on recevra la Palme d'Or ou l'Oscar du meilleur film ! On va récolter le succès ensemble maintenant !"

Il ne restait qu'un seul jour avant le festival scolaire. Nous étions réunis sur le toit du complexe scolaire, car le planning du tournage était si serré qu'on n'avait même pas le temps de manger.

La bataille finale entre Mikuru et Yuki fut terminée par Koizumi Itsuki, qui, après être soudain devenu conscient de ses pouvoirs, utilisa son incroyable pouvoir pour projeter Yuki de l'autre côté de l'univers.

"C'est parfait ! Un film superbe ! Juste comme je le prévoyais ! On va attirer des tas de studios qui voudront regarder ce film si on l'amène à Hollywood ! Mais d'abord on doit signer un contrat avec un bon agent !"

La vision de la mondialisation par Haruhi était à couper le souffle. Je ne sais pas qui regarderait ce film, le seul point vendeur serait sa protagoniste féminine, le reste de la distribution et de l'équipe ne valaient même pas la peine d'être mentionnés. Si possible, j'aimerais être l'agent d'Asahina-san. Je suis sûr que je pourrais en obtenir une petite quantité de commissions. Je pourrais aussi bien essayer de préparer Haruhi à être la prochaine idole. Peut-être que je devrais commencer par envoyer leurs photos et leurs CV.

"Est-ce finalement terminé ?"

Koizumi me sourit joyeusement et dit ceci.

Maintenant ça me faisait vraiment chier, pourtant ce sourire gratuit lui allait simplement bien. Je le préfère ainsi plutôt que quand il a l'air mélancolique, ce qui me met vraiment mal à l'aise.

"Quand tu regardes en arrière, maintenant que le tournage est fini, on dirait que tout s'est passé en un instant. Il y a des gens qui disent que le temps passe plus vite quand quelqu'un est heureux, je me demande qui est celui qui est heureux."

Qui sait ?

"Puis-je compter sur toi pour prendre soin du reste ? Actuellement je suis en train de penser aux répétitions de la pièce pour ma classe. À la différence d'un film, tu ne peux pas faire de deuxième prise dans une pièce."

Koizumi affichait son sourire habituel, et tapota l'arrière de mon épaule en murmurant :

"Il y a une autre chose dont j'ai besoin de te remercier, au nom du groupe, comme au mien."

Il quitta alors le toit. Suivant Koizumi, Nagato partit également rapidement sans montrer aucune émotion.

Asahina-san avait les épaules entourées par le bras de Haruhi, tandis qu'elles regardaient vers la mer au loin.

"Notre cible est Hollywood et Broadway !", fut-elle forcée de crier fort. C'est une bonne chose d'avoir une grande ambition, mais si tu avances dans la direction à laquelle tu fais face actuellement, tu finiras en Australie à la place.

"Haa."

Je soupirai et m'assis, en posant la caméra à côté de moi. Pour Koizumi, Nagato et Asahina-san, les choses doivent être finies, mais pour moi, les problèmes ont seulement commencé. Il y avait encore des choses à faire.

Quelqu'un doit trouver un moyen de convertir ce métrage massif, qui est basiquement une pile de données pourries et inutiles, en un "film". Et qui est chargé de ça ? Je n'avais même pas à deviner.

Le vendredi soir, seuls Haruhi et moi restaient dans la salle du club, tandis que les trois autres allaient travailler pour les activités de leurs classes respectives.

Même si c'était bien que le tournage soit terminé, il avait traîné trop longtemps, et il restait peu de temps pour les autres choses. Après avoir chargé les séquences sur l'ordinateur et les avoir regardées à plusieurs reprises, j'en suis arrivé à une conclusion - que c'était basiquement une vidéo de promo pas chère pour Asahina Mikuru.

Pour être franc, jusqu'à la toute fin je n'avais aucune idée du genre de film que Haruhi avait fait. La serveuse, la fille de la mort et le jeune homme souriant largement tout le temps comme un idiot, qu'est-ce qui n'allait pas dans leur tête ? Et il n'y avait tout simplement pas assez de temps pour travailler sur la post-production, comme les effets visuels, sans parler qu'on n'a pas les compétences pour le faire. On dirait qu'on devra juste diffuser ce film brut sans le faire passer par l'édition.

Haruhi commença à faire la moue.

"Comment pourrais-tu montrer quelque chose qui n'est même pas fini ? Tu n'as pas une solution ?"

C'est à moi que tu parles ?

"Ça ne m'aidera pas de me bousculer, le festival scolaire est demain, et je fais déjà de mon mieux. C'est déjà un vrai casse-tête pour moi de raccorder ensemble toutes les scènes que tu as imaginées en un instant. Je crois que je ne regarderai plus de films maintenant."

Mais Haruhi était douée pour écraser les opinions des autres gens instantanément.

"Est-ce que tu ne serais pas capable de faire ça si tu restais debout toute la nuit ?"

Qui va rester debout ? Je ne l'ai pas demandé, parce que là, il n'y avait que moi, et que Haruhi regardait droit vers moi avec ses yeux noirs comme du bois de santal.

"On pourrait simplement rester ici cette nuit," Haruhi dit alors quelque chose qui me surprit beaucoup :

"Je t'aiderai."


À en juger par le résultat, Haruhi n'aida jamais beaucoup. Elle resta à marmonner derrière moi pendant longtemps, mais au bout d'une heure elle dormait déjà, appuyée sur la table. Vraiment, j'envisageai de la filmer dans son sommeil. J'aurais pu placer cette image d'elle, endormie, dans le générique de fin du film.

Je devrais quand même vous dire qu'il semble que je me sois aussi endormi après un moment. Parce qu'au moment où j'ouvris les yeux, le soleil était déjà levé, et le clavier était imprimé sur la moitié de mon visage.

Rester debout toute la nuit n'avait donc absolument aucun sens, le film était toujours incomplet. J'ai essayé tous les moyens de l'éditer, et là, essayé d'en faire un film de vingt minutes, mais ça avait toujours l'air d'un morceau de déchet pathétique. Je suppose que c'est à ça que ressemble un film quand il est fait par un amateur impulsif. Il aurait pu être bon s'il n'avait montré qu'Asahina-san faisant les pubs de la rue commerçante dans son costume de bunny-girl, mais comme tout le bazar était coupé et collé ensemble sans soin, composant une histoire à peu près inexistante, le film était juste insupportable. A la fin, le film n'était pas édité, et les effets visuels n'avaient même pas été ajoutés, c'était juste un hilarant film-poubelle. Je crois que même Taniguchi ne voudrait pas regarder ça.

J'eus envie de jeter l'ordinateur par la fenêtre, mais le soleil qui brillait me fit loucher. Comme j'avais passé toute la nuit à dormir dans une pose pas naturelle, je sentais maintenant des douleurs dans tout mon corps.

Il était six heures trente quand je fus réveillé par Haruhi, qui s'était levée avant moi. Maintenant que j'y pense, c'était la première fois que je passais la nuit au lycée.

"Hé, alors comment ça va ?"

Haruhi regardait l'écran par dessus mon épaule, alors je bougeai la souris et cliquai sur l'écran.

"... Wow !", s'exclama Haruhi, ravie, tandis que j'ouvrais grand la mâchoire sous le choc. Le titre de notre film s'affichait sur un impressionnant fond en CG. "L'aventure d'Asahina Mikuru-chan Episode 00" a alors commencé. Même si l'histoire était très inconsistante, que les dialogues pouvaient à peine être entendus, qu'on pouvait voir la caméra secouée, et que même le réalisateur hurlant était montré dans les séquences, ça semblait avoir atteint un certain niveau pour un film fait par des lycéens. Il n'y avait pas que les lasers tirés par les yeux d'Asahina-san, même la baguette de Nagato émettait des faisceaux avec des couleurs étranges.

"Hé hé."

Même Haruhi était impressionnée.

"Pas mal du tout ! Ce n'est pas parfait, mais ça montre que tu peux toujours trouver une solution à condition que tu y mettes du coeur."

Ce n'était pas moi. C'était sûrement quelqu'un d'autre qui avait fait ça pendant que je dormais, il n'y avait pas moyen que j'aie pu faire ça. La plus suspecte était Nagato, suivie par Koizumi. Asahina-san était hors du coup. Ou ça pouvait être une mystérieuse personne qui n'était pas encore apparue ? Ca devait être ça.

Pendant un moment, nous avons regardé tranquillement le film que quelqu'un avait réussi à éditer lui-même. Si ce n'était pas ce petit écran... Je suis sûr que notre impression serait encore plus grande si on le voyait sur un écran plus large.

Le film sur l'écran montrait maintenant sa scène finale, Koizumi et Asahina-san marchaient main dans la main sur le chemin, avec les pétales de fleurs de cerisier qui voletaient autour. La caméra fit alors une vue panoramique et se tourna vers le ciel bleu, sur quoi le thème de fin commença, alors que le générique commençait à défiler.

Enfin, il y avait la dénégation de responsabilité de Haruhi.

C'était une dénégation que j'avais convaincu Haruhi de faire à tout prix. Je lui avais dit qu'elle devait inclure cet élément crucial à la fin du film, et que ça devait être fait par le réalisateur lui-même.

C'était une dénégation magique qui éliminerait tous les problèmes créés :

"Les évènements décrits dans ce film sont fictifs. Il n'y a aucun rapport avec aucune personne, organisation, ni aucune condition ou phénomène connu. C'est entièrement fantaisiste. Toute ressemblance avec ces choses-là serait une pure coïncidence. Oh, c'est différent pour les publicités. S'il vous-plaît, soutenez Oomori Electronics et le magasin de maquettes Yamatsuchi ! Hein ? Tu veux que je répète ça ? Les évènements décrits dans ce film sont fictifs. Il n'y a aucun rapport avec aucune personne, organisa... Kyon, pourquoi je dois dire ça ? C'est pas évident ?"


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